Lemployeur ne peut pas recourir Ă lâembauche dâun salariĂ© sous CDD ou en intĂ©rim pour remplacer directement ou indirectement un salariĂ© en arrĂȘt de travail pour cause de grĂšve (c. trav. art. L. 1242-6 et L. 1251-10). Cette interdiction ne sâoppose pas au recours Ă des contrats prĂ©caires conclus pendant la grĂšve pour un autre motif que le remplacement des grĂ©vistes.
Lapériode d'ovulation est la meilleure période pour tomber enceinte, raison pour laquelle nous vous recommandons l'article comment calculer mes périodes d'ovulation et jours
LesdĂ©lais de traitement des dossiers de changement de nom par les services du garde des Sceaux restent anormalement long : entre 3 Ă 4 annĂ©es pour obtenir une rĂ©ponse (Sur lâatteinte au droit Ă un procĂšs Ă©quitable â article 6 alinĂ©a 1 de la Convention ESDHLF â Cour EDH, 17 juin 2013, Mustafa c. France, Req. n° 63056/00 : Condamnation de la France car la
texteargumentatif pour convaincre ses parents; amiens flea market 2022; geoffroy lejeune vie privĂ©e; grossesse stress au travail arrĂȘt. les portulans, cartes marines du xiiie au xviie siĂšcle PubliĂ© le 5 juin 2022. KantĂ© Origine Africaine, La Venus D'urbin De Titien Galerie Des Offices, La Belle Et La BĂȘte Film Complet Français Disney 1991, Combien CoĂ»te Une FusĂ©e
Lembauche d'employés à des conditions limitées présente des avantages distincts. 1. Effacer les limites. Comme leur nom l'indique, les contrats à durée déterminée et limitée s'accompagnent d'une attente claire d'un point final. Ce point final est définitif et compris dÚs le début de la relation.
Dá»ch VỄ Há» Trợ Vay Tiá»n Nhanh 1s. Sommaire Ne pas trop attendreProgrammer les rapports au moment de l'ovulationEliminer les facteurs nuisibles Ă la fertilitĂ©Avoir une alimentation Ă©quilibrĂ©eFaire l'amour dans la bonne positionAvoir un orgasmeNe pas trop attendreLa sociĂ©tĂ© actuelle tend Ă faire reculer dâannĂ©e en annĂ©e lâĂąge de la premiĂšre grossesse. Au niveau biologique cependant il est une donnĂ©e qui ne varie pas la fertilitĂ© dĂ©cline avec lâĂąge. Maximale entre 25 et 29 ans, elle diminue de maniĂšre lente et progressive entre 35 et 38 ans, et plus rapidement aprĂšs cette Ă©chĂ©ance. Ainsi Ă 30 ans, une femme souhaitant avoir un enfant a 75 % de chance de rĂ©ussir au bout dâun an, 66 % Ă 35 ans et 44 % Ă 40 ans1. La fertilitĂ© masculine diminue elle aussi avec lâ les rapports au moment de l'ovulationToute grossesse dĂ©bute par la rencontre entre un ovocyte et un spermatozoĂŻde. Or, cet ovocyte nâest fĂ©condable que dans les 24 heures suivant lâovulation. Pour maximiser les chances de grossesse il est donc important de dĂ©tecter cette pĂ©riode de fertilitĂ© ».Sur des cycles rĂ©guliers, lâovulation se situe au 14Ăšme jour du cycle, mais il existe de grandes variations dâune femme Ă lâautre et dâun cycle Ă lâautre. Dans un objectif de conception, il est donc conseillĂ© de dĂ©tecter sa date dâovulation avec lâune de ses techniques courbe de tempĂ©rature, observation de la glaire cervicale, tests dâ spĂ©cialistes recommandent dâavoir des rapports au moins tous les deux jours autour de cette pĂ©riode y compris avant, car les spermatozoĂŻdes peuvent rester fĂ©condants dans les voies gĂ©nitales fĂ©minines durant 3 Ă 5 jours. Ils auront ainsi le temps de remonter jusquâaux trompes pour y rencontrer, Ă©ventuellement, lâovocyte libĂ©rĂ© lors de lâovulation. Attention toutefois ce bon timing ne garantit pas la survenue dâune grossesse. Sur chaque cycle, la probabilitĂ© de grossesse en ayant eu des rapports sexuels au moment clef nâest que de 15 Ă 20 % 2.Eliminer les facteurs nuisibles Ă la fertilitĂ©Dans notre mode de vie et environnement, de nombreux facteurs jouent sur la fertilitĂ©. AccumulĂ©s dans un effet cocktail », ils peuvent rĂ©ellement diminuer les chances de grossesse. Dans la mesure du possible, il est donc important dâĂ©liminer ces diffĂ©rents facteurs, dâautant que la plupart sont nĂ©fastes pour le fĆtus une fois la grossesse tabac pourrait abaisser la fertilitĂ© fĂ©minine de plus de 10 Ă 40% par cycle 3. Chez lâhomme, il altĂšrerait le nombre et la mobilitĂ© des peut engendrer des cycles irrĂ©guliers et non ovulatoires et augmenter le risque de fausse-couche, tandis que chez lâhomme, il altĂ©rerait la stress joue sur la libido et dĂ©clenche la sĂ©crĂ©tion de diffĂ©rentes hormones pouvant avoir un impact sur la fertilitĂ©. Lors dâun stress important, lâhypophyse sĂ©crĂšte notamment de la prolactine, une hormone qui Ă des niveaux trop Ă©levĂ©s risque de perturber lâovulation chez la femme et chez lâhomme, entrainer des troubles de la libido, une impuissance et une oligospermie 4. Des pratiques telles que la mĂ©ditation mindfulness aident Ă lutter contre le cafĂ©ine en excĂšs pourrait augmenter le risque de fausse-couche, mais les Ă©tudes demeurent discordantes sur le sujet. Par prĂ©caution, il semble toutefois raisonnable de limiter sa consommation de cafĂ© Ă deux tasses par dâautres facteurs environnementaux et habitudes de vie sont suspectĂ©s de jouer sur la fertilitĂ© les pesticides, les mĂ©taux lourds, les ondes, le sport intensif, une alimentation Ă©quilibrĂ©eLâalimentation a Ă©galement son rĂŽle Ă jouer dans la fertilitĂ©. De mĂȘme, il est prouvĂ© quâun surpoids ou au contraire une grande maigreur peut altĂ©rer la Le Grand livre de la fertilitĂ©, le Dr Laurence LĂ©vy-Dutel, gynĂ©cologue et nutritionniste, conseille de faire attention Ă ses diffĂ©rents points pour prĂ©server sa fertilitĂ© privilĂ©gier les aliments Ă faibles index glycĂ©mique IG, car une hyper-insulinĂ©mie rĂ©pĂ©tĂ©e nuirait Ă lâovulationrĂ©duire les protĂ©ines animales au profit des protĂ©ines vĂ©gĂ©talesaugmenter lâapport en fibres alimentairesveiller Ă son apport en ferrĂ©duire les acides gras trans, potentiellement nuisibles Ă la fertilitĂ©consommer des produits laitiers entiers une Ă deux fois par jourSelon une rĂ©cente Ă©tude amĂ©ricaine 5, la prise quotidienne dâun complĂ©ment multivitaminĂ© en pĂ©riode de conception pourrait diminuer le risque de fausse-couche de 55 %. Attention cependant Ă lâautoprescription en excĂšs, certaines vitamines peuvent se rĂ©vĂ©ler nĂ©fastes. Il est donc conseillĂ© de prendre avis auprĂšs dâun l'amour dans la bonne positionAucune Ă©tude nâa pu mettre en Ă©vidence le bĂ©nĂ©fice de telle ou telle position. De façon empirique, on conseille cependant de privilĂ©gier les positions oĂč le centre de gravitĂ© joue en faveur du cheminement des spermatozoĂŻdes vers lâovocyte, comme la position du Missionnaire. De mĂȘme, certains spĂ©cialistes recommandent de ne pas se lever de suite aprĂšs le rapport sexuel, voire de se tenir le bassin surĂ©levĂ© par un un orgasmeCâest Ă©galement un sujet controversĂ© et difficile Ă vĂ©rifier scientifiquement, mais il se pourrait que lâorgasme fĂ©minin ait une fonction biologique. Selon la thĂ©orie du up suck » aspiration, les contractions utĂ©rines dĂ©clenchĂ©es par lâorgasme entraineraient un phĂ©nomĂšne dâaspiration du sperme par le col de lâ Des lecteurs ont trouvĂ© cet article utile Et vous ?Cet article vous-a-t-il Ă©tĂ© utile ?Ă lire aussi
Math64 Le 28-12-2021 Ă 0041 + 1000 messages Bonjour, Fort heureusement, en France, une femme a le droit de concevoir un enfant avec qui elle veut et quand elle veut sas que son employeur nâai de mot Ă dire sauf si câest son conjoint ! Il n'existe aucune obligation d'en informer l'employeur qui n'est absolument pas partie de cette dĂ©cision. Pour ce qui est de l'annonce, l'usage veut qu'on attende 3 mois afin de s'assurer de la viabilitĂ© de la grossesse. La pratique veut souvent que la salariĂ©e attende la fin de sa pĂ©riode d'essai, si celle-ci est longue, avant de concevoir son enfant mais rien d'obligatoire. RĂ©pondre Signaler ce contenu Visiteur Nicky02838 Le 28-12-2021 Ă 0425 J'ai oubliĂ© de prĂ©ciser que je suis du QuĂ©bec. Ils ne peuvent donc pas me mettre dehors si je comprends bien? Signaler ce contenu Visiteur Nicky02838 Le 28-12-2021 Ă 0429
Forum / BĂ©bĂ©s Votre navigateur ne peut pas afficher ce tag vidĂ©o. Tes cycles sont rĂ©guliers? 1 - J'aime Ca dĂ©pend de la durĂ©e de tes cycles et si ceux ci sont rĂ©guliers. J'aime En rĂ©ponse Ă Anonyme Merci !Oui mes cycles sont rĂ©guliers , ils durent 28 jours , merci J'aime Non je ne prend pas la pillule , aucune contraception . J'aime En thĂ©orie non puisque ce n'est pas la pĂ©riode oĂč on est fertile, mais le corps humain n'Ă©tant pas une machine, ça peut arriver d'ovuler prĂ©cocĂ©ment par exemple... Donc oui c'est possible. J'aime Pas besoin de tergiverser oui tu peux tomber enceinte J'aime En rĂ©ponse Ă Anonyme Merci !oui bien sĂ»r car notre corps n'est pas une machineil y a la thĂ©orie et il y a tout le reste double ovulation notammentme croyant protĂ©gĂ©e, j'ai couchĂ© sans protection le 2iĂšme jour de mes rĂšgles et je suis tombĂ©e enceinte J'aime Vous ne trouvez pas votre rĂ©ponse ? En rĂ©ponse Ă Anonyme Non je ne prend pas la pillule , aucune contraception .Et donc? Tu souhaites ĂȘtre enceinte ou non? J'aime En rĂ©ponse Ă titesobiboun Et donc? Tu souhaites ĂȘtre enceinte ou non?Non je ne souhaite pas ĂȘtre enceinte et je vous remercies pour vos explications . J'aime En rĂ©ponse Ă Anonyme Non je ne souhaite pas ĂȘtre enceinte et je vous remercies pour vos explications .Et donc, sans contraception aucune, il reste la capote non ? Donc pas de risques en toute logique. J'aime En rĂ©ponse Ă mellezebulon Et donc, sans contraception aucune, il reste la capote non ? Donc pas de risques en toute bien .... non . J'Ă©spĂšre ne pas ĂȘtre moquĂ©e mais je vais m'expliquer ... mon mari n'arrive pas Ă avoir d'erection avec un preservatif , pourtant il b'a jamais eu de soucis autrement . Je ne peux plus prendre d'hormone et j'ai donc fait le necessaire poir avoir un sterilet cuivre .... Sauf que manque de bol autre problĂšme et la pose ne s'effctuera pas avant encore 2 mois . Rajoutez Ă cela que ça fait dĂ©jĂ 4 mois que je n'ai plus de rapport par peur d'ĂȘtre enceinte , ça pĂšse sur notre couple .... J'aime En rĂ©ponse Ă Anonyme Et bien .... non . J'Ă©spĂšre ne pas ĂȘtre moquĂ©e mais je vais m'expliquer ... mon mari n'arrive pas Ă avoir d'erection avec un preservatif , pourtant il b'a jamais eu de soucis autrement . Je ne peux plus prendre d'hormone et j'ai donc fait le necessaire poir avoir un sterilet cuivre .... Sauf que manque de bol autre problĂšme et la pose ne s'effctuera pas avant encore 2 mois . Rajoutez Ă cela que ça fait dĂ©jĂ 4 mois que je n'ai plus de rapport par peur d'ĂȘtre enceinte , ça pĂšse sur notre couple ....Ah oui quand mĂȘme... Enfin le prĂ©servatif se pose sur le sexe dĂ©jĂ en Ă©rection, le fait d'en mettre un lui fait perdre son Ă©rection? Si une grossesse n'est pas envisageable, il reste la pilule du lendemain, mais forcĂ©ment ce sont des hormones... J'aime En rĂ©ponse Ă titesobiboun Ah oui quand mĂȘme... Enfin le prĂ©servatif se pose sur le sexe dĂ©jĂ en Ă©rection, le fait d'en mettre un lui fait perdre son Ă©rection? Si une grossesse n'est pas envisageable, il reste la pilule du lendemain, mais forcĂ©ment ce sont des hormones...Oui voilĂ , ça lui fait perdre son erection ..... ça doit ĂȘtre psychologique je ne sais pas .... On est pas des obsĂ©dĂ©s mais enfin bon c'est pĂ©nible de ne pas pouvoir avoir de sexualitĂ© " normal " . Pour la pillule du lendemain je ne sais pas si c'est raisonnable , j'ai des risques de tromboses en fait . J'aime En rĂ©ponse Ă Anonyme Oui voilĂ , ça lui fait perdre son erection ..... ça doit ĂȘtre psychologique je ne sais pas .... On est pas des obsĂ©dĂ©s mais enfin bon c'est pĂ©nible de ne pas pouvoir avoir de sexualitĂ© " normal " . Pour la pillule du lendemain je ne sais pas si c'est raisonnable , j'ai des risques de tromboses en fait .Sinon, il existe des prĂ©servatifs fĂ©minins aussi. 1 - J'aime
^5 SB? ÂŁV*iV. ĂŽivjaĂŻmfti hocat Ă la Cour royale, ancien Magistrat, ancien PrĂ©sident des Atocals aui Conseils du Roi el Ă la Cour de Cassation, Membre de la LĂ©gion-d'llonncur, de la SociĂ©tĂ© Pbilolecluiiqttc, de l'AcadĂ©mie des Sciences, Belles-Lettres el Arts do Clermont-Ferrand, cl de plusieurs autres SociĂ©tĂ©s savantes. troisiĂšme riiition xA'iĂż PARIS CHEZ 1/ĂDITEUR, HUE D F, I/O DĂ O N, 3 fi âą i , fc. AVERTISSEMENT DE LâAUTEUR Lâaccueil favorable que le public u bien voulu faire aux premiĂšres Ă©ditions de mon TraitĂ© de s actions possessoires mâenhardit Ă en donner une nouvelle. La seconde Ă©dition Ă©tait Ă©puisĂ©e depuis longtemps ; mais les travaux de ma profession, les luttes incessantes du barreau ne mâont pas permis de livrer plus tĂŽt la troisiĂšme Ă lâimpression. Jâai, du reste, profitĂ© de ce retard pour faire une Ă©lude'approfondie de mon sujet, et mon premier travail a Ă©tĂ© entiĂšrement refondu. Je prĂ©sente dans celui-ci un assez grand nombre de questions et de solutions quâon ne trouvait pas dans le prĂ©cĂ©dent. Jây ajoute mĂȘme une autre matiĂšre, celle des actions pĂ©titoires. Aussi ai-je changĂ© le titre de lâouvrage, qui sâappellera dĂ©sormais TraitĂ© de la possession et des actions possessoires et pĂ©titoires. Je publie au jour- Vj dâhui la premiĂšre partie relative Ă la possession et aux actions possessoires. Je mâoccupe sans relĂąche de la seconde, qui comprendra les actions pĂ©titoires, et qui ne lardera pas h paraĂźtre; elle sera beaucoup moins Ă©tendue que la premiĂšre, parce que bon nombre des principes exposĂ©s dans celle-ci sont communs aux deux, et que dâailleurs il mâest arrivĂ© assez souvent, en traitant des actions possessoires, de parler des autres actions. Une table alphabĂ©tique et raisonnĂ©e des deux parties de lâouvrage paraĂźtra en mĂȘme temps que la seconde. PREMIĂRE PARTIE TRAITE DE LA POSSESSION DES ACTIONS POSSESSOIRES TITRE PREMIER DES ACTIONS POSSESSOIRES EN GĂNĂRAL ; POSSESSION REQUISE ; DĂLAIS POUR LES INTENTER. CHAPITRE PREMIER Principes du droit romain et du droit français ancien et actuel sur les actions possessoires en gĂ©nĂ©ral, et sur plusieurs dâentre elles en particu- lier.â DĂ©finition de ces actions et de la possession qui y donne lieu; de leur but, SECTION l rc . Actions possessoires en gĂ©nĂ©ral. La matiĂšre des actions possessoires, considĂ©rĂ©e de tout temps comme une des plus importantes et des plus Ă©pineuses de notre droit, nâa nĂ©anmoins que fort mĂ©diocrement excitĂ© la sollicitude de nos lĂ©gislateurs modernes. A peine le Code de procĂ©dure y consacre-t-il quelques articles dont la rĂ©daction nĂ©gligĂ©e et trĂšs-incomplĂšte est une source dâembarras. La loi du 25 mai 1838, qui aurait 1 â 2 â dĂ» faire cesser le plus grand nombre des difficultĂ©s, est loin dâatteindre ce but; et si le § 1 er de lâart. 6, le seul qui sâoccupe de cette matiĂšre, en rĂ©sout quelques-unes, il en fait naĂźtre ou en laisse subsister beaucoup dâautres. Aussi, serons-nous souvent contraint, pour traiter notre sujet avec quelque utilitĂ©, de consulter les dispositions des lois romaines et de lâancien droit français, en distinguant toutefois avec soin celles que lâon peut encore prendre pour guide de celles incompatibles avec la lĂ©gislation qui nous rĂ©git aujourdâhui. Lâaction possessoire, comme les mots lâindiquent, a uniquement la possession pour objet, Ă la diffĂ©rence de lâaction pĂ©titoire dont nous nous occuperons dans la seconde partie et qui tend Ă faire prononcer sur la propriĂ©tĂ©. Il ne faut donc pas confondre lâune et lâautre nihil commune hetbet possessio cum proprietate, ainsi que le dit la loi 12, § 1 er , ff. de acq. vel amitt. possess. Si lâon remonte Ă lâorigine des sociĂ©tĂ©s, on reconnaĂźt que la possession ou occupation fut dâabord le seul mode dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© ; nous pouvons ajouter quâaujourdâhui elle est encore le premier et le plus naturel. On ne devient propriĂ©taire que pour avoir la possession ; car câest par cette possession, par lâusage des choses qui en sont lâobjet, que lâhomme peut subvenir Ă ses besoins. On conçoit dĂšs-lors lâimportance quâon attache Ă lâacquĂ©rir ou Ă la conserver. La possession, dit lâart. 2228 du Code civil, est la dĂ©tention ou la jouissance dâune chose ou dâun droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mĂȘmes, ou par un autre qui la tient ou lâexerce en notre nom. » Suivant Pothier, possession vient de pedum posilio, position des pieds, ou, selon la leçon florentine, dâunç Vi sorte dĂ©position sur un siĂšge L. 1 r % ff. de acquir. poss., parce que celui qui possĂšde, rei insidet, est assis sur la chose, insistit, sây arrĂȘte. Nous ne remonterons pas Ă lâorigine de lâaction pos- sessoire ; nous ne rechercherons pas, avec quelques auteurs, si elle est une pure crĂ©ation de notre droit, ou si elle nousest venue des Romains, ni Ă quelle Ă©poque prĂ©cise elle fut introduite soit en France, soit Ă , llome ; ces excursions dans le domaine de lâhistoire seraient sans utilitĂ© et sans influence sur la dĂ©cision des difficultĂ©s de notre sujet. Nous dirons seulement quâelle a Ă©tĂ© admise depuis trĂšs-longtemps dans la lĂ©gislation des deux peuples, avec quelques diffĂ©rences que nous aurons soin de signaler. Les actions dont nous traitons ici Ă©taient connues chez les Romains sous le nom dâinterdits Interdicta. Dans le droit ante Justinien, l'interdit nâĂ©tait pas considĂ©rĂ© comme une action ni comme un jugement; câĂ©tait simplement un dĂ©cret du prĂ©teur, rendu principalement en matiĂšre possessoire, et conçu en termes spĂ©ciaux, par lequel il ordonnait ou prohibait quelque chose. Erant autem interdicta, forma atque conceptiones ver- borum quibus prĂŠtor aut jubebat aliquid pĂ©ri, aat pĂ©ri prohibebal, qaod tune maxime pebal, cum de possessione aut quasi possessione, inter aliquos contendebatur Inst, de interd. in principio. Suivant Vinnius, lâinterdit pouvait ĂȘtre dĂ©fini, dans 1 ancien droit romain Decret tan preetoris, certis verbis conception, quo in cousis possessionum vel quasi possessio- nurn jubebat aliquid pĂ©ri, aut perivetabat, prout id rei de qua agebatur, conveniebat. Le mĂȘme commentateur ajoute que le prĂ©teur nâobser- vait pas les formes judiciaires et ne rendait pas de juge- ment, prĆtor ad postulationem interdiction petentis, ad- versario ad se l'ocato, sine forma judicii interdiction reddebat, certa verboruin formula jubens aut vetans ali- quid fieri. Et si lâon nâobĂ©issait pas Ă ce dĂ©cret, ou il le faisait exĂ©cuter par la force, ou, par suite de son interdit, il donnait la facultĂ© dâintenter une action et de faire rendre un jugement. Mais Justinien ayant reconnu lâimportance des interdits, la nĂ©cessitĂ©] de simplifier les formes, et dâabrĂ©ger les dĂ©lais, autorisa Ă porter lâaction directement devant le juge compĂ©tent Inst. ult. de Interd.. Aussi, dans le § I er , il dit N une dispiciamus de. inter- dictis, seu actionibus qitĆ pro his exercentur, et dans le tit. 1 er du livre 43 ff. on lit De interdictis seu extraordi- nariis actionibus. Les interdits furent introduits pour les matiĂšres placĂ©es plus spĂ©cialement sous lâautoritĂ© publique et dans lesquelles lâadministration doit au pays comme aux citoyens une surveillance et une protection plus directes ; câest-Ă - dire dans les choses de droit divin ou religieux, de droit commun ou public, par exemple pour la protection des lieux sacrĂ©s, des tombeaux, des inhumations, pour lâusage et la conservation de la mer et de ses rivages, des fleuves, des voies publiques. Plus tard ils furent Ă©tendus aux matiĂšres dâintĂ©rĂȘt privĂ© rei familiaris causa, dans les causes qui amĂšnent entre les parties contestantes des rixes et des voies de fait et qui appellent par consĂ©quent lâintervention immĂ©diate de lâautoritĂ© ; telles sont les contestations sur la possession et la quasi possession. Quo- niam in hujusmodi controversiis, sĂŠpc contingit et cĆdes fieri, et vulnera infligi etplagas inferri ThĂ©ophile, paraphrase, livre 43 ff. de Interd.. La dĂ©nomination dâinterdit semblait ne devoir sâappliquer quâau cas oĂč il y avait interdiction ou dĂ©fense dâagir, et non Ă celui oĂč il Ă©tait prescrit de faire quelque chose. Nous lisons, mĂȘme aux Institutes de GaĂŻus 4-166, quâon appelait spĂ©cialement interdits, ceux par lesquels le prĂ©teur prohibait, et dĂ©crets, ceux par lesquels il ordonnait, vocantur autcm dĂ©crĂ©ta, cum fie ri aliquid jubet interdicta vero cum prohibet fieri. Sed tamen, dit Justinien, o btinuit omnia interdicia appellari, et la raison quâil en donne est bien peu dĂ©cisive, ainsi que le remarque Vin- nius Quia inter duos dicuntur. Aussi cet auteur substitue aux expressions inter duos, le mot intĂ©rim, et dit quâils ont Ă©tĂ© appelĂ©s interdits parce quâils disposent de la possession pendant le litige sur la question de propriĂ©tĂ©. DâaprĂšs le 1 er § des Institutes dĂ©jĂ citĂ©, les interdits portaient quelquefois sur le fond mĂȘme du droit, et câest en quoi notre lĂ©gislation diffĂšre de celle des Romains ; car chez nous la possession a toujours Ă©tĂ© lâunique objet de la complainte et de la rĂ©intĂ©grande. Nous devons ajouter quâĂ llome ceux des interdits qui avaient la possession pour objet ne tendaient pas toujours Ă la conserver ou Ă la recouvrer, mais avaient quelquefois pour but dâacquĂ©rir celle quâon nâavait jamais eue. Le titre 1 er du 39 e livre du Digeste, le 43 e livre tout entier, et les onze premiers titres du 8 e livre du Code sont consacrĂ©s au dĂ©veloppement des rĂšgles gĂ©nĂ©rales des interdits, Ă lâexplication dĂ©taillĂ©e des principes spĂ©ciaux et des formules de chacun dâeux. Le titre 15 du 4 e livre des Institutes de Justinien est le rĂ©sumĂ© simple et lucide de la matiĂšre. Justinien divise les interdits en deux classes principales. â fi â La premiĂšre comprend les interdits prohibitoiires, res- titutoires et exhibitoires. Summa autan divisio interdictorum hĆc est, ijjuod mit prohibitoria sunt, mit restitutoria, aut exhibitoria. Il explique ensuite la nature de chacun de ces interdits. 1° Prohibitoria sunt quibus prĆtor vetat aliqudd fieri; il en donne plusieurs exemples. 2° liestitutoria sunt quibus restitui aliquid jubet ; et il en donne encore des exemples. 3° Exhibitoria sunt per qua 1 jubet exhiberi. Il en donne pour exemple le cas dâun homme libre, dâun affranchi ou dâenfants recelĂ©s. Ces interdits avaient pour effett de forcer le receleur Ă les reprĂ©senter. Heinneccius, dans ses recitationes, y ajoute le cas dâun testament quâon cachait. Il y avait lieu Ă lâinterdit de tabulis exhibendis. La seconde division comprenait aussi trois sorties dâinterdits. 1° Celui qui avait lieu pour acquĂ©rir la possession, adipiscendĆ possessions, ou quorum bonorum. 2° Celui qui avait pour hut de la conserver, retinendĆ possessions, ou uti possidetis. 3° Et le dernier qui tendait Ă la recouvrer, recmperan- dĂŠ possessions, ou unde vi. Le premier avait lieu en faveur de celui que le prĂ©teur avait mis en possession de certains objets, par exemple, dâune succession ; comme le jugement du prĂ©teur ne lui donnait quâun droit Ă la chose, jus persequendi, il en obtenait la possession rĂ©elle par lâeffet de cet interdlit. Le second avait lieu en faveur de celui qui Ă©tait en possession et qui demandait Ă y ĂȘtre maintenu provisoirement pendant toute la durĂ©e du dĂ©bat sur la propriĂ©tĂ©. Connue cet interdit existe encore dans notre droit, que Justinien explique clairement en quoi il consiste et les avantages qui en rĂ©sultent, nous croyons devoir transcrire sur ce point le texte des Institutes. RetinendĆ possessionis causa comparata sunt interdicta, uti possidetis et utrubi cum ah utraque parte de proprie- tate alicujus rei controversia sit et ante quĆratur uter ex litigatoribus possideat et uter petere de-beat. Nunique, nisi ante exploratum fuerit, utrius eoruni possessio sit, non po~ test petitoria actio institut quĂŠ et civilis et naturalis ratio facit ut alius possideat et alius a possidente pelĂąt. Et quia longe commodius est et -potins possidere quam petere, ideo plerumque et fere semper ingens existit contentio de ipsa possessione. Commodum autem possidenti in eo est quod etiamsi ejus res non sit qui possidet, si modo actor non possit suam esseprobare, remanel in suo loco possessio ; propter quamcausam cum obscurasunt utriusque jura, contra petitorem judicari solet. Vient ensuite la diffĂ©rence entre lâinterdit uti possidetis et celui utrubi ; le premier avait lieu pour les immeubles et nâexigeait pas une possession ancienne ; il suffisait de lâavoir au moment du trouble. Le second concernait les meubles. Dans lâancien droit, il fallait, pour cet interdit, que la possession du demandeur eĂ»t durĂ© pendant la majeure partie de lâannĂ©e, ou, comme le disent les interprĂštes, quelle eĂ»t durĂ© plus longtemps que celle du dĂ©fendeur ; mais Justinien a fait disparaĂźtre ces diffĂ©rences en dĂ©cidant que la possession au moment du trouble suffirait pour ces deux interdits. Ainsi, les lois romaines nâexigeaient pas, comme les nĂŽtres, une possession annale ; il nâĂ©tait pas non plus nĂ©cessaire, en gĂ©nĂ©ral, que lâaction fĂ»t intentĂ©e dans lâannĂ©e du trouble. Nous examinerons ultĂ©rieurement si lâinterdit utrubi est encore admis parmi nous, soit pour universalitĂ© de meubles, soit pour quelques meubles isolĂ©s. Lâinterdit recuperandĆ possessionis ou unde ci, appartenait Ă celui qui avait Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© de sa possession par violence. RecuperandĂŠ possessionis causa solet interdici si qitis ex possessione fundi, vel Ćdium vi dejectus fuerit; nam ei proponĂŒur mterdictum unde ri per quod is qui dejecit cogiturei restiture possessionem, licet is ah eo qui vi dejecit, vi, clam vel precario possideat. Toutefois cet interdit nâavait lieu que pour les immeubles, et lâaction furti Ă©tait la seule qui appartĂźnt Ă celui que la violence avait dĂ©pouillĂ© dâun objet mobilier. Les Romains divisaient encore les interdits en simples et doubles, simplicia et duplicia. Les simples Ă©taient ceux dans lesquels lâun Ă©tait demandeur et lâautre dĂ©fendeur ; les doubles, ceux dans lesquels chacun Ă©tait demandeur et dĂ©fendeur. Tertia divisio interdictorum est quod aut simplicia sunt aut duplicia Simplicia sunt, veluti in quibus aller actor, aller reus est, qualia suntomnia restitutoria aut exhibitoria. Duplicia sunt veluti utipossidetis interdiction cl utrubi. Ideo autem duplicia vocantur quia par utriusque litigalo- ris in his conditio est, nec quisquam prĆcipue reus, vel actor intelligitur sed unusquisque tain rei quam actoris partes sustinet. Enfin, le Digeste, livre / 3 , titre 1 er , de interdictis sive. extraordinariis actionibus quĆ pro his competunt, ajoute une division des interdits, en annalia et perpĂ©tua; les premiers devaient avoir lieu dans lâannĂ©e du trouble, les autres nâĂ©taient limitĂ©s par aucun dĂ©lai. Cujas, ad titulum codicis unde vi, remarque que des trois interdits adipiscendĆ, relinendĆ et recuperandĆpossession is, les deux derniers sont seuls admis dans nos tribunaux. AdipiscendĆ possessions interdicta non stmt in mu, sedretinendĆ tantum et recuperandĆ. Quod optimeno- tavit Jmbertus, in institutionibus forensibus, quo ad triturant forensem nu U us nielior. Câest encore ce quâexprime Boutaric, en termes plus gĂ©nĂ©raux. 11 y comprend lâinterdit utrubi, ce qui fait dire Ă M. le prĂ©sident Henrion de lâanse y qnâil va trop loin, parce que, suivant ce grand magistrat, la complainte ne peut plus avoir lieu que pour universalitĂ© de meubles, ce que nous examinerons par la suite. Duplessis, des Actions, Domat et Pothier sâen expliquent dans le mĂȘme sens. M. Dupin aĂźnĂ©, dans ses notes sur les Recitationes Ilein- ncccii, tome 2, pages 396, 399 et /00, enseigne aussi que nous avons seulement conservĂ© la complainte et la rĂ©intĂ©grande, et que les autres interdits, mĂȘme celui utrubi, ne sont pas en usage. Câest ce qui a Ă©tĂ© plus tard Ă©rigĂ© en rĂšgle lĂ©gale dans notre jurisprudence française. En effet, la coutume de Paris contient les trois articles suivants Article 96. n Quand on peut intenter la complainte. Quand le possesseur dâaucun hĂ©ritage ou droit rĂ©el rĂ©putĂ© immeuble, est troublĂ© et empĂȘchĂ© en la possession et jouissance, il peut et luy loist soy complaindre et intenter poursuite en cas de saisine et de nouvelletĂ© dedans â 10 â lâan et jour du trouble Ă lui fait et donnĂ© audit hĂ©ritage ou droit rĂ©el, contre celui qui lâa troublĂ©. Article 97. Complainte nâa lieu pour meubles, si ce nâest pour universitĂ© mobiliĂšre. Aucun nâest recevable de soi complaindre et intenter le cas de nouvelletĂ© pour une chose mobiliĂšre particuliĂšre; mais bien pour universitĂ© de meubles, comme en succession mobiliĂšre. » Remarquons, en passant, que la raison donnĂ©e par FerriĂšre, de lâexception que renferme cet article, est quâune universitĂ© de meubles est rĂ©putĂ©e un corps et un immeuble nous apprĂ©cierons cette raison plus tard. article 98. De la simple saisine. Quand aucun a joui et possĂ©dĂ© aucune rente, et icelle prise et perçue sur aucun hĂ©ritage auparavant et depuis dix ans, et par plus grande partie dâicelui temps, sâil est troublĂ© et empĂȘchĂ© en la possession et jouissance dâicelle, il peut intenter et poursuivre le cas de simple saisine personnelle, contre celui ou ceux qui lâont ainsi troublĂ©, et requĂ©rir ĂȘtre remis en la mĂȘme possession en laquelle il Ă©tait auparavant ladite cessation. » Lâordonnance de 1667, titre 18, des complaintes et rĂ©intĂ©grandes, contenait les dispositions suivantes Art. 1 er . Si aucun est troublĂ© en la possession et jouissance dâun hĂ©ritage ou droit rĂ©el, ou universalitĂ© de meubles quâil possĂ©dait publiquement, sans violence, Ă autre titre que de fermier ou possesseur prĂ©caire, il peut, dans lâannĂ©e du trouble, former complainte en cas de saisine et nouvelletĂ© contre celui qui lui a fait le trouble. Art. 2. Celui qui aura Ă©tĂ© dĂ©possĂ©dĂ© par violence ou voies de fait, pourra demander la rĂ©intĂ©grancle par action civile et ordinaire, ou extraordinairement, par action criminelle ; et, sâil a choisi lâune de ces deux actions , il ne pourra se servir de lâautre, si ce nâest quâen prononçant sur lâextraordinaire on lui eĂ»t rĂ©servĂ© lâaction civile. » Les autres dispositions sont relatives Ă la forme deprocĂ©der ; nous en parlerons ailleurs. Ajoutons que la jurisprudence avait admis la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, Ă©galement connue des Romains, et la rĂ©crĂ©ance. Tel a Ă©tĂ© lâĂ©tat de notre lĂ©gislation jusquâĂ la rĂ©volution. Une loi du 24 aoĂ»t 1790, tit. 3, art. 9, sâexprime ainsi Le juge de paix connaĂźtra de mĂȘme, sans appel, jusquâĂ la valeur de 50 fr., et, Ă charge dâappel, Ă quelque valeur que la demande puisse monter 1°.... 2° Des dĂ©placements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossĂ©s et autres clĂŽtures commises dans lâannĂ©e ; des entreprises sur les cours dâeau servant Ă lâarrosement des prĂ©s, commises pareillement dans lâannĂ©e, et de toutes autres actions posses- soires. » La loi du 20 octobre 1790, contenant rĂšglement pour la procĂ©dure de la justice de paix, aprĂšs avoir dit, dans les deux premiers articles du titre 1 er , que la citation devant ce tribunal sera faite en vertu dâune cĂ©dule, ajoute Art. 3. En matiĂšres purement personnelles ou mo- â 12 â biliĂšres, la cĂ©dule de citation sera demandĂ©e au juge du domicile du dĂ©fendeur. Aiit. h. Elle sera demandĂ©e au juge de la situation de lâobjet litigieux lorsquâil sâagira 1°... 2° des dĂ©placements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossĂ©s et autres clĂŽtures commises dans lâannĂ©e; des entreprises sur les cours dâeau, servant Ă lâarrosement des prĂ©s, commises pareillement dans lâannĂ©e, et de toutes autres actions possessoires. » Le Code de procĂ©dure contient aussi, Ă cetĂ©gard, quelques dispositions que voici Art. 2. En matiĂšre purement personnelle ou mobiliĂšre, la citation sera donnĂ©e devant le juge du domicile du dĂ©fendeur; sâil nâa pas de domicile, devant le juge de sa rĂ©sidence. Art. 3. Elle le sera devant le juge de la situation de lâobjet litigieux, lorsquâil sâagira 1°.... 2° des dĂ©placements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossĂ©s et autres clĂŽtures commises dans lâannĂ©e ; des entreprises sur les cours dâeau, commises pareillement dans lâannĂ©e, et de toutes autres actions possessoires. Art. 23. Les actions possessoires ne seront recevables quâautant quâelles auront Ă©tĂ© formĂ©es dans lâannĂ©e du trouble par ceux qui, depuis une annĂ©e au moins, Ă©taient en possession paisible par eux ou les leurs, Ă , titre non prĂ©caire. » Le § 1 er de lâart. G de la loi du 25 mai 1838 est ainsi conçu Les juges de paix connaissent Ă la charge dâappel des entreprises commises dans lâannĂ©e, sur les cours dâeau servant Ă lâirrigation des propriĂ©tĂ©s et au motive- â 13 â ment des usines et moulins, sans prĂ©judice des attributions de lâautoritĂ© administrative, dans les cas dĂ©terminĂ©s par les lois et par les rĂšglements ; des dĂ©nonciations de nouvel Ćuvre, complaintes, actions en rĂ©intĂ©grande et autres actions possessoires fondĂ©es sur des faits Ă©galement commis dans lâannĂ©e. » Enfin, pour terminer la sĂ©rie des dispositions sur la matiĂšre, nous reproduisons le texte de lâart. 2050 du Code civil. 11 est ainsi conçu La contrainte par corps a lieu, eu cas de rĂ©intĂ©grande , pour le dĂ©laissement ordonnĂ© par justice, dâun fonds dont le propriĂ©taire a Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© par voie de fait ; pour la restitution des fruits qui en ont Ă©tĂ© perçus pendant lâindue possession et pour le paiement des dommages-intĂ©rĂȘts adjugĂ©s au propriĂ©taire. » M. le prĂ©sident Henrion de Lâansey dĂ©finit lâaction pos- sessoire, une action qui appartient Ă celui qui a la possession civile dâun hĂ©ritage, dâun droit rĂ©el ou dâune universalitĂ© de meubles pour sây faire maintenir lorsquâil est troublĂ©. Mais nous croyons cette dĂ©finition inexacte et incomplĂšte. Inexacte, en ce quelle suppose que lâaction posses- soire est admise aujourdâhui pour universalitĂ© de meubles; or cette supposition est une grave erreur, ainsi que nous le dĂ©montrerons en traitant des choses qui peuvent ĂȘtre la matiĂšre de cette action. IncomplĂšte, en ce quâelle ne comprend que la complainte fondĂ©e sur un simple trouble, et non la rĂ©intĂ©grande fondĂ©e sur la dĂ©possession violente. Nous croyons donc devoir dĂ©finir lâaction possessoire, une action appartenant au possesseur dâun immeuble, dâun U â droit rĂ©el immobilier pour se faire maintenir ou rĂ©intĂ©grer dans sa possession, en cas de trouble ou dâĂ©viction. AprĂšs avoir exposĂ© les notions les plus gĂ©nĂ©rales sur les actions qui font le sujet de ce TraitĂ© et avant dâarriver Ă la complainte qui exigera des dĂ©veloppements Ă©tendus, nous devons, pour rendre notre marche plus facile, nous occuper dâabord de la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre et de la rĂ©intĂ©grande. Nous nous expliquerons aussi sur la rĂ©crĂ©ance et le sĂ©questre, mesures qui ont une intime corrĂ©lation avec les matiĂšres possessoires. SECTION II. De la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, de la rĂ©intĂ©grande, de la rĂšcrĂšance et du sĂ©questre. § 1". DĂ©nonciation de nouvel Ćuvre. La dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, dâaprĂšs le sens grammatical et lâexacte propriĂ©tĂ© des mots, est la dĂ©claration de lâexistence dâun ouvrage nouveau. Mais, en droit romain, ces termes avaient une autre signification ; ils dĂ©signaient la facultĂ© quâon avait de faire suspendre des travaux nuisibles, et dâobtenir du juge, en cas de continuation, malgrĂ© sa dĂ©fense, leur destruction provisoire avant tout examen du fond du droit. Nous prouverons que cette action, dĂ©jĂ modifiĂ©e par notre ancienne jurisprudence, nâexiste aujourdâhui que de nom, et quâelle est assujettie Ă toutes les rĂšgles des autres actions possessoires. Pour Ă©tablir cette proposition , nous rechercherons 1° Quels Ă©taient les principes du droit romain sur cette matiĂšre ; 2° Quels Ă©taient ceux de lâancien droit français ; 3° Et quels sont ceux du droit actuel. Nâ I. Droit romain. Le Digeste et le Code renferment chacun un titre consacrĂ© Ă expliquer la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre De operis novi nuntiatione. Le mot nuntiatio, abrĂ©gĂ© de denuntiatio, veut dire ici dĂ©fense, empĂȘchement, interdiction dĂ©clarĂ©e Ă quelquâun. IIoc edicto promittitur ut sive jure, sive injuria opus fieret, per nuntiationem inhiberetur. Loi l rc f[. Les Institutes disent de mĂȘme Interdicere est denuntiare, prohibere. La maniĂšre la plus gĂ©nĂ©rale, la plus usitĂ©e de faire la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, Ă©tait par simples paroles profĂ©rĂ©es Ă ceux qui exĂ©cutaient les travaux Nuntiatio ex hoc edicto non habet necessariam prĆtoris additionem potest enim nuntiare quis, etiamsi cuin non adierit. Ce sont les termes de la loi l rc . § 2, D. de operis novi nuntiatione. Mais il y en avait encore deux autres. Celui Ă qui nuisait le nouvel Ćuvre pouvait requĂ©rir le prĂȘteur dâen dĂ©fendre la continuation. Et, suivant la loi 5, § 10 du mĂȘme titre, la loi 6 , g 1, D. si servitus vindicetur, et la loi 1â, g 6 , D. qnodvi autclam, il pouvait, au lieu de sâopposer verbalement Ă ce que lâouvrage fĂ»t continuĂ©, ou de sâadresser au prĂȘteur pour obtenir des dĂ©fenses, jeter une petite pierre sur le terrain de lâinnovateur, et, par lĂ , mettre celui-ci hors dâĂ©tat de continuer ses travaux, jusquâĂ ce qu'il en eĂ»t Ă©tĂ© autrement ordonnĂ© en justice. La dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre avait lieu, ou pour conserver un droit privĂ©, ou pour Ă©viter le dommage dont on Ă©tait menacĂ©, ou pour la conservation dâun droit qui appartenait au public. Aut juris nostri conservandi causa, aut damni infecti, aut publici juris tuendi gratia. Nuntiamus autem quia jus aliquod prokibendi habemus, vel ut damni. infecti cuveatur nobis ab eo qui forte in pn- blico vel in privato quid molitur. /. de op. nov. nunt., loi l r , § 16. Il nây avait mĂȘme aucune distinction Ă faire entre les villes et les campagnes Sire intra oppida sive extra op- pida, in villis vel agris, opus novum fiat, nuntiatio ex hoc edicto locum habet § 14. Elle pouvait ĂȘtre intentĂ©e toutes les fois que lâancien Ă©tat des choses Ă©prouvait quelque changement. Opus novum facere videtur qui aut Ćdificando, aut detrahendo aliquid, pristinam faciem operis mutĂąt § 11; mais non contre celui qui ne faisait quâĂ©tayer ou rĂ©parer sa maison Si quis Ćdificium vĂȘtus fulciat, an opus novum nun- tiare eipossumus, videamus ? et magis est ne possimus, hic enim non opus novum facit, sed veteri sustinendo remedium adhibet g 13. Lâaction pouvait ĂȘtre intentĂ©e, non-seulement contre le voisin immĂ©diat, mais mĂȘme contre lâarriĂšre voisin Non solum proximo vicino, sed etiam superiori opus fa- cienti nuntiare opus novumpotero. Loi 8. Le quâil importe de remarquer, câest que, suivant le § 1 er de la loi 1, la dĂ©nonciation ne pouvait avoir lieu qu avant 1 achĂšvement des travaux Hoc autem edictum remediumque operis novi nuntiationis, adversus futura â 17 â opĂ©ra inductum est, non adversus prĆterita hoc est adversus ea quĆ nundum facta sunt, ne fiant. Il nâen rĂ©sultait pourtant pas que celui qui avait laissĂ© achever les travaux, fĂ»t sans action ou nâeĂ»t plus que lâaction pĂ©titoire ; mais, suivant le mĂȘme paragraphe, il devait se pourvoir par lâinterdit vi aut clam Nam si quid operis fuerit factum quod fie ri non dehuit, cessĂąt edic- tum de operis novi nuntiatione et erit transeundum ad interdiction quod vi aut clam factum erit, ut restituatur; et quod in loco sacro religiosove et quod in luminc pu- blico, ripave jmblica'factum erit nam his intcrdictis res- Utuetur, si quid illicite factum est. Il avait encore lâinterdit uti possidetis , ainsi que cela rĂ©sulte de la loi 8, § 5, D. si servitus vindicetur, et du Commentaire de VoĂ«t sur les Pandectes, liv. 43, tit. 18, n° 1, et du § 10, 1. 5, ff. de op. nov. nunt. La dĂ©nonciation pouvait avoir lieu mĂȘme les jours fĂ©riĂ©s. § 4, loi l rc , ff. de operis novi nunt. Il nâĂ©tait pas nĂ©cessaire que la dĂ©nonciation fĂ»t faite au propriĂ©taire en personne ; il suffisait quâelle le fĂ»t Ă celui qui dirigeait les travaux, Ă lâun de ses ouvriers ou h tout autre qui, Ă©tant sur les lieux, Ă©tait Ă portĂ©e dâen faire part au propriĂ©taire. Nuntiari autem non utique domino oportet suffwit enim, in re prĂŠsenti, nuntiari ei qui in re prĂŠsenti fuerit, usque adeo ut etiam fabris vel opi/i- cibus qui eo loci operantur, opus novum nuntiari possit ; et generaliter ei nuntiari novum opus potest qui in re prĂŠsenti fuit domini operisve nomine. Neque refert quis sit iste, vel eu jus conditionis qui ifi re prĂŠsenti fuit. Nam et si servo nuntietur, vel mulieri, vel puero, vel puellĂŠ, tenet nuntiatio Sufficit enim in re prĂŠsenti operis novi nuntiationem factum sic , ut domino possit renuntiari. 18 â Loi 5, § 3. Et le motif en est, que la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre ne se faisait pas Ă raison de la personne, mais de la chose, opcris novi nuntiatio in rem fit non in personam. Loi 10. La dĂ©nonciation de operis novi... nâavait pas lieu pour toutes sortes de travaux Non omnia opĂ©ra complectitur; sed ea sola quĆ solo conjuncta surit, quorum Ćdiftcatio vel demolitio videtur opus novum continere. Idcirco plaçait si quis messem faciat, arborent succidat, vineam putet quamquam opus faciat, tamen ad hoc edictum non perti- nere quia ad ea opĂ©ra quĆ in solo fiant, pertinet hoc edictum. Loi l r ', § 12. Cette dĂ©nonciation Ă©tait, de plein droit, suspensive des travaux commencĂ©s. Celui qui les exĂ©cutait Ă©tait tenu de cesser, lors mĂȘme quâil prĂ©tendait ĂȘtre bien fondĂ© Ă les continuer. La loi l re , dĂ©jĂ citĂ©e, est positive Sivejure, sive injuria... Et si, malgrĂ© la dĂ©fense, il les continuait, son adversaire pouvait se pourvoir par lâinterdit quod vi aut clam, pour faire dĂ©truire ce qui avait Ă©tĂ© fait depuis la dĂ©nonciation. Sâil voulait, aprĂšs cette continuation, se pourvoir devant le prĂȘteur, pour prouver quâil avait eu le droit de le faire, le juge devait refuser de lâentendre, jusquâĂ ce quâil eĂ»t remis les choses dans leur premier Ă©tat. Si is cui opus novum denuntiatum est, ante remissio- nem Ćdificaverit, deinde cĆperit agere jus sibi esse ita Ćdi- ficatum habere, prĆtor actionem ei denegare debet et interdiction in eum de opĂ©rĂ© restituendo reddere. L. 1, §.. 7. Ait prĆtor quod factum est restituas. Quod factum est jubet restitui neque enim interest jure factum sit nec ne, Sive jure factum est, sive non jure factum, interdiction lo- çum habebit. L. 20, §. 3. Cependant, celui Ă qui Ă©tait dĂ©noncĂ© le nouvel Ćuvre pouvait ĂȘtre admis Ă le continuer, en donnant caution de rĂ©parer le dommage quâen pourrait souffrir le plaignant loi 5, g. '17; mais câĂ©tait le seul moyen quâil eĂ»t pour pouvoir lĂ©galement continuer ses travaux; et, Ă dĂ©faut de caution, il fallait absolument quâil les interrompit. L. 8, g 2. La dĂ©nonciation du nouvel Ćuvre avait lieu non-seulement lorsque le propriĂ©taire bĂątissait sur son fonds, mais mĂȘme lorsquâil construisait sur le fonds voisin; câest par une erreur Ă©vidente que M. le prĂ©sident llenrion de Pansey, dans son TraitĂ© de la CompĂ©tence des Juges de paix, affirme quelle Ă©tait restreinte au premier cas ; le texte des lois romaines est positivement contraire Ăą cette assertion. Sans doute ce premier cas Ă©tait le plus ordinaire ; les lois romaines conseillaient mĂȘme dâemployer de prĂ©fĂ©rence alors la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre verbale ; mais rien nâempĂȘchait que celui sur le fonds duquel un tiers construisait, au lieu de se pourvoir par lâinterdit idi possidetis qui avait pour effet la destruction des travaux, ne se bornĂąt Ă une dĂ©fense de les continuer. Sed et si in cĂ©dĂ©s nostras quis immittat, aut in loco nos- tro Ćdificet, Ćquttm est nos operisnovi nuntiatione jus nos - trum nobis conservare. Loi 5, g 8. Et belle Sextus Pedius dĂ©finit triplicem esse causant operis novi nuntiationis aut naturalem, aut publicam, aut imposititiam. Naturalem, cum in nostras ĂŠdes quid immittitur, aut dificatur in nostro. Publicam causant, quotiens leges aut senatusconsulta constitutionesque princi- mm per operis novi nuntiationem luemur. Imposititiam, cum quis posteaquam jus suum dĂ©minait, alterius uuxit ; hoc est posteaquam servitutem Ćdibus suis imposait, contra servitutem fecit. § 9. Meminisse aulem oportebit, quotiens quis in noslro Ćdi~ ficare vel in nostrum immittere, vel projicere vult, melius esse eum per prĆtorem vel per maman id est lapilli ic- tum prohibera quam operis novi nuntiationc. CĆterum, operis novi nuntiationc possessorem eum faciemus, oui nun- tiaverimus. Aut si in suo quid faciat quod nobis noceat, tune operis novi denuntiatio erit necessaria. Et si forte in nostro aliquid facere quis persĂ©vĂ©rĂąt, Ćquissimum erit in- terdicto adversus eum quod vi aut clam aut uti possidetis uti 810 . Ces lois, nous le rĂ©pĂ©tons, ne laissent aucun doute, et M. Merlin, Questions de droit, 4 e Ă©dition, V° DĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, est complĂštement de notre avis. La dĂ©nonciation avait lieu en gĂ©nĂ©ral pour les servitudes. Si celui qui Ă©tait grevĂ© dâune servitude faisait sur son fonds des travaux susceptibles dâen empĂȘcher lâexercice, le crĂ©ancier pouvait sâopposer, par la dĂ©nonciation du nouvel Ćuvre, Ă ce quâils fussent continuĂ©s. Jus liabet opus novum nuntiandi qui aut dominium aut servitxdem habet. Loi 3, D. de Remissionibus. La loi 15, J. de servitut. prĆdiorum urbanorum nâest pas moins positive pour le cas oĂč celui qui doit la servitude ne luminibus officiatur, Ă©lĂšve le bĂątiment quâil construit sur son fonds Ă une hauteur qui obstrue les jours de son voisin Inter servitutes ne luminibus officiatur et ne prospectai offendatur aliud et aliud observatur quod in prospectu plus quis habet, ne quid ei officiatur ad gratio- rem prospectum et liberum, in luminibus autem non of/i- çere ne lamina cujusquam obscuriora fiant, Quodcumque irjitur facial ad luminis impedimentum prohibai polest, si servit us debcatur, opusque ei novum nuntiari potcst, si modo sic fiat ut lumini noceat. La loi 6, § 7 du mĂȘme titre, les lois 2, 5, § 9, ff. de operis novi nuntiat., consacrent les mĂȘmes principes. Mais la loi l/i nous semble faire exception pour le cas oĂč lâon bĂątit sur son terrain assujetti Ă un droit de passage alors câest, suivant cette loi, par la voie pĂ©titoire que le prĂ©tendant Ă la servitude doit rĂ©clamer. Qui viam habet, si opus novum nuntiaverit adversus eum qui in via Ćdiji- cat, nihil agit; sed servit ut-em vindicare non prohibetur. VoĂ«t essaie de concilier ces lois par une distinction. Il dit dâabord que la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre a lieu pour toutes les servitudes, lorsque les travaux en empĂȘchent absolument lâexercice, ce qui sâapplique Ă celle de passage, quand il nây a pas possibilitĂ© de passer ailleurs quâĂ lâendroit couvert de nouvelles constructions; mais il ajoute que, comme ordinairement la servitude de passage est due par tout le fonds et non pas seulement par la partie sur laquelle la construction a eu lieu, le prĂ©tendant Ă la servitude nâa que lâaction pĂ©titoire pour se faire dĂ©signer une autre partie par laquelle il pourra passer. La premiĂšre partie de cette opinion nous paraĂźt un peu arbitraire, et nous croyons que le sens des lois romaines est que la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre est admise pour toutes les servitudes autres que celles de passage. Il y a dans le Code de Justinien, comme nous lâavons dit, un titre de operis novi nuntiatione; mais il nâest composĂ© que dâune seule loi; et voici ce quelle porte Quelques-uns ont prĂ©tendu quâaprĂšs un an Ă compter de la dĂ©nonciation du nouvel Ćuvre, celui qui lâavait faite ne pouvait plus sâopposer Ă la construction du bĂątiment _ 22 _ commencĂ©. Mais cette opinion nous a paru inique. !ar si le plaignant nâa pas fait en bonne forme la dĂ©fense de continuer les travaux, on a pu les continuer pendant lâannĂ©e; et sâil a fait rĂ©guliĂšrement cette dĂ©fense, il peut encore sâen prĂ©valoir aprĂšs lâannĂ©e pour empĂȘcher la continuation du nouvel Ćuvre, quod dupliciter iniquum nabis esse videlur ; sive etenim non recte opus prohibuerit, decet non per tolum annum lioc impediri sive recte denun- liationem emiserit, ctiampost anmim licentiam habere redi- ficutionem prohibere. Pour rĂ©primer cette injustice, nous voulons que dĂ©sormais toute procĂ©dure de ce genre soit terminĂ©e dans lâespace de trois mois, et que cependant si, au bout de ce terme, lâallaire Ă©prouve des difficultĂ©s qui forcent dâen reculer le jugement, le dĂ©fendeur Ă la dĂ©nonciation du nouvel Ćuvre soit autorisĂ©, sous caution, Ă continuer et achever les travaux quâil a commencĂ©s Talem igitur iniquitatem inhibentes, sancimus, si quis de- nuntiationem emiserit, in hac quidem regia urbe proefec- tum urbi festinare; in provincia vero rectorem ejus intra trium mensium spatium causam dirimere. Sui vero aliquod fuerit quocumque modo ad decisionem ambiguitatis impe- dimentum, licentiam habere eum qui Ćdificationem depro- perat, opus de qun agitur efficere, prius fidejussore ab co data . ut si non recte Ćdificaverit, omne opus quodpost denuntiationeni fecerit, suis sumptibus destruet. Sic enim et opĂ©ra non per inanes dennntiationes prohibebuntur, et recte denuntiantibus consuletur.» Il nây avait pas de dĂ©lai pour la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre; elle pouvait avoir lieu tant que les travaux nâĂ©taient pas terminĂ©s, et par consĂ©quent plus dâun an avant le commencement de leur exĂ©cution. Il nâĂ©tait pas non plus nĂ©cessaire que lâauteur de la dĂ©nonciation prouvĂąt 83 â une possession annale antĂ©rieure, mĂȘme une possession quelconque, puisque la suspension des ouvrages avait lieu sans examiner si le dĂ©nonciateur avait ou non droit dâen empĂȘcher la continuation. Telles Ă©taient, en substance, les principes du droit romain sur la matiĂšre. N° II. Ancien droit fiançais. Notre ancienne lĂ©gislation ne nous offre aucune disposition relative Ă la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre; lâordonnance de 1657, qui parle avec prĂ©cision de la complainte et de la rĂ©intĂ©grande, garde le silence sur cette action. Ce nâest guĂšre que dans les ouvrages dâauteurs qui ont Ă©crit avant cette ordonnance quâon trouve quelques notions Ă cet Ă©gard. La plupart des auteurs qui ont Ă©crit depuis nâen parlent pas. Tels sont les commentateurs Bornier, lloddier, Jousse, Pothier, TraitĂ© de la possession ; Pigeau, ProcĂ©dure du ChĂątelet; les autres en parlent si faiblement quâil nâest pas bien certain quâils lâaient considĂ©rĂ©e comme ayant survĂ©cu Ă la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes de lâordonnance. Nous sommes fort disposĂ©s Ă croire que cette ordonnance a , par le fait, aboli la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre en la soumettant aux mĂȘmes conditions que toutes les autres actions possessoires. Voyons, au surplus, comment sâen expliquaient les anciens auteurs. Boutillier, qui Ă©crivait dans le 14* siĂšcle, et qui est mort conseiller au parlement de Paris dans les premiĂšres annĂ©es du 15', nous retrace ainsi, dans sa Somme rurale, livre 2, titre 32, les usages de son temps sur cette matiĂšre â Ăźi â Si, sçacliez que dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre a lieu si tĂŽt que quelquâun fait ou fait faire nouvel Ćuvre au prĂ©judice dâautrui, â.elui qui sent que câest en son prĂ©judice le peut dĂ©fendre et dĂ©noncer... Si, sçachez que cette dĂ©nonciation est de tel effet, si tĂŽt que celui qui se sent troublĂ© sâen aperçoit, il peut venir sur le lieu oĂč on fait et commence cette nouvelle Ćuvre, et dire Ă ceux quâil trouvera lĂ , soit quâils soient gens de celui qui fait faire ou non, soit que celui y soit sur lâouvrage fait ou non, et doit ainsi aux ouvriers et assistants qui lĂ seront trouvĂ©s Fous faites ci nouvel Ćuvre Ă mon prĂ©judice, je vous dĂ©nonce que vous cessiez de faire et dĂ©sistiez entiĂšrement et de ce que fait avez, je fais protestation que tout soit dĂ©moli et rĂ©parĂ©, et que amendĂ© soit si avant que juge esgar- dera quâil appartiendra, et ne le convient jĂ autrement faire dĂ©noncer Ă celui qui la nouvelle Ćuvre fait faire , si prĂ©sent nây est trouvĂ©, mais bien les ouvriers lui fassent savoir si bon lui semble ; car si depuis il y Ă©tait ĆuvrĂ©, ce serait attentĂ©, et tomberait en peine et amende dâattentat; et de fait convient que lâouvrage soit cessĂ© du tout jusquâĂ ce que celui qui lâouvrage fait faire, fait convenir et dĂ©noncer par devant le juge Ă savoir pourquoi il a fait cette nouvelle dĂ©nonciation ; et sera le faiseur de lâouvrage demandeur ce cas, et le dĂ©nonçant possessionnaire ou possesseur de la dĂ©nonciation qui est grande dignitĂ© en procĂšs. Alors, le dĂ©nonçant comme dĂ©fendeur et possesseur soutiendra la dĂ©nonciation et les causes quâil a de ce faire. Mais, selon aucuns, il est de nĂ©cessitĂ© que cette dĂ©nonciation soit faite dans lâan que cette nouvelle Ćuvre est commencĂ©e ; et la cause mise en cour, le procĂšs doit ĂȘtre fait en trois mois ; sinon, le faiseur de la nouvelle Ćuvre requiert, disant que le procĂšs est apparent de du- rer longuement, et, par ainsi, lâĆuvre qui est nĂ©cessaire et profitable...., pouvoir aller Ă perdition.... lejugedâol- lice peut et doit pourvoir Ă ce que lâouvrage se parfasse, en baillant suffisante caution. » Ainsi, dâaprĂšs Boutillier, la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, ou la dĂ©fense de continuer les travaux pouvait se faire verbalement ; mais il est contredit par Charondas , comme on le voit dans la note suivante Nonciation de nouvel Ćuvre est une prohibition de ne bĂątir et Ă©difier nouvel Ćuvre. Elle se faisait.... ou par paroles du dĂ©nonciateur, ou par autoritĂ© du prĂȘteur.... On ne pratique en France que la derniĂšre maniĂšre, par autoritĂ© du juge, et les parties Ă©tant ouĂŻes par devant lui, il ordonne si la dĂ©nonciation tiendra, ou si celui qui a commencĂ© de bĂątir continuera en baillant caution. » Papon a mĂȘme prĂ©tendu que la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre devait ĂȘtre assimilĂ©e Ă la complainte. Iu reste, le juge avait la facultĂ©, mais non lâobligation dâadmettre lâauteur du nouvel Ćuvre Ă le continuer, moyennant caution de remettre les choses dans leur premier Ă©tat; et, en effet, si dâune part on trouve un arrĂȘt du parlement de Paris, du 26 septembre l/i30, qui a permis sous caution dâachever les moulins dâAmiens, commencĂ©s Ă bĂątir, sur le pont desquels le passage Ă©tait rendu plus Ă©troit, » de lâautre aussi on trouve deux arrĂȘts de la mĂȘme cour, lâun du 26 novembre 1513, par lequel la requĂȘte de permission de bĂątir en lieu contentieux, en baillant caution de dĂ©molir, fut rejetĂ©e ; lâautre du 27 novembre 1514, qui dĂ©bouta Gabriel de la ChĂątre des lettres par lui prĂ©sentĂ©es, tendant Ă fin dâĂȘtre reçu pendant le procĂšs de complainte, Ă suivre et continuer de bĂątir, en baillant caution de dĂ©molir sâil Ă©tait dit. » Papon, liv. 8, tit. A, n 0 â 8, 9 et 10; Bouchcul, BibliothĂšque civile, au mot Complainte. lâĂ©tait donc par les circonstances de chaque affaire que le juge devait se dĂ©terminer sur ce point. Henrvs, liv. A, chap. 6, question 8/j, rapporte les conclusions quâil a donnĂ©es, comme avocat du roi, dans une affaire entre le seigneur de llostaing, demandeur en dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, et le seigneur de la Baume, dĂ©fendeur. Nous dĂźmes quâil semblait que le demandeur avait trop attendu dâarrĂȘter une nouvelle Ćuvre, non-seulement avancĂ©e, mais presque achevĂ©e; que, par ce moyen , les dĂ©fenses requises pouvaient avoir plus dâenvie et de chaleur que de raison, puisque la caution faisait cesser tout intĂ©rĂȘt Cum sit securus is qui opus novum nuntiavit, postquam ei cautum est, comme dit la loi 20, § 11, ff. de operis novi nuntiatione; quâau surplus , la loi du mĂȘme titre au Code ne devrait pas ĂȘtre suivie Ă la rigueur, et que, sur la dispute des interprĂštes , si elle avait dĂ©rogĂ© ou non aux lois prĂ©cĂ©dentes, il y avait apparence de suivre la distinction faite par le sĂ©nat de Turin, dans une espĂšce rapportĂ©e par ThĂ©saurus, decis 20/i, savoir sâil y a du pĂ©ril ou non au retardement de lâĂ©difice, et si, pour le suspendre de trois mois, celui qui Ta entrepris peut en recevoir un prĂ©judice notable; et, quoique entre les modernes, Fachi- nĆus, livre 8, controv. cap. 48, rejette cette distinction, nous lâestimons pourtant dâautant plus recevable, que la dĂ©cision dâun sĂ©nat est prĂ©fĂ©rable Ă lâopinion dâun particulier, et quâelle est dâailleurs fondĂ©e non-seulement sur la loi, mais encore sur une Ă©quitĂ© manifeste, quis enim dubitat multo melius omitti operis novi nuntiatio- nem, quam impediri operis necessarii urqentem extructio - nem, comme dit la loi 5, § 12, au titre prĂ©allĂ©guĂ© du Digeste. Il veut que cela ait lieu genernhter et quoties dilatio periculum allatum est. » Henrys ajoute que, conformĂ©ment Ă ses conclusions, il intervint sentence qui, avant faire droit sur la demande du sieur de la Baume, en permission provisoire de continuer ses travaux moyennant caution, ordonna que les lieux seraient visitĂ©s, et quâen consĂ©quence, ayant Ă©tĂ© reconnu que lâĆuvre Ă©tait fort avancĂ©e, que tous les matĂ©riaux Ă©taient prĂȘts et Ă pied dâĆuvre ; quâils se pouvaient gĂąter par le retardement; quâil y avait du pĂ©ril de diffĂ©rer davantage, Ă cause de lâhiver prochain, et parce quâaussi il Ă©tait aisĂ© de juger que le procĂšs principal prendrait un long cours, il fut ordonnĂ© que, sans avoir Ă©gard Ă la requĂȘte du sieur de Rostaing et aux dĂ©fenses par lui requises, il serait permis au seigneur de la Baume dâachever lâĆuvre, en baillant par lui bonne et suffisante caution de la dĂ©molir, et de payer les dommages-intĂ©rĂȘts sâil Ă©tait dit en fin de cause, dette sentence fut sanctionnĂ©e par lâacquiescement des parties. Nous tenons, dit encore Henrys, Ă la distinction que nous avons rapportĂ©e, et nous croyons quelle doit servir de rĂšgle. Si dâabord que lâĆuvre est commencĂ©e, les intĂ©ressĂ©s sâen plaignent, et quâil nây ait rien qui presse, le juge ne doit pas lever ses dĂ©fenses, ni permettre quâon continue ce quâon a entrepris de faire, il doit plutĂŽt entrer dans la connaissance du fond, et tĂącher de juger le diffĂ©rend ; mais si les intĂ©ressĂ©s ont attendu dâen rĂ©clamer, sâils ont souffert quâon avance lâĆuvre, et quâayant prĂ©parĂ© les matĂ©riaux elle soit en Ă©tat dâĂȘtre achevĂ©e, ils 11 e peuvent pas empĂȘcher quâelle ne soit continuĂ©e en baillant caution ; câest parce quâils se doivent â 28 â imputer la faute de nâen avoir rĂ©clamĂ© plus tĂŽt; autrement, il serait au choix dâun mauvais voisin dâattendre que lâĆuvre soit bien avancĂ©e, Ă dessein dâengager lâentrepreneur dans une dĂ©pense inutile. » Et cela est fort juste, ajoute Bretonnier, dans ses observations sur ce passage dâHenrvs. Câest par une erreur manifeste quâil est dit dans la nouvelle Ă©dition de Denizart, V* DĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, que lâeffet de cette dĂ©nonciation est dâobliger le voisin Ă surseoir jusquâĂ ce quâil ait obtenu un jugement qui lui permette de continuer ; Ă la vĂ©ritĂ©, les auteurs de cette collection ajoutent, que la dĂ©nonciation contient le plus souvent assignation devant le juge des lieux, pour voir dire que le voisin ait Ă faire cesser lâouvrage jusquâĂ ce que, par justice, il en ait Ă©tĂ© ordonnĂ© ; » mais ils nâen dĂ©cident pas moins que la sommation de cesser entraĂźne la suspension; câest-Ă -dire, quâinduits en erreur par les lois romaines et par le sentiment de Bou- ^tillier, ils maintiennent les deux modes de dĂ©nonciation, ou par dĂ©fense faite Ă ceux qui exĂ©cutent les travaux , ou par autoritĂ© du juge, quoique Charondas atteste que le dernier fĂ»t seul usitĂ©. En effet, la dĂ©nonciation par simple sommation, ou verbale ou Ă©crite, nâa rĂ©ellement jamais Ă©tĂ© reçue en France. Sans doute le voisin pouvait faire une sommation de discontinuer les travaux ; mais celui Ă qui elle Ă©tait adressĂ©e nâĂ©tait pas tenu dây satisfaire; il agissait comme la prudence le lui conseillait ; par consĂ©quent, il ne pouvait ĂȘtre condamnĂ© Ă dĂ©truire les travaux exĂ©cutĂ©s depuis, par cela seul quâil nây avait pas obĂ©i, et le juge ne pouvait lui refuser audience jusquâĂ ce quâil eĂ»t rĂ©tabli les choses dans lâĂ©tat oĂč elles Ă©taient lors de cet â â Acte. Il continuait Ă ses pĂ©rils et risques, et ne pouvait ĂȘtre contraint Ă suspendre que par jugement. Il Ă©tait seulement passible de dommages-intĂ©rĂȘts Ă partir de la dĂ©nonciation , qui Ă©tait une mise en demeure de cesser, si le juge, apprĂ©ciant le fond, reconnaissait quâil nâavait aucun droit de bĂątir. Nous trouvons, dans un arrĂȘt de la Cour de cassation du 1 1 juillet de 1820, une preuve bien positive de la vĂ©ritĂ© de ce que nous venons de dire. l,e sieur Calvet est propriĂ©taire dâune maison situĂ©e Ă Escoussens, et dâun terrain qui en dĂ©pend. Le sieur Pra- det possĂšde une maison qui prend son jour et son passage sur ce terrain, Ă titre de servitude, suivant la prĂ©tention de ce dernier. Calvet, voulant clore sa propriĂ©tĂ©, a fait, au mois de juillet 1817, commencer la construction dâun mur dans toute lâĂ©tendue de la façade de la maison du sieur Pradet. Le 24 du mĂȘme mois, celui-ci lui a fait signifier un acte extrajudiciaire, contenant sommation de cesser les constructions commencĂ©es. Calvet, sans avoir aucun Ă©gard Ă cette sommation, a poursuivi la construction de son mur. Alors le sieur Pradet, sans appeler le sieur Calvet, sâest adressĂ© au juge de paix qui a nommĂ© des experts pour procĂ©der Ă la vĂ©rification des lieux. Lâordonnance portant nomination des experts nâa pas Ă©tĂ© non plus notifiĂ©e au sieur Calvet ; de sorte que câest encore en son absence que ces experts ont opĂ©rĂ©. Leur procĂšs-verbal avant Ă©tĂ© dressĂ©, le sieur Pradet a, le 28 juillet 1827, fait citer le sieur Calvet devant le juge de paix du canton de la BruguiĂšre, pour voir dire quâil â 30 â serait condamnĂ© Ă dĂ©molir les constructions quâil avait commencĂ©es. Le sieur Calvet sâest prĂ©sentĂ© sur cette citation, et a soutenu que le sieur Pradet nâavait aucun droit de servitude sur son terrain ; quâainsi sa prĂ©tention Ă©tait dĂ©nuĂ©e de fondement; mais le juge de paix a refusĂ© dâentendre cette dĂ©fense, tant que le sieur Calvet nâaurait pas dĂ©truit les ouvrages quâil avait continuĂ©s depuis la sommation extrajudiciaire que le sieur Pradet lui avait faite le 24 juillet, et quâil nâaurait pas rĂ©tabli les lieux dans lâĂ©tat oĂč ils se trouvaient au moment de cette sommation. Sur lâappel, jugement du tribunal de Castres, qui confirme, en se fondant sur les dispositions des lois romaines, qui, suivant lui, dans le silence du Code de procĂ©dure et lâincertitude de la jurisprudence des arrĂȘts, doivent encore servir de rĂšgle aujourdâhui. Pourvoi en cassation qui fut accueilli par arrĂȘt conçu dans les termes suivants \u lâarticle 1041 du Code de procĂ©dure civile, attendu que les juges seuls ont le droit de commander et de se faire obĂ©ir ; que les parties intĂ©ressĂ©es ont bien le droit de forcer leurs adversaires, par actes extrajudiciaires, de faire ce quâelles prĂ©tendent exiger dâeux; mais que de pareils actes ne peuvent produire dâautres effets que de constituer en demeure, et de rendre passibles de dommages-intĂ©rĂȘts ceux qui nây ont pas dĂ©fĂ©rĂ©, lorsque la demande se trouve juste et bien vĂ©rifiĂ©e ; que ce principe gĂ©nĂ©ral ne souffre pas dâexception au cas de dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre; que les lois romaines, qui en disposaient autrement, nâont jamais Ă©tĂ© observĂ©es en France, et quâelles nâont pu surtout ĂȘtre invoquĂ©es depuis la mise en activitĂ© du iode de procĂ©dure, qui, â 31 â par son art. 1041, a dĂ©clarĂ© abroger toutes les lois, coutumes, usages et rĂ©glements antĂ©rieurs relatifs Ă la procĂ©dure civile ; que, cependant, câest par application des lois romaines que le tribunal de Castres sâest dĂ©cidĂ© Ă dĂ©nier justice au demandeur, tant quâil nâaurait pas remis les choses au mĂȘme Ă©tat quâelles lâĂ©taient lors de la dĂ©fense qui lui avait Ă©tĂ© faite par acte extrajudiciaire de continuer ses constructions; que la forme de procĂ©der en pareille matiĂšre Ă©tait indiquĂ©e au titre 1 er du Code de procĂ©dure, qui sâoccupe des actions possessoires, et, par suite, de celle en dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, qui en a le vĂ©ritable caractĂšre ; par ces motifs, la cour casse. » Nous avons vu que, dans le droit romain, tout particulier Ă©tait admis Ă la dĂ©nonciation du nouvel Ćuvre, qui se faisait dans les lieux publics. Brillon, aux mots nouvel Ćuvre, dit que cela ne se pratique plus en France, oĂč il serait nĂ©cessaire, en pareil cas, de prĂ©venir les personnes chargĂ©es de lâinspection gĂ©nĂ©rale ou du dĂ©tail des Ă©difices publics. » Cette dĂ©cision Ă©tait fort juste en gĂ©nĂ©ral ; mais quand un voisin Ă©prouvait un prĂ©judice dâouvrages qui sâexĂ©cutaient dans un lieu public, dans un chemin, dans une place, rue ou fleuve, il avait incontestablement le droit, pour la conservation de ses intĂ©rĂȘts privĂ©s, dâintenter la dĂ©nonciation. Ainsi, lorsquâun particulier faisait, sur la voie publique, une excavation qui pouvait compromettre la soliditĂ© des Ă©difices, ou exĂ©cutait des travaux qui privaient les propriĂ©taires de lâusage de leurs jours, de leurs portes, leur causaient des infiltrations; dans ce cas et autres semblables, il y avait certainement lieu Ă cette action, â 35 â et il en serait encore de mĂȘme aujourdâhui, ainsi que nous lâavons dĂ©montrĂ©, page 553 de la 3' Ă©dition de notre TraitĂ© des chemins, auquel nous renvoyons pour Ă©viter des rĂ©pĂ©titions inutiles. Nâ III. Droit français actuel. question de savoir si la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, telle que lâentendaient les lois romaines modifiĂ©es par notre ancien droit français, est maintenue par notre droit moderne, a Ă©tĂ© longtemps controversĂ©e. 11 y a eu, sur ce point, division parmi les jurisconsultes, et contradiction complĂšte dans la jurisprudence. MM. Henrion de Pansey, Guichard, Favardde Langlade enseignaient lâaffirmative. M. CarrĂ©, aprĂšs avoir, dans ses Questions de procĂ©dure, embrassĂ© la thĂšse contraire, a un peu modifiĂ© son sentiment dans sa Juridiction civile des juges de paix. M. Merlin, /i' Ă©dition des Questions de droit, V° DĂ©nonciation de, nouvel Ćuvre, discute Ă fond la matiĂšre, et dĂ©montre jusquâĂ lâĂ©vidence lâerreur de ceux qui prĂ©tendent que lâancienne dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre subsiste encore parmi nous. Pour notre compte, nous sommes dâavis quâil ne reste plus rien de cette vieille action. Nous croyons que le vĂ©nĂ©rable auteur de la CompĂ©tence des juges de paix sâest, en ce point comme en beaucoup dâautres, beaucoup trop laissĂ© influencer par le souvenir des doctrines de lâancien droit, sans faire assez attention quâelles Ă©taient incompatibles avec les principes de notre droit nouveau. La loi de 1790, ni le Code de procĂ©dure, ne renferment aucune disposition sur la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, parce quâils ont voulu proscrire les distinctions qui jadis jetaient la confusion dans une matiĂšre dĂ©jĂ si dĂ©licate, et ramener tout le systĂšme Ă des principes uniformes. Nous ne voyons pas que la distinction entre la dĂ©nonciation et les autres actions possessoires ait un objet rĂ©el. Les lois les assujettissant toutes Ă la possession annale Ă titre non prĂ©caire antĂ©rieure au trouble, lâaction Ă laquelle un nouvel Ćuvre donnera ouverture sera aussi soumise Ă cette condition ; mais il importera peu que les ouvrages soient terminĂ©s ou seulement commencĂ©s; quâils soient exĂ©cutĂ©s sur le fonds du propriĂ©taire ou sur celui du rĂ©clamant. Sans doute celui sur le fonds duquel un tiers vient construire, ou qui Ă©prouve, par les travaux du propriĂ©taire voisin, quelque prĂ©judice dans lâexercice de ses droits, peut se pourvoir pour faire seulement suspendre ces travaux, sâil a une possession annale, sâil rĂ©unit les conditions exigĂ©es pour intenter la complainte ; mais il nâest pas forcĂ© de sâen tenir lĂ ; il peut demander la destruction, mĂȘme des travaux terminĂ©s, sans recourir Ă lâaction pĂ©titoire. Il faut aller plus loin et dĂ©cider que celui qui craint que les travaux exĂ©cutĂ©s soit sur son fonds, soit sur le fonds voisin ne lui nuisent, peut en demander la suspension ou la destruction par la voie possessoire ; car il nâest pas nĂ©cessaire quâil y ait dommage actuel. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, toutes les fois quâil est certain quâun ouvrage fait de main dâbommedoit nuire Ă la propriĂ©tĂ© dâautrui, lâaction possessoire est recevable, quoique le dommage ne soit pas encore arrivĂ© IIĆc autem actio, dit la loi J rc , § 1", ff. de oq., et oq. plue, arcend., locum ha- bet in damnum nondmn factum opĂ©rĂ© lumen jum facto hoc est, de eo opĂ©rĂ©, ex et sui- vants, sont pour lâaffirmative ; ils conviennent bien que la rĂ©intĂ©grande peut encore ĂȘtre intentĂ©e devant le juge de paix ; mais par le possesseur annal et non prĂ©caire seul, câest-Ă -dire quâils lâassimilent Ă toutes les autres actions possessoires. Nous partageons lâopinion des premiers auteurs, qui, comme on le verra, a Ă©tĂ© consacrĂ©e par de nombreux arrĂȘts de la cour de cassat ion ; mais cela nâest pas par la raison donnĂ©e comme la principale par quelques-uns dâeux pie la rĂ©intĂ©grande nâest pas une action possessoire, puis- quâau contraire elle a toujours Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme telle, et que la loi du 25 mai 1838, ar?. 5, lui donne expressĂ©ment cette qualification en la rangeant dans les attributions du juge de paix. Au nombre des auteurs qui ont combattu le maintien de lâancienne rĂ©intĂ©grande, nous distinguons MM. Trop- long, Tonifier et Aulanier, dont les opinions sont dĂ©veloppĂ©es avec beaucoup de soin et dâĂ©tendue. Les deux premiers vont mĂȘme jusquâĂ prĂ©tendre quâil nây avait autrefois, au moins depuis le l/i e siĂšcle, aucune dilfĂ©rence entre la complainte et la rĂ©intĂ©grande, Simon de Bucy, premier prĂ©sident au parlement de Paris, â 46 â ayant soumis ces deux actions aux mĂȘmes conditions ; que toutes deux exigeaient la possession annale Ă titre non prĂ©caire ; ils ne citent pourtant aucun auteur qui ait nettement discutĂ© et Ă©tabli cette thĂšse, et M. Aulanier avoue que les principes anciens Ă©taient contraires en ce point Ă lâopinion de M. Toullier. Nous avons en effet rappelĂ© des autoritĂ©s qui ne laissent lĂ -dessus aucun doute, et il est certain que lâassimilation opĂ©rĂ©e par Simon de 15ucy nâeut lieu que relativement Ă la forme de procĂ©der, mais non quant aux conditions dâexercice des actions et de leurs rĂ©sultats qui continuĂšrent dâĂȘtre bien diffĂ©rents. Au reste, les adversaires de la rĂ©intĂ©grande insistent principalement sur la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes de lâart. 23 du Code de procĂ©dure. Ils poussent si loin la rigueur de leur doctrine, quâils refusent lâaction en rĂ©intĂ©grande au possesseur de bonne foi, mais non annal, contre celui qui nâayant aucun droit de propriĂ©tĂ©, pas mĂȘme un instant de possession, aurait commis une spoliation violente. Ils trouvent Ă©trange aussi quâon puisse ĂȘtre rĂ©tabli en possession dâune chose dont on a Ă©tĂ© violemment dĂ©pouillĂ©, et que, sur une nouvelle action possessoire, on soit exposĂ© Ă la restituer Ă celui-lĂ mĂȘme quâon a dâabord fait condamner. Comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, nous ne nous attacherons pas Ă combattre les diverses objections de nos adversaires; nous ferons seulement observer quâun pareil rĂ©sultat, dĂ©jĂ admis sous lâordonnance de 1567, nâa rien que de trĂšs-naturel et trĂšs-lĂ©gitime. Les tribunaux nâont dâautre but dans ce cas que de condamner le moyen employĂ© pour se rendre justice Ă soi-mĂȘme, dâempĂȘcher la substitution des voies de fait aux voies de droit, dâobliger le spoliateur Ă agir avec rĂ©gularitĂ©, et de respecter la â 47 â possession de sa partie adverse jusquâĂ ce que les magistrats aient reconnu sa dĂ©fectuositĂ© et la validitĂ© de la possession antĂ©rieure quâil allĂšgue. Câest, en effet, un principe dâordre et de justice rigoureuse que, quels que soient les prĂ©tentions et les droits dâun citoyen Ă la propriĂ©tĂ© ou Ă la possession dâun objet litigieux, cet objet doit rester Ă celui qui le dĂ©tient Ă tort ou Ă raison, jusquâĂ ce que les tribunaux en aient autrement disposĂ© ; car, jusque-lĂ , les droits du rĂ©clamant ne sont point Ă©tablis. Le droit romain allait jusquâĂ priver le spoliateur de la propriĂ©tĂ© quâil pouvait avoir sur la chose. Sans doute on distingue les voies de fait en licites et illicites, et nous admettons cette division en avertissant toutefois quelle est assez difficile Ă faire, et quâil ne faut sây abandonner quâavec une grande rĂ©serve; mais la tolĂ©rance que lâon doit avoir pour les voies de fait dans le seul cas, suivant nous, oĂč un propriĂ©taire exĂ©cute sur son fonds des ouvrages pour sâaffranchir dâune servitude quâil ne doit pas, ou supprime ceux quâun tiers a faits pour sâarroger un pareil droit, ne dĂ©truit point la rĂšgle gĂ©nĂ©rale'; au contraire, elle la confirme et la fortifie, ainsi que nous lâĂ©tablirons plus positivement encore, en traitant des divers genres de troubles, de ceux qui sont permis ou dĂ©fendus. Sans doute encore, il ne sera pas toujours aisĂ© de distinguer la spoliation du simple trouble; câest lĂ , nous le croyons, la vĂ©ritable, la seule difficultĂ© de lâaction en rĂ©intĂ©grande ; mais sa solution dĂ©pendra des faits de la cause. La loi ne pouvait prĂ©voir tous les cas qui donnent lieu Ă cette action ; il lui a suffi dâĂ©tablir une rĂšgle gĂ©nĂ©rale. Le juge devra donc rechercher sâil y a eu dĂ©possession, privation de la chose, et si ce rĂ©sultat a Ă©tĂ© obtenu par violence ou voie de fait; il est lâapprĂ©ciateur des cir-. â 48 â constances qui peuvent prĂ©senter lâun et l'autre caractĂšres ; connue dans le cas oĂč il ne sâagit que de trouble, la loi lui donne un pouvoir discrĂ©tionnaire pour dĂ©clarer que les faits articulĂ©s le constituent ou ne le constituent pas. Ainsi un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, du h dĂ©cembre 1833, a dĂ©cidĂ© que lâinexĂ©cution dâun contrat, par exemple lâextension des labours sur une portion de terrain que le vendeur sâĂ©tait rĂ©servĂ©e, ne pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme voie de fait autorisant lâaction en rĂ©in- tĂ©grande de la part de celui-ci contre lâacquĂ©reur. Une solution analogue se retrouve dans un arrĂȘt du 5 janvier 1837, rendu dans une espĂšce oĂč des travaux avaient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s en vertu dâun jugement passĂ© en force de chose jugĂ©e. lu reste, la jurisprudence de la cour de cassation nâa jamais variĂ© sur lâexistence de lâaction en rĂ©intĂ©- grande. Les deux premiers arrĂȘts sont des 10 novembre 1819 et 16 mai 1820; ils ont dĂ©cidĂ© quâun fermier, un anti- chrĂ©siste pouvaient intenter la rĂ©intĂ©grande ; depuis, la cour a rendu, entre Chaufiier et la veuve Guyouvard, sous la date du 28 dĂ©cembre 1826, un arrĂȘt bien plus positif encore, qui donne une nouvelle sanction Ă notre doctrine. Lâimportance de la question nous dĂ©termine Ă en rapporter en entier lâespĂšce et le texte. Le sieur Chaufiier et la veuve Guyouvard jouissaient simultanĂ©ment, et chacun pendant certains jours, des eaux dâun ruisseau qui parcourait leurs propriĂ©tĂ©s. Cette jouissance avait lieu, Ă ce quâil paraĂźt, au moyen dâun barrage mobile. En 182/j, la veuve Guyouvard Ă©tablit une digue ou chaussĂ©e fixe dans le lieu oĂč Ă©tait le barrage â i9 â mobile. Le fermier de Chauflier fit une ouverture Ă cette digue ; sur ce, action en rĂ©intĂ©grande. Chauflier intervint, et soutint lâaction non recevable, attendu que la veuve Guyouvard nâavait pas la possession annale il offrit de prouver ce fait. Jugement qui rĂ©intĂšgre la veuve Guyouvard dans la possession de cette digue; appel, et, le 2 juin 1825, jugement confirmatif du tribunal de Vannes. Pourvoi de la part de Chauflier pour violation de lâarticle 23 du Code de procĂ©dure, en ce que lâaction de la veuve Guyouvard Ă©tait non recevable, par le motif quelle nâavait pas la jouissance annale des eaux ni de la digue. Il insistait particuliĂšrement sur ce quâil y aurait injustice Ă obliger un propriĂ©taire Ă attendre les lenteurs et les suites dâun procĂšs contre un individu peut-ĂȘtre insolvable pour obtenir la destruction de lâouvrage que cet individu aurait clandestinement Ă©tabli sur la propriĂ©tĂ© dâautrui. Voici lâarrĂȘt La cour, attendu en droit que nul ne peut se faire justice Ă soi-mĂȘme, cur enirn ad arma, ad rixam procĂ©da'e patiatur prĂŠtor quos potest juridictione sua componere? L. 13, § 3, ff. deusuf.; que celui qui a Ă©tĂ© dĂ©possĂ©dĂ© par violence ou voie de fait doit, avant tout, rentrer dans sa possession, spoliatus ante omnia resti- tuendus; que câest sur ces principes conservateurs de lâordre social et de la paix publique que repose lâaction en rĂ©intĂ©grande ; que cette action, gĂ©nĂ©ralement admise dans lâancienne lĂ©gislation française, loin dâavoir Ă©tĂ© abrogĂ©e par la nouvelle, est reconnue comme Ă©tant encore en pleine vigueur par une disposition formelle de lâart. 2000 du Gode civil ; que lâart. 23 du Gode de procĂ©dure, sainement entendu, ne doit ĂȘtre appliquĂ© quâaux actions possessoires ordinaires, Ă lâĂ©gard desquelles câest le droit ou la qualitĂ©, et non pas le fait de la possession 4 quâon considĂšre ; que ces actions ont toujours Ă©tĂ© bien distinctes de lâaction en rĂ©intĂ©grande et par leur nature et par leurs effets par leur nature, car les actions pos- sessoires ordinaires, naissant dâun trouble quelconque, et fondĂ©es sur une jouissance civile et lĂ©gitime, doivent prĂ©senter une possession annale, publique, paisible, et Ă titre non prĂ©caire ; tandis que lâaction en rĂ©intĂ©grande, naissant dâune dĂ©possession, par violence ou voie de fait, et fondĂ©e sur une jouissance matĂ©rielle, ne doit prĂ©senter quâune simple dĂ©tention naturelle au moment de la violence ou voie de fait ; par leurs effets, car, Ă lâĂ©gard des premiĂšres, le jugement assure au possesseur une possession civile, lĂ©gale, dĂ©finitive, et qui ne peut ĂȘtre renversĂ©e quâau pĂ©titoire, tandis que, Ă lâĂ©gard de la seconde, le jugement ne rend au dĂ©tenteur que sa jouissance momentanĂ©e, matĂ©rielle, provisoire, et qui peut ĂȘtre anĂ©antie, mĂȘme au possessoire. Attendu que si la violence a ses caractĂšres particuliers, il nâest pas nĂ©cessaire du tout quâil y ait eu des combats et du sang rĂ©pandu, et que, pour lâĂ©tablir, notamment dans lâaction civile en rĂ©intĂ©grande, il suffit que lâacte par lequel une partie usurpe de sa propre autoritĂ© sur lâautre, lâobjet contestĂ© renferme une voie de fait grave, positive, telle quâon ne pouvait la commettre sans blesser la sĂ©curitĂ© et la protection que chaque individu en sociĂ©tĂ© a droit dâattendre de la force des lois Vim putas esse sol uni si hommes vidnerentur? vis est quo- tiens qui s id quod deberi sibi putat, non per jndicem re- poscit. Loi 7, ff. ad leqcm J ni. de vi priv. » Sans doute cet arrĂȘt est allĂ© un peu loin en posant en principe quâil y a voie de fait toutes les fois quâon sâempare dâune chose sans lâintervention du juge; sâil nâest pas nĂ©cessaire quâil y ait eu des coups, des blessures, effusion de-sang, on ne peut pas non plus admettre dâune maniĂšre absolue la maxime tirĂ©e des lois romaines. Il faut que la voie de fait soit grave, positive, contraire Ă la paix publique et ait lieu de mauvaise foi, câest-Ă -dire malgrĂ© la conviction que lâautre partie avait des prĂ©tentions Ă la chose ; circonstances abandonnĂ©es Ă la libre apprĂ©ciation du juge ; mais, Ă cela prĂšs, la doctrine de lâarrĂȘt est irrĂ©prochable. A la vĂ©ritĂ©, quelques auteurs ont prĂ©tendu que la cour de cassation Ă©tait elle-mĂȘme revenue sur cette jurisprudence. Pour le prouver, ils ont citĂ© quatre arrĂȘts des 15 mai 1827, 5 mars, I l juin 1828 et K mars 1829; mais il est Ă©vident que ces arrĂȘts nâont, avec la difficultĂ© qui nous occupe, quâun rapport bien indirect, et quâapprĂ©ciĂ©s sainement, ils sont plus favorables quâopposĂ©s Ă notre sentiment. Dans lâespĂšce du premier, le sieur Bignon-BeausĂ©jour demandait bien Ă ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ© dans la possession dâun terrain dont il prĂ©tendait avoir Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© par violence ; mais au lieu de sâen tenir Ă invoquer la possession au moment de la violence et la maxime spoliatus ante omnia reslitumdus est, il allĂšgue une possession annale, demande Ă en faire la preuve en cas de dĂ©nĂ©gation. Cette dĂ©nĂ©gation ayant eu lieu, la preuve de la possession annale ayant Ă©tĂ© prescrite, enfin le sieur Bignon-BeausĂ©jour ayant exĂ©cutĂ© ce jugement en faisant procĂ©der Ă lâenquĂȘte, mais sans pouvoir Ă©tablir sa possession annale, le juge de paix rejeta sa demande par ce dernier motif. En appel, le sieur BeausĂ©jour change de systĂšme ; il soutient que, sâagissant dâune dĂ©possession violente, il f n'avait pas besoin de prouver une jouissance annale; mais le jugement est confirmĂ© par le motif principal quâil nâavait pas Ă©tabli sa possession annale, comme il sây Ă©tait soumis devant le juge de paix. Sur le pourvoi en cassation, il reproduisit son systĂšme qui fut rejetĂ© avec raison, attendu, porte lâarrĂȘt, que la demande introductive de lâinstance devant le juge de paix, telle quâelle Ă©tait Ă©noncĂ©e dans sa sentence, en mĂȘme temps quelle tendait Ă ce que le demandeur fĂ»t rĂ©intĂ©grĂ© dans la possession du terrain litigieux, contenait lâoffre dudit demandeur de prouver, en cas de dĂ©ni, sa possession annale avant le trouble ; attendu que, sur la dĂ©nĂ©gation de cette possession annale, le juge de paix avait ordonnĂ© son transport et une enquĂȘte sur les lieux, et pie ladite sentence constate que ni lâenquĂȘte ni la visite ne justifient suffisamment la possession dudit terrain pendant lâannĂ©e qui a prĂ©cĂ©dĂ© lâentreprise; que ces motifs, adoptĂ©s par les juges dâappel, et sur lesquels le jugement attaquĂ© est fondĂ©, ainsi que les faits constatĂ©s prouvent que lâobjet du procĂšs Ă©tait une complainte pos- sessoire; quâen consĂ©quence, ledit jugement a fait une juste application de lâarticle 23. » Ainsi le pourvoi nâa Ă©tĂ© rejetĂ© que parce que le demandeur avait offert de prouver une possession annale, et quâil avait acquiescĂ© Ă la sentence qui ordonnait cette preuve. La cour a donc donnĂ© Ă entendre quelle eĂ»t dĂ©cidĂ© autrement si le sieur BeausĂ©jour nâavait articulĂ© et demandĂ© Ă prouver que la possession au moment de la voie de fait dont il se plaignait. Nous trouvons une solution identique dans un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, du P fĂ©vrier 1837, ainsi conçu Attendu que la demande introductive dâinstance, â 53 â telle quelle est Ă©noncĂ©e dans le jugement attaquĂ©, tendait Ă ce que le demandeur fĂ»t maintenu dans la possession dâune piĂšce de bois dont il prĂ©tendait avoir joui paisiblement depuis plus dâun an; que, sur la dĂ©nĂ©gation de cette possession, le juge de paix a ordonnĂ© une descente sur les lieux et une enquĂȘte ; que le tribunal, prononçant sur lâappel, a dĂ©clarĂ© quâil ne rĂ©sultait pas de lâempiĂšte que le demandeur eĂ»t une possession annale, paisible, et non Ă titre prĂ©caire, du bois taillis dont il sâagit ; attendu que ces motifs Ă©tablissent que lâobjet du procĂšs Ă©tait une complainte possessoire. » Comme nous lâavons dit, le juge a le droit dâapprĂ©cier les termes de la demande et de toutes les circonstances cpii peuvent caractĂ©riser lâune ou lâautre action ; et il pourra arriver quâil donne Ă la demande une qualification contraire aux prĂ©tentions mĂȘmes du demandeur. Ainsi, le sieur Leroy sâĂ©tait pourvu en cassation contre un jugement du tribunal des Andelys, confirmatif dâune sentence du juge de paix, lequel, considĂ©rant la demande du sieur Leroy comme une vĂ©ritable action en complainte contrairement Ă sa prĂ©tention de lui attribuer le caractĂšre dâaction en rĂ©intĂ©grande, et se fondant sur ce quâil ne prouvait pas une possession annale, avait dĂ©clarĂ© cette demande non recevable. Mais la cour rĂ©gulatrice, par son arrĂȘt du 13 novembre 1838, rejeta le pourvoi. On lit dans cet arrĂȘt La cour ; â ConsidĂ©rant que, pour refuser Ă lâaction du demandeur, le caractĂšre dâune demande en rĂ©intĂ©grande, le jugement sâest fondĂ© sur les termes mĂȘmes de lâassignation introductive dâinstance, et sur le rĂ©sultat des enquĂȘtes quâil a apprĂ©ciĂ© comme les juges en avaient le droit ; â Rejette, etc. » â 64 â Cependant, la cour suprĂȘme nâa pas toujours considĂ©rĂ© les apprĂ©ciations des juges en ces matiĂšres comme irrĂ©fragables ; si lâon consulte lâarrĂȘt rendu le 19 aoĂ»t 1839 dans lâaffaire Toudouze contre le maire de la commune de Genvry, on verra que, apprĂ©ciant elle-mĂȘme les termes de lâexploit introductif dâinstance et les voies de fait qui avaient eu lieu, elle a dĂ©cidĂ© que lâaction intentĂ©e Ă©tait une action en rĂ©intĂ©grande , bien que les juges lâeussent qualifiĂ©e de complainte. Cette dĂ©cision est remarquable, en ce que, Ă la diffĂ©rence de lâarrĂȘt du 16 mai 1827, la cour a jugĂ© que lâaction intentĂ©e par le sieur Toudouze Ă©tait une action en rĂ©intĂ©grande, encore que le demandeur eĂ»t offert la preuve de sa possession depuis plus dâun an et jour, possession qui nâest exigĂ©e que pour la complainte. Mais il faut observer que, dans lâespĂšce de 1827, le sieur Bignon-Beau- sĂ©jour avait non-seulement demandĂ© Ă faire la preuve de sa possession annale, mais encore exĂ©cutĂ© le jugement qui avait prescrit cette preuve sans pouvoir lâĂ©tablir; tandis que, dans lâautre espĂšce, le sieur Toudouze sâĂ©tait abstenu de concourir Ă lâenquĂȘte ordonnĂ©e par le juge de paix, sur le motif quâelle Ă©tait contraire aux principes de lâaction en rĂ©intĂ©grande quâil avait rĂ©ellement intentĂ©e, et qui nâexigeait pour sa justification que la preuve de la possession actuelle du demandeur, ajoutant que sâil avait parlĂ© de possession annale, ce nâĂ©tait que surabondamment ; et la cour suprĂȘme a accueilli ce motif. Ce ne doit donc pas ĂȘtre seulement dâaprĂšs les termes de la demande et la violence exercĂ©e, mais aussi dâaprĂšs la conduite tenue par le demandeur dans le cours de la procĂ©dure, comme cela est exprimĂ© dans lâarrĂȘt en question ; en un mot, dâaprĂšs ^toutes les circonstances de la i>o â cause, que le juge devra iixer les caractĂšres constitutifs de lâaction intentĂ©e. Mais revenons Ă lâexamen des arrĂȘts qui nous sont opposĂ©s. Celui du 5 mars 1828 dĂ©cide que, dans lâespĂšce particuliĂšre oĂč il a Ă©tĂ© rendu, il ne pouvait y avoir lieu Ă action de la part dâun fermier pour trouble dans lâexercice dâun passage servitude discontinue sur le fonds voisin, et pie la sentence du juge de paix nâĂ©tait pas rendue en dernier ressort ; mais, loin de proscrire la rĂ©intĂ©grande, dans les matiĂšres qui en sont susceptibles, il proclame au contraire nettement son existence sans nĂ©cessitĂ© de possession annale câest ce dont il est impossible de douter quand on fait attention quâil reconnaĂźt en droit, ainsi que lâa jugĂ© lâarrĂȘt du 28 dĂ©cembre 182/i et 705, et M. Lanjuinais dans son article Voie de fait, au RĂ©pertoire de jurisprudence. Le principe gĂ©nĂ©ral que la possession annale nâest, pas â 90 = - nĂ©cessaire, et lâexception que peut y opposer le dĂ©fendeur qui prĂ©tend avoir une possession antĂ©rieure, Ă©taient Ă©galement vrais sous lâempire des lois des 2 h aoĂ»t et 6 octobre 1790, conçues dans les mĂȘmes termes que lâordonnance de 1557. Nous croyons que ce sont lĂ les meilleurs principes ils sâappuient tout Ă la lois sur le droit romain, lâancien droit français et la stricte Ă©quitĂ© ; cependant lâarticle 23 du Code de procĂ©dure exige la possession annale. A la vĂ©ritĂ©, quelques auteurs ont voulu lutter contre la prĂ©cision et la gĂ©nĂ©ralitĂ© de ses termes ; deux systĂšmes se sont Ă cet Ă©gard produits les uns ont pensĂ© quâune possession, quelque courte quâelle fĂ»t, suffisait Ă lâĂ©gard de toutes personnes. Nous ne nous arrĂȘterons pas Ă rĂ©futer une thĂšse si Ă©videmment insoutenable. Les autres ont distinguĂ© entre le cas oĂč lâaction Ă©tait dirigĂ©e contre le vĂ©ritable propriĂ©taire ou un possesseur antĂ©rieur, et le cas oĂč elle lâĂ©tait contre celui qui nâavait jamais eu ni propriĂ©tĂ© ni possession ; ils disent que lâarticle 23 nâest impĂ©ratif que dans sa premiĂšre partie, pour lâobligation dâagir dans lâannĂ©e du trouble ; quâil est dĂ©monstratif dans la deuxiĂšme, qui fait mention de la possession annale; que si le lĂ©gislateur avait voulu ĂȘtre aussi rigoureux dans les deux cas, il aurait rĂ©pĂ©tĂ© que lâaction ne serait recevable quâautant que le demandeur aurait une possession annale. M. CarrĂ©, aprĂšs avoir adoptĂ© la distinction de Merlin dans son TraitĂ© des lois de la procĂ©dure, lâavait abandonnĂ©e dans son TraitĂ© de la compĂ©tence; il y est revenu dans le Droit français appliquĂ© aux justices de paix, et il rĂ©sume ainsi sa derniĂšre opinion Il faut entendre ces mots de lâarticle 23 du Code de procĂ©dure, depuis une annĂ©e au moins, dans ce sens que le possesseur qui â 91 â nâa pas encore une annĂ©e de possession ne peut intenter la complainte sâil est troublĂ© par celui qui possĂšde encore civilement depuis un an au moins ; mais quâil le pourra contre tout autre, sâil agit dans lâannĂ©e du trouble. » Lâauteur apprend que ce sentiment a Ă©tĂ© professĂ© par Pigeau, dans le commentaire posthume sur le Code de procĂ©dure. M. Belime, dans son TraitĂ© des Actions pos- sessoires, soutient la mĂȘme opinion avec beaucoup de dĂ©veloppement et dâhabiletĂ©; mais toutes ses raisons ne peuvent lâemporter sur le texte si positif de la loi. M. Poncet, TraitĂ© des Actions; M. Brossard, dans sa Juridiction des juges de paix; M. Aulanier, dans son TraitĂ© des Actions possessoires, opposent le texte formel du Code de procĂ©dure, qui repousse cette distinction. 11 est Ă©vident dâabord quelle ne peut ĂȘtre invoquĂ©e par le propriĂ©taire ; car on ne reconnaĂźt pas de propriĂ©tĂ© en matiĂšre possessoire, puisquâelle ne peut ĂȘtre ni discutĂ©e ni prouvĂ©e. Quant Ă la possession antĂ©rieure, le lĂ©gislateur a voulu quâelle ne pĂ»t ĂȘtre non plus dâaucune influence, parce quâil aurait pu arriver quâune possession dâun jour lâemportĂąt sur une possession postĂ©rieure de trois cent soixante-quatre jours, et que la nĂ©cessitĂ© de vĂ©rifier cette possession antĂ©rieure aurait augmentĂ© les complications dâune maniĂšre quâil faut rendre simple et facile. La cour de cassation a toujours interprĂ©tĂ© lâarticle 23 en ce sens que la possession annale est nĂ©cessaire pour intenter la complainte mĂȘme contre lâauteur dâun trouble qui ne pourrait lui-mĂȘme invoquer aucune possession. Câest ainsi quelle lâa dĂ©cidĂ©, le 9 fĂ©vrier 1837, dans lâarrĂȘt Brasseur contre Bertrand, dĂ©jĂ citĂ© dans lâarticle de la rĂ©intĂ©-grande. Le sieur Brasseur sâĂ©tait pourvu en cassation contre un jugement du tribunal de Reims qui avait repoussĂ© son action par le motif quâil nâavait point prouvĂ© sa possession annale. 11 soutenait Ă lâappui de son pourvoi que la possession annale nâĂ©tait pas nĂ©cessaire au demandeur pour que sa demande fĂ»t accueillie, lorsquâil agissait contre un tiers qui nâavait pas lui-mĂȘme cette possession ; et il invoquait, sur ce point, lâopinion de lâigeau. Mais la cour a repoussĂ© ce moyen. Attendu, porte lâarrĂȘt, que le jugement ayant dĂ©clarĂ©, en point de fait, que le demandeur, quand il intenta une action en complainte possessoire, .nâavait pas la possession paisible depuis une annĂ©e au moins du bois dans la possession duquel il voulait ĂȘtre maintenu, a fait, en rejetant cette demande, une juste application de lâarticle 23 du Code de procĂ©dure civile. » Toutefois, nous pensons que le lĂ©gislateur a eu tort de consacrer un tel principe. Une possession actuelle est toujours respectable ; nul ne peut lâentraver ni en dĂ©pouiller celui qui lâa, Ă moins quâil nâait lui-mĂȘme une possession plus ancienne, qui nâait pas Ă©tĂ© interrompue pendant un an ; il nâappartient pas Ă un Ă©tranger sans droit, sans titre, sans qualitĂ©, de troubler le possesseur, par cela seul que celui-ci nâa pas encore joui de la chose pendant un an. Ce dernier, qui peut dâailleurs avoir onze mois et vingt-neuf jours de possession, est assurĂ©ment plus favorable que le perturbateur qui nâen a pas du tout. 11 est Ă regretter que nos lĂ©gislateurs, lorsquâils se sont occupĂ©s de la loi de 1838, nâaient pas songĂ© Ă cette difficultĂ©; malheureusement il en a Ă©tĂ© ainsi de beaucoup dâautres quâil aurait Ă©tĂ© si nĂ©cessaire et si facile de rĂ©soudre. Si lâon rĂ©vise un jour le Code de procĂ©dure, lâait. 23 nous â 93 â paraĂźtrait devoir ĂȘtre rĂ©formĂ©. Cette rĂ©forme serait fort essentielle ; elle mettrait le Code de procĂ©dure en harmonie avec les principes du droit Ă©tablis par le Code civil. En effet, aux termes de lâart. 2230 dĂ©jĂ citĂ©, on est toujours prĂ©sumĂ© possĂ©der pour soi et Ă titre de propriĂ©taire. Ainsi, dans cette disposition, le lĂ©gislateur nâexige pas que la possession ait plus ou moins de durĂ©e; il se contente de celle actuelle ; et lorsquâelle a lâeffet de faire rĂ©pĂ©ter le dĂ©tenteur propriĂ©taire, comment nâautoriserait-elle pas la maintenue provisoire qui est fondĂ©e prĂ©cisĂ©ment sur ce que le possesseur est rĂ©putĂ© propriĂ©taire jusquâĂ preuve contraire? Au surplus, si lâart. 23 peut avoir lâinconvĂ©nient de favoriser quelquefois les usurpateurs au dĂ©triment dâune possession lĂ©gitime, il faut au moins se garder soigneusement de lâaugmenter en Ă©tendant sa disposition hors du cercle oĂč elle doit ĂȘtre renfermĂ©e, dâaprĂšs les termes dans lesquels elle est conçue. Cet article ne parlant que du simple trouble ne peut, par cela mĂȘme, sâappliquer Ă la dĂ©possession opĂ©rĂ©e par violence ou voie de fait qui donne lieu Ă lâaction en rĂ©intĂ©grande. La loi du 24 aoĂ»t 1790 attribue dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale aux juges de paix la connaissance de toutes les actions possessoires, Ă raison des entreprises commises dans lâannĂ©e, sans distinguer entre le simple trouble et la dĂ©possession violente. Cette loi, destinĂ©e Ă rĂ©gler la compĂ©tence des juges de paix, leur donne nĂ©cessairement le pouvoir de connaĂźtre de lâaction en rĂ©intĂ©grande; elle est possessoire , puisquâelle est fondĂ©e uniquement sur la possession ; elle nâexige que la possession actuelle, dâaprĂšs le silence du lĂ©gislateur sur tout autre condition, et lâexpression formelle de lâart. 2230. â 94 â Il en doit ĂȘtre de mĂȘme, Ă plus forte raison, sous lâempire de la loi du 25 mai 1838, qui a spĂ©cialement attribuĂ© aux juges de paix la connaissance des actions en rĂ©intĂ©grande. Nous renvoyons, au surplus, Ă ce que nous avons dit ci-dessus Ă lâarticle de la rĂ©intĂ©grande. Il y a des cas oĂč celui qui nâa personnellement aucune possession pourrait cependant intenter lâaction posses- soire; ainsi lâacquĂ©reur, le donataire, le lĂ©gataire, lâhĂ©ritier ou tout autre reprĂ©sentant pourrait immĂ©diatement, aprĂšs son acquisition et avant toute prise de possession, se pourvoir par la voie de complainte et de rĂ©intĂ©grande, en invoquant la possession de son auteur, qui lui serait transfĂ©rĂ©e comme la propriĂ©tĂ© elle-mĂȘme, par le seul effet du contrat ou par le seul fait de lâouverture de la succession. On ne suivrait donc plus aujourdâhui lâopinion contraire enseignĂ©e par Argou, t. 2, p. A67, et par Brodeau , t. 2, p. 187, fondĂ©e probablement sur le droit romain, qui exigeait la tradition pour la translation de la propriĂ©tĂ©. Un arrĂȘt de la cour de cassation du 12 fructidor, an X, rendu sur le pourvoi du sieur Thomas, fournit un argument en faveur de notre solution ; Ă plus forte raison lâhĂ©ritier, lâacquĂ©reur, etc., pourraient-ils joindre la possession de leur auteur Ă la leur pour complĂ©ter celle exigĂ©e par lâart. 23 du Code de procĂ©dure. Il y a encore dâautres cas oĂč la possession annale, matĂ©rielle et de fait, nâest pas indispensable; câest lorsquâelle rĂ©sulte dâune fiction de la loi, par exemple en cas dâaugmentation dâun immeuble par alluvion ou de formation dâune Ăźle depuis moins dâun an, parce que les accessoires partagent le sort de la chose principale que nous supposons possĂ©dĂ©e depuis plus dâun an ; il nâen serait â 98 â autrement quâautant quâun tiers aurait la possession annale distincte et bien caractĂ©risĂ©e de lâalluvion ou de lâĂźle. Il en serait aussi diffĂ©remment du cas oĂč une riviĂšre aurait enlevĂ©, par une force subite, une partie reconnaissable dâun champ riverain, et lâaurait portĂ©e vers un autre champ ; câest lĂ une consĂ©quence nĂ©cessaire de lâart. 559 du Code civil. Au premier aspect, il pourrait paraĂźtre inutile que le lĂ©gislateur ait exigĂ© tout Ă la lois une possession annale et paisible antĂ©rieure au trouble, et lâexercice de la complainte dans lâannĂ©e qui lâa suivi. On pourrait ĂȘtre portĂ© Ă croire quâil suffisait de lâune de ces conditions, ou plutĂŽt quâelles sont nĂ©cessairement contenues lâune dans lâautre ; mais on ne doit rien supposer de superflu dans la loi, quâil faut au contraire toujours interprĂ©ter de maniĂšre Ă faire produire quelque effet Ă chacune de ses dispositions ou de ses expressions. Dans le systĂšme adoptĂ© par les rĂ©dacteurs du Code de procĂ©dure civile, que nous avons dĂ©jĂ eu occasion dâapprĂ©cier et de combattre, il nâaurait pas suffi de dire que lâaction possessoire ne serait recevable quâautant quâelle serait formĂ©e par celui qui aurait une annĂ©e de possession paisible avant le trouble, car la complainte aurait pu ĂȘtre intentĂ©e par celui qui aurait Ă©tĂ© troublĂ© ou dĂ©possĂ©dĂ© depuis un grand nombre dâannĂ©es, et tant quâil ne se serait pas Ă©coulĂ© trente ans; câest-Ă -dire que la prescription trentenaire eĂ»t Ă©tĂ© le seul terme Ă lâexercice de la complainte; que si lâon objectait quâaprĂšs un an le perturbateur aurait eu lui-mĂȘine la possession-, nous rĂ©pondrions dâabord quâon peut concevoir un trouble qui gĂȘne, mais ne dĂ©possĂšde pas le dĂ©tenteur, et ne fait â 90 â pas consĂ©quemment passer la chose en dâautres mains ; que mĂȘme, en cas de dĂ©possession, il peut arriver quâun immeuble usurpĂ© sur le possesseur annal ait Ă©tĂ© possĂ©dĂ© successivement par plusieurs qui ne tiennent pas leurs droits les uns des autres Ă titre de donation, vente, Ă©change, succession, dont les dĂ©tentions rĂ©unies prĂ©sentent un total de plusieurs annĂ©es, mais dont aucune, prise isolĂ©ment, nâait durĂ© pendant une annĂ©e complĂšte. Il nâaurait pas suffi non plus dâĂ©tablir que lâaction possessoire serait toujours recevable pourvu quâelle lĂ»t formĂ©e dans lâannĂ©e du trouble, puisquâil ce moyen on aurait pu lâintenter le lendemain avec une possession de quelques jours et sây faire maintenir, Ă moins cependant que lâadversaire nâeĂ»t une possession annale antĂ©rieure. Sans doute, celui qui laisse passer lâannĂ©e sans intenter la complainte fait prĂ©sumer que ce nâest plus lui, mais son adversaire qui a la possession annale. Toutefois , ce nâest lĂ quâune supposition qui peut bien nâĂȘtre pas toujours conforme Ă la vĂ©ritĂ©. Il est possible, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, que le trouble nâait causĂ© ni dĂ©possession ni dommage, mais seulement une gĂȘne momentanĂ©e qui ait cessĂ© presque aussitĂŽt, comme si un voisin en labourant avait usurpĂ© quelques pieds de mon champ, que je les aie repris immĂ©diatement, et que jâen aie joui pendant un an sans nouveau trouble. La disposition qui prescrit dâintenter lâaction dans lâannĂ©e du trouble, nâest, donc pas fondĂ©e sur la certitude quâaprĂšs cette annĂ©e la possession est acquise Ă autrui , mais sur la nĂ©cessitĂ© de circonscrire dans un trĂšs- court dĂ©lai le jugement dâune action exceptionnelle, et de ne pas laisser aux juges de paix la recherche et l'apprĂ©ciation dâun fait qui ne peut ĂȘtre constatĂ© que par des â 97 â tĂ©moignages dont la difficultĂ© augmente Ă mesure quâon sâĂ©loigne de lâĂ©poque oĂč ce fait sâest passĂ©. Toutefois, aprĂšs lâannĂ©e du trouble, et tant que la prescription commune Ă tous les droits, Ă toutes les actions ne serait pas accomplie, le possesseur troublĂ© pourrait former une demande en indemnitĂ©, soit devant le juge de paix lui-mĂšme, pour dommages aux champs, fruits ou rĂ©coltes, sâil sâagissait dâun fait de cette nature, ou pour somme nâexcĂ©dant pas 200 fr., soit devant le tribunal de premiĂšre instance, sâil sâagissait dâun fait diffĂ©rent ou dâune somme supĂ©rieure. Mais, dans ce cas, il 11 e pourrait ĂȘtre question de possession annale, et si le droit Ă lâindemnitĂ© Ă©tait contestĂ© en lui-mĂȘme, le juge de paix serait dans la nĂ©cessitĂ© de renvoyer lâaffaire devant le tribunal civil. En derniĂšre analyse, il nous paraĂźt Ă©vident, et nous croyons lâavoir rendu tel, que chacune des conditions de lâart. 23 a un objet dĂ©terminĂ© et bien distinct, et que la complainte nâest recevable quâautant que celui qui lâintente , non-seulement a une possession annale, mais encore a formĂ© sa demande dans lâannĂ©e qui a suivi immĂ©diatement le trouble. A la diffĂ©rence de la coutume de Paris, lâart. 23 du iode de procĂ©dure nâexige pas la possession dâan et jour, ni que lâaction soit intentĂ©e dans lâan et jour du trouble. Dans les deux cas, une annĂ©e est le terme fixĂ© par le lĂ©gislateur. Cette disposition paraĂźt sans doute fort claire, et cependant les auteurs 11 e lâont pas tous entendue de la mĂȘme maniĂšre. M. Henrion de Pansey, CompĂ©tence des juges de paix ; M. Guichard, dans ses Questions posses- soires, parlent constamment dâan et jour. M. Brossard, Juridiction civile des juges de paix, n 3 ] /i6, 11 e voit dans 7 â 98 â lâindication dâfln et jour que la dĂ©signation dâune annĂ©e complĂšte, On nomme, dit-il, la possession dâan et jour, Ă raison de ce quâune annĂ©e nâest complĂšte quâautant cpie celle qui suit immĂ©diatement est commencĂ©e. » Mais elle est commencĂ©e Ă partir de la premiĂšre minute du jour qui la suit immĂ©diatement, et alors il nây a pas un an et un jour de possession. M. Toullier, n° 127, M. Aulanier, n° P, nous paraissent avoir mieux raisonnĂ© Autrefois, disent-ils, la possession devait ĂȘtre dâun an et dâun jour, on ne sait trop pourquoi ; il suffĂźt aujourdâhui quâelle ait durĂ© pendant toute lâannĂ©e antĂ©rieure au trouble. » M. Belime partage cette opinion. Ajoutons que par une annĂ©e on doit nĂ©cessairement entendre un espace de douze mois complĂštement rĂ©volus. Au surplus, lâart. 23, pour ĂȘtre sainement entendu, a besoin dâĂȘtre combinĂ© avec dâautres dispositions du Code de procĂ©dure civile, et dâĂȘtre fortifiĂ© de lâautoritĂ© dâun exemple. Suivant lâart. 2260, la prescription se compte par jour et non par heures, et, dâaprĂšs lâart. 2261, elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Le principe gĂ©nĂ©ral est que le premier jour du terme, celui a quo, ne compte pas, parce que la prise de possession oĂč le trouble a eu lieu quand ce jour Ă©tait commencĂ©, peut ĂȘtre au moment oĂč il finissait ; il en serait de mĂȘme poulie cas oĂč lâon pourrait constater lâheure oĂč, soit la prise de possession, soit le trouble, a commencĂ© lâannĂ©e ne se- raitpas expirĂ©e Ă lâheure et au jour correspondant. Ainsi, la prise de possession ou le trouble a eu lieu le 31 octobre 1831. VoilĂ le jour a quo qui a commencĂ© Ă minuit et qui a durĂ© vingt-quatre heures; comme ils ont pu nâa- â 99 â voir lieu quâau dernier moment oĂč le 1 er novembre est venu succĂ©der au 31 octobre, pour avoir lâannĂ©e entiĂšre, il faudra lâexpiration du 31 octobre 1832. Câest le jour qui, en finissant Ă minuit , complĂ©tera le temps de la prescription, le jour ad quem qui est dans le terme, et pendant lequel on pourra faire un acte dâinterruption. Le 1" novembre, il nây aurait plus dâaction possible, parce que, au moment oĂč elle serait intentĂ©e, lâannĂ©e serait rĂ©volue. On nâaurait pas mĂȘme lâannĂ©e entiĂšre, câest-Ă - dire jusquâĂ minuit pour agir, parce que, dâaprĂšs lâart. 1037 du Code de procĂ©dure, aucune signification ne peut ĂȘtre faite depuis le 1" octobre jusquâau 31 mars, aprĂšs 6 heures du soir, et depuis le 1 er avril jusquâau 30 septembre, aprĂšs neuf heures du soir. Cependant lâaction ne serait pas nulle si lâhuissier avait consenti Ă la signifier aprĂšs cette heure, car lâart. 1037 nâest pas obligatoire Ă peine de nullitĂ©, et, dâaprĂšs lâart. 1030 du mĂȘme Code, aucun acte de procĂ©dure ne peut ĂȘtre annulĂ©, si ce nâest dans les cas pour lesquels la nullitĂ© en est formellement prononcĂ©e par la loi. Aussi la cour de cassation a-t-elle jugĂ©, par arrĂȘt du 29 janvier 1819, que la prohibition portĂ©e par lâart. 1037, de faire aucune signification avant ou aprĂšs certaines heures dĂ©terminĂ©es, nâemportait point nullitĂ© des significations faites hors de ces limites. Lâhuissier est seulement passible des peines disciplinaires, telles que lâamende ou mĂȘme la suspension. Mais comme Ă©videmment cet officier ministĂ©riel ne pourrait ĂȘtre contraint Ă commettre une contravention et Ă sâexposer aux peines qui en seraient la suite ; que son devoir devrait lui dicter un refus, nous avons dĂ» dĂ©cider que le dĂ©lai de lâannĂ©e se trouvait rĂ©duit de six ou de trois heures, sans quâon pĂ»t prendre, 100 â par une sorte de compensation , ce mĂȘme laps de temps sur la journĂ©e suivante. Il en faudrait dire autant des cas oĂč le dernier jour de lâannĂ©e serait une fĂȘte ou un dimanche. La cour rĂ©gulatrice a jugĂ©, par arrĂȘt du 26 avril 183$, que la seconde disposition de lâart. 1037, qui dĂ©fend de faire aucune signification les jours fĂ©riĂ©s sans permission du juge, nâentraĂźne point la peine de nullitĂ©. On pourrait donc, aux termes de cet article, signifier son action les jours ci- dessus, avec ou sans permission du juge; mais il est Ă©vident, au surplus, que si lâon retranchait le dernier jour, il faudrait, par la mĂȘme raison, dĂ©duire tous les jours semblables du courant de lâannĂ©e, ce qui ne saurait ĂȘtre admis. Les dispositions du Code de commerce et de la loi sur lâenregistrement qui, dans ce cas, autorisent faire les actes le lendemain de lâexpiration du dĂ©lai, sont toutes spĂ©ciales et prouvent lâexistence de la rĂšgle gĂ©nĂ©rale, qui ne saurait recevoir dâautres dĂ©rogations que celles expressĂ©ment Ă©noncĂ©es dans ces lois particuliĂšres. Les juges de paix et les tribunaux qui jugent les actions possessoires violent donc la loi lorsquâils accueillent lâaction intentĂ©e le lendemain de lâannĂ©e du trouble, ou assujettissent les parties Ă faire preuve dâune possession dâan et jour; on conçoit quâil peut arriver, quoique sans doute rarement, quâon soit en Ă©tat de prouver une annĂ©e de possession et non u jour de plus. Bien que notre observation semble assez minutieuse, nous avons cependant cru devoir la prĂ©senter et nous pensons que la cour rĂ©gulatrice casserait une dĂ©cision semblable sur le recours de celui qui voudrait ne faire dâautre preuve que celle de la possession annale, ou se plaindrait de lâadmission dâune â nu â demande formĂ©e le lendemain de lâexpiration de lâannĂ©e du trouble. Lâart. 23, en parlant de lâannĂ©e de possession comme condition de lâexercice de la complainte, nâexprime pas si elle doit ĂȘtre antĂ©rieure au trouble ou Ă lâaction ; des difficultĂ©s peuvent naĂźtre de ce silence. La complainte Ă©tant recevable tant que lâannĂ©e depuis le trouble nâest pas entiĂšrement rĂ©volue, celui qui, au moment oĂč il lui a Ă©tĂ© causĂ©, nâaurait quâune possession hebdomadaire, attendrait onze mois et vingt-cinq jours, et nâintenterait son action que la veille de lâexpiration de lâannĂ©e. M. Paillet, dans ses notes sur lâarticle en discussion, semble, en examinant une autre question, adopter la seconde interprĂ©tation. Pour dĂ©cider la question de savoir si lâaction possessoire est recevable, dit-il, le juge ne doit jamais examiner que la possession annale qui prĂ©cĂšde immĂ©diatement lâassignation. » Mais ce systĂšme est repoussĂ© par la disposition finale de lâarticle, qui exige une possession paisible. La possession nâayant pas Ă©tĂ© paisible Ă partir du trouble, le demandeur nâaurait pas en sa faveur la condition lĂ©gale. Ainsi, câest bien dâune annĂ©e de possession paisible, antĂ©rieure non Ă lâaction, mais au trouble, que la loi a entendu parler ; et si elle 11 e lâa pas exprimĂ©, câest pour Ă©viter une rĂ©pĂ©tition du mot trouble dĂ©jĂ employĂ©, et parce pie la nature mĂŽme des choses fixait lâinterprĂ©tation. de lâarticle dans le sens que nous lui avons donnĂ©, conformĂ©ment, au surplus, Ă lâopinion de tous les jurisconsultes anciens et modernes. M. Aulanier, TraitĂ© des actions possessoires, M. Guichard, Questions possessoires, page 270, dĂ©cident posi- â 102 â tivement que lâannĂ©e sâentend de celle antĂ©rieure au trouble. Le dernier auteur ajoute MĂȘme du premier jour oĂč il a commencĂ©, et non du dernier acte fait, lorsquâil a consistĂ© dans plusieurs actes successifs. » Il cite un arrĂȘt de cassation , rendu sur sa plaidoirie, le 20 janvier 182/i, qui lâa ainsi formellement dĂ©cidĂ©. M. Brossard, il 0 * 1A7 et 148, est bien aussi dâavis que câest de lâannĂ©e antĂ©rieure au trouble quâil sâagit; mais quelle ne doit courir que du dernier acte, du trouble le plus rĂ©cent ; câest lĂ une erreur Ă©vidente, ainsi que le dĂ©montrent les auteurs ci-dessus citĂ©s. Le commentateur Rodier fait remarquer que Rebuffe, de Mater iis possessoriis, semble insinuer que lâon peut intenter lâaction aprĂšs lâan du trouble, si ce trouble continue, en regardant chaque jour comme un nouveau, pourvu quâon renonce aux dommages-intĂ©rĂȘts, ou restitutions de fruits antĂ©rieurs Ă lâannĂ©e de lâintroduction de lâinstance; mais il combat avec raison cette opinion, qui ne serait pas davantage admise sous lâempire du Code de procĂ©dure. Il rappelle les termes dâune ordonnance de 1539 Ne sera reçue aucune complainte aprĂšs lâan ; » puis il ajoute Celui qui souffre pendant un an le trouble ou la dĂ©possession est censĂ© avoir renoncĂ© Ă lâaction possessoire ; il ne lui reste que lâaction pĂ©titoire, de sorte que lâauteur du trouble, ou celui qui se serait emparĂ© par violence ou voie de fait dâun hĂ©ritage depuis un an rĂ©volu, se mettrait Ă lâabri de lâaction en complainte et rĂ©intĂ©grande, en opposant que le trouble a commencĂ© depuis plus dâun an ; Ă moins que le trouble nâeĂ»t Ă©tĂ© interrompu de fait parle premier possesseur, câest-Ă -dire qĂčil fĂ»t rentrĂ© en possession, et quâil ne fĂ»t survenu un trouble tout nouveau, » â 103 â Toutefois, il ne faudrait pas Ă©tendre cette rĂšgle outre mesure et de maniĂšre Ă ce quâon pĂ»t en abuser. DĂšs que le trouble est un fait quâil appartient aux juges de rechercher et de constater, il se pourrait quâils nâen trouvassent pas lâexistence dans le commencement des travaux, surtout lorsque, exĂ©cutĂ©s par un particulier sur son fonds , ils ne causent encore aucun dommage au voisin ; tel serait un barrage sur lâinfluence duquel il y aurait doute et qui ne produirait lâinondation et le remous que dans des crues extraordinaires. Nous en trouvons un nouvel exemple dans une espĂšce jugĂ©e par la cour de cassation, le 9 janvier 1833. Un barrage se composait de deux parties; lâune permanente en maçonnerie et lâautre mobile, sâadaptant Ă la premiĂšre. 11 a Ă©tĂ© jugĂ© que lâannĂ©e pour agir avait commencĂ© du jour de lâĂ©tablissement de celle-ci, parce quâil nâexistait antĂ©rieurement aucun dommage. Du reste, il importe de remarquer que sâil existe une grande diffĂ©rence entre la complainte et la rĂ©intĂ©grande, quant aux conditions qui autorisent Ă les intenter, il nây en a pas quant au dĂ©lai dans lequel elles doivent avoir lieu. On pourrait se faire la question de savoir si lâannĂ©e dans laquelle le possesseur doit agir a son cours dĂšs lâinstant OĂč le trouble et la dĂ©possession ont eu lieu, ou seulement de celui oĂč ils sont parvenus Ă sa connaissance; mais par cela mĂȘme que la loi lâa fait partir du jour du trouble, sans distinction ni restriction, elle nâexige pas quâil ait Ă©tĂ© connu de la partie intĂ©ressĂ©e; autrement il pourrait arriver quâune complainte ou une demande en rĂ©intĂ©grande serait formĂ©e aprĂšs un grand nombre dâannĂ©es ; ce qui serait contraire Ă la nature de â lĂ»t â cette action, qui a pour but de faire obtenir une prompte rĂ©pression, et dâassurer la possession Ă celui qui lâavait Ă une Ă©poque trĂšs-rapprochĂ©e. Ainsi, le lĂ©gislateur a voulu circonscrire lâexercice de cette action dans un bref dĂ©lai ; il a dâailleurs pensĂ© quâune possession, qui doit ĂȘtre publique, ne pourrait ĂȘtre ignorĂ©e du propriĂ©taire ou de ses agents. Ajoutons enfin quâil sâagit ici dâune sorte de prescription, et que la loi nâexige point que la possession, qui lui sert de base, soit spĂ©cialement connue du propriĂ©taire. VĂȘtait le sentiment de ĂŒornier qui, sur les mots dans l'annĂ©e du trouble, de lâart. 1", titre 18 de lâordonnance de 1667, sâexprime en ces termes Cela est conforme Ă lâordonnance de Charles Vlll, art. 71, et Ă celle de François I er , Ă Villers-Cottercts, en aoĂ»t 1539, art. 61, par laquelle il est dit que nulle complainte ne sera reçue aprĂšs lâan, tant en matiĂšres bĂ©nĂ©ficiaires que profanes, dâautant que, par la disposition du droit, les interdits sont annaux, suivant la loi 1", uti possidetis, et la loi 1 1C , § fin. {{. de interd., et il faut prendre lâan pour continu, câest-Ă -dire Ă compter du jour du trouble, et des derniers exploits et actes de possession , et non du jour que le trouble est venu Ă la connaissance de celui qui veut intenter la complainte, dâautant que le trouble, de mĂȘme que la possession, consiste en fait. » Ces principes ont Ă©tĂ© consacrĂ©s par la cour de cassation, qui, par arrĂȘt du 12 octobre 1814 , a dĂ©cidĂ© que le dĂ©lai dâun an, pour intenter lâaction possessoire, court du jour mĂȘme du trouble, et non du jour seulement oĂč il a Ă©tĂ© connu, bien que, dans lâespĂšce, il fĂ»t question dâun trouble de droit plus que dâun trouble de fait, et quâil eĂ»t Ă©tĂ© essuyĂ©, non par le propriĂ©taire personnellement, â 105 â mais bien par le fermier, qui nâen avait pas donnĂ© avis au propriĂ©taire. Nous retrouvons les mĂŽmes principes dans un arrĂȘt de la cour, du 10 juillet 1821, qui a prononcĂ© la cassation dâun arrĂȘt de la cour de Pau, du 17 juin 1817 , par lequel il avait Ă©tĂ© jugĂ© quâune possession, qui nâavait pas eu lieu au su et au vu du propriĂ©taire, Ă©tait inefficace. Enfin, par arrĂȘt du 22 avril 1839, la cour, appliquant cette doctrine au cas oĂč le trouble avait eu lieu contre une commune dont le maire, chargĂ© dâagir pour elle, nâavait eu connaissance des entreprises faites Ă son prĂ©judice que par lâaction correctionnelle dirigĂ©e contre la commune, a dĂ©cidĂ© que câest Ă partir du trouble matĂ©riel lui-mĂȘme, et non pas seulement Ă partir de la connaissance lĂ©gale que le possesseur a eue de ce trouble, que court le dĂ©lai dâun an dans lequel doit ĂȘtre intentĂ©e lâaction en complainte. DĂ©s que câest une possession annale, immĂ©diatement antĂ©rieure au trouble, qui est requise pour autoriser la complainte, en vain le demandeur invoquerait-il une possession centenaire ou immĂ©moriale, mais qui aurait Ă©tĂ© abandonnĂ©e pendant une annĂ©e, il ne pourrait agir quâau pĂ©titoire ; sâil voulait agir au possessoire, le dĂ©tenteur annal le repousserait infailliblement, et le juge de paix ne pourrait avoir aucun Ă©gard Ă cette longue possession. 11 est donc bien entendu que celui qui nâa quâune annĂ©e de possession, mais qui est la derniĂšre immĂ©diatement antĂ©rieure au trouble, doit lâemporter sur celui qui en allĂ©guerait cent qui la prĂ©cĂ©deraient. Nous aurons occasion de nous expliquer sur la question de savoir sâil est des cas oĂč le juge de paix peut prendre en considĂ©ration la possession trentenaire ou immĂ©moriale, unique- ment pour Ă©clairer la possession, comme il est autorisĂ© Ă consulter les titres de propriĂ©tĂ©. SECTION II. Les dĂ©lais dans lesquels lâaction doit ĂȘtre formĂ©e courent contre toutes personnes. Lâarticle 23 du Code de procĂ©dure, en dĂ©clarant non recevable toute action possessoire intentĂ©e aprĂšs lâannĂ©e du fait qui la nĂ©cessite, nous semble, par la gĂ©nĂ©ralitĂ© de ses expressions impĂ©ratives, nâadmettre aucune distinction, et frapper de la dĂ©chĂ©ance non-seulement les particuliers, les administrations publiques, lâĂ©tat, les communes, les hospices, les fabriques des Ă©glises, les femmes mariĂ©es, les absents, les faillis, mais encore les mineurs et les interdits; toutefois cette solution nâest pas sans diflicultĂ© Ă lâĂ©gard des personnes de ces deux derniĂšres classes, Ă cause de lâart. 2252 du Code civil, portant que la prescription ne court pas en gĂ©nĂ©ral contre elles, exceptĂ© dans certains cas Ă©noncĂ©s Ă la derniĂšre section de ce Code. Il Ă©tait admis autrefois que le dĂ©lai dâune annĂ©e, dans lequel lâaction possessoire devait ĂȘtre intentĂ©e, courait contre toutes personnes sans distinction. LemaĂźtre, sur la coutume de Paris, titre h, chap. 1, section 2, donne trois raisons de cette dĂ©cision La premiĂšre, que la complainte est une espĂšce de privilĂšge dont personne ne peut jouir quâaux conditions portĂ©es par la loi; la seconde, quâil ne sâagit que dâune simple possession dont la privation laisse le droit des mineurs et des absents en son entier pour la propriĂ©tĂ©; la troisiĂšme, quâune annĂ©e de paisible possession, ni violente, â 107 â ni clandestine, doit ĂȘtre prĂ©sumĂ©e lĂ©gitime, et quâun possesseur lĂ©gitime ne doit pas ĂȘtre Ă©vincĂ© en vertu dâune action Ă©tablie en sa faveur. » Jousse, dans son Commentaire sur lâordonnance de 1667, dit que le dĂ©lai dâune annĂ©e court contre toutes sortes de personnes, soit mineurs, soit ecclĂ©siastiques ou privilĂ©giĂ©s. Bourjon et Poullain-Duparc sont du mĂȘme avis. Denizart, V° Complainte, nâest pas moins formel. La prescription contre cette action en trouille ou complainte, dit-il, court contre les mineurs, les absents, les insensĂ©s, les bannis, les interdits, la femme mariĂ©e, lâĂ©glise et tous autres qui pourraient en autres cas se servir du bĂ©nĂ©fice de restitution. » Les auteurs de la Nouvelle collection rĂ©pĂštent cette opinion. Nous ne connaissons aucun auteur qui, sous lâancien droit, ait enseignĂ© une doctrine contraire. A la vĂ©ritĂ©, autrefois, on nâĂ©tait pas dâaccord sur le principe que la prescription ne courait point contre les mineurs et les interdits; si un grand nombre de coutumes avaient adoptĂ© lâaffirmative, le droit romain et quelques coutumes avaient des dispositions diffĂ©rentes. Aujourdâhui nous avons lâart. 2252, dont les termes sont trĂšs-formels et trĂšs-Ă©tendus. MalgrĂ© cela, M. Henrion de Pansey, MM. Guichard, Aulanier et Favard, nâhĂ©sitent pas Ă maintenir lâancienne jurisprudence. Les deux premiers ne dĂ©veloppent pas leur opinion ; les autres se fondent sur ce que lâart. 2252 ne sâapplique quâĂ lâacquisition de la propriĂ©tĂ© et nullement Ă la possession annale qui laisse cette propriĂ©tĂ© intacte, et que le mineur pourra recouvrer par lâaction pĂ©titoire. Pigeau, tome i, page 54, de son Commentaire posthume, embrasse lâopinion contraire. 11 est seul de son avis. CarrĂ©, Droit français dans son rapport avec les justices ele paix, n° 1580, combat cette opinion de Pigeau. 11 observe quelle est entiĂšrement nouvelle ; que lâon pensait unanimement le contraire autrefois ; il se prononce pour les anciens principes. 11 dĂ©veloppe longuement son sentiment. Iâun autre cĂŽtĂ© nous avons eu sous les yeux une consultation Ă©tendue dĂ©libĂ©rĂ©e par un trĂšs-habile jurisconsulte, qui prĂ©fĂšre lâopinion de Pigeau. Quant Ă nous, il ne nous semble pas que lâart. 2252 sâapplique au dĂ©lai dans lequel lâaction possessoire doit ĂȘtre intentĂ©e. Lâart. 23 exige deux conditions distinctes une possession annale antĂ©rieure au trouble, et lâexercice de lâaction dans lâannĂ©e qui lâa suivi ; que la possession puisse ou ne puisse pas ĂȘtre acquise contre le mineur, il nâen doit pas moins se pourvoir avant lâexpiration de lâannĂ©e. Faisons bien attention quâil ne sâagit ici que dâune formalitĂ© de procĂ©dure, et non de lâattribution Ă lâadversaire du mineur dâune possession civile, ni Ă plus forte raison dâune maintenue en possession. Nous examinerons ailleurs si la possession quâaurait un tiers des biens dâun mineur pourrait autoriser ce tiers Ă intenter lâaction possessoire contre le mineur, ou si le principe dâinprescriptibilitĂ© Ă©crit dans lâart. 2252 du Code civil devrait y faire obstacle ; mais en supposant que lâaction possessoire ne put ĂȘtre reçue, il faudrait au moins, pour que le mineur attaquĂ© en complainte pĂ»t se prĂ©valoir de sa qualitĂ©, qu'il fĂ»t certain que la chose lui appartenait avant le trouble ; car sâil ne lâavait possĂ©dĂ©e que â 109 â quelques mois, si le nouveau dĂ©tenteur nâa fait que reprendre ce quâil avait dĂ©jĂ possĂ©dĂ© pendant un an avant le mineur, comment celui-ci pourrait-il prĂ©tendre quâon a usurpĂ© son bien? Ce ne pourrait ĂȘtre quâen produisant son titre de propriĂ©tĂ©. Nous examinerons plus bas si, dans ce cas, le juge de paix peut lâapprĂ©cier sans cumuler le pĂ©titoire et le possessoire. En obligeant Ă former lâaction possessoire dans lâannĂ©e, le lĂ©gislateur a voulu, comme nous lâavons prĂ©cĂ©demment exposĂ©, restreindre dans un court dĂ©lai lâexercice dâune procĂ©dure qui doit ĂȘtre prompte, facile et peu dispendieuse. Son but serait totalement manquĂ© avec lâexception quâon veut introduire en faveur dâun interdit qui pourrait * aprĂšs cinquante ans exercer la complainte ; un mineur le pourrait aprĂšs vingt-un ans. Il faut admettre comme un principe certain que lâarticle 2252 du Code civil ne sâapplique quâau fond des droits quâil a consacrĂ©s, et nullement aux dĂ©lais et dĂ©chĂ©ances de procĂ©dure, ni mĂȘme aux droits Ă©tablis parles autres lois ; par exemple Ă ceux rĂ©glĂ©s par le Code de commerce. Ainsi les prescriptions Ă©tablies par les articles 6/i,189, 573, 430 Ă i36 de ce Code courent contre les mineurs et les interdits, bien quâils ne le dĂ©clarent pas formellement. Tel est aussi le sentiment de MM. Vazeille et Troplong dans leurs TraitĂ©s des prescriptions, de MM. Dalloz, Carou et Belime. â 10 â CHAPITRE III Natiirp do la possession exigĂ©e pour lâaction en complainte; maniĂšre dont elle sâacquiert et se perd. SECTION 1â. Observations gĂ©nĂ©rales. Lâordonnance de 1667 exigeait une possession publique , sans violence et Ă autre titre que de fermier ou * possesseur prĂ©caire. Les articles 2229, 2232, 2233 du Code civil exigent que la possession soit continue et non interrompue, paisible, publique, non Ă©quivoque; quâelle ne soit pas fondĂ©e sur la tolĂ©rance, la simple facultĂ©, la violence, et quâelle ait eu lieu Ă titre de propriĂ©taire. Le Code de procĂ©dure ne parle que de possession paisible et Ă titre non prĂ©caire. Il ne rĂ©pĂšte pas les conditions que le Code civil veut absolument que rĂ©unisse la possession pour ĂȘtre constitutive de la prescription qui fait acquĂ©rir la propriĂ©tĂ©. Faut-il en conclure quâil' y a deux sortes de possessions, et que le lĂ©gislateur nâa pas voulu assujettir celle qui donne lieu Ă complainte Ă des conditions aussi rigoureuses que celle qui autorise lâaction pĂ©- titoire? Il nous paraĂźt quâil nây a de diffĂ©rence entre elles que dans leur durĂ©e ; que chacune doit avoir les mĂȘmes qualitĂ©s , les mĂȘmes caractĂšres intrinsĂšques ; car la possession annale, non-seulement fait prĂ©sumer la propriĂ©tĂ©, mais mĂȘme la fait acquĂ©rir immĂ©diatement, lorsque celui contre lequel la maintenue possessoire a Ă©tĂ© prononcĂ©e â ni â ne peut prouver par action pĂ©titoire quâil a des droits dans la chose. Le lĂ©gislateur ayant dĂ©fini la possession par le Code civil, qui seul doit rĂ©gler le fond du droit, nâavait nul besoin dâen dĂ©terminer les caractĂšres essentiels et constitu- tifs'par le Code de procĂ©dure, uniquement destinĂ© Ă rĂ©gler la forme de lâaction. Les expressions paisible et non prĂ©caire, qui sont surabondantes, nâont point pour but de dĂ©roger au droit commun ni de tracer des limites plus Ă©troites ; elles sont Ă©nonciatives et non restrictives. Il aurait suffi de dĂ©clarer que la complainte appartiendrait de droit Ă celui qui aurait une annĂ©e de possession; car pour interprĂ©ter sainement cette expression, on Se serait reportĂ© aux dispositions du Code civil. Dâailleurs, on pourrait aller jusquâĂ prĂ©tendre, avec plusieurs arrĂȘts de la cour de cassation, que les mots Ă titre non prĂ©caire comprennent dans leur gĂ©nĂ©ralitĂ© lâexigence de tous les caractĂšres constitutifs de la possession, ainsi que nous le dĂ©montrerons ultĂ©rieurement. Avec le systĂšme restrictif que nous combattons, et qui prĂ©tend trouver dans lâart. 23 du Code de procĂ©dure, exclusivement, les conditions de la possession pour intenter la complainte, on irait jusquâĂ lâadmettre pour une possession Ă©quivoque ou clandestine. Il faut de deux choses lâune, ou se restreindre servilement aux termes de lâart. 23 ou se rattacher Ă lâart. 2229 du Code civil, et comme le premier parti est impossible, il faut bien sâen tenir au second. Câest dans ce sens que sâest expliquĂ© M. Faure, rapporteur du tribunal, sur lâart. 23, puisquâil dit positivement que la possession dont il y est question doit avoir Ă©tĂ© continue et non interrompue, paisible, publique, non â 112 â Ă©quivoque, et Ă titre de propriĂ©taire, et tous les auteurs en donnent la mĂȘme interprĂ©tation. La possession, dit M. Henrion de Pansey, p. /16, ne donne la saisine que lorsque, prolongĂ©e pendant le temps nĂ©cessaire pour prescrire, elle confĂšre la propriĂ©tĂ©; ainsi, pour ĂȘtre autorisĂ© Ă intenter complainte en cas de saisine et de nouvelletĂ©, il ne suflit pas dâavoir possĂ©dĂ© pendant un an et un joui-, il faut encore que la chose possĂ©dĂ©e soit prescriptible, et que la possession soit revĂȘtue des caractĂšres auxquels la loi attribue lâefficacitĂ© de prescrire. » » La possession, dit M. Poncet, TraitĂ© des actions, n° 7/i, pour ĂȘtre qualifiĂ©e saisine ou possession parfaite doit ĂȘtre annale, paisible, publique et non Ă©quivoque, continue et non interrompue, Ă titre de propriĂ©taire, c'est- Ă -dire avec la juste intention de possĂ©der comme tel ; en outre, elle doit sâappliquer Ă une chose prescriptible. » MM. Brossard, n°* 139 et 1 /i 2; Guichard, p. 16; Au- lanier, n° 20; GarrĂ©, dans son Droit français appliquĂ© Ă la juridiction civile des juges de paix, n°* 10/i5, 1057, 1058, 1351 ; llogron, dans son Code de procĂ©dure expliquĂ©; Merlin, Favard de Langlade, Toullier, Duranton, Pigeau, enseignent la mĂȘme doctrine. MM. Vazeille et Troplong, TraitĂ© de la prescription, ne sont pas moins formels. M. Serrigny, professeur de droit administratif 5 la facultĂ© de Dijon, est le seul qui Ă©mette une opinion contraire. Mais cette opinion, dâailleurs donnĂ©e sans aucuns dĂ©veloppements, ne peut, quel que soit le mĂ©rite de son auteur, prĂ©valoir sur les autoritĂ©s si nombreuses et si imposantes que nous venons de citer. â 113 â SECTION II. DĂ©veloppements des principes de chacune des qualitĂ©s de la possession. AprĂšs avoir dĂ©montrĂ© que la possession pour intenter lâaction en complainte doit ĂȘtre de la mĂȘme nature que celle exigĂ©e pour la prescription, il est nĂ©cessaire dâexpliquer en dĂ©tail les Ă©lĂ©ments constitutifs de cette possession ; de quelle maniĂšre elle sâacquiert et se perd. § 1". Possession non prĂ©caire. Il importe dâavoir des idĂ©es prĂ©cises sur les termes prĂ©caire, prĂ©cairement, possession prĂ©caire ou Ă titre non prĂ©caire que nous trouvons dans les livres de droit. Le Digeste renferme un titre de precario. Chez les Romains, le prĂ©caire Ă©tait un prĂȘt dâune espĂšce particuliĂšre; câĂ©tait une convention par laquelle on donnait une chose Ă quelquâun pour sâen servir tant quâil plairait au maĂźtre de cette chose, et Ă la charge de la lui rendre Ă sa premiĂšre rĂ©quisition Precarium est quod precibus petenti vtendumconceditur, tamdiu quamdiu is quiconcessitpatitur. Loi 1, ff. de precario. Domat liv. 1, p. 65 dĂ©finit le prĂ©caire un prĂȘt Ă usage accordĂ© Ă la priĂšre de celui qui emprunte une chose pour en user pendant le temps que celui qui lâa prĂȘtĂ©e voudra la laisser, et la charge de la rendre quand il plaira au maĂźtre de la retirer. » Pothier, du Contrat de prĂȘt, n 01 80, 87 et 88, en donne la mĂȘme dĂ©finition. Il fait en outre remarquer pie, dans le contrat de prĂȘt la chose est prĂȘtĂ©e pour un certain 8 â 1U â lisage dĂ©terminĂ© ou pour un certain temps, et que la restitution nâen peut ĂȘtre demandĂ©e quâaprĂšs lâexpiration du temps convenu ou de celui qui est nĂ©cessaire pour que l'emprunteur puisse sâen servir pour lâusage pour lequel elle lui a Ă©tĂ© prĂȘtĂ©e; au lieu que, dans la convention du prĂ©caire, celui qui reçoit une chose la reçoit pour sâen servir indistinctement, et Ă la charge de la rendre incontinent au prĂȘteur toutesfois quâil la demandera. » Cet auteur ajoute que, dâaprĂšs le droit romain, celui qui avait accordĂ© prĂ©cairement lâusage de sa chose avait pour se la faire rendre lâinterdit de precario Interdiction de precario merito introduction est, quia nulla eo nomine juris civilis actio esset; magis enim ad donationis et beneficii causant, quant ad negotii contracti spectat, pre- carii conditio. Cet interdit Ă©tait restitutoire, ainsi que le porte la loi 2, § 2, au Digeste ; Uoc interdiction restitu- torium est. Et elle ajoute Et naturalem habet in se Ćqui- tatem namque precarium revocare volenti competit. Est enimnaturaĂŠquum, tarndiu te liberalĂŒate meauti, quamdiu ego velim; etutpossim revocare cummutavero voluntatem. Itaque cum quid precario rogatum est, non solum hoc in- terdicto utipossumus; sed eliarn prĆscriptis verbis actione, quoi ex bona fide oritur. Ainsi, comme lâon voit, et comme le lait aussi observer Pothier, celui qui avait accordĂ© prĂ©cairement lâusage de sa chose, outre lâinterdit de precario, avait encore une action prĆscriptis verbis. Ăvidemment, dans notre droit, le sens du mot prĂ©caire ne doit pas ĂȘtre restreint Ă signifier un prĂȘt restituable Ă la volontĂ© du propriĂ©taire ; cette opinion est dĂ©jĂ justifiĂ©e par les termes du 2' § de lâart. 2236 du Code civil; mais il y a plus ; nous soutenons quâil doit ĂȘtre Ă©tendu Ă toute â lia â dĂ©tention Ă laquelle il manque un des caractĂšres lĂ©gaux de la possession lĂ©gitime. Pothier, Ă lâendroit citĂ©, semble le dĂ©cider ainsi, lorsquâil dit 11 y a deux espĂšces de prĂ©caire; la premiĂšre, par laquelle on accorde prĂ©cairement Ă quelqu'un la possession d'une chose; la seconde, par laquelle on en accorde seulement lâusage, etc. » 11 dit quâil ne sâoccupera que de celle-ci, que la premiĂšre sera lâobjet dâun traitĂ© particulier sur les choses. ci Le mot de prĂ©caire, dit M. Yazeille, TraitĂ© de la prescription, n° 122, dans lâacception particuliĂšre que lui donne la loi premiĂšre ff. de precario, est le nom dâun prĂȘt gratuit rĂ©vocable Ă la volontĂ© du prĂȘteur. Mais il a une signification plus Ă©tendue il sert Ă dĂ©signer la dĂ©tention des choses, Ă tout autre titre que celui de propriĂ©taire. Câest dans cette acception gĂ©nĂ©rale que le Code civil a employĂ© lâadverbe qui en dĂ©rive. » N° 12/t. Dans lâart. 2236, le lĂ©gislateur indique, seulement pour servir dâexemple, trois sortes de dĂ©tenteurs prĂ©caires, auxquels le Code de commerce, art. 430, ajoute le capitaine de navire. Lâon trouve infailliblement ^ous Jes autres en parcourant le cercle des possesseurs qui nâont pas la propriĂ©tĂ©. Le crĂ©ancier engagiste, le sĂ©questre , les maris, les tuteurs, les curateurs quand ils ont une gestion, les agents qui administrent le bien dâautrui , soit en vertu de procuration ou de commission, soit officieusement, sont aussi des dĂ©tenteurs prĂ©caires ; aucun dâeux ne peut prescrire le droit des personnes quâil reprĂ©sente ou dont il reconnaĂźt le domaine. » Au n° 42, cet auteur avait dĂ©jĂ , dit On doit dĂ©cider que la rĂ©pression certaine de lâusurpation, par quelque voie et dans quelque temps quâon lâobtienne, ellace â 116 â lâinterruption que lâusurpateur avait produite Cessante causa cessĂąt effectus. Lâusurpateur nâa quâune possession prĂ©caire qui se rapporte pour lâutilitĂ© au propriĂ©taire quâil est obligĂ© de reconnaĂźtre. » Il dit encore la mĂȘme chose au n° 176, p. 192. M. Merlin, Hep. , V° PrĂ©caire , atteste aussi que dans lâusage on emploie ce terme pour exprimer en gĂ©nĂ©ral tout autre possession que celle du propriĂ©taire. M. le prĂ©sident Favard de Langlade, liĂšp. , V° Complainte, sect. 1, § 3, n° Al, donne au mot prĂ©caire un sens particulier. AprĂšs avoir rapportĂ© un jugement qui refusait la complainte Ă lâemphytĂ©ote, il sâexprime ainsi Ce jugement reposait sur une base Ă©videmment fausse ; car pour prescrire la propriĂ©tĂ©, il faut, il est vrai, une possession Ă titre de propriĂ©taire, aux termes de lâart. 2229 du Code civil; mais, suivant lâart. 23 du Code de procĂ©dure, il suflit, pour intenter lâaction en complainte, dâavoir une possession annale, paisible, h titre non prĂ©caire. Et quâentend la loi par ces derniers mots? Elle dĂ©signe le titre de celui qui a un droit propre, indĂ©pendant de celui du propriĂ©taire, qui possĂšde pro suo, qui a droit par son titre Ă la propriĂ©tĂ© de tout ce que produit lâhĂ©ritage ; qui jouit comme le propriĂ©taire ; en nn mot celui qui a le domaine utile, comme lâemphytĂ©ote il temps. » Le dictionnaire de lâAcadĂ©mie sâexprime ainsi PrĂ©caire... qui ne sâexerce que par une tolĂ©rance qui peut cesser, par une permission rĂ©vocable, par emprunt, avec dĂ©pendance, avec incertitude, autoritĂ© prĂ©caire; pouvoir prĂ©caire; possession prĂ©caire; son Ă©tat est prĂ©caire; existence prĂ©caire; vie prĂ©caire. â 117 â Du reste, le mot prĂ©caire nâest pas Ă©crit une seule fois dans tout le titre de la prescription. Nous trouvons seulement dans lâart. 2236 que ceux qui possĂšdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit; quâainsi le fermier, le dĂ©positaire, lâusufruitier et tous autres qui dĂ©tiennent prĂ©cairement la chose du propriĂ©taire ne peuvent la prescrire. 11 faut en conclure que le Code civil a dĂ©terminĂ© les caractĂšres constitutifs du prĂ©caire sans le dĂ©finir, et quâune possession est nĂ©cessairement prĂ©caire quand elle manque dâune des conditions dont il fait dĂ©pendre sa validitĂ© ; cpie cette possession est celle qui est incertaine, quâon peut faire cesser dâun instant Ă lâautre, qui ne pourrait pas ĂȘtre conservĂ©e et maintenue si on l'attaquait. Lâordonnance de 1667 exigeait, comme on lâa vu, que la possession qui servait de base Ă la complainte fĂ»t ii autre titre que de fermier ou possesseur prĂ©caire; le Code civil est conçu en termes gĂ©nĂ©raux et tous autres qui dĂ©tiennent prĂ©cairement la chose dâautrui. Certes, celui qui ne la dĂ©tient que par violence, clandestinement, par tolĂ©rance, ne possĂšde pas sa chose, mais celle dâautrui. Au surplus, pour que la possession soit rĂ©putĂ©e prĂ©caire, il nâest pas nĂ©cessaire quâil y ait convention avouĂ©e, comme pour le cas de bail, de dĂ©pĂŽt, de prĂȘt ; elle peut rĂ©sulter des circonstances de fait, indĂ©pendamment de tout contrat. Car, si la premiĂšre partie de lâart. 2236 semble ĂȘtre restrictive, la seconde, par la gĂ©nĂ©ralitĂ© de ses termes, Ă©tablit la justesse de notre interprĂ©tation. Telle est aussi lâopinion de M. Aulanier Il est, dit-il, n° 68, beaucoup de possessions autres que celles que nous avons dĂ©signĂ©es comme prĂ©caires, et qui ce- â 118 â pendant sont considĂ©rĂ©es comme telles, quoique elles ne lĂȘ soient pas rĂ©ellement ce sont en gĂ©nĂ©ral toutes celles auxquelles la loi nâa point attachĂ© lâeffet dâopĂ©rer la prescription. » Cette maniĂšre dâentendre la loi est dâailleurs confirmĂ©e par la jurisprudence de la cour de cassation qui donne au mot prĂ©caire un sens trĂšs-Ă©tendu. Nous citerons notamment cinq arrĂȘts. Dans la premiĂšre espĂšce, il sâagissait de savoir si le propriĂ©taire voisin dâun Ă©tang pouvait invoquer la possession quâil avait de ses bords quand les eaux Ă©taient basses. Le propriĂ©taire de lâĂ©tang repoussait la complainte en soutenant que la possession de son adversaire Ă©tait prĂ©caire, puisquâaux termes de lâart. 558 du Code civil, le propriĂ©taire conserve toujours son terrain mĂȘme dans les basses eaux. Ce systĂšme fut accueilli en premiĂšre instance, en appel et en cassation. LâarrĂȘt de rejet, du 23 avril 1811, est fondĂ© sur ce que le juge, en dĂ©cidant que la possession allĂ©guĂ©e ne pouvait ĂȘtre que prĂ©caire , puisque la loi lâavait toujours conservĂ©e pour le propriĂ©taire de lâĂ©tang, a fait une juste apprĂ©ciation de lâart. 558 prĂ©citĂ©. Dans la deuxiĂšme espĂšce, un jugement du 10 pluviĂŽse an V avait maintenu la dame Dandiron, reprĂ©sentĂ©e par les sieurs Guieux et Chaix dans la possession exclusive dâune ruelle, et dĂ©fenses avaient Ă©tĂ© faites au sieur Plan de Syeyes de lây troubler. Ce dernier continua cependant de se servir de la ruelle. En janvier 1807, il forma une action en complainte, pour ĂȘtre maintenu dans sa possession plus quâannale, et sa demande fut accueillie par le juge de paix. Sur lâappel, le tribunal de Digne infirme ce jugement, attendu que celui de lâan V imprimait Ă la âJ 3-a â 119 â possession de Plan de Syeyes le caractĂšre de simple tolĂ©rance ; et sur le pourvoi, arrĂȘt de rejet par le motif que la jouissance de Plan de Syeyes, aprĂšs la signification du jugement, nâa pu ĂȘtre que prĂ©caire, et que cette jouissance, nâayant pas le caractĂšre exigĂ© par la loi, nâa pu lui acquĂ©rir aucun droit, moins encore anĂ©antir ce jugement. Voici la troisiĂšme espĂšce. Le 5 nivĂŽse an VII, un jugement au possessoire fait dĂ©fenses au sieur ProvĂŽt dâuser dâun droit de prise dâeau quâil prĂ©tendait avoir sur un hĂ©ritage appartenant au sieur Magistry, et en 1805, le sieur Jouannet, allĂ©guant avoir pris sans interruption, depuis son acquisition, sur lâhĂ©ritage de Pardoux Velleaud, les eaux nĂ©cessaires pour lâirrigation du sien, cite celui-ci devant le juge de paix de Chambon, par voie de complainte, pour lâavoir troublĂ© dans la possession plus quâannale oĂč il soutenait ĂȘtre de jouir de ces eaux. Pour moyen de dĂ©fenses, Pardoux Velleaud oppose le jugement rendu contre ProvĂŽt le 5 nivĂŽse an VII, qui a lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e contre Jouannet, comme vis- Ă -vis de ProvĂŽt son vendeur ; que, par consĂ©quent, toute possession ultĂ©rieure de Jouannet ne peut ĂȘtre que prĂ©caire et inefficace pour fonder lâaction en complainte. Le juge de paix rejette lâexception et ordonne aux parties de plaider au fond ; mais, sur lâappel Jugement du tribunal civil de Chambon du II fĂ©vrier 1817 qui infirme, attendu quâil est dĂš principe que celui qui, aprĂšs avoir succombĂ© dans sa possession, a joui depuis an et jour, ne peut plus demander Ă ĂȘtre maintenu dans cette mĂȘme possession qui nâest qu e prĂ©caire, par suite de la maxime complainte sur complainte ne vaut. Et sur le pourvoi, arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes du 17 mars 1810 qui 120 â rejette, attendu que, dâaprĂšs le jugement qui avait Ă©tĂ© rendu contre ProvĂŽt, lequel est. aujourdâhui reprĂ©sentĂ© par le demandeur, celui-ci ne peut avoir eu quâune possession 'prĂ©caire. h c EspĂšce. â Il existe dans la ville de Salies une fontaine dâeau salĂ©e appartenant Ă la communautĂ© des habitants. Aux termes des rĂšglements anciens, sanctionnĂ©s par les autoritĂ©s compĂ©tentes, les habitans de Salies se sont associĂ©s et ont arrĂȘtĂ© 1° Quâaucun habitant nâaurait droit au partage des eaux quâautant quâil rĂ©siderait dans lâenceinte de la ville avec sa famille ; 2° que, dans le cas oĂč un habitant cesserait de rĂ©sider dans la ville, les administrateurs de la fontaine rayeraient son nom de la liste quâils sont chargĂ©s de dresser des parts prenants , sauf Ă le rĂ©tablir au cas de retour. En 1817, les administrateurs rayĂšrent la dame La- taste, mariĂ©e au sieur Saubade, domiciliĂ© dans la commune de Berens, sur le fondement quâelle ne rĂ©sidait plus dans la ville de Salies. Action en complainte de la part des Ă©poux Saubade pour se faire maintenir dans la pdssession annale de prendre part aux eaux salĂ©es. DĂ©clarĂ©s non recevables par le juge de paix, ils furent plus heureux en appel ; le jugement qui accueillit leur action se fonda sur ce que la vĂ©rification du fait dâexclusion, tirĂ© du dĂ©faut de rĂ©sidence exigĂ©e par les rĂšglements, tenait au fond du droit, câest- Ă -dire Ă lâaction pĂ©titoire que lâadministration pourrait former, et quâen attendant, la jouissance non interrompue du passĂ© faisait supposer que la dame Saubade se conformait Ă tout ce qui Ă©tait prescrit parles rĂšglements. â 121 â Sur le pourvoi, cet arrĂȘt fut cassĂ© le 7 juin 1820, parce cjue la possession allĂ©guĂ©e Ă©tant contraire aux rĂšglements ne pouvait ĂȘtre que de tolĂ©rance, abusive et prĂ©caire, dette derniĂšre expression est mĂȘme rĂ©pĂ©tĂ©e plusieurs fois. Nous ferons dâailleurs observer que nous nâavons citĂ© ces divers arrĂȘts que pour bien faire comprendre le sens et lâĂ©tendue du mot prĂ©caire ; mais nous nous rĂ©servons de discuter le fond de la doctrine quâils ont consacrĂ©e. Câest dans un sens analogue que le mot prĂ©caire nous paraĂźt avoir Ă©tĂ© employĂ© dans un arrĂȘt rendu le h dĂ©cembre 1837, entre le sieur Framezelle et la dame Lan- gaigne. deux parties litigantes possĂ©daient chacune un moulin. Celui de la dame Lengaigne, situĂ© en aval, Ă©tait mis en mouvement au moyen dâune roue ordinaire, dite Ă auges. En 1835, la dame Lengaigne changea le systĂšme hydraulique de son moulin et substitua Ă lâancienne roue une roue dite Ă pots. Le sieur Framezelle prĂ©tendit que ce nouveau systĂšme hydraulique le troublait dans la possession de son moulin, en faisant refluer les eaux de la riviĂšre, et en gĂȘnant par lĂ le mouvement de la roue de son usine ; en consĂ©quence , il demanda, par voie de complainte, devant le juge de'paix, le rĂ©tablissement des lieux dans leur Ă©tat primitif. Le juge de paix sâĂ©tant mal Ă propos dĂ©clarĂ© incompĂ©tent, il intervint, sur appel, un jugement du tribunal civil, qui dĂ©clara Framezelle mal fondĂ© en sa demande, parce que la dame Lengaigne Ă©tait libre dâuser des eaux comme bon lui semblait, et que lâusage plus ou moins complet quâelle avait fait de son droit dans son seul intĂ©rĂȘt et selon sa convenance, nâavait pu faire acquĂ©rir Ă Framezelle aucune possession limitative des droits de la dame Lengaigne. Framezelle se pourvut en cassation. Mais la cour rejeta le pourvoi, par le motif quâil rĂ©sultait Ă©videmment des termes du jugement attaquĂ© que la possession invoquĂ©e par le demandeur nâavait pas le caractĂšre exigĂ© par lâart. 23 du Code de procĂ©dure civile, qui veut quâelle soit Ă titre non prĂ©caire, pour pouvoir servir de base Ă une action possessoire. Comme on le voit, dans ces cinq espĂšces , le demandeur en complainte ne possĂ©dait pas pour autrui ; il nâĂ©tait ni fermier, ni dĂ©positaire ; il prĂ©tendait avoir possĂ©dĂ© pour lui et Ă titre de propriĂ©taire, et cependant on sâest fondĂ© pour repousser sa demande sur ce que sa possession avait Ă©tĂ© prĂ©caire. M. CarrĂ© remarque, sur lâart. 23 du Code de procĂ©dure , que lâexistence des premiers jugements, dans les deuxiĂšme et troisiĂšme espĂšces, imprimait Ă la possession le caractĂšre dâun acte de tolĂ©rance. Donc celui qui ne possĂšde quâen vertu dâun tel acte nâa quâune possession prĂ©caire. Dâun autre cĂŽtĂ©, il faut reconnaĂźtre que la loi nâayant voulu ni pu prĂ©ciser les divers faits, les divers caractĂšres constitutifs de la possession valable, de la possession prĂ©caire, de la clandestinitĂ©, laisse par lĂ mĂȘme aux juges de paix une bien grande latitude dâapprĂ©ciation, et que ceux-ci pourraient, dans la pratique et suivant les circonstances, ne pas exiger des actes de possession aussi positifs, aussi caractĂ©risĂ©s pour la complainte que le tribunal appelĂ© Ă prononcer sur la propriĂ©tĂ©. 11 importe de remarquer que les hĂ©ritiers lĂ©gitimes ou â 1-23 instituĂ©s, les donataires et les lĂ©gataires universels ou Ă titre universel de ceux qui dĂ©tenaient une chose prĂ©cairement, ne sont eux-mĂȘmes que des dĂ©tenteurs prĂ©caires, qui ne peuvent ni possĂ©der, ni prescrire, car ils prennent leur place et les reprĂ©sentent dans tous leurs droits actifs et passifs. Il en serait encore ainsi, lors mĂȘme que les successeurs des dĂ©tenteurs prĂ©caires seraient dans lâignorance du titre de leurs auteurs, et quâils auraient pu les croire propriĂ©taires ; le vice de leur possession se continuerait en eux de maniĂšre Ă la rendre tout aussi inefficace pour les uns que pour les autres. La gĂ©nĂ©ralitĂ© des art. 2237, 2240 du Code civil, et le principe qui fait de lâhĂ©ritier la continuation de son auteur, ne peuvent laisser lĂ -dessus aucun doute. Mais on ne pourrait appliquer ces principes Ă lâhĂ©ritier prĂ©somptif qui aurait reçu la chose par donation entre vifs ou testamentaire, et qui renoncerait Ă la succession pour sâen tenir Ă la libĂ©ralitĂ© ; car il ne serait pas hĂ©ri- rier Ă©t pourrait invoquer comme tiers lâart. 2239, dont nous dĂ©velopperons bientĂŽt la disposition. Que faudrait-il dĂ©cider si le bail, le terme fixĂ© par lâacte de dĂ©pĂŽt, le contrat dâantichrĂšse, reprĂ©sentĂ©s parle dĂ©fendeur Ă©taient expirĂ©s depuis plus de trente ans? Ăvidemment la possession serait encore prĂ©caire. LorsquâĂ lâexpiration dâun bail Ă©crit, le preneur reste et est laissĂ© en jouissance, il sâopĂšre un nouveau bail par tacite reconduction, art, 1738 du Code civil ; et si le bail est verbal, il nây a aucun terme fixĂ© Ă sa durĂ©e; par consĂ©quent, dans lâun et lâautre cas, le dĂ©tenteur conserve toujours la qualitĂ© de fermier. Il en est de mĂȘme en matiĂšre de dĂ©pĂŽt. Lâexpiration du dĂ©lai ne change pas la nature du contrat lorsque la chose reste en la garde du dĂ©positaire. Art. 2235 et 22/i0 du Code civil. Par arrĂȘt du 21 aoĂ»t 1734, le grand conseil a jugĂ© quâun hĂ©ritage donnĂ© Ă emphytĂ©ose devait retourner au bailleur, quoique depuis lâexpiration du bail il se fĂ»t Ă©coulĂ© plus de quatre-vingts ans. Plus anciennement, le parlement de Paris avait, par arrĂȘt du 21 avril 1551, condamnĂ© lâĂ©vĂȘque de Clermont, malgrĂ© une possession de trois siĂšcles, Ăą restituer Ă la reine Catherine de MĂ©dicis la seigneurie de la ville de Clermont, parce que le titre originaire de la possession quâil avait prouvait ue cette seigneurie avait Ă©tĂ© sĂ©questrĂ©e et donnĂ©e en garde Ă un Ă©vĂȘque de Clermont par le duc de Bourbon, ou par Guy, comte dâAuvergne. Le mĂȘme principe est applicable au droit dâusage, qui, durĂąt-il cent ans, ne saurait confĂ©rer aucun droit de propriĂ©tĂ©. Câest ce quâa dĂ©cidĂ© Ă©galement le parlement de Paris, par arrĂȘt rendu, en lâannĂ©e 1572, en faveur du duc dâOrlĂ©ans, contre les religieux de Longpont, qui prĂ©tendaient transformer un droit dâusage en un droit de propriĂ©tĂ©, sur le fondement dâune possession trĂšs-ancienne; mais, aprĂšs examen du titre de concession, leur prĂ©tention fut repoussĂ©e. Nous ne croyons pas quâil y ait de distinction Ă faire entre les fermiers, dĂ©positaires, antichrĂ©sistes et ceux qui dĂ©tiennent comme administrateurs. Nous pensons que ceux-ci, lors mĂȘme quâils continuent de possĂ©der aprĂšs la cessation de leurs fonctions, ne jouissent pas plus que les autres comme propriĂ©taires tant quâil nâest intervenu aucun changement dans le principe de leur dĂ©tention. Ainsi le tuteur aprĂšs la cessation de la tutelle, le mari aprĂšs la sĂ©paration de biens ou la dissolution du mariage, quâon ait Ă©tabli le rĂ©gime dotal ou celui de la communautĂ©, le man- dataire et le negotiorumgestor, Ă lâexpiration du mandat ou delagestion dâaffaires,ne pourraient passe prĂ©tendre possesseurs Ă lâeffet dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© et dâintenter les actions pĂ©titoires ou possessoires. La gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes de lâart. 2236 qui comprend tous les dĂ©tenteurs prĂ©caires et les motifs qui ont dictĂ© sa disposition nous semblent justifier notre sentiment. Mais nous croyons que cette doctrine vraie, pour les propres de la femme, ne le serait pas pour les biens de la communautĂ©. Ceux-ci seraient prescriptibles Ă partir de sa dissolution ; aprĂšs une annĂ©e de possession par le mari, celui-ci serait admis Ă intenter complainte contre ceux qui lây troubleraient. Il est Ă©vident que si un dĂ©tenteur prĂ©caire intentait une action en complainte, le dĂ©fendeur aurait le droit dâopposer les actes originaires de bail, de dĂ©pĂŽt, dâusage, quelque anciennes quâen fussent les dates, pour Ă©tablir la prĂ©caritĂ© de la possession. Vainement le demandeur essaierait-il de rĂ©pondre que depuis il a Ă©tĂ© de bonne foi, quâil a cru au droit de son prĂ©dĂ©cesseur, quâil a dâailleurs une possession annale et de bonne foi antĂ©rieure au trouble. Ces circonstances seraient insignifiantes tant quâil ne serait pas intervenu un acte de la nature de ceux auxquels la loi attribue lâeffet dâintervertir la possession. Le juge de paix ne pourrait se dispenser dâapprĂ©cier ces actes de bail ou de dĂ©pĂŽt, puisquâils ont trait Ă la jouissance. Mais si, au lieu dâactes, le dĂ©fendeur invoquait la preuve testimoniale, le juge ne devrait pas lâadmettre, parce que ce mode de prouver le bail et le dĂ©pĂŽt est prohibĂ© par nos lois, et quâil faudrait remonter Ă une Ă©poque trĂšs-ancienne pour en retrouver des traces toujours fort incertaines. Ceux qui nâont obtenu quâune dĂ©tention prĂ©caire de la â 126 â chose et leurs successeurs universels ou Ă titre universel peuvent purger ce vice de prĂ©caritĂ© par l'interversion de leur titre originaire, et commencer du jour de cette interversion Ă possĂ©der utilement pour prescrire et pour exercer les actions possessoires ou pĂ©titoires. Nous expliquerons dans le numĂ©ro suivant comment sâopĂšre ce changement de situation, et si la bonne foi en est nĂ©cessairement un des Ă©lĂ©ments constitutifs. Enfin les dĂ©tenteurs prĂ©caires peuvent, aux termes de lâart. 2239 du '.ode civil, consentir Ă des tiers des actes dâaliĂ©nation qui, sâils nâont pas lâeffet immĂ©diat de leur transmettre la propriĂ©tĂ©, servent cependant de base Ă une possession qui, continuĂ©e pendant le temps fixĂ© par le lĂ©gislateur, a le double effet dâengendrer la prescription et dâautoriser les actions possessoires et pĂ©titoires qui sây rattachent; ils font ainsi pour autrui plus quâils ne peuvent pour eux-mĂȘmes. Nous renvoyons Ă©galement au numĂ©ro suivant les dĂ©veloppements auxquels nous croyons devoir nous livrer Ă ce sujet. § II. Bonne et mauvaise foi dans la possession. Nous allons examiner dans cet article sâil est nĂ©cessaire que le demandeur en complainte ait une possession de bonne foi. Parmi les auteurs anciens qui ont Ă©crit sur la matiĂšre, nous ne voyons que Pothier qui ait prĂ©vu la difficultĂ©. Dans son introduction Ă la Coutume d'OrlĂ©ans, titre 2, n° 50, dans ses TraitĂ©s de procĂ©dure, cliap. G, question 253, et de la Possession, n° 3, il dĂ©cide que la bonne foi nâest pas nĂ©cessaire. La maniĂšre dont il sâexprime fait supposer quâil nâadmet aucune exception Ă ce principe. M. le prĂ©sident Henrion de Pansey, VI. .Gui- â 127 â chard, ainsi que la plupart des auteurs modernes, ne sâexpliquent pas Ă cet Ă©gard. M. Brossard, n° s 157 Ă 163, paraĂźt supposer la nĂ©cessitĂ© de la bonne foi ; mais M. Au- lanier, n° 19, et M. CarrĂ©, sont dâune opinion contraire. Ce dernier semble pourtant admettre une exception ; il sâexprime ainsi, 2 e vol., p. 399 De ce que la loi nâexige autre chose pour autoriser lâaction possessoire, si ce nâest quâelle ait le caractĂšre que nous avons dĂ©terminĂ© page 46 etsuiv., il sâensuit, gĂ©nĂ©ralement parlant, que la bonne foi nâest point une des conditions nĂ©cessaires pour que cette action soit recevable. Peu importe donc de savoir si le dĂ©tenteur est de bonne ou de mauvaise foi; il ne peut ĂȘtre question que du fait de la possession. » Ces diverses opinions qui, au premier abord, semblent un peu contraires, peuvent cependant se concilier aisĂ©ment. Le principe gĂ©nĂ©ral est en effet que la bonne foi, nĂ©cessaire en certains cas pour lâacquisition de la propriĂ©tĂ©, nâest pas exigĂ©e du possesseur annal qui intente lâaction possessoire; il ne souffre que peu dâexceptions que nous aurons soin de signaler. Lâart. 2262 du Code civil porte Toutes les actions, tant rĂ©elles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allĂšgue cette prescription soit obligĂ© dâen rapporter un titre, oĂč quâon puisse lui opposer lâexception dĂ©duite de la mauvaise foi. » Lâart. 2265 est ainsi conçu Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble, en prescrit la propriĂ©tĂ© par dix ans, si le vĂ©ritable propriĂ©taire habite dans le ressort de la cour royale, dans lâĂ©tendue de laquelle lâimmeuble est situĂ©, et par vingt ans sâil est domiciliĂ© hors dudit ressort. » pt lâart. 2268 ajoute La lionne foi est toujours â 128 â prĂ©sumĂ©e, et câest Ă celui qui allĂšgue la mauvaise foi Ă la prouver. » Enfin, la bonne foi, dâaprĂšs lâart. 550, consiste Ă possĂ©der comme propriĂ©taire en vertu dâun titre dont on ignore les vices. Câest pourquoi la bonne foi du possesseur cesse du moment oĂč ces vices lui sont connus. Qui a quolibet Ă©mit, quod putat ipsius esse, berna fide Ă©mit-, I.. 27, ff. de conlrah. empt. Bona' fidei emptor esse videtur, qui ignoravit rem alienam esse, aut putavit eum qui vendidit jus vendendi habere L 109, ff. de verbor. signifie., celpii ne sâentend toutefois que de lâerreur de fait, et non de lâerreur de droit nunquam in usucapionibus juris error possessori prodest. L. 31 ,ff. deusurp. Ce nâest pas quâen fait on soit rĂ©ellement de mauvaise foi parce quâon erre sur le droit L. 25, § 6, ff. de petit, hĆred., puisquâil arrive souvent quâon lâignore ; mais comme il nâaurait pas Ă©tĂ© possible de reconnaĂźtre la vĂ©ritĂ© ou la faussetĂ© de lâallĂ©gation de cette ignorance, et que chacun peut recourir aux lumiĂšres de ceux qui connaissent les lois qui dâailleurs sont rendues publiques, câest une maxime dâordre et dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral que nul ne peut allĂ©guer quâil les ignore; et câest ce quâobserve avec beaucoup de raison Houard Dictionnaire du droit normand, au mot prescription Lâignorance de la loi, dit-il, loin dâĂȘtre une excuse, est un crime on expose la sociĂ©tĂ© en laquelle on vit au trouble et Ă la confusion, par sa nĂ©gligence Ă sâassurer, dans les divers actes quâon fait, des rĂšgles quâelle a Ă©tablies pour quâils fussent faits valablement et Ă©quitablement. » Aussi igilorantia juris non prodest adquirere volentibus. L. 7, ff. de juris et fadi ignorantia. Au surplus, la bonne foi est exigĂ©e de lâacquĂ©reur seul, ainsi que cela rĂ©sulte des diverses lois ro- â 129 â maines ou françaises que nous venons de rappeler; il nâest pas en outre nĂ©cessaire quâelle existe de la part du vendeur. Ajoutons que la bonne foi existant lors de lâacquisition, profiterait au sous-acquĂ©reur mĂȘme de mauvaise foi, car il suffit quelle existe dans lâorigine, et ce sous-acquĂ©reur succĂšde Ă la bonne foi de son vendeur. Si de- functus bona fide emerit, vsucapietur res quamvis hĆres sciĂątalienam esse. Inst., tit. 6, de nsucap. et long. temp. prescript., et loi *2, § 19, ff. pro emp. Il en serait autrement du cas oĂč le vĂ©ritable propriĂ©taire croirait par erreur au droit des divers possesseurs, si ceux-ci nây croyaient pas. Il ne faut pas confondre les conditions dĂ©terminĂ©es par le Code pour constituer la possession avec la bonne foi. line possession peut ĂȘtre publique, paisible, non Ă©quivoque, exempte de tolĂ©rance, de familiaritĂ©, Ă titre de propriĂ©taire, et nâĂȘtre pourtant pas de bonne foi, dâaprĂšs la dĂ©finition que nous avons donnĂ©e de ce caractĂšre spĂ©cial. Les juges de paix doivent bien se garder de croire que la mauvaise foi du possesseur prouvĂ©e Ă©tablirait que la possession nâa pas eu lieu Ă titre de propriĂ©taire, A Ă©tÂŁ Ă©quivoque ou prĂ©caire, si dâailleurs il avait fait tous les actes qui annoncent une propriĂ©tĂ© pleine et entiĂšre. Il faut en outre reconnaĂźtre que la bonne ou mauvaise foi peut exister et ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e, indĂ©pendamment de tout acte ou contrat, se rĂ©fĂ©rant Ă lâorigine de la possession. Ainsi un individu possĂšde pleinement un champ, sans quâon sache comment il est entrĂ© en jouissance. Cependant il nâignore pas, il a mĂȘme avouĂ© en prĂ©sence de tĂ©moins quâun autre est propriĂ©taire. MalgrĂ© cela il peut intenter lâaction pos- sessoire ; Ă plus forte raison le peut-il si le vĂ©ritable propriĂ©taire lui est inconnu. y â 130 â Supposons maintenant le cas oĂč il existe des actes. Nous avons vu que les dĂ©tenteurs prĂ©caires et leurs hĂ©ritiers qui ne pouvaient jamais possĂ©der pour eux-mĂȘmes, Ă©taient cependant capables de donner Ă des tiers un titre servant de base Ă la possession. Lorsquâun tuteur, un mari, un dĂ©positaire, un fermier ont vendu les biens dont ils Ă©taient dĂ©tenteurs Ă ces divers titres, mais en annonçant dans lâacte quâils leur appartenaient, ou sans rien dire et sans prendre aucune qualitĂ©, lâacquĂ©reur est probablement de bonne foi, et prescrit par dix ou vingt ans qui, pour les biens dotaux et ceux du pupille, ne courent que de la dissolution du mariage, de la sĂ©paration de biens ou de la cessation de la miuoritĂ© ; mais si lâacte exprime que la chose est la propriĂ©tĂ© de la femme, du pupille, ou si, sans le dire expressĂ©ment, les dĂ©tenteurs ont traitĂ© en qualitĂ© de mari, de tuteur, fermier; si un antichrĂ©siste vend lâimmeuble de son dĂ©biteur, en indiquant celui-ci comme propriĂ©taire, hypothĂšse qui, nous en convenons, doit se rĂ©aliser rarement, et que nous nâexposons ici que pour mieux faire ressortir toute la portĂ©e du principe; que lâacquĂ©reur, dans ces diverses hypothĂšses, ait par suite du contrat, du juste titre qui lui a Ă©tĂ© souscrit, possĂ©dĂ© pendant un an, et quâil soit troublĂ© par le propriĂ©taire, pourra-t-il intenter la complainte? Oui, sans doute, car il est certain que ce contrat çst inutile au possesseur, puisquâun titre nâest exigĂ© que pour la prescription de dix ou vingt ans, et que le titre portant en lui-mĂȘme la preuve de sa mauvaise foi, ne peut lui servir Ă rien ; mĂąis il peut acquĂ©rir la propriĂ©tĂ© par une possession de trente ans pour laquelle il nâa besoin ni de titre ni de bonne foi. Il nâa donc aucun intĂ©rĂȘt Ă le produire. Soit que par la suite il prĂ©- 131 â tende avoir prescrit par dix ou vingt ans, soit quâil invoque la possession de trente ans, peu importe quant Ă lâaction possessoire qui nâest fondĂ©e que sur une jouissance annale. Mais sâil ne le produit pas, te dĂ©fendeur ne peut-il pas 1e reprĂ©senter, pour Ă©tablir que la possession de son adversaire est prĂ©caire? que la date rĂ©cente de ce titre sâoppose Ă ce quâil ait acquis par trente ou mĂȘme par dix ou vingt ans? Nous ne 1e croyons pas ; car, si malgrĂ© lâexistence dâun acte qui prouve la connaissance de la part de lâacquĂ©reur du dĂ©faut de qualitĂ© du vendeur, il peut nĂ©anmoins prescrire, il faut reconnaĂźtre quâil peut valablement former la complainte qui est admissible dans toutes les matiĂšres prescriptibles. Gardons-nous de confondre 1e cas oĂč 1e demandeur a joui Ă titre de propriĂ©taire, et pour lui-mĂȘme, avec celui oĂč il nâa joui que comme fermier, sĂ©questre, administrateur. Dans 1e premier cas il a un titre qui, bon ou mauvais au fond, nâen est pas moins par sa nature capable avec 1e temps de transfĂ©rer la propriĂ©tĂ©; par juste titre, la loi nâentend pas lâacte Ă©manĂ© du vĂ©ritable propriĂ©taire, puisque câest contre lui quelle autorise la prescription, mais un titre qui soit fait pour transmettre la propriĂ©tĂ© comme vente, Ă©change, donation. Dans le second cas, tes actes de bail, de sĂ©questre, prouvent que celui qui dĂ©tient ne possĂšde pas personnellement, et nâa aucun droit de domaine ce nâest que dans ce cas que le dĂ©fendeur Ă la complainte peut opposer tes actes. Il ne faut pas dâailleurs perdre de vue la nature de lâaction en complainte. Elle est uniquement fondĂ©e sur lâannĂ©e de possession qui a prĂ©cĂ©dĂ© 1e trouble ; toute possession antĂ©rieure du demandeur ou du dĂ©fendeur est en gĂ©nĂ©ral sans objet. Le juge de paix ne 132 â doit pas sây arrĂȘter. LâapprĂ©ciation des titres de propriĂ©tĂ© nâest pas dans ses attributions, et si quelquefois il peut les consulter, comme nous lâexpliquerons ultĂ©rieurement, ce nâest que pour dĂ©terminer le caractĂšre dâune possession douteuse, pour sâĂ©clairer Ă cet Ă©gard. Le titre, sâil Ă©tait produit, lui prouverait que câest bien comme propriĂ©taire que le demandeur a joui, puisquâil a acquis. Il ne pourrait sâoccuper de la validitĂ© du contrat en ce sens quâil lui serait interdit dâexaminer si le vendeur avait rĂ©ellement des droits ; ce serait cumuler le pĂ©titoire avec le possessoire. Ce que nous venons de dire sâapplique Ă plus forte raison Ă lâacquĂ©reur des biens non dotaux de la femme, des absents, dâun dĂ©posant; sâil avait une possession annale, antĂ©rieure au trouble, il pourrait intenter la complainte, sans crainte dâĂȘtre repoussĂ© par lâexhibition du titre qui lui aurait Ă©tĂ© consenti. Nous examinerons plus bas sâil en serait demĂȘmerela- tivementĂ lâacquĂ©reur des biens dâun mineur, dâun interdit; mais en supposant quâune exception fĂ»t possible dans ce cas, elle ne serait pas tirĂ©e de la mauvaise foi de lâacquĂ©reur ; elle aurait sa base dans la nature des biens appartenant Ă ces personnes. AssignĂ©s au possessoire, le mineur, lâinterdit pourraient, toujours dans la mĂȘme supposition, produire leurs titres de propriĂ©tĂ© pour se dĂ©fendre de la demande en maintenue, et pour Ă©tablir que la possession de leur adversaire est vicieuse. Ce ne serait que dans le cas oĂč ils nâauraient pas de titres ou de possession antĂ©rieure, que le demandeur serait Ă©coutĂ©, parce que rien nâĂ©tablirait alors que câest dâun bien de mineur ou dâinterdit quâil sâagit. Nous pensons toutefois quâalors mĂȘme quâils produi- 133 â lâaient des titres de propriĂ©tĂ©, la complainte devrait ĂȘtre incontestablement accueillie'si le demandeur opposait un titre translatif de propriĂ©tĂ© ayant dix ans dâexistence avec bonne foi depuis la cessation de la minoritĂ© ou de lâinterdiction , ou si cette cessation datait de trente ans. Il existe, comme on lâa vu, une bien grande diffĂ©rence entre le fermier qui, aprĂšs avoir joui de la ferme en vertu du bail, voudrait intenter complainte, et celui qui ayant acquis de ce fermier aurait fait pcndantlâannĂ©e antĂ©rieure au trouble tous les actes de possession que la propriĂ©tĂ© autorise. Ce dernier aurait agi Ă titre de propriĂ©taire. Peu importe quâil sĂ»t ou quâil pĂ»t craindre que le vĂ©ritable propriĂ©taire ne vĂźnt Ă lâattaquer, puisque, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, câest la qualitĂ© en laquelle on possĂšde, et non la bonne foi et la confiance que lâon a de lâexistence lĂ©gale de cette qualitĂ© qui dĂ©termine la prescription trentenaire ; par la publicitĂ© des faits de possession annale sans opposition du vĂ©ritable propriĂ©taire, il sâest placĂ© dans une situation que la justice doit protĂ©ger. Mais quant au fermier, au dĂ©positaire, la qualitĂ© est certaine par le bail, le dĂ©pĂŽt. Câest Ă ceux-ci seulement, ainsi que lâexpliquent Pothier, TraitĂ© de la prescription, n° 173, M. Delvincourt, sur lâart. 2262, et M. Rogron dans son Code civil annotĂ©, que sâapplique la maxime Melius non habere titulum, quant habere vitiosum. Nous avons dit que ceux qui dĂ©tiennent une chose prĂ©cairement, ainsi que leurs hĂ©ritiers et reprĂ©sentants universels ou Ă titre universel, ne peuvent la possĂ©der valablement ni la prescrire par quelque laps de temps que ce soit, mĂȘme .aprĂšs le terme assignĂ© Ă leur dĂ©tention prĂ©caire; mais cette rĂšgle nâest pas sans exception. Lâarticle 2238 Ă©tablit en effet quâils peuvent prescrire, si le â 134 â titre de leur possession se trouve interverti, soit par une cause venant dâun tiers, soit par la contradiction quâils ont opposĂ©e au droit du propriĂ©taire. Cet article contient, comme on voit, deux modes diffĂ©rents dâinterversion de possession 1° par une cause venant dâun tiers; 2° par la contradiction opposĂ©e aux droits du propriĂ©taire. Ie ces deux modes, le premier existait dĂ©jĂ dans lâancien droit, tandis que le second peut paraĂźtre une innovation et une dĂ©rogation Ă la maxime nemopotest sibi mularc causant possessionis. L. 3, § 19, ff. de acquirendĂą vel amitt. possess. La loi nâexige pas que lâacte Ă©manĂ© du tiers soit notifiĂ© par le dĂ©tenteur prĂ©caire, Ă celui pour le compte duquel il dĂ©tenait la chose et lâon ne pourrait ĂȘtre plus exigeant que le lĂ©gislateur. Nous ne saurions donc partager lâopinion de M. Vazeille, qui semble faire une rĂšgle et une nĂ©cessitĂ© absolue de cette notification ; dâun autre cĂŽtĂ©, la contradiction opposĂ©e aux droits du propriĂ©taire peut rĂ©sulter de simples faits, de travaux, de constructions qui dâordinaire caractĂ©risent et supposent la propriĂ©tĂ©; mais il faudrait, dâaprĂšs les termes mĂȘmes de la loi, quâils aient Ă©tĂ© connus de ce propriĂ©taire. Les faits et la connaissance quâen aurait eus le propriĂ©taire pourraient ĂȘtre prouvĂ©s mĂȘme par tĂ©moins; ici sâappliqueraient indubitablement les principes gĂ©nĂ©raux en matiĂšre de preuve testimoniale. M. Delvincourt donne cet exemple du premier mode dâinterversion Jâai pris un fonds Ă bail de Paul ; tant que les choses restent dans cet Ă©tat, je ne puis prescrire, eussĂ©-je Ă©tĂ© cinquante ans sans payer de loyers. Mais Jacques se prĂ©sente comme Ă©tant propriĂ©taire de ce mĂȘme fonds, nâimporte Ă quel titre. 11 me le vend je puis prĂšs- r â 135 â crire contre Paul Ă dater du jour de la vente qui mâa Ă©tĂ© faite par Jacques. » Observons en passant que lâacquisition faite dâun tiers par le dĂ©tenteur prĂ©caire est sans doute fondĂ©e sur ce quâil a pu croire avoir Ă©tĂ© originairement dans lâerreur en reconnaissant le bailleur comme propriĂ©taire, et que les droits de celui qui lui a vendu lui ont paru mieux Ă©tablis. Lâauteur pense quâici la bonne foi est nĂ©cessaire. Quid, dit-il, sâil Ă©tait prouvĂ© que le fermier savait que Jacques nâĂ©tait pas propriĂ©taire? Je pense que dans ce cas particulier la prescription ne peut avoir lieu mĂȘme par trente ans. 11 est Ă©vi^nt, en effet, quâon regarderait Jacques comme un homme de paille apostĂ© par le fermier, et le principe de la possession serait censĂ© alors interverti par le fermier seul, ce qui rentrerait dans le cas de lâart. 2240. » M. Vazeille, TraitĂ© des prescriptions, dit aussi "que le fermier ne peut, Ă lâaide dâun tiers complaisant, sâaffranchir de ses obligations et possĂ©der pro suo ; » puis il ajoute quâon peut invoquer lâart. 2265 et sâen tenir Ă la rĂšgle gĂ©nĂ©rale qui proscrit toutes conventions et toutes combinaisons frauduleuses. Les juges, dit-il encore, examinant le nouveau titre, recherchant sâil est lâĆuvre de la bonne foi ou de la fraude, pĂšseront toutes les circonstances qui lâont amenĂ© et qui lâont suivi. » M. Vazeille ne dĂ©cide pas aussi positivement que M. Delvincourt, que la mauvaise foi du dĂ©tenteur prĂ©caire dans lâacceptation dâun titre venant dâun tiers empĂȘche mĂȘme la prescription trentenaire. Il paraĂźt, par la citation quâil fait de lâart. 2265, quâil ne sâ-explique que relativement Ă la prescription de dix et vingt ans. Cependant les raisons sur lesquelles il sâappuie nous semblen * â 136 â devoir sâĂ©tendre Ă la prescription de trente ans. M. Trop- long, de lu Prescription, n° 507, est dâun avis contraire; mais nous ne saurions partager son opinion. Aucun changement nâest en effet survenu dans la position du dĂ©tenteur prĂ©caire, puisque, ayant dâabord acceptĂ© ce titre de celui quâil a reconnu propriĂ©taire, il ne trouve dans lâacte postĂ©rieur du tiers rien qui y soit opposĂ©; au contraire, la conviction de lâabsence de tout droit de la part de celui-ci ne peut quâajouter Ă lâopinion quâil sâĂ©tait faite du droit du premier. On nâaperçoit dans la rĂ©alitĂ© quâun fait frauduleux du dĂ©tenteur prĂ©caire lui-mĂȘme. Le principe que la fraude faitt-exception Ă toutes les rĂšgles et la disposition de lâart. 22/jO du Code civil qui veut que nul ne puisse par son seul fait changer la causĂ© de sa possession, nous semblent devoir ici recevoir leur application. M. CarrĂ©, dans un passage de la page 399, que nous avons rapportĂ© au commencement de cet article, semble partager notre sentiment. Il suppose une exception Ă la rĂšgle qui dispense le demandeur en complainte de la condition de bonne foi, et cette exception ne peut sâentendre que du cas qui nous occupe en ce moment. M. Belime adopte dâune maniĂšre formelle notre solution. Nous avons dĂ©veloppĂ© tout rĂ©cemment cette doctrine dans une consultation relative Ă une affaire fort importante. Relativement Ă lâinterversion de titre par la contradiction opposĂ©e aux droits du propriĂ©taire , M. Delvincourt s'exprime ainsi u II faut quâil y ait eu contradiction. Ainsi, comme nous venons de le dire, un fermier, eĂ»t-il Ă©tĂ© cinquantĂȘ ans sans payer de fermages, nâa point interverti son titre sâil nâa pas Ă©tĂ© poursuivi. Seulement lâaction en paiement est prescrite pour toutes les annĂ©es 137 â antĂ©rieures aux cinq derniĂšres art. *2277. Mais si, assignĂ© en paiement des fermages, il a refusĂ© se prĂ©tendant propriĂ©taire, il a interverti, et peut dĂšs lors prescrire pourvu que le propriĂ©taire ne fasse aucunes poursuites ultĂ©rieures. On ne peut dire quâil sâest changĂ© Ă lui seul le titre de sa possession. Le propriĂ©taire est censĂ© y avoir concouru par la cessation de poursuites Qui non prohi- het, cum prohibere possit, consent ire videtur. » DâaprĂšs ce que nous avons dĂ©jĂ dit, on pourrait encore trouver la contradiction en certains cas dans des dispositions, travaux et constructions que le propriĂ©taire seul est censĂ© vouloir et pouvoir exĂ©cuter ; mais il faudrait aussi quâils aient eu lieu avec intention manifestĂ©e au propriĂ©taire ou Ă son reprĂ©sentant dâopposer une contradiction rĂ©elle aux droits de celui-ci. Ici il nây a pas Ă rechercher, connue pour le premier genre dâinterversion, si le dĂ©tenteur est de bonne ou de mauvaise foi dans la contestation du droit du propriĂ©taire, puisque câest contradictoirement avec lui que cette contestation a lieu. Il nous reste Ă faire lâapplication de ces principes aux actions possessoires. Le dĂ©tenteur prĂ©caire qui aura acquis dâun tiers et sera en possession de bonne foi depuis un an avant le trouble, ou qui depuis le mĂȘme temps aura fait des actes ou des travaux emportant contradiction aux droits du propriĂ©taire, pourra certainement intenter la complainte contre quiconque le troublerait, mĂȘme contre celui dont il tenait originairement sa dĂ©tention ; on ne pourrait lui opposer que, ne sâĂ©tant pas Ă©coulĂ© dix, vingt ou trente ans depuis ces faits, il est impossible quâil ait acquis la propriĂ©tĂ© par la prescription, car ce serait cumuler le pĂ©titoirc et le possessoire. 11 rĂ©pondrait dâailleurs que le bail, le dĂ©pĂŽt, lâantichrĂšse supposaient la pro- â 138 â priĂ©tĂ©, mais ne la prouvaient pas ; quâil Ă©tait incertain lequel des deux Ă©tait rĂ©ellement propriĂ©taire ou de celui qui nâavait confĂ©rĂ© quâune dĂ©tention prĂ©caire ou de celui qui avait vendu, et quâen attendant que le dĂ©bat fĂ»t jugĂ© sur ce point, il importait de conserver ou de rendre la possession Ă celui qui lâavait eue pendant lâannĂ©e antĂ©rieure au trouble. Si le dĂ©fendeur produisait le titre prĂ©caire pour repousser lâaction en complainte, le demandeur opposerait avec succĂšs ses actes dâacquisition ou de contradiction ; en les examinant, le juge de paix ne ferait quâapprĂ©cier le caractĂšre, la qualitĂ© de la possession et ne sortirait nullement de ses attributions, pas plus que sâil sâagissait dâapprĂ©cier des actes ayant trait Ă la jouissance, par exemple, des baux qui servent toujours Ă Ă©tablir la possession annale comme h combattre le fermier qui poursuivrait en son propre nom. Toutefois, ce que nous avons dit de la nĂ©cessitĂ© de la bonne foi de la part du dĂ©tenteur prĂ©caire qui a obtenu un acte dâun tiers pour opĂ©rer lâinterversion de son titre originaire, doit ĂȘtre entendu sainement et appliquĂ© avec discernement; puisquâil suffit, dâaprĂšs lâart. 2269, que la bonne foi ait existĂ© au moment de lâacquisition, on ne pourrait opposer la mauvaise foi survenue postĂ©rieurement, eĂ»t-elle mĂȘme durĂ© pendant toute lâannĂ©e immĂ©diatement antĂ©rieure au trouble ; cela est conforme Ă la maxime Muta fides superveniens non interrompit usuca- pionem. Il faudrait toujours remonter Ă lâĂ©poque oĂč la possession a commencĂ© pour en apprĂ©cier la valeur, et par consĂ©quent cette possession serait inefficace si le dĂ©tenteur avait Ă©tĂ© de mauvaise foi dans lâorigine, bien que â 139 â pendant lâannĂ©e qui a prĂ©cĂ©dĂ© le trouble il eĂ»t pu ĂȘtre de bonne foi ; cette derniĂšre circonstance ne lui serait dâaucun secours sâil ne sây joignait un nouveau titre ou un acte dâinterversion. La bonne foi des hĂ©ritiers du dĂ©tenteur prĂ©caire qui croiraient Ă la sincĂ©ritĂ© de lâacte Ă©manĂ© du tiers ne les mettrait pas Ă lâabri de lâapplication de lâart. 2237 du Code civil. Il en serait ainsi mĂȘme en cas de vente ou de toute autre transmission de sa part dans la chose que lâun des hĂ©ritiers consentirait Ă lâautre. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, du reste, lorsque la bonne foi est requise pour faire acquĂ©rir une possession valable, et que le tiers invoque la possession de son auteur, la mauvaise foi de celui-ci lui est nuisible, sâil est son successeur universel ou Ă titre universel ; mais non sâil est successeur Ă titre particulier, et alors il peut argumenter de sa bonne foi personnelle qui serait sans consĂ©quence dans le premier cas. Dunod, TraitĂ© des prescriptions, p. l ro , chap. 8, p. /i3 et hh ; MM. Delvincourt, Troplong, Vazeille; M. Favardde Langlade, RĂ©p., Y 0 Prescription, p. 411. Le contrat appelĂ© constitut, par lequel le dĂ©tenteur prĂ©caire en vendant prend la chose Ă bail ou sâen rĂ©serve lâusufruit, nâest pas considĂ©rĂ© comme fait de bonne foi ;âil ne peut profiter ni au vendeur ni Ă lâacquĂ©reur. Il nâopĂšre aucun changement dans leur situation Tiraqueau, Constitut posses ., p. 3 ; DargentrĂ©, CoĂ»t, bret., art. 265, ch. 2 et 6. Mais du jour oĂč la jouissance du dĂ©tenteur prĂ©caire cesserait et oĂč celle de lâacquĂ©reur commencerait, celui-ci aurait-il une possession valable et servant de base Ă la prescription? Non, sans doute. â HO â Nous ne croyons pas que le dĂ©tenteur prĂ©caire qui aurait donnĂ© la chose Ă lâun de ses enfants ou Ă des Ă©trangers pĂ»t trouver une cause dâinterversion de sa possession primitive dans le retour qui en aurait lieu en ses mains, soit par application de lâart. 7/i7, soit en vertu de lâart. 951 du Code civil. Nous croyons que lâon pourrait, dans le sens de lâarticle 2238, considĂ©rer comme tiers celui auquel plus tard les dĂ©tenteurs prĂ©caires seraient appelĂ©s Ă succĂ©der et que lâacte venant de lui tel que donation entre vifs, vente ou Ă©change, Ă©tablirait une interversion trĂšs-valable. Car si, aux termes de lâart. 2237 les hĂ©ritiers des dĂ©tenteurs prĂ©caires ne peuvent recevoir de ceux-ci un titre capable de servir de base Ă la prescription, la loi nâa pas ajoutĂ© que ces derniers nâen pourraient accepter de ceux dont ils hĂ©riteraient et qui, avant lâouverture de la succession, sont nĂ©cessairement des tiersĂ lâĂ©gard delĂ personne qui a concĂ©dĂ© la jouissance prĂ©caire. Nous avons dĂ©jĂ dit que lâacquĂ©reur, le donataire ou lĂ©gataire Ă titre particulier des dĂ©tenteurs prĂ©caires pouvaient prescrire aux termes de lâart. 2239 du Code civil, lors mĂȘme quâils Ă©taient hĂ©ritiers prĂ©somptifs, pourvu quâils renonçassent Ă la succession. Nous verrions un titre particulier susceptible de recevoir lâapplication de cet article dans lâoption faite pour les biens prĂ©sents par un donataire de biens prĂ©sents et Ă venir qui userait ainsi de la facultĂ© Ă©tablie par lâart. 108A, puisquâil ne serait pas hĂ©ritier, et mĂȘme dans une dĂ©mission de biens, pourvu que, dans ce dernier cas, celui en faveur duquel elle aurait Ă©tĂ© faite renonçùt Ă la succession pour sâen tenir au bĂ©nĂ©fice de la dĂ©mission. Mais si le contrat consenti par le dĂ©tenteur prĂ©caire Ă â U1 â un tiers Ă©tait rĂ©solu ou annulĂ©, celui-ci resterait sans aucun droit ; il ne pourrait mĂȘme prescrire et la possession serait censĂ©e nâavoir jamais changĂ© de mains ; la dĂ©tention prĂ©caire nâaurait pas cessĂ©. Le vĂ©ritable propriĂ©taire nâaurait rien perdu. Il en serait de mĂȘme si le titre que le tiers a donnĂ© Ă©tait nul ou rĂ©solu ; il serait censĂ© nâavoir jamais existĂ© ; en consĂ©quence, il nây aurait pas dâinterversion; le dĂ©tenteur prĂ©caire resterait avec son premier titre. Mais le juge de paix pourrait-il rechercher la nullitĂ©, et sâen servir pour rejeter la Complainte? Lâaffirmative est Ă©vidente. Sans le second titre, la possession du demandeur serait inefiicace. Câest lui qui le soumet au juge pour dĂ©truire le vice originaire de cette possession ; il faut bien que le juge puisse lâapprĂ©cier sans nuire toutefois Ă lâaction pĂ©titoire. Sâil en Ă©tait autrement, on pourrait tous les jours, pour Ă©luder la loi, se faire passer un contrat qui nâengagerait Ă rien, parce quâon y omettrait une formalitĂ© essentielle ; on sâen servirait pour se faire maintenir provisoirement en possession, et devenir mĂȘme propriĂ©taire, parce que le dĂ©fendeur ne pourrait peut-ĂȘtre au pĂ©titoire faire de preuve suffisants de ses droits. § 3. Possession continue et non interrompue. On distingue la possession continue, non interrompue et non suspendue. Au premier aspect, les deux expressions continue et non interrompue sembleraient rendre la mĂȘme idĂ©e; mais comme il ne faut rien supposer dâinu- \ tile dans la loi, il est indispensable de trouver un sens particulier Ă chacune dâelles. Le mot continu nous semble '! destinĂ© manifester lâintention du lĂ©gislateur, dâexiger â U2 â une rĂ©union de circonstances et non un fait isolĂ©, et une possession qui nâait pas Ă©tĂ© abdiquĂ©e ou abandonnĂ©e par celui qui lâexerce. Il est gĂ©nĂ©ral et convient Ă tous les droits, Ă tous les biens, Ă la propriĂ©tĂ© comme aux servitudes, puisquâaux termes de lâart. 2228 du Code civ., la possession est la dĂ©tention dâune chose ou dâun droit. DiffĂ©rentes causes suspendent la prescription, tâeffet de la suspension est bien distinct de celui de la discontinuitĂ© et de lâinterruption. Lorsquâil y a discontinuitĂ©, il nây a jamais eu de possession. Quand il y a interruption, la possession antĂ©rieure, quoique ayant eu une existence rĂ©elle et lĂ©gale, est cependant aussi, Ă partir de lâinterruption, considĂ©rĂ©e comme nâayant jamais existĂ© ; tandis que, dans la suspension , le temps antĂ©rieur sâajoute au temps couru aprĂšs la cessation de la suspension ; câest seulement la pĂ©riode de la suspension qui est inutile. Les art. 2251 Ă 2259 du Code civil dĂ©terminent les diffĂ©rents cas de suspension. Celui qui, avant la cause de suspension, nâa pas une annĂ©e de possession, ne peut la complĂ©ter dĂšs que cette cause survient, et il ne peut intenter lâaction possessoire; la possession appartient ensuite Ă un autre qui, aprĂšs une annĂ©e de jouissance, pourra, par lui-mĂȘme ou par lâentremise de son reprĂ©sentant, intenter cette action. Du reste, la continuitĂ© sâapplique Ă celui qui possĂšde, tandis que lâinterruption indique le fait dâun autre qui aurait apportĂ© quelque obstacle Ă cette possession. Câest Ă celui qui invoque la possession annale comme fondement de la complainte, Ă prouver positivement quelle a Ă©tĂ© continue ; au contraire, câest Ă celui contre qui une telle U3 â justification est faite, Ă , Ă©tablir que cette possession a Ă©tĂ© interrompue soit naturellement, lorsque le possesseur a Ă©tĂ© troublĂ© par celui quâil attaque ou mĂȘme par un tiers, soit civilement, par une rĂ©clamation judiciaire. DâaprĂšs lâart. 688 du Code civil, les servitudes continues sont celles dont lâusage est ou peut ĂȘtre continuel, sans avoir besoin du fait actuel de l'homme; tels sont les conduites dâeau, les Ă©goĂ»ts, les vues, parce quâen effet, quoique lâeau ne coule pas toujours, quoiquâon ne regarde pas constamment, cependant les choses restant dans le mĂȘme Ă©tat, et lâĂ©coulement, ainsi que lâexercice du prospect, pouvant avoir lieu Ă chaque instant, au moment oĂč lâon sây attend le moins, la gĂȘne, la charge sont les mĂȘmes pour le propriĂ©taire du fonds servant, soit que le crĂ©ancier en fasse usage, soit quâil ne sâen serve pas. Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de lâhomme pour ĂȘtre exercĂ©es ; tels sont les droits de passage, puisage, pacage. La diffĂ©rence des actes de possession des unes et des autres est essentielle; quoique, depuis un an, lâeau nâait pas coulĂ©, ou quâon nâait pas regardĂ© par la fenĂȘtre, si cependant lâĂ©goĂ»t, la conduite dâeau, lafenĂȘtre ont existĂ©, la possession de la servitude est incontestable ; elle a Ă©tĂ© conservĂ©e par la servitude elle-mĂȘme, tandis que, si le passage, le pacage, le puisage nâont pas Ă©tĂ© exercĂ©s pendant un an, la possession peut ĂȘtre perdue. La distinction entre la possession continue et celle qui ne lâest pas, a une utilitĂ© spĂ©ciale en matiĂšre de servitudes; si pour lâacquisition de la propriĂ©tĂ© dâun fonds par prescription le fait et lâintention sont nĂ©cessaires dans le principe, lâintention sans le fait suffit dans la suite pour la conserver; quoique le dernier fait de possession remonte Ă une Ă©poque trĂšs-ancienne, la possession nâen subsiste pas moins tant quâun tiers ne sâen est pas emparĂ©. Cela sâapplique Ă plus forte raison aux servitudes continues et apparentes qui se conservent par lâexistence matĂ©rielle des ouvrages qui les constituent; mais il en est autrement des servitudes discontinues, qui, ainsi que nous le verrons, se perdent par cela seul quâon a cessĂ© de les exercer, et que le dernier fait dâusage date de plus de trente ans. le ce que nous venons de dire, il rĂ©sulte que, bien que la continuitĂ© de la possession soit exigĂ©e pour lâacquisition et la conservation de la propriĂ©tĂ© et des servitudes, les caractĂšres en sont un peu diffĂ©rents, suivant quâil sâagit de lâun ou de lâautre objet. Ainsi, pour acquĂ©rir la possession dâune chose, il faut la volontĂ© jointe au fait delĂ dĂ©tention Adipiscitnur posses- sionem corpore et animo, ncque per se animo aut per se corpore. L. 3, § 1, ff. de acq. possessione. Mais la possession , une fois acquise de cette maniĂšre, peut ĂȘtre conservĂ©e par la seule intention Licet possessio nudo animo acquiri non possit, tamen solo animo retineri potest. Cette volontĂ© de retenir la chose, dit Pothier, TraitĂ© de ht Possession, n° 55, se suppose toujours, tant quâil ne paraĂźt pas dâune volontĂ© contraire bien marquĂ©e. Câest pourquoi, quand mĂȘme une personne aurait abandonnĂ© la culture de ses hĂ©ritages, elle ne serait pas pour cela censĂ©e avoir la volontĂ© dâen abandonner la possession ; elle serait donc prĂ©sumĂ©e avoir la volontĂ© de la retenir, et elle la retiendrait-en effet Si ergo prtediorum dĂ©sertant possessionem non derelinquendi affectione transacto tempore non cnluisti, sed rnetu aut necessitate culturcm eorum dislulisti, prajudicium ex transmissi temporis injuria generari non potesl. » L. h, IL de acq. possessione. M. Troplong professe les mĂȘmes principes Le propriĂ©taire, dit-il, TraitĂ© de la prescription, n° 337, peut laisser ses hĂ©ritages en friche, ses maisons sans rĂ©parations et sans locataires ; câest lĂ lâabus de la libertĂ© ; mais ! la possession originaire qui se sera jadis fixĂ©e sur sa tĂȘte se perpĂ©tuera indĂ©finiment, tant quâil ne se sera pas livrĂ© Ă des actes plus certains dâabdication de son droit. La continuitĂ© juridique de cette possession sera incontestable, et lâon ne sera pas fondĂ© Ă exiger quâil en ait donnĂ© au public des signes extĂ©rieurs, puisque le public nâa Ă©levĂ© aucune prĂ©tention sur la chose, et que, ne le troublant pas, il est censĂ© reconnaĂźtre en lui un propriĂ©taire lĂ©gitime. » Quelques dĂ©veloppements aideront Ă faire une saine application de ces principes. Aux termes de lâart. 22/i3 du Code civil, il y a interruption de possession lorsque le dĂ©tenteur est privĂ© pendant une annĂ©e complĂšte de la jouissance de la chose, soit par lâancien propriĂ©taire, soit mĂȘme par un tiers. Point de doute, dans ce cas, que la possession, malgrĂ© lâintention de la conserver, ne soit perdue pour le dĂ©tenteur primitif, et acquise Ă celui qui depuis a joui de la chose pendant une annĂ©e entiĂšre. En principe gĂ©nĂ©ral, câest Ă celui qui allĂšgue la possession Ă la prouver, et, par consĂ©quent, cette preuve doit comprendre tout le temps dĂ©clarĂ© nĂ©cessaire Ă lâacquisition des droits. Cependant, lâart. 223/i du Code civil fait exception Ă cette rĂšgle, en dispensant celui qui possĂšde actuellement et qui prouve avoir possĂ©dĂ© ancien- fltement, de prouver sa possession intermĂ©diaire; elle est alors prĂ©sumĂ©e, et câest sur lâadversaire que lâobligation dâĂ©tablir le contraire est rejetĂ©e. Cet article, du reste, ne fait que reproduire un principe enseignĂ© par tous les docteurs Ohm possessor, hodie possessor prcesu- mitur; et ex possessione de prĆterito argiritur possessio de prĆsenti et medii temporis, nisi contrariumprobetur ; pro- batis extremis, prĆsumuntur media. Ce qui ne doit pas sâentendre dâune preuve nĂ©gative qui serait repoussĂ©e par la raison et les principes, mais de la preuve positive de la possession par cet adversaire. Mais il ne faudrait pas conclure de cette disposition, quâil nây ait que la possession intermĂ©diaire qui se conserve par lâintention. La loi nâa point prononcĂ© lâexclusion de la possession intentionnelle qui termine le dĂ©lai quâelle a marquĂ© ; elle a seulement voulu intervertir les rĂŽles ; si, dans le premier cas, le possesseur est dispensĂ© de la preuve rejetĂ©e au contraire sur celui qui lâattaque, dans le deuxiĂšme il y est tenu, et celui-ci nâa rien Ă Ă©tablir quâune justification contraire. Nous rĂ©pĂ©terons donc quâune possession qui nâa consistĂ© que dans lâintention pendant lâannĂ©e qui a prĂ©cĂ©dĂ© le trouble, peut, si elle a pour base une possession rĂ©elle ou de fait antĂ©rieure, autoriser lâaction en complainte contre celui qui nâa pas dĂ©tenu rĂ©ellement pendant lâannĂ©e la chose en litige. Le juge de paix peut rechercher la possession remontant Ă plus dâun an avant le trouble, comme il peut consulter dâanciens titres ou se dĂ©terminer par la vue des lieux, bien quâils aient Ă©tĂ© mis depuis longtemps dans lâĂ©tat qui influe sur sa dĂ©cision. De ce principe que la possession se continue par la seule intention, il suit nĂ©cessairement quâil nây a pas â 147 â dâinterruption quand on use dâune chose selon sa nature et sa destination, bien que les actes de jouissance nâaient lieu quâĂ des Ă©poques Ă©loignĂ©es. La cour de cassation a dĂ©cidĂ©, par un arrĂȘt du 5 juin 1839, que lorsquâune chose nâest pas susceptible dâune jouissance continue, mais seulement pĂ©riodique par exemple, lorsque la jouissance porte sur la rĂ©colte de certains produits qui ne se manifestent quâĂ intervalles, comme le varech qui croĂźt sur les rivages de la mer , la possession du droit de faire cette rĂ©colte est continue et non interrompue, dans le sens de la loi, si elle a Ă©tĂ© faite toutes les fois quâelle Ă©tait possible et quâil y avait lieu de la faire, il faut donc, pour sâassurer de la continuitĂ© de la possession, examiner surtout la nature de lâobjet auquel elle sâapplique car, aux termes de lâarrĂȘt prĂ©citĂ©, la possession qui ne peut se manifester quâĂ de certains intervalles par des faits distincts, plus ou moins sĂ©parĂ©s, nâen est pas moins continue par cela seul quelle a Ă©tĂ© exercĂ©e dans toutes les occasions et Ă tous les moments oĂč elle devait lâĂȘtre, et quâelle nâa point Ă©tĂ© interrompue soit par la cessation absolue des actes, soit par des actes contraires ou Ă©manĂ©s de tiers. » Ainsi il est des eaux dont on nâuse que dans une saison de lâannĂ©e, par exemple en Ă©tĂ©, ou quâune seule fois dans lâannĂ©e, ce qui nâempĂȘche pas dâavoir la possession annale. On en trouve plusieurs exemples au titre du Digeste de aq. quotidiana et cestiva L. l rc . La loi 3, de aq. vel amit. pas., applique le mĂȘme principe aux pĂąturages Saltus hibernos Ćstivosque animo possidemus, quamvis eos certis temporibus relinquamus. Et la Glose dit avec raison que cela sâĂ©tend Ă tous les fonds; ainsi, par exemple Ă une maison de campagne quâon nâhabite quâen Ă©tĂ©, Ce que nous venons de dire doit sâappliquer Ă toutes les propriĂ©tĂ©s dont on ne jouit ou dont on ne recueille les fruits quâĂ de longs intervalles, comme des bois taillis, des futaies, des Ă©mondages, des haies, des fossĂ©s. Dans tous ces cas, il suffirait Ă un particulier de prouver que le dernier acte de jouissance, la derniĂšre exploitation de la chose ont Ă©tĂ© faits par lui, fĂ»t-ce Ă une Ă©poque de dix ou vingt ans, pour ĂȘtre fondĂ© Ă intenter complainte contre celui qui Je troublerait, pourvu que celui- ri nâeĂ»t pas Ă lui opposer une possession annale plus rĂ©cente. Câest aussi lâopinion de Pothier, Pos., n° 53; de dâArgentrĂ©, PrĂȘt., n° 105, et de M. Troplong, TraitĂ© de la Prescription. Il faut en dire autant lors mĂȘme quâordinairement on jouit de la chose Ă des Ă©poques plus rapprochĂ©es, comme si un bois sâexploitait tous les deux ans, et quâil nâait pas Ă©tĂ© coupĂ©. depuis trois ou quatre ans. On doit admettre la mĂȘme solution pour le cas oĂč il nây a pas dâĂ©poque dĂ©terminĂ©e pour lâexercice dâun droit, par exemple lorsque ce droit consiste Ă prendre des pierres ou des terres dans une carriĂšre, pour rĂ©parer un bĂątiment toutes les fois que la nĂ©cessitĂ© sâen fera sentir. En effet, la continuitĂ© que veut la loi nâest pas le fait qui opĂšre sur les choses Ă tous les instants. Il nâest pas exigĂ© que lâon soit toujours occupĂ© Ă cultiver, Ă rĂ©colter. Domat sect. l r % tit. 7, liv. 3, n° 6 dit avec raison Quoique la possession renferme la dĂ©tention de ce quâon possĂšde, cette dĂ©tention ne doit pas sâentendre de sorte quâil soit nĂ©cessaire quâon ait toujours ou sous sa main ou sous sa vue les choses dont on a la possession. » Je suis censĂ©, dit Pothier, TraitĂ© c/ç la possession, n° 41, avoir acquis la possession cle tout lâhĂ©ritage aussitĂŽt pie jâv suis entrĂ© et que jây ai mis le pied , ou par moi-mĂȘme ou par quelquâun de ma part, sans quâil soit nĂ©cessaire que ni moi ni celui que jâai envoyĂ© de ma part, nous nous transportions sur toutes les piĂšces de terre dont lâhĂ©ritage est composĂ© Quod dicimus et cor- porc et animo acquirere nos debere possessionem non utique, Ha accipiendum est, id qui fundtim possidcre velit, omnes glebas circumambulet, sed suffwit quamlibct partem ejus- fundi introire dum mente et cogitatione hĂŠc sit, ut tolum fundum usque ad terminum velit possidere. L. 3, g 1, ff. de acq. pos. delĂ a lieu, ajoute Pothier, Ă lâĂ©gard de celui qui acquiert la possession dâun hĂ©ritage que lâancien possesseur consent de lui abandonner. 11 en est autrement dâun usurpateur qui sâempare par violence dâun hĂ©ritage dont il chasse lâancien possesseur ; cet usurpateur nâacquiert la possession que pied Ă pied des parties de lâhĂ©ritage dont il sâempare Si cum magna vi ingressus est exer- citus, eam tantum modo partem quam intraverit obtinet. » L. 18, § h , ff. de T. La chambre civile a encore rendu, le 15 fĂ©vrier 1841, un arrĂȘt qui fortifie la doctrine que nous enseignons. Voici lâespĂšce Lu acte dâĂ©change du 1 er juillet 1757, passĂ© entre le sieur Lebrun de Nouant et les auteurs du sieur Conchon, porte que le sieur de Nonant aura sur la terre de Combes par lui cĂ©dĂ©e toutes les aisances nĂ©cessaires et convenables pour aller Ă son Ă©tang de Combes, et que les sieurs Conchon seront tenus de laisser lâespace de trois pieds de terrain entre la terre de Combes et le tertre qui la sĂ©pare â 150 â de lâĂ©tang, et que ce tertre restera toujours en nature sans pouvoir ĂȘtre dĂ©frichĂ© en aucune façon. Les choses demeurĂšrent en cet Ă©tat jusquâen 1835. Mais Ă cette Ă©poque, le sieur Conchon ou son fermier dĂ©frichĂšrent et ensemencĂšrent lâespace rĂ©servĂ© entre la terre de Combes et le tertre, ainsi quâune partie du tertre lui-mĂȘme. Dans le cours de \ 836, et avant la rĂ©volution dâan et jour, une demande en complainte possessoire fut formĂ©e par le sieur Dumont, successeur du sieur de Nouant. A la suite dâenquĂȘte et de visite de lieux, le juge de paix prononce la maintenue possessoire au profit du sieur Dumont, en considĂ©rant que le sentier dont il sâagit a Ă©tĂ© cultivĂ© dans toute son Ă©tendue, et le tertre dans une longueur de cent quarante-huit mĂštres, et que cependant il fut stipulĂ© par une clause spĂ©ciale de lâacte dâĂ©change du 1 er juillet 1757 quâils ne seraient point cultivĂ©s. Appel par le sieur Conchon. Le 16 janvier 1837, jugement infirmatif du tribunal dâAubusson, en ces termes Attendu que, dâaprĂšs lâart. 23 du Code de procĂ©dure civile, la complainte possessoire ne peut ĂȘtre formĂ©e que par celui qui possĂšde le terrain contentieux depuis une annĂ©e au moins ; quâainsi le demandeur devait prouver quâil avait possĂ©dĂ© les tertre et chemin dont il sâagit depuis un an avant le trouble, preuve qui ne rĂ©sulte nullement de son enquĂȘte ; Attendu quâen dĂ©duisant le droit de lâintimĂ© dâun acte dâĂ©change de 1757 sur une question relative Ă la derniĂšre possession dâun chemin et dâun tertre rĂ©clamĂ©s comme propriĂ©tĂ©s fonciĂšres, et non Ă titre de servitude, le juge de paix est sorti des rĂšgles du possessoire, et a â loi â vĂ©ritablement jugĂ© une question de possession, par des motifs tenant exclusivement au pĂ©titoire. » Pourvoi en cassation de la part du sieur Dumont, pour violation des art. 2228 du Code civil et 23 du Code de procĂ©dure 1° en ce que le tribunal a jugĂ© que la maintenue plus quâannale en nature de friche, dâun terrain qui avait expressĂ©ment cette destination, et auquel il Ă©tait interdit dâen donner une autre, ne constitue pas, au profit de celui en faveur de qui cette destination a Ă©tĂ© stipulĂ©e, une jouissance susceptible de servir de fondement Ă une action possessoire; 2° en ce que, dâaprĂšs le mĂŽme jugement, le juge de paix nâa pu consulter les titres pour Ă©clairer la possession. La cour suprĂȘme a accueilli le systĂšme du demandeur en cassation par un arrĂȘt contenant les motifs suivants La cour ; â Vu les art. 2228 du Code civil et 23 du Code de procĂ©dure civile ; Attendu, en droit, 1° que la loi nâexige pas la possession matĂ©rielle comme condition rigoureusement indispensable de lâexercice des actions possessoires ; quâen effet, suivant la dĂ©finition donnĂ©e de la possession par lâart. 2228 du Code civil, un droit chose essentiellement incorporelle peut faire la matiĂšre de la possession, et par consĂ©quent de lâaction en complainte possessoire, autorisĂ©e par lâart. 23 du Code de procĂ©dure civile, si celui auquel ce droit appartient a Ă©tĂ©, depuis moins dâun an et jour, troublĂ© dans sa jouissance, et que, par une application Ă©vidente de ce principe, le sieur Dumont a pu considĂ©rer la mise en culture par Conchon et Tanton des terrains litigieux comme un trouble portĂ© Ă la possession dans laquelle il soutenait que lui et ses auteurs sont, depuis 1757, du droit de maintenir en Ă©tat de non culture â 1S2 le tertre et le sentier rĂ©gnant le long de son Ă©tang ; 2° que le juge du possessoire a toujours le droit, et souvent mĂȘme lâobligation de consulter les titres, non pas pour reconnaĂźtre lâexistence ou la non-existence du l'ait de possession, mais pour apprĂ©cier la nature et le caractĂšre de cette possession dont il est juge ; quâen cela, il ne sau rait contrevenir Ă la prohibition de lâart. 25 du Code de procĂ©dure civile, qui dĂ©fend de cumuler le possessoire et le pĂ©titoire, et quâen jugeant le contraire, le tribunal dâAubusson a faussement appliquĂ© lâart. 25 du Code de procĂ©dure civile, en mĂȘme temps quâil a violĂ© lâart. 23 du mĂȘme Code et lâart. 2228 du Code civil. » Ine raison dâanalogie va nous guider en matiĂšre de servitudes discontinues. Lâart. 706 du Code civil fait rĂ©sulter lâextinction des servitudes du non usage pendant trente ans ; cette disposition ne sâapplique quâaux servitudes conventionnelles. Les servitudes naturelles et lĂ©gales fondĂ©es sur la nĂ©cessitĂ© ou lâutilitĂ© publique doivent toujours ĂȘtre maintenues. Le point de dĂ©part de cette prescription extinctive varie suivant que la servitude est continue ou discontinue ; dans le premier cas, la prescription commence du jour oĂč lâon a cessĂ© dâen user ; dans le second, de celui oĂč lâon a fait un acte contraire Ă la servitude. Les actes contraires Ă la servitude peuvent Ă©maner indistinctement du propriĂ©taire du fonds dominant ou du propriĂ©taire du fonds servant, puisque la loi est conçue dans les termes les plus gĂ©nĂ©raux, qui sâexpliquent par la nature mĂȘme des choses. Mais le moment oĂč lâon a cessĂ© dâuser des servitudes discontinues nâest pas toujours facile Ă dĂ©terminer. Il y a des servitudes dont on ne fait usage quâĂ de longs intervalles, tous les deux, cinq, dix ou vingt ans ; le droit romain doublait en ce cas le temps de la prescription; mais la gĂ©nĂ©ralitĂ© des ternies de notre Code civil nous porte Ă dĂ©cider quâil nâv a pas dâexception ni d augmentation de dĂ©lais pour ces servitudes; quâon ne peut faire courir la prescription seulement du jour oĂč le dernier acte de jouissance aurait dĂ» avoir lieu; que, sâil sâest Ă©coulĂ© trente ans depuis le dernier acte de possession, lâextinction est incontestable; quâ ainsi l'intention ne peut jamais les conserver au delĂ de ce terme ; telle est aussi lâopinion de M. Pardessus, r/e,s Servitudes, n° 305, rjue nous prĂ©fĂ©rons Ă celle de M. Belime. Nous ne ferions exception que dans le cas oĂč le titre mettrait un intervalle de plus de trente ans entre les actes dâexercice de la servitude. Toutefois, tant que la servitude ne serait pas prescrite, nous accorderions au crĂ©ancier lâexercice de lâaction pos- sessoire, quoique le dernier fait remontĂąt Ă plus dâune annĂ©e. 11 ne nous paraĂźtrait avoir perdu lâavantage de la possession annale quâautant quâil aurait laissĂ© passer lâĂ©poque lixĂ©e sans user de la servitude, ou quâil nâen aurait pas fait usage lorsquâelle lui Ă©tait nĂ©cessaire, dans le cas oĂč, aucune Ă©poque nâayant Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e, il aurait Ă©tĂ© convenu dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale quâil pourrait sâen servir toutes les fois quâil en aurait besoin. Ces principes nous semblent avoir Ă©tĂ© consacrĂ©s par un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, du A juillet 1838, dont, nous en convenons, la rĂ©daction pourrait ĂȘtre plus dĂ©veloppĂ©e et plus explicite. 11 sâagissait dâune servitude de tour dâĂ©chelle et de passage pour la rĂ©paration dâune maison. Le contrat indiquait le lieu de passage et dĂ©fendait de â 134 passer ailleurs. Cependant le crĂ©ancier voulait se faire maintenir clans la possession de passer par un autre lieu. Le dĂ©biteur de la servitude soutint que le tour dâĂ©chelle et le passage Ă©taient prescrits par le non-usage pendant plus de trente ans ; que dâailleurs, quant au passage , il Ă©tait, ainsi quâon en convenait, contraire au titre ; que lâancien Ă©tait prescrit sans que le nouveau ait pu ĂȘtre acquis par la possession ; quâen supposant, comme on le prĂ©tendait, quâon eĂ»t passĂ© et posĂ© des Ă©chelles, fait des rĂ©parations, cinq ou six ans avant le trouble, on nâavait pas de possession annale. Mais ce systĂšme a Ă©tĂ© repoussĂ©. Les tribunaux ont jugĂ© que la servitude de passage nâĂ©tait quâun accessoire; que le lieu avait pu en ĂȘtre changĂ©, puisque lâancien Ă©tait fermĂ© ; que la rĂ©paration faite cinq ans avant le trouble suffisait; que la possession Ă©tait conservĂ©e par lâintention, tant quâon nâavait pas besoin clâuser de la servitude. Telle est aussi lâopinion de M. Dalloz, RĂšp ., V° Prescription, qui combat sur ce point avec raison M. Vazeille. M. Dalloz combat encore avec autant de raison la conservation absolue de la possession par de simples vestiges. Il dit, et nous partageons son avis, que leur existence ne lâentraĂźne pas de plein droit; quâils peuvent seulement servir Ă faire une preuve plus marquĂ©e de lâintention ; mais que câest aux tribunaux Ă , apprĂ©cier toutes les circonstances qui la font reconnaĂźtre, sans que lâexercice de ce pouvoir discrĂ©tionnaire soit soumis Ă une rĂšgle fixe, Ă aucune limite. La cour de cassation a, le 25 janvier 1835, rejetĂ© un pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de la cour de Grenoble, qui avait dĂ©cidĂ© que la seule existence de la marteliĂšre dâun moulin Ă foulon avait conservĂ© la possession et le droit au cours dâeau, par le motif que cet arrĂȘt nâavait fait quâune apprĂ©ciation dâactes et de faits abandonnĂ©e au pouvoir discrĂ©tionnaire des juges. La servitude ne serait pas Ă©teinte si le crĂ©ancier avait usĂ© plus ou moins que ne porte son titre. Seulement, dans le premier cas il nâaurait pas acquis ce qui dĂ©passerait son droit, mais dans le second il aurait perdu la partie quâil nâaurait pas exercĂ©e; sâil avait usĂ© autrement quâil nâen avait le droit, il aurait perdu la servitude ; car il y a une grande diffĂ©rence entre faire plus ou moins ou faire autre chose. Pardessus, n° 304; Belime, n° 171. Celui qui a droit de passage Ă cheval aurait fait moins sâil avait passĂ© Ă pied et plus sâil avait passĂ© en voiture. On ferait autre chose en puisant Ă une fontaine diffĂ©rente de celle sur laquelle la servitude a Ă©tĂ© constituĂ©e. AprĂšs une annĂ©e de changement dans le mode de la servitude, le crĂ©ancier aurait perdu la possession ; le propriĂ©taire aurait acquis celle de franchise de son fonds ou de rĂ©duction de la servitude, et pourrait intenter complainte pour sây faire maintenir. Lorsque lâon sâoblige Ă une servitude et que le crĂ©ancier nâen a jamais usĂ©, la prescription trentenaire court du jour du contrat, sans distinction entre les diffĂ©rentes servitudes. AprĂšs une annĂ©e rĂ©volue depuis la concession, le propriĂ©taire du fonds aurait lâaction possessoire contre tout ouvrage qui aurait lâexercice de la servitude pour objet. Mais, dans ce cas comme dans tous les autres, le crĂ©ancier de la servitude pourrait, aprĂšs avoir perdu la possession annale, lâacquĂ©rir de nouveau et se fonder sur cette nouvelle possession pour intenter lâaction possessoire. Les servitudes discontinues se conservent non-seulement par le fait du crĂ©ancier mĂȘme, mais encore par celui dâun usufruitier, dâun mandataire, dâun parent, dâun ami, dâun domestique, dâun possesseur de bonne ou de mauvaise foi et par celui dâun co-propriĂ©taire par indivis. 11 suffit dâun fait isolĂ© de jouissance dans lâespace de trente ans pour empĂȘcher la prescription ; par exemple, celui qui aura passĂ©, puisĂ© ou fait pacager une seule fois durant cette pĂ©riode, aura conservĂ© la servitude. Le propriĂ©taire du fonds ne pourrait prĂ©tendre quâil sâagit dâune prescription acquisitive, seul cas auquel sâapplique lâart. 2243 du Iode civil ; ici la prescription est libĂ©ratoire , et lâart. 706 est gĂ©nĂ©ral. La possession nâest point interrompue au prĂ©judice du dĂ©tenteur par un Ă©vĂ©nement de force majeure qui en empĂȘche lâexercice ; par exemple, par une inondation provenant des eaux de la mer ou dâune riviĂšre, eĂ»t-elle mĂȘme durĂ© une annĂ©e. Lâart. 2243 du iode civil, en effet, ne fait pas rĂ©sulter lâinterruption dâune privation quelconque de la chose, mais seulement de la prise de possession, soit par lâancien propriĂ©taire, soit par un tiers. Ces principes ont Ă©tĂ© adoptĂ©s par arrĂȘt de la cour dâAmiens du 17 mars 1825, et par celui de la cour de cassation du 21 juillet 1828, qui a rejetĂ© le pourvoi formĂ© contre le premier. Dalloz, 1828, p. 341. Les lois romaines donnaient une solution semblable dans le cas dâoccupation dâun fonds ou de changement de lit dâun fleuve, ou dans celui oĂč le dessĂšchement d'une source empĂȘchait lâexercice dâune servitude de prise dâeau. L. 4, inp., quem. serv. amitt., et 1. 35, de sen\ prĆd. rust. § U. Possession paisible. N* 1. Observations gĂ©nĂ©rales. Les lois romaines nâont pas donnĂ© la dĂ©finition de la possession paisible. Pothier De la prescription , n° 38 lâassimile entiĂšrement Ă celle qui nâest pas interrompue. Mais le Code civil met entre lâune et lâautre quelque diffĂ©rence, puisquâil exige que la possession , pour ĂȘtre valable, soit tout Ă la fois non interrompue et paisible. Cette diffĂ©rence ressort dâailleurs de la nature des choses. Suivant les art. 2243, 2244 et 2247, la possession nâest interrompue que par une jouissance contraire de plus dâun an ou par une demande en justice. Si lâopinion de Pothier Ă©tait admise, lâexigence du lĂ©gislateur serait sans objet relativement Ă la complainte, puisquâelle est fondĂ©e sur une possession simplement annale. Dâautres auteurs ont pensĂ© que la nĂ©cessitĂ© dâune possession paisible signifiait que le dĂ©tenteur ne devait pas avoir une possession dont le principe fĂ»t dĂ» Ă la violence. Câest, suivant nous, confondre deux caractĂšres essentiellement distincts. Une possession peut nâĂȘtre pas commencĂ©e par la violence, et nâavoir pas Ă©tĂ© paisible pendant une annĂ©e, comme elle peut avoir eu ce principe et avoir ensuite Ă©tĂ© paisible pendant toute lâannĂ©e. Certes, une possession nâaura pas Ă©tĂ© paisible, si, avant lâexpiration de lâannĂ©e, un tiers y a apportĂ© un trouble qui, plus tard, aurait autorisĂ© la complainte. Si le dĂ©tenteur a Ă©prouvĂ© des contradictions de fait, si la jouissance a Ă©tĂ© disputĂ©e, si des fruits lui ont Ă©tĂ© enlevĂ©s sans quâil ait osĂ© porter plainte; sâil nâa pu se maintenir en possession que par la force ou par lâa- tlresse; si, au moment oĂč il cultivait, il a Ă©prouvĂ© de 1 â 158 â lâopposition ; si lâon a voulu lâempĂȘcher de continuer ou lâexpulser; dans tous ces cas, et une multitude dâautres quâil serait aisĂ© de prĂ©voir, nâest-il pas Ă©vident que la possession nâa point Ă©tĂ© paisible et ne peut servir de fondement Ă la complainte ? Câest avec raison que la loi a exigĂ© une possession paisible dâune annĂ©e pour autoriser Ă , intenter une action soit contre le propriĂ©taire, soit contre le possesseur antĂ©rieur qui reprendraient la jouissance dâun immeuble ; attachant Ă cet Ă©tat de choses une maintenue, et souvent mĂȘme la propriĂ©tĂ©, pour que sa prĂ©somption fĂ»t raisonnable et pĂ»t produire ces effets, il fallait un laps de temps Ă©coulĂ© sans contestation. Que signifie, en effet, une possession qui a pu ĂȘtre contestĂ©e dĂšs le principe, qui a pu lâĂȘtre encore constamment pendant toute lâannĂ©e ? La possession paisible, exigĂ©e pour lâexercice de la complainte, est donc celle qui nâa Ă©tĂ© troublĂ©e Ă aucune Ă©poque de lâannĂ©e antĂ©rieure au fait Ă lâoccasion duquel elle est formĂ©e. Or ce trouble peut avoir lieu de deux maniĂšres. Nâ 2. Des diverses espĂšces de troubles. On connaĂźt deux genres de trouille le trouble naturel ou de fait, le trouble civil ou de droit. Trouble sâentend, dit Loisel, non-seulement par voie de fait, mais aussi par dĂ©nĂ©gation judiciaire. » On risquerait de sâĂ©garer, si lâon se fiait sans discernement aux anciens auteurs. Ils ne donnent pas des idĂ©es assez positives de ces deux genres de troubles et sont dâailleurs peu dâaccord entre eux. Dâun autre cĂŽtĂ© il nâest pas toujours facile de distinguer les faits ou les actes qui opĂšrent le trouble de fait ou le trouble dĂ© droit, de â 159 ceux qui nâont pas cet effet. Il importe cependant beaucoup de ne pas se mĂ©prendre Ă cet Ă©gard. Il faut faire attention que les atteintes portĂ©es Ă la possession peuvent seules autoriser lâaction possessoire; mais non des atteintes Ă la propriĂ©tĂ© ou de simples dommages, et quâon doit avoir soin aussi dâagir dans lâannĂ©e du trouble, Ă peine de dĂ©chĂ©ance dâaprĂšs lâart. 23 du Code de procĂ©dure, dont les termes gĂ©nĂ©raux embrassent Ă©galement les deuxespĂšcesdetroubles; que cette dĂ©chĂ©ance serait tellement absolue, que, pour prĂ©tendre plus tard au droit dâintenter complainte, il faudrait avoir acquis une nouvelle possession annale, paisible, postĂ©rieure au premier trouble et antĂ©rieure au nouveau, car lâancienne ne serait plus dâaucune considĂ©ration. Une nouvelle source dâembarras dĂ©coule Ă cet Ă©gard de lâimpossibilitĂ© oĂč sâest trouvĂ© le lĂ©gislateur de prĂ©ciser les faits constitutifs des diffĂ©rents troubles et de lâindispensable nĂ©cessitĂ© dâen abandonner lâapprĂ©ciation Ă la conscience des juges. Les doutes devront donc ĂȘtre interprĂ©tĂ©s par le juge de paix en faveur des parties qui, par prudence, devront ĂȘtre plus aisĂ©ment portĂ©es Ă intenter leur action quâĂ sâen abstenir. Ainsi, un arrĂȘt de la cour de cassation du 16 avril 1833 a dĂ©cidĂ© que lorsquâun particulier a dĂ©truit, par accident, une clĂŽture, le propriĂ©taire pouvait agir au possessoire, sans que le dĂ©fendeur puisse Ă©carter son action par le motif quâil ne conteste pas la possession ; un autre arrĂȘt du 21 avril 1834, dĂ©cide que le simple fait dâavoir passĂ© avec voiture dans la cour dâun individu constitue un trouble Ă la possession , de la compĂ©tence du juge de paix, bien que la propriĂ©tĂ© et la possession du demandeur ne soient pas contestĂ©es. â 160 â ti 11 y a trouble de fait, dit Bourjon Droit commun de la France, tom. 2, lit. h, chap. 1 er , sect. 1", n°2, lorsquâun usurpateur se met en possession dâun hĂ©ritage ou des fruits quâil produit. 11 y a trouble de droit lorsquâun tiers saisit entre les mains du fermier ou locataire en se prĂ©tendant propriĂ©taire de la chose ; câest trouble moins marquĂ© que le prĂ©cĂ©dent, câest trouble de droit, mais qui ne donne pas moins que le premier ouverture Ă la complainte ; câest toujours un spoliĂ© Ă rĂ©intĂ©grer. » Le mĂȘme auteur dit ensuite Ie lii il suit que si le possesseur dâun hĂ©ritage est assignĂ© pour justifier des titres en vertu desquels il possĂšde, il ne peut prendre une telle demande pour trouble, et intenter sur icelle une demande en complainte; ce nâest pas trouble, mais action, et Ă laquelle il doit dĂ©fendre comme telle. Il est Ă©trange que le contraire ait pu tomber dans lâesprit de quelques-uns, et quâils nâaient pas senti que ce contresens quâils donnaient Ă la loi nâavait point dâobjet, et nâopĂ©rait autre chose que de multiplier les procĂ©dures. En effet, la demande quâon vient dâexposer est une demande purement pĂ©titoire qui nâemporte aucun trouble de fait ni de droit, nâempĂȘchant pas que le propriĂ©taire ou possesseur ainsi assignĂ© ne fasse toujours les fruits siens , ce qui Ă©carte toute idĂ©e de trouble, et par consĂ©quent toute demande en complainte. » Pour ĂȘtre recevable Ă intenter complainte, dit Bro- deau sur l'art. 90 de la Coutume de Paris, n° 7, il faut ĂȘtre troublĂ© et empĂȘchĂ© en sa possession, cessant lequel trouble et empĂȘchement lâon nâa que la simple voie d'action, ce qui ne sâentend pas seulement dâun trouble de fait et dâune dĂ©possession rĂ©elle et actuelle de lâhĂ©ritage, /fil mais aussi du trouble par simples paroles verbales dites judiciairement en plaidant, ou rĂ©digĂ©es par Ă©crit dans des actes ou procĂ©dures judiciaires par lesquels on dĂ©bat ou on dĂ©nie et rĂ©voque en doute le droit et la possession de lâadversaire possesseur, ce quâil peut prendre pour trouble, former complainte et demander Ă ĂȘtre maintenu et gardĂ©, comme il se pratique en toutes juridictions, nonobstant que lâauteur du Grand Coutumier, cbap. 31, tienne que paroles ne suffisent pas pour soi complaindre. » Rodier, sur lâordonnance de 1667, semble nâadmettre quâune espĂšce de trouble, celui de fait. Le vĂ©ritable cas de la simple complainte, dit-il, câest quand il y a quelque trouble de fait qui ne va pourtant pas Ă nous dĂ©possĂ©der. Le trouble civil rĂ©sultant dâune assignation ou autre acte nâempĂȘche pas la possession; on se dĂ©fend 1 plutĂŽt dans ce cas par exception. » DâArgentrĂ© dit, sur lâart. 106 de la Coutume de Breta- I gne Turbot autem quisquc etiarn per simplicem opposi- tionern. Ideo in foro dicere soient opposition vaut trouble, etiarn si fructibus manum nunquam admoverit. » Et sur I ces mots de lâart. 106 Et se fera le plegement complainte dans lâan et jour du trouble fait ou comminĂ©, » lâauteur ajoute Commine, nain minĂŠ et jactationes etiam verborum turbant quia scilicet obstent possidenti-, ne commode uti re suapossit. » Selon Pothier, TraitĂ© de la possession, n° 102 On appelle trouble de fait les differents faits par lesquels quelquâun entreprend quelque chose sur un hĂ©ritage dont je suis en possession, soit en le labourant, soit en y coupant les fruits qui y sont pendants, soit en y abattant quelque arbre, ou en arrachant quelque haie, ou en corn- â 162 - , blant un fossĂ©, ou en en y ouvrant un ; je puis prendre pour trouble Ă ma possession les entreprises faites sur mon hĂ©ritage, rĂ©sultantes de quelquâun de ces diffĂ©rents faits, et en consĂ©quence intenter la complainte contre celui qui les a faites. Le trouble de droit est celui qui rĂ©sulte de quelque demande judiciaire par laquelle quelquâun me disputerait la possession que je prĂ©tends avoir de quelque hĂ©ritage par exemple, si quelquâun, prĂ©tendant avoir la possession de quelque hĂ©ritage dont je prĂ©tends de mon cĂŽtĂ© ĂȘtre le possesseur, donnait contre moi une demande en complainte, Ă©tant assignĂ© sur cette demande, je dois lui dĂ©clarer que je la prends pour trouble fait Ă ma possession, en laquelle je prĂ©tends ĂȘtre de lâhĂ©ritage, et lui former de mon cĂŽtĂ© la complainte, aux fins dâĂȘtre maintenu dans ma possession, et quâil lui soit fait dĂ©fenses de mây troubler. La voie de la complainte, dit le Nouveau Denisart-, V° Complainte , est ouverte en gĂ©nĂ©ral pour raison de toute espĂšce de trouble, de fait ou de droit. » Cependant on ne regarde pas comme trouble dans cette matiĂšre la demande formĂ©e au pĂ©titoire. Pareille demande ne donne pas lieu Ă la complainte; câest ce qui a Ă©tĂ© jugĂ© par un arrĂȘt rendu au grand-conseil- sur les conclusions de M. Joly de Fleury, le 8 avril 17/i0, entre les sieurs dâHarbouville et le sieur Grasset, curĂ© de Revercourt. » On est troublĂ©, dit Jousse, sur le titre 48 de lâordonnance de 1667, de deux maniĂšres dans la possession dâun bien 4° par trouble de fait, 2° par trouble de droit. Le trouble de fait a lieu lorsquâon empĂȘche quelquâun par voie fait de jouir de son hĂ©ritage et dâen percevoir â 103 â les fruits. Le trouble de droit se fait lorsquâon forme une opposition ou une demande judiciaire pour empĂȘcher le possesseur dâun bien dâen jouir. » VoilĂ les anciennes autoritĂ©s sur la matiĂšre. Voici maintenant les principes auxquels, suivant nous, on doit sâarrĂȘter. Et dâabord, le trouble a incontestablement lieu, lorsquâaux termes de lâart. 22/i3 du Code civil, le dĂ©tenteur est entiĂšrement dĂ©possĂ©dĂ©, car la dĂ©possession totale peut avoir lieu sans violence ou avec violence. Dans le premier cas elle donne lieu Ă la complainte; dans le second,' Ă la rĂ©intĂ©grande ; câest le moyen employĂ© pour obtenir le rĂ©sultat plutĂŽt que ce rĂ©sultat lui-mĂȘme qui dĂ©- temine quelle action on doit exercer pour le faire cesser. Le trouble existe Ă©galement par tous les actes spĂ©cifiĂ©s aux art. 22 M et 22A8 ; mais ces dispositions limitatives pour l'interruption de prescription ne sont quâindicatives, lorsquâil sâagit de rechercher si la possession a Ă©tĂ© paisible une foule dâautres faits ou actes dont lâapprĂ©ciation est abandonnĂ©e aux tribunaux peuvent aussi empĂȘcher quelle nâait ce caractĂšre. Il faut mĂȘme remarquer que le trouble de fait proprement dit consiste le plus ordinairement dans une entrave, une simple gĂȘne apportĂ©e Ă la jouissance, le trouble suffit pour que celui qui lâĂ©prouve soit obligĂ© dâagir dans lâannĂ©e, sâil veut Ă©viter que son adversaire ne le lui oppose plus tard comme ayant opĂ©rĂ© contradiction de ses droits et interversion de titre, ou comme ayant empĂȘchĂ© quâil nâait eu une possession paisible, nĂ©cessaire pour intenter la complainte. Dans le droit romain, il fallait avoir Ă©tĂ© seulement trou- â 164 â blĂ© pour Intenter lâinterdit ntipossidetis; parce quâil avait pour but de conserver la possession, ce qui le faisait appeler interdictum retinendĂŠ possessionis. On ne pouvait pas en user quand on avait Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© ; on devait avoir recours Ă celui unde vi. Dans notre droit ancien, on a toujours pu, en cas de dĂ©possession violente, choisir entre la complainte et la rĂ©intĂ©grande, mais non dans le cas de simple trouble, qui nâa jamais donnĂ© lieu quâĂ la complainte ; telle est aussi la rĂšgle de notre droit nouveau. De ce que lâart. 23 du Code de procĂ©dure nâa pas donnĂ© la dĂ©finition du trouble, il faut tirer la consĂ©quence que les juges peuvent en reconnaĂźtre lâexistence, quoique le fait cause non un dommage, mais seulement la crainte dâen Ă©prouver par la suite, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit p. 33, et que nous le voyons dans trois arrĂȘts de la cour de cassation des 11 juin 1828, 2 dĂ©cembre 1829 et 22 mai 1833, ou dĂ©cider quâil nây a pas trouble, parce quâil nây a ni prĂ©judice actuel, ni possibilitĂ© que le plaignant en Ă©prouve jamais, comme on en trouve un exemple dans un arrĂȘt de la mĂȘme cour, du 1 h aoĂ»t 1832. Il faut encore conclure de lâart. 23, comme la cour de cassation lâa jugĂ© dans des termes formels, par arrĂȘt du 9 janvier 1833, que lâexĂ©cution de quelques travaux par un propriĂ©taire peut bien nâĂȘtre pas considĂ©rĂ©e comme trouble, et que lâannĂ©e, pour intenter lâaction possessoire, doit courir non du jour oĂč ils ont Ă©tĂ© commencĂ©s, lorsquâils sont inoffensifs, mais de celui oĂč les voisins ont Ă©prouvĂ© du dommage des derniers ouvrages. Plusieurs dĂ©cisions de la cour de cassation nous offrent â 163 â encore des exemples de trouble de fait quâil importe de signaler. Par arrĂȘt du 27 aoĂ»t 1829, elle a reconnu quâil y avait trouble dans le fait de la plantation de bornes opĂ©rĂ©e sur un terrain dont la propriĂ©tĂ© et la possession Ă©taient revendiquĂ©es par lâadversaire. Deux autres arrĂȘts du mĂȘme jour, 19 novembre 1828, ont dĂ©cidĂ© quâil y avait trouble 1° dans le fait dâun des communistes qui faisait clore et ensemencer des pĂąturages gras et maigres dont les parties avaient toujours joui en commun, et que lâautre communiste Ă©tait bien fondĂ© Ă intenter complainte ; 2° dans le fait de creuser un fossĂ© sur un chemin dâexploitation Ă©galement commun entre plusieurs propriĂ©taires. Dans une autre affaire jugĂ©e aussi par la cour de cassation, le 31 juillet 1832, nous voyons que le fait du trouble allĂ©guĂ© Ă©tait le dĂ©pĂŽt de fagots fait sur un terrain dont le demandeur se prĂ©tendait possesseur. On ne soutint pas que ce fait ne constituait point un trouble. Au contraire, une enquĂȘte avait Ă©tĂ© ordonnĂ©e et la complainte avait dâabord Ă©tĂ© admise. Elle ne fut ensuite repoussĂ©e que par une exception dont nous aurons plus tard occasion de parler. Un arrĂȘt du 8 novembre 1836 a dĂ©cidĂ© que bien que les riverains procĂšdent, conformĂ©ment aux rĂšglements , au curage dâune riviĂšre non navigable, cependant, si au lieu de se borner Ă extraire les matiĂšres charriĂ©es par les eaux, ils font des travaux de nature Ă approfondir le lit et Ă diminuer ou dĂ©tourner le cours dâeau qui alimente une usine, ils commettent un fait de trouble qui peut donner lieu, de la part du propriĂ©taire de lâusine, Ă une action possessoire. Un arrĂȘt de la chambre civile, du 3 fĂ©vrier I8Z1O, a en- I '/ * âą y-, \ \ \ \ \ âą. \ âą. \ \ *. -. . core jugĂ© quâil y avait trouble dans le fait de suppression dâune vanne Ă©tablie pour lâexercice dâun droit dâirrigation ; et que la demande formĂ©e Ă cet Ă©gard par les possesseurs troublĂ©s Ă©tait bien une action possessoire tendant Ă les faire maintenir dans la jouissance de leur droit dâirrigation, et non point une demande ayant pour objet lâexercice dâun droit de servitude discontinue, lequel, nâĂ©tant pas susceptible de sâacquĂ©rir par la prescription , ne pouvait servir de fondement Ă , une action possessoire. Enfin, nous trouvons un nouvel exemple de trouble dans lâespĂšce dâun arrĂȘt rendu par la chambre des requĂȘtes, le 2/i fĂ©vrier 18/il La propriĂ©tĂ© du sieur de Lambilly est traversĂ©e par un chemin quâil avait fait fermer par une barriĂšre mobile fermant Ă clef, lorsque le sieur Leborgne est passĂ© sur ce chemin avec une charrette attelĂ©e. Action possessoire en complainte. Leborgne oppose que le chemin est communal. EnquĂȘte. Sentence du juge de paix, qui rejette la demande en maintenue possessoire. Appel. 26 mars 1839, jugement confirmatif du tribunal de PloĂ«rmel, qui considĂšre que le chemin, il y a quatorze ans, Ă©tait librement pratiquĂ© comme voie publique , entretenu et rĂ©parĂ© par le maire de la commune ; que sâil a Ă©tĂ© interceptĂ© par le sieur de Lambilly, les barriĂšres par lui posĂ©es ont Ă©tĂ© successivement brisĂ©es parles habitants; quâaujourdâhui, Ă la vĂ©ritĂ©, il existe une barriĂšre fermant Ă clĂ©, mais quâelle nâa pas empĂȘchĂ© les habitants de passer sur le chemin sans la permission du sieur de Lambilly depuis moins dâun an ; dâoĂč â 167 â il suit que ce dernier nâa pas une possession annale, paisible, et Ă titre de propriĂ©taire. » Pourvoi du sieur de Lambilly. ArrĂȘt de rejet, attendu que pour dĂ©cider que le demandeur nâavait pas eu la jouissance paisible et depuis un an au moins du chemin quâil revendiquait, et quâil Ă©tait dĂšs lors non recevable dans son action, les juges se sont fondĂ©s sur des laits rĂ©sultant dâune enquĂȘte faite, dont lâapprĂ©ciation leur appartenait exclusivement. » lu reste, le simple possesseur a une action correctionnelle ou de police pour faire rĂ©primer le trouble apportĂ© Ă sa possession , lorsquâil constitue un dĂ©lit ou une contravention. Bien que les articles Ă»3/i et suivants du Code pĂ©nal, qui prĂ©voient les diffĂ©rentes atteintes aux choses immobiliĂšres, soient placĂ©s au chapitre des crimes et dĂ©lits contre les propriĂ©tĂ©s, la possession nâen suffit pas moins pour autoriser lâaction. Ici le lĂ©gislateur a voulu indiquer les choses qui auraient Ă©tĂ© lâobjet du dĂ©lit, et non restreindre lâexercice du droit quâon peut y avoir. Mais il faut que la possession soit avouĂ©e parle dĂ©linquant. Sâil la conteste, la justice criminelle doit renvoyer dâabord Ă fins civiles. Câest ce quâa dĂ©cidĂ© la cour de cassation, par arrĂȘt du 11 aoĂ»t 1837. 11 nâest pas nĂ©cessaire, dans ce cas, dâavoir une possession annale ; une possession, au moment du dĂ©lit, est suffisante, sauf aux juges Ă corriger, par lâapplication de lâarticle /i 53 Ă 11, nous paraĂźt avoir eu sur ce point des idĂ©es plus complĂštes et plus claires. Selon ce jurisconsulte, les actes de pure facultĂ© ne peuvent ĂȘtre que ceux qui se rapportent Ă la libertĂ© de lâhomme dans ses actions, dans la disposition de ses biens, et dans son concours Ă la jouissance des choses communes Ă tous, ou destinĂ©es Ă lâusage du public, ou communes Ă des collections dâindividus formant corps ou communautĂ©. Il donne plusieurs exemples Ainsi, que pendant un laps de temps qui excĂšde toute prescription, on ait fait moudre au mĂȘme moulin, on nâa pas acquis de droit contre le meunier pour le forcer Ă cette pratique, et on nâa pas perdu le droit dâaller moudre ailleurs. En un mot, lâhabitude des actions qui tiennent Ă la libre volontĂ© des individus ne donne de possession ni pour eux, ni contre eux. Le vain pĂąturage des communautĂ©s dâhabitants, sur tous les fonds non clos de leur territoire, aprĂšs la levĂ©e de la rĂ©colte, nâest quâune facultĂ© pour les particuliers. Son exercice ne fait acquĂ©rir ni possession ni prescription. Le propriĂ©taire ne peut jamais ĂȘtre empĂȘchĂ© de â 195 â clore son terrain, et de le soustraire par ce moyen Ă la vaine pĂąture. A lâĂ©gard des choses destinĂ©es Ă lâusage du public, chacun a la facultĂ© dâen user en se conformant aux rĂšglements de police ; personne nâa le droit dâen jouir Ă lâexclusion des autres. Celui qui use davantage nâacquiert pas plus de droit que celui qui use moins, ni que celui qui nâuse pas du tout. Mais la possession est collective, et les actes des individus, sans faire acquĂ©rir rien de personnel Ă aucun, constituent et conservent cette possession pour lâĂ©tat ou pour la commune. » M. Troplong, de la Prescription, n" 38J, enseigne la mĂȘme doctrine. Il faut donc comprendre, au nombre des facultĂ©s bien diffĂ©rentes dâailleurs des droits, la libertĂ© de faire des actes autorisĂ©s par le droit commun, par exemple de bĂątir sur son fonds, dâabsorber les eaux dâune source qui sây trouve. Par aucun laps de temps, le propriĂ©taire ne perdra cette libertĂ© ni son voisin nâacquerra le pouvoir de lâempĂȘcher de bĂątir ou de disposer de la source. VoilĂ pour les actes de facultĂ©. M. Vazeille sâexprime ainsi sur les actes de simple tolĂ©rance. Il sâĂ©tablit souvent entre voisins une familiaritĂ© ou une complaisance qui fait quâon sâaccorde ou quâon souffre sur les fonds des facilitĂ©s et des usages qui, sans en avoir le caractĂšre, peuvent ressembler Ă des actes de possession. Ils ne font pas acquĂ©rir des droits, parce que, comme lâa fort bien dit M. Bigot de PrĂ©ameneu, celui qui les fait nâentend agir comme propriĂ©taire, ni celui qui les autorise nâentend se dessaisir. La permission ou la tolĂ©rance, qui est leur unique fondement, les rend trĂšs-prĂ©caires, â 196 â trĂšs-incertains, et tout-Ă -fait sans consĂ©quence contre le propriĂ©taire. Ils ont lieu sous son bon plaisir, et il demeure toujours le maĂźtre de les faire cesser quand il le trouve Ă propos. » Tout cela est encore Ă©tabli par Merlin. La familiaritĂ© , dit-il, V° Prescription , sect. 1, § 6, art. h , est une espĂšce de prĂ©caire tacite. Les actes qui en dĂ©rivent supposent un consentement qui nâest pas exprimĂ©, mais qui est sans consĂ©quence; et ils nâacquiĂšrent ni droit ni possession, parce que celui sous le bon plaisir duquel ils sont faits demeure toujours le maĂźtre de les faire cesser quand il le trouve Ă propos. En vain donc seriez vous venu pendant vingt,, trente, cinquante ou cent ans, soit loger, soit dĂźner chez moi, la complaisance que jâai eue de vous recevoir, de vous rĂ©galer, ne formera jamais un titre pour vous ; et jamais elle ne vous donnera le droit de me forcer Ă la continuer, lorsquâil ne me plaira plus de le faire. » Et il cite un arrĂȘt du parlement de Bordeaux qui a ainsi dĂ©cidĂ© la question Ă lâoccasion des prĂ©tentions Ă©levĂ©es par un chapitre de chanoines qui Ă©tait depuis plus de cent ans dans lâusage de dĂźner certains jours de chaque annĂ©e chez son Ă©vĂȘque, et qui voulait faire considĂ©rer cet usage comme un droit. Par arrĂȘt du 13 juillet 1775, le chapitre a Ă©tĂ© dĂ©boutĂ© de sa prĂ©tention. Des faits de jouissance peu importants, et nâoccasionnant au propriĂ©taire que peu ou point de dommage ou de gĂȘne, sont facilement prĂ©sumĂ©s soufferts par tolĂ©rance ou familiaritĂ©. Câest par une juste application de ces principes que deux arrĂȘts de la cour de Riom, des 23 mai 1801 et 2/ â 197 â fĂ©vrier 1805, rapportĂ©s par MM. Vazeille et Dalloz, qui les approuvent, et un arrĂȘt de la cour de Bordeaux du 28 mars 1831, ont jugĂ© que des faits de vaine pĂąture et dâenlĂšvement dâherbages ou de joncs sur un terrain laissĂ© inculte ne sauraient, quelque temps quâils aient durĂ©, dĂ©pouiller de la propriĂ©tĂ© de ce terrain celui qui fonde son droit sur des titres. Toutefois, la moindre diffĂ©rence dans les circonstances du fait, peut en amener aussi dans les dĂ©cisions ; ainsi, deux arrĂȘts de la cour de cassation, rendus le mĂȘme jour, 8 janvier 1835, ont dĂ©cidĂ© que le pacage des bestiaux et lâenlĂšvement des litiĂšres sur un terrain qui nâest susceptible que de ce mode dâexploitation, peuvent servir de base Ă une action en complainte, et doivent, dĂšs lors, ĂȘtre vĂ©rifiĂ©s par le juge saisi de lâaction possessoire relative Ă ce terrain ; Que le pacage des bestiaux peut ĂȘtre valablement allĂ©guĂ© pour Ă©tablir un droit de co-possession sur un terrain qui nâest susceptible que de ce mode de jouissance. Un autre arrĂȘt, en date du 5 avril 1841, a rĂ©solu une question tout-Ă -fait nouvelle, en matiĂšre dâactes de pure tolĂ©rance. Il sâagissait de savoir si celui qui Ă©tait en possession du droit de suspendre une barriĂšre Ă un arbre de son voisin, au moyen dâun gond accrochĂ© Ă cet arbre, pouvait, aprĂšs que cet arbre avait Ă©tĂ© abattu par son propriĂ©taire, demander par une action en complainte Ă ĂȘtre maintenu dans la possession de ce droit. Un jugement du tribunal de Valognes a rĂ©solu la question nĂ©gativement, par le motif que les propriĂ©taires de lâarbre auquel Ă©tait suspendue la barriĂšre avaient pu en disposer Ă leur grĂ© ; et la cour de cassation a rejetĂ© le pourvoi formĂ© contre ce jugement, attendu quâil sâagit â 198 â dâune servitude qui nâa pas Ă©tĂ© reconnue avoir Ă©tĂ© Ă©tablie par une convention, servitude essentiellement pĂ©rissable avec lâobjet que la main des hommes ne pourrait ni rĂ©parer ni perpĂ©tuer ; et que, dĂšs lors, le tribunal de Valognes a pu considĂ©rer en fait cette servitude comme de pure tolĂ©rance, dâoĂč il a dĂ», en droit, tirer la consĂ©quence quâelle ne pouvait ĂȘtre lâobjet dâune action possessoire. » Nous ne rapportons cet arrĂȘt que comme exemple de possession de tolĂ©rance , sans nullement adopter la doctrine de la cour sur le droit qui faisait lâobjet du litige, droit qui, selon nous, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une servitude. Un autre arrĂȘt de la mĂȘme cour du 29 aoĂ»t 1831, a dĂ©cidĂ© que la facultĂ© laissĂ©e aux habitants dâune commune par tolĂ©rance de lâadministration municipale, dâextraire du lit dâun torrent les pierres et le sable que les eaux y dĂ©posent, ne confĂšre point Ă ceux des habitants qui seraient troublĂ©s par dâautres dans lâexercice de cette facultĂ©, le droit dâintenter contre ces derniers une action possessoire. g 8. La possession ne doit pas ĂȘtre fondĂ©e sur la violence. La violence, en gĂ©nĂ©ral, est la force dont on use pour contraindre une personne Ă faire quelque chose, Ă sous- criiâe une obligation, Ă sâabstenir dâun acte ou pour sâemparer dâun objet mobilier ou immobilier. Rappelons les diverses dispositions du Code civil relatives Ă la violence. Art. 1109. Il nây a point de consentement valable si le consentement nâa Ă©tĂ© donnĂ© que par erreur, ou sâil a Ă©tĂ© extorquĂ© par violence ou surpris par dol. â 199 â Art. 1111. La violence exercĂ©e contre celui qui a contractĂ© lâobligation, est une cause de nullitĂ©, encore quelle ait Ă©tĂ© exercĂ©e par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a Ă©tĂ© faite. Art. 1112. Il y a violence lorsquâelle est de nature Ă faire impression sur une personne raisonnable, et quâelle peut lui inspirer la crainte dâexposer sa personne ou sa fortune Ă un mal considĂ©rable et prĂ©sent. On a Ă©gard, en cette matiĂšre, Ă lâĂąge, au sexe et Ă la condition des personnes. Art. La violence est une cause de nullitĂ© du contrat, non-seulement lorsquâelle a Ă©tĂ© exercĂ©e sur la partie contractante, mais encore lorsquâelle lâa Ă©tĂ© sur son Ă©poux ou sur son Ă©pouse, sur ses descendants ou ses ascendants. Art. 1114. La seule crainte rĂ©vĂ©rentielle envers le pĂšre, la mĂšre ou autre ascendant, sans quâil y ait eu de violence exercĂ©e, ne sufiit point pour annuler le contrat. Art. 1115. Un contrat ne peut plus ĂȘtre attaquĂ© pour cause de violence si, depuis que la violence a cessĂ©, ce contrat a Ă©tĂ© approuvĂ©, soit expressĂ©ment, soit tacitement , soit en laissant passer le temps de la restitution fixĂ© par la loi. Art. 1116. Le dol est une cause de nullitĂ© de la convention, lorsque les manĆuvres pratiquĂ©es par lâune des parties sont telles, quâil est Ă©vident que, sans ces manĆuvres , lâautre partie nâaurait pas contractĂ©. 11 ne se prĂ©sume pas et doit ĂȘtre prouvĂ©. Lâart. 1304 porte que, dans tous les cas oĂč lâaction en nullitĂ© ou en rescision dâune convention nâest pas limitĂ©e Ă un moindre temps par une loi particuliĂšre, â 200 â cette action dure dix ans. Ce temps, ajoute-t-il, ne court, dans le cas de violence, que du jour oĂč elle a cessĂ© ; dans le cas dâerreur ou de dol, du jour oĂč ils ont Ă©tĂ© dĂ©couverts. » Enfin, suivant lâart. *2233, les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable dâopĂ©rer la prescription ; Et la possession utile ne commence que lorsque la violence a cessĂ©. » Il nây a pas violence de la part de celui qui, attaquĂ© par la force, emploie aussi la force pour se maintenir en possession. lâim vi repellere licere Cassius scribit idque jus naturel comparatur. Apparet autem inquit ex eo arma armis repellere licere. L. 1, § 27, ff. de vi et vi annota. Jousse, dans son Commentaire de lâordonnance de 1667, dit que la voie de fait ne suppose pas la rĂ©sistance , et que la violence, au contraire, la suppose ; mais on ne peut donner cette rĂšgle comme absolue. Il nâest pas indispensable, pour que la violence existe, quâil y ait eu lutte, rixe, voie de fait corporelle. Il suffirait que les dispositions ou les menaces du perturbateur eussent effrayĂ© le propriĂ©taire ou les siens, de maniĂšre Ă le mettre en fuite, Ă le contraindre Ă abandonner la chose ou Ă lâempĂȘcher dây revenir sâil en Ă©tait absent ou sorti naturellement. Les lois romaines, notamment la loi l rc , § 29, ff. devi et vi ar. et lâart. 1112 du Code civil, qui parle de crainte dâexposer sa personne ou sa fortune, etc., justifient notre sentiment; la violence morale nous paraĂźt devoir produire le mĂȘme effet que la violence physique ou matĂ©rielle. Du reste, nous ne rĂ©duisons pas la violence au seul mo- â 501 â ment oĂč, par voie de fait, lâusurpation a Ă©tĂ© consommĂ©e ; nous lâĂ©tendons, par suite du principe ci-dessus, Ă tout le temps oĂč, par la crainte dâĂȘtre exposĂ© aux mĂ©faits de lâusurpateur, le possesseur dĂ©pouillĂ© a Ă©tĂ© empĂȘchĂ© dâagir. Câest aux tribunaux Ă fixer cette prolongation de la violence, dâaprĂšs les circonstances particuliĂšres Ă chaque cause dont ils sont les apprĂ©ciateurs plus ou moins sĂ©vĂšres, plus ou moins indulgents. 11 est facile de se faire une idĂ©e de la continuitĂ© de la violence. Pendant quâun particulier labourait un champ survient un tiers qui lâen chasse, jette sur la voie publique ses instruments aratoires, y introduit les siens et se livre Ă la culture, ou il lâexpulse de la maison quâil occupe, jette ses meubles sur le carreau et sâinstalle dans cette maison. VoilĂ bien la violence la plus caractĂ©risĂ©e et la plus complĂšte. Ce nâest pas tout prĂ©voyant le cas oĂč lâexpulsĂ© voudrait reprendre sa chose, soit par le fait, soit par une action judiciaire, il a dĂ©clarĂ© quâil faisait des dispositions pour rĂ©sister et pour faire, le cas arrivant, un mauvais parti Ă celui qui a Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© ; ou bien lâusurpateur est un homme mal famĂ©, connu pour abuser de sa force, pour se livrer Ă des violences quand on contrarie ses volontĂ©s ou ses intĂ©rĂȘts. Certes, les tribunaux peuvent voir dans ces circonstances la prolongation de la violence, et dĂšs lors refuser dâaccueillir la complainte qui serait formĂ©e par le spoliateur troublĂ©, quand mĂȘme sa possession aurait durĂ© dix ans, parce que ce serait dix ans de violence. Pothier, de la Possession, n° 25; Dunod, Presc., p. 29; Troplong, Presc ., t. 1, p. i2A, dĂ©cident que la violence employĂ©e pour faire souscrire un contrat de vente ne se communique pas Ă la possession ; que le contrat est res- cindable, mais que la possession est ^valable. Cela est vrai dans la rigueur des principes ; mais il arrivera rarement que la violence ne sâĂ©tendra pas Ă la possession, et elle sera facilement prĂ©sumĂ©e. M. CarrĂ© se demande quand la violence a cessĂ©. Ce savant professeur rapporte les diverses opinions que cette question a fait naĂźtre ; puis il ajoute Dire que la possession utile commence du jour oĂč la violence est consommĂ©e nous parait contraire au principe qui dĂ©clare inutile toute possession qui a commencĂ© par la violence. IâoĂč suit que la prescription ne pouvant sâacquĂ©rir au moyen dâune semblable possession, encore bien que les actes de violence ne se soient pas perpĂ©tuĂ©s, lâaction possessoire n'est pas recevable Ă lâexpiration dâune annĂ©e de possession, pendant laquelle lâusurpateur nâeĂ»t fait aucun acte de violence. Nous concluons, en consĂ©quence, que lâaction possessoire nâest admissible quâautant que lâusurpateur a possĂ©dĂ© pendant trente ans et prescrit la propriĂ©tĂ© de la chose, sans quâon puisse lui opposer lâexception de mauvaise foi. » Ainsi, M. CarrĂ© refuse la complainte, Ă moins que la violence nâait cessĂ© depuis trente ans, câest-Ă -dire quâil la dĂ©nie complĂštement, puisquâil veut que lâusurpateur commence par faire dĂ©cider quâil a acquis la propriĂ©tĂ© par la prescription ; il le rĂ©duit donc Ă une action pĂ©ti- toire. Nous ne pouvons partager cette opinion. Il est certain quâune possession inefiicace pour autoriser la complainte, lâest aussi pour fonder la prescription, puisque lâune symbolise avec lâautre et que celle-ci a lieu dans toutes les matiĂšres prescriptibles. 11 nâv a pas plus de raison â 203 â pour admettre la prescription quand la possession a commencĂ© par la violence, que pour admettre la complainte. Si lâon rejette celle-ci, il faut aussi proscrire celle-lĂ . Le systĂšme de M. CarrĂ© tendrait donc, contre lâopinion quâil a Ă©mise, Ă repousser toute prescription lorsque la possession a Ă©tĂ© violente dans le principe. Que la violence ne profite pas, que lâon ne compte pas le temps pendant lequel elle a durĂ©, quâon exige mĂȘme des preuves bien positives de sa cessation, et quâon prĂ©sume jusque-lĂ quâelle subsiste encore, rien de mieux ni de plus raisonnable; mais lorsquâil est prouvĂ© quâelle a complĂštement cessĂ©, et quâil nâa tenu quâĂ lâindividu dĂ©pouillĂ© de reprendre sa chose, que lâon ne considĂšre pas comme lĂ©gitime la possession annale postĂ©rieure, quâon nâaccorde pas la complainte, câest ce qui ne peut ĂȘtre soutenu sans rendre complĂštement illusoires les difi'Ă©- rentes dispositions du Code, qui Ă©tablissent clairement que la prescription reprend son cours dĂšs que la violence a cessĂ© ; or, la complainte est fondĂ©e sur une prescription annale. M. Toullier, t. 6, p. 95, n° 84, aprĂšs avoir rappelĂ© le principe quâun contrat ne peut plus ĂȘtre attaquĂ© pour cause de violence si, depuis que la violence a cessĂ©, ce contrat a Ă©tĂ© approuvĂ© soit expressĂ©ment, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixĂ© par la loi, ajoute Câest-Ă -dire le temps de dix ans, qui ne courent que du jour oĂč la violence a cessĂ©; car la crainte est prĂ©sumĂ©e avoir durĂ© autant de temps que sa cause a subsistĂ© Quamdiu durĂąt causa metus, semper prĆsumitur metus. lecius, cap. 219. Quand mĂȘme il ne serait pas Ă©tabli ce qui en effet peut paraĂźtre difficile au possessoire que la chose appartenait Ă celui qui sâen Ă©tait emparĂ© par violence, tous les actes dâapprobation postĂ©rieurs la feraient suffisamment prĂ©sumer. » Mais revenons Ă la question de savoir quand il y a cessation de violence. Ce que nous venons de dire en donne dĂ©jĂ une idĂ©e; nous y ajouterons quelques observations. Dans le droit romain, il nây avait cessation de violence quâautant que la chose Ă©tait revenue dans la possession de celui qui en avait Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© ou de ses hĂ©ritiers. La loi française nâa point reproduit cette condition ; les tribunaux ne pourraient donc pas lâexiger. M. Delvincourt ne voit la cessation de la violence que dans la dĂ©livrance dâun nouveau titre Ă lâusurpateur ; mais cette interprĂ©tation restrictive est repoussĂ©e par la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes de la loi et par lâexposĂ© des motifs de lâorateur du gouvernement, ainsi quâil lâavoue lui- mĂȘme et que lâobserve M. Dalloz, RĂšp., V° Prescription, n° 22, chĂąp. 1", section 2. Ce dernier ajoute que câest aux juges Ă fixer, dâaprĂšs les circonstances, lâĂ©poque de la cessation de la violence, ce qui ne dispense pas les auteurs de donner quelques exemples pour les guider. M. Vazeille se borne Ă reproduire la disposition lĂ©gale, et il est Ă regretter que cet auteur, qui traite si bien les questions quâil soulĂšve, ait Ă©tĂ© si bref sur celle-ci. Nous allons essayer de supplĂ©er Ă son silence. Bien quâil ne soit permis Ă personne de se faire justice Ă soi-mĂȘme, il se peut quâun particulier ait employĂ© la violence pour se mettre en possession ; que postĂ©rieurement, le premier possesseur pouvant reprendre la chose, ait tenu une conduite telle, quâil en rĂ©sulte la reconnaissance formelle du droit du second possesseur, comme â SOS â sâil a fait un mur ou fossĂ©, une haie de sĂ©paration entre leurs hĂ©ritages contigus, sâil sâest arrĂȘtĂ©, en labourant, au champ pris par son voisin ; si, dans des circonstances oĂč lâinfluence de celui-ci Ă©tait nulle, il a dĂ©clarĂ© Ă des tiers que le champ envahi appartenait au voisin ; dans ces divers cas et une foule dâautres quâon pourrait aisĂ©ment exposer, la violence a Ă©videmment cessĂ©, et lâannĂ©e de possession Ă©coulĂ©e depuis cette cessation est efficace pour la complainte. Du reste, la violence nuit non-seulement Ă celui qui lâexerce, mais encore Ă celui au nom duquel elle a lieu, lors mĂȘme quâil lâignorerait. Elle nuit Ă ses hĂ©ritiers, mĂȘme Ă lâacquĂ©reur qui ne peut avoir plus de droits que lui, et dont la condition nâest pas diffĂ©rente. La violence, en fait de possession, a donc le mĂȘme effet, quoiquâelle ait eu lieu contre le fermier, les ouvriers, la famille, les hĂŽtes du possesseur ou par eux. 11 arrive le plus communĂ©ment que la violence et les voies de fait constituent un dĂ©lit. Lorsquâelles prennent ce caractĂšre, elles sont, Ă plus forte raison, inefficaces pour constituer une possession servant de base Ă la complainte et Ă lâaction pĂ©titoire. Mais quelquefois le dĂ©lit nâaura pas Ă©tĂ© accompagnĂ© de violence, et alors la possession sera vicieuse, par cela seul quelle se trouvera avoir eu un dĂ©lit pour origine. Ainsi, un usager qui a joui sans procĂšs-verbal de dĂ©livrance nâa pas une possession autorisant la complainte. Toutefois, une possession dĂ©lictueuse Ă son origine deviendrait valable du jour oĂč elle aurait cessĂ© dâavoir ce caractĂšre vicieux, par argument du principe dâaprĂšs lequel la possession utile commence quand la violence a cessĂ©. â 206 â Nous ne faisons aucune diffĂ©rence entre la possession Ă lâeffet dâacquĂ©rir la prescription et celle Ă lâeffet dĂš lâinterrompre. Les faits dĂ©licteux ne pourraient donc pas plus comporter une interruption valable quâune acquisition ; la loi est gĂ©nĂ©rale. Ainsi, par exemple, lorsque dâaprĂšs lâart. 2243, lâinterruption consiste dans la privation de jouissance par le fait dâun tiers ou du prĂ©cĂ©dent possesseur, il est certain que la loi a entendu parler dâune prise de possession qui donne lieu Ă la complainte. Les deux possessions doivent rĂ©unir les mĂȘmes conditions ; elles doivent ĂȘtre Ă©galement continues, paisibles, publiques, non Ă©quivoques, non fondĂ©es sur la violence, la tolĂ©rance ou la familiaritĂ©. Il nous reste Ă examiner une question importante; câest celle de savoir si toutes les conditions ou qualitĂ©s de la possession, exposĂ©es dans les paragraphes prĂ©cĂ©dents, sont absolues ou relatives; câest-Ă -dire si elles doivent exister Ă lâĂ©gard de toutes personnes indistinctement, ou seulement Ă lâĂ©gard de celle contre laquelle la possession est invoquĂ©e. Nous avons dĂ©jĂ Ă©tabli, page 90, sur une question qui a quelques rapports avec celle-ci, que la condition de la possession annale imposĂ©e Ă celui qui intente la complainte est exigĂ©e, soit quâil la forme contre un prĂ©cĂ©dent possesseur ou contre celui qui nâa jamais eu de possession ; que ce dernier devait rĂ©ussir Ă repousser la complainte, lors mĂȘme que le demandeur aurait une possession de trois cent soixante-quatre jours. Une raison dâanalogie nous porte Ă donner une solution semblable Ă la question que nous discutons en ce moment. A la vĂ©ritĂ©, les lois romaines, notamment le § 4, Inst, â 207 â de interdictis, nâĂ©tablissaient quâune prohibition relative; elles ne refusaient lâinterdit Ă celui qui Ă©tait troublĂ© contre le perturbateur, quâautant quâil avait usurpĂ© prĂ©cĂ©demment lâobjet en litige sur ce perturbateur mĂȘme, vi, clam, ou quâil la tenait de lui prĂ©cairement; elles le lui accordaient quand câĂ©tait vis-Ă -vis dâautres que ces vices existaient; Pothier, de la Possession, n° 9>, et les auteurs du Nouveau Denizard, V° Complainte, enseignent la mĂȘme doctrine en droit français ; mais le Code civil et le Code de procĂ©dure, au lieu de reproduire cette distinction , sont conçus dans les termes les plus gĂ©nĂ©raux. La possession nâest respectable, ne mĂ©rite la faveur des lois et la protection des magistrats quâautant quâelle rĂ©unit les conditions dont le lĂ©gislateur a fait dĂ©pendre sa validitĂ©. Tout particulier attaquĂ© en complainte peut prĂ©tendre ne devoir rĂ©pondre quâĂ celui qui a une possession paisible, publique, non Ă©quivoque, continue, non interrompue, Ă titre de propriĂ©taire, exempte de familiaritĂ©, de tolĂ©rance; il peut discuter la possession de son adversaire et soutenir que la violence, la prĂ©caritĂ© ou tout autre vice, ont dĂ» empĂȘcher le demandeur dâavoir une possession rĂ©elle ; que cette possession appartient donc Ă un autre qui seul ale droit de lâattaquer; que sur lâaction possessoire il ne sâagit pas de savoir si le dĂ©fendeur a la possession, mais bien si le demandeur justifie de la sienne. Nous nâadmettrions quâune modification Ă cette rĂšgle ; elle a dĂ©jĂ Ă©tĂ© indiquĂ©e, page 185 ; câest relativement Ă la publicitĂ© ou Ă la clandestinitĂ© ; ce nâest pas mĂȘme une exception, car la nature des choses Ă©tablit que celui qui a eu connaissance positive dâune possession, cachĂ©e pour tous les autres, et qui rĂ©unirait dâailleurs tous les carac- â 208 â tĂšres lĂ©gaux, ne pourrait se faire une arme de lâignorance dâautrui. Ă 9. Possession de choses qui sont dans le commerce et prescriptibles. Il y a des biens prescriptibles et dâautres qui ne le sont pas, et les causes dâimprescriptibilitĂ© viennent ou de lâusage auquel ils sont consacrĂ©s, ou de la qualitĂ© des personnes auxquelles ils appartiennent. Lâart. 2220 soumet Ă lâempire de la prescription les biens qui sont dans le commerce. Les choses qui sont dans le commerce sâentendent non- seulement de celles qui font lâobjet habituel de la profession de certains particuliers, mais encore de toutes celles qui peuvent ĂȘtre achetĂ©es et vendues par des individus Ă©trangers au nĂ©goce. Tel, par exemple, fait son Ă©tat dâacheter ou de fabriquer des Ă©toffes pour les revendre. Ce nâest pas de ces choses-lĂ exclusivement quâon doit dire quâelles sont dans le commerce; autrement on excluerait toutes celles qui sont immeubles, car il est gĂ©nĂ©ralement reconnu que ces biens, dont cependant on trafique, ne peuvent faire lâobjet du commerce proprement dit, et que ceux qui achĂštent des maisons ou des terres pour les revendre ne sont pas des commerçants. Lâart. 1128 du Code civil porte quâil nây a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ĂȘtre lâobjet des conventions. » Et lâart. 1598 Que tout ce qui est dans le commerce peut ĂȘtre vendu, lorsque des lois particuliĂšres nâen ont pas prohibĂ© lâaliĂ©nation. » Ainsi, les biens immeubles dâune femme mariĂ©e sous le rĂ©gime dotal sont inaliĂ©na- â 209 â > blĂ©s pendant toute la durĂ©e du mariage, quoiquâils soient incontestablement dans le commerce. Enfin, lâart. 2226 dispose quâon ne peut .prescrire le domaine des choses qui ne sont pas dans le commerce. » Mais quelles sont les choses exclues du commerce? Aucune disposition du Code ne sâexplique positivement Ă cet Ă©gard. De lâart. 2227, on peut conclure que ce nâest pas la qualitĂ© du possesseur, mais bien la nature de la chose possĂ©dĂ©e qui la met hors du commerce, puisque lâĂ©tat, les Ă©tablissements publics et les communes sont soumis aux mĂȘmes prescriptions que les particuliers, et peuvent Ă plus forte raison les opposer. » Lâart. 538 dit bien que les chemins, routes et rues Ă la charge de lâEtat, les fleuves et riviĂšres navigables ou flottables , les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et gĂ©nĂ©ralement toutes les portions du territoire fiançais qui ne sont pas susceptibles dâune propriĂ©tĂ© privĂ©e, sont considĂ©rĂ©s comme des dĂ©pendances du domaine public. » Mais il ne dit pas expressĂ©ment quâils sont hors du commerce ; il ne dĂ©clare pas que tout ce qui constitue le domaine public est nĂ©cessairement et exclusivement hors du commerce, et il ne le pouvait pas, puisque lâarticle suivant range au nombre des objets de ce domaine les biens vacants et sans maĂźtre, ceux des personnes qui dĂ©cĂšdent sans hĂ©ritiers, ou dont les successions sont abandonnĂ©es, » et que parmi ces biens il y en a ordinairement qui produisent du revenu, tels que des terres en labour, des prĂ©s, des bois, des vignes. Que conclure de tout cela? Que les choses hors du â ĂąlO â commerce sont toutes celles qui, dâaprĂšs leur nature, sont Ă lâusage perpĂ©tuel du public et ne peuvent ĂȘtre aliĂ©nĂ©es sans changer de destination, quâelles appartiennent Ă lâEtat, aux dĂ©partements ou aux communes. Le lĂ©gislateur nâa pas sans doute voulu donner une dĂ©finition et une nomenclature de ces choses, dans la crainte quâelles ne fussent considĂ©rĂ©es comme limitatives. Il a pensĂ© que les termes, choses qui ne sont pas dans le commerce, Ă©taient assez expressifs, et quâen cas de contestation lâadministration dĂ©terminerait quels biens sont ou non dans le commerce, sans que sa dĂ©cision emportĂąt en mĂȘme temps jugement de la propriĂ©tĂ©. Autrefois, le domaine de la couronne ou du roi Ă©tait gĂ©nĂ©ralement rĂ©putĂ© inaliĂ©nable. Ce principe fut consacrĂ© par lâĂ©dit de Moulins du mois de fĂ©vrier 1566, enregistrĂ© au parlement de Paris le 13 mai suivant. La nĂ©cessitĂ© de conserver le domaine de la couronne dans son intĂ©gritĂ©, dit Lefebvre de la Planche TraitĂ© des domaines, t. 3, p. semble devoir ĂȘtre regardĂ©e comme ayant toujours Ă©tĂ© une loi fondamentale du royaume... En effet., si les lois des fiefs en dĂ©fendent le dĂ©membrement, leur dĂ©cision ne doit-elle pas ĂȘtre appliquĂ©e Ă ce patrimoine sacrĂ©, avec dâautant plus de raison que nos rois nâen Ă©tant que dĂ©positaires et administrateurs, et nâen jouissant quâen usufruit, sont obligĂ©s de le transmettre Ă celui qui leur succĂšde ? » On comprenait sous la dĂ©nomination de domaine de la couronne ou du roi tous les biens appartenant Ă lâĂtat, de quelque nature quâils fussent, mĂȘme ceux consacrĂ©s Ă lâusage du public et ceux que le prince possĂ©dait au moment oĂč il montait sur le trĂŽne ou quâil acquĂ©rait depuis cette Ă©poque. Il nây avait aucune distinction \ â 211 â entre les biens de lâĂtat et ceux du roi. Tous Ă©taient mĂȘme appelĂ©s domaines royaux ; mais cette propriĂ©tĂ© Ă©tait purement nominale ; elle Ă©tait fondĂ©e sur lâhabitude oĂč lâon Ă©tait de tout rapporter-Ă la majestĂ© royale pour en augmenter la puissance et lâĂ©clat ; nĂ©anmoins elle appartenait rĂ©ellement Ă lâĂtat; elle ne pouvait ĂȘtre aliĂ©nĂ©e ni prescrite ; on en exceptait cependant les biens appelĂ©s petits domaines, qui, aux termes dâune autre ordonnance de 1505, enregistrĂ©e le 27 mai, de la dĂ©claration du 8 avril 1572, et des Ă©dits des mois de mars 1695 et dâaoĂ»t 1708 , Ă©taient aliĂ©nables et prescriptibles ; mais on nâa jamais Ă©tĂ© bien dâaccord sur les objets que lâon devait considĂ©rer comme tels. Si lâĂ©dit du mois dâaoĂ»t 1708 dit quâon doit entendre par petits domaines, et consĂ©quemment regarder comme aliĂ©nables 'Ă perpĂ©tuitĂ© les moulins, fours, pressoirs, halles, maisons, boutiques, Ă©choppes, places Ă Ă©taler, places vaines et vagues, communes, landes, bruyĂšres, patis, palus, marais, Ă©tangs, hoqueteaux sĂ©parĂ©s des forĂȘts, bacs, bateaux, pĂ©ages, travers , ponts, passages, droits de minage, mesurage, aunage , poids, greffes, tabellionages, prĂ©s, Ăźles, Ăźlots, crĂ©ments, accroissements, attĂ©rissements, droits sur les riviĂšres navigables, leurs fonds, lits, bords, quais et marchepieds, les bras, courants, eaux mortes et canaux ; les places qui ont servi aux fossĂ©s, murs et remparts, fortifications tant anciennes cpie nouvelles de toutes les villes du royaume, les lois des 1 er dĂ©cembre 1790 et 14 ventĂŽse an VII semblent les restreindre aux terres vaines et vagues, landes, bruyĂšres, palus, marais et terrains en friche autres que ceux situĂ©s dans les forĂȘts, ou Ă cent perches dâicelles. principe de lâinaliĂ©nabilitĂ© du domaine de la cou- â 212 â ronne, lâexception apportĂ©e Ă ce principe pour les biens dĂ©signĂ©s sous le nom de petit domaine, enfin la distinction qui existait, sous lâancienne lĂ©gislation, entre le grand et le petit domaine, se trouvent assez bien Ă©tablis dans un arrĂȘt de la chambre civile, rendu le 2 avril 1839, sur le pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de la cour royale dâOrlĂ©ans, qui avait jugĂ© que des terrains compris dans les abornements de la forĂȘt domaniale dâOrlĂ©ans avaient pu ĂȘtre aliĂ©nĂ©s comme faisant partie du petit domaine. Il ncrus semble utile de reproduire les principaux motifs de cet arrĂȘt La cour, vu lâĂ©dit de Moulins du mois de fĂ©vrier 1566, enregistrĂ© au parlement de Paris le 13 mai suivant; lâĂ©dit du mois dâavril 1667 ; les art. 24 et 31 de la loi des 22 novembre, 1" dĂ©cembre 1790; lâart. 1 er de la loi du 3 septembre 1792 ; les art. 1 et 3 de la loi du 10 frimaire an II, et les art. 4 et 5 de celle du 14 ventĂŽse an VII ; u Attendu que la piĂšce de terre revendiquĂ©e par les dĂ©fendeurs contre la liste civile, et dont la propriĂ©tĂ© leur a Ă©tĂ© adjugĂ©e par l'arrĂȘt attaquĂ©, appartenait anciennement au domaine de la couronne ; u Attendu que le principe de lâinaliĂ©nabilitĂ© du domaine de la couronne, sauf les cas dâapanage et de nĂ©cessitĂ© de guerre, a Ă©tĂ© dĂ©finitivement fixĂ© par lâĂ©dit de Moulins du mois de fĂ©vrier 1566, et que lâart. 5 de cet Ă©dit fait dĂ©fense aux cours du parlement et chambre des comptes dâavoir aucun Ă©gard aux lettres-patentes contenant aliĂ©nation dudit domaine et fruits dâicelui; quâune autre ordonnance de la mĂȘme annĂ©e 1566, enregistrĂ©e le 27 mai, qui a modifiĂ© le principe de lâinaliĂ©nabilitĂ© du domaine pour les terres, prĂšs, palus et marais vagues appartenant tiu roi, a for- - 213 â mellement exceptĂ© les terrains de cette nature enclavĂ©s dans les bois et forĂȘts de la couronne, et qui en font la lisiĂšre Ă 100 perches prĂšs ; u Attendu que la loi des 22 novembre, 1 er dĂ©cembre 1790, a consacrĂ© de nouveau les dispositions de lâĂ©dit de 1566 ; que lâart. 2/i de cette loi rĂ©putĂ© simples engagements, et, comme tels, perpĂ©tuellement sujets Ă rachat, les ventes et aliĂ©nations de biens domaniaux , postĂ©rieurs Ă lâordonnance de 1566, quoique la stipulation de rachat ait Ă©tĂ© omise au contrat, et que son art. 31 ne maintient les aliĂ©nations Ă titre dâinfĂ©odation, baux Ă cens ou Ă rentes, de terres vaines et vagues, landes, bruyĂšres, palus, marais et terrains en friche, quautant quâils ne seraient pas situĂ©s dans les forĂȘts ou Ă 100 perches d'icelles; qu'on trouve les mĂȘmes dispositions dans les lois du 3 septembre 1792, ai't. 1"; du 10 frimaire an II, art. 1 et 2; du lh ventĂŽse an Vil, art. h et b. » Aujourd'hui, il nây a plus de distinction entre le grand et le petit domaine ; mais depuis 1790 on distingue le domaine de lâĂtat ou public du domaine de la couronne ou liste civile, et du domaine privĂ© du prince. Les canaux navigables et flottables, les chemins de fer, les routes dĂ©partementales, les chemins vicinaux de grande et de petite communication, les rues et places publiques, les Ă©glises et les cimetiĂšres sont, comme tous les objets Ă©noncĂ©s aux art. 538, 5/iO du Code civil, imprescriptibles tant quâils conservent leur nature et leur destination Ă lâusage public; ils ne peuvent ĂȘtre les uns ni les autres la matiĂšre dâune possession utile et dâune action possessoire. Un arrĂȘt de la cour de cassation, en date du 10 janvier 18/i/j, rendu entre deux communes, a appliquĂ© ces principes Ă un cimetiĂšre. - 2U â Mais Us ne conservent ce caractĂšre dâimprescriptibilitĂ© que tant quâils sont consacrĂ©s Ă lâusage du public. Câest leur destination, leur application Ă lâusage de tous qui le leur imprime, et il est mĂȘme impossible quâil en soit autrement , car pendant que tout le monde use dâune chose, personne nâexerce dâacte de possession exclusive. Ces principes sont formellement consacrĂ©s dans un arrĂȘt de la chambre civile, du 5 dĂ©cembre 1838, Ă lâĂ©gard des Ă©glises ou Ă©difices publics consacrĂ©s au culte. En effet, il rĂ©sulte de cet arrĂȘt que de tels Ă©difices ne sont pas plus susceptibles dâune propriĂ©tĂ© privĂ©e depuis le Code civil quâils ne lâĂ©taient auparavant, et que câest lĂ un principe dâordre et de droit public ; mais que, du moment oĂč leur destination premiĂšre est changĂ©e, comme cela arrive, par exemple, sâils sont vendus par lâĂtat, ils prennent dĂšs lors le caractĂšre de biens particuliers, perdent pour lâavenir tous les droits exceptionnels ou privilĂ©giĂ©s rĂ©sultant de leur consĂ©cration au service divin et de leur destination Ă lâusage gĂ©nĂ©ral, et deviennent susceptibles de toutes les modifications de la propriĂ©tĂ© ordinaire , et notamment de celle qui rĂ©sulte de lâart. 661 Code civil, relatif Ă lâacquisition privĂ©e de la mitoyennetĂ©. Lâarticle 541 donne un exemple qui suppose une rĂšgle prĂ©existante. Il dit bien que les terrains, fortifications et remparts des places qui ne sont plus places de guerre appartiennent Ă lâĂtat, sâils nâont Ă©tĂ© valablement aliĂ©nĂ©s ou si la propriĂ©tĂ© nâen a pas Ă©tĂ© prescrite contre lui. » Mais pour que les remparts, terrains, fortifications et autres choses publiques soient prescriptibles, faut-il quâon reprĂ©sente un acte de lâautoritĂ© administrative qui â 213 â en change la destination ? Acquiert-on la propriĂ©tĂ© par une possession postĂ©rieure de trente ans ? suffit-il de la simple possession pendant ce temps? On pourrait objecter jue, si la troisiĂšme question Ă©tait affirmativement rĂ©solue, il nây aurait plus de diffĂ©rence entre les biens qui sont hors du commerce et ceux qui y sont restĂ©s, quâune possession trentenairc ferait Ă©galement acquĂ©rir la prescription des uns et des autres. Cependant, nous croyons que la prescription doit rĂ©gir tous lesbiens ; quâil ne doit/avoir de diffĂ©rence que dans les actes de jouissance que les tribunaux peuvent plus facilement considĂ©rer comme prĂ©caires et de tolĂ©rance quand ils sâappliquent Ă une chose dâabord destinĂ©e Ă lâusage gĂ©nĂ©ral; que la possession trentenaire, qui fait prĂ©sumer une vente, fait Ă plus forte raison prĂ©sumer lâacte administratif qui a changĂ© la nature ou la destination de la chose; que si lâon suppose la perte dâun acte de vente authentique, on peut supposer celle dâun acte administratif, les dĂ©pĂŽts de lâadministration nâĂ©tant pas plus que ceux des notaires Ă lâabri des Ă©vĂ©nements; quâautrement une possession de plusieurs siĂšcles serait inefficace, parce piâon prouverait quâil y a trois ou quatre cents ans la chose qui en est lâobjet Ă©tait un terrain de place publique, et parce que, bien que par le fait, depuis cette Ă©poque, cette chose ne fĂ»t plus place publique, il nây aurait cependant aucun acte de lâadministration qui lui aurait retirĂ© ce caractĂšre et cette destination. 11 nous semble quâen retirant du commerce certains objets, la loi a seulement voulu faire comprendre que, quoique ces choses fussent publiques, personne ne pouvait cependant se permettre dâen disposer Ă son profit, ni empĂȘcher, Ă lâaide de cette aliĂ©nation, lâusage de tous. â 216 â Dâailleurs chaque particulier sera trĂšs-empressĂ© de conserver cet usage tant que lâadministration ne le lui aura pas interdit ; la possession exclusive dâun citoyen ne peut donc avoir lieu quâautant que lâadministration aura changĂ© la destination, lâusage du bien. Mais dĂšs que lâadministration peut changer cet usage, dĂšs quâelle peut ensuite vendre la chose, on ne verrait pas pourquoi elle ne serait pas prescriptible par une possession bien caractĂ©risĂ©e et exclusive. Nous avions dĂ©jĂ , Ă©mis cette opinion dans notre TraitĂ© des chemins, et nous avions dit que sâil pouvait y ĂȘtre fait exception, câĂ©tait tout au plus relativement aux remparts, fortifications et terrains des places de guerre et des forteresses, par le motif que des dispositions spĂ©ciales dĂ©fendent dâĂ©riger ou dâabandonner des places de guerre sans lâautorisation du gouvernement. Depuis que nous avons exposĂ© ces principes, il est intervenu, sous la date du 3 mars 1828, un arrĂȘt de la cour de cassation dans lequel on lit que les remparts des places de guerre, que lâart. 540 du Code civil dĂ©clare faire partie du domaine public, et dont lâart. 13 de la loi du 10 juillet 1791 attribue la conservation au ministre de la guerre, qui en est dĂ©clarĂ© responsable, ne sont point dans le commerce, et forment consĂ©quemment un domaine inaliĂ©nable et imprescriptible de lâEtat ; quâĂ la vĂ©ritĂ©, suivant lâart. 2, titre 4 de la mĂȘme loi du 10 juillet 1791 , les bĂątiments et emplacements que le ministre de la guerre ne jugerait pas nĂ©cessaire au service militaire, peuvent changer de nature et de destination par la remise que le ministre en ferait aux corps administratifs pour faire partie des pro priĂ©tĂ©s aliĂ©nables, et par consĂ©quent dĂ©sormais prescriptibles de lâEtat ; mais que ce changement de nature et de destination ne peut rĂ©sulter que de dĂ©cisions ministĂ©rielles, de procĂšs-\ erbaux rĂ©guliers de remises, ou autres actes Ă©quipollents. » Mais, dans cette espĂšce, il sâagissait dâune rampe de rempart, câest-Ă -dire de lâaccessoire dâune place qui nâavait pas cessĂ© dâĂȘtre place de guerre, ainsi que cela Ă©tait bien constatĂ©. On conçoit que, dans ce cas, il faille une dĂ©claration de ce qui est utile ou inutile au service de la place, sans quâon puisse en rien conclure pour le cas oĂč la place nâest plus destinĂ©e Ă la dĂ©fense de l'Etat, ni Ă plus forte raison relativement aux terrains des routes, des riviĂšres, des cimetiĂšres, Ă©glises, etc., etc., puisque la lĂ©gislation ne renferme rien de semblable pour ces divers objets, câest-Ă -dire nâimpose pas, pour les faire rentrer dans le commerce, la nĂ©cessitĂ© dâune dĂ©claration formelle de lâadministration. Telle paraĂźt ĂȘtre aussi lâopinion de M. Dalloz, RĂšp., V° Prescription, quoiquâelle nâait pas, nous en convenons, toute la prĂ©cision dĂ©sirable. Nous croyons, dit-il, que les chemins, lorsquâils sont abandonnĂ©s, les ports, les havres, les rades, quand ils viennent Ă ĂȘtre comblĂ©s, tombent dans le domaine de la prescription, de mĂȘme que les terrains, les fortifications et remparts des places qui ne sont plus places de guerre ; argument de lâart. 5/il du Code civil. » Voy. Recueil pĂšriod. de 1825, 2, 1, et 1828, 2, 57. Il en faut dire autant, ajoute-t-il, des Ă©glises et des cimetiĂšres oĂč lâexercice du culte et lâinhumation nâont plus lieu, et en gĂ©nĂ©ral de toutes les choses qui, susceptibles par leur nature dâune possession exclusive, nâont Ă©tĂ© placĂ©es hors du commerce que par une considĂ©ration dâutilitĂ© publique qui a cessĂ© dâexister. » â 218 â Cet auteur cite un arrĂȘt de la cour dâOrlĂ©ans, du 6 mai 1808, dont M. Colas de la Noue nous donne la substance dans son utile recueil. Un particulier avait possĂ©dĂ© un terrain pendant trente ans. La commune prĂ©tendait quâil avait anciennement fait partie dâune place publique, quâil Ă©tait imprescriptible, et quâon ne pouvait le conserver quâen reprĂ©sentant une concession administrative ; niais ce systĂšme fut repoussĂ©. A la vĂ©ritĂ©, il ne paraĂźt pas que la commune ait prouvĂ© que ce terrain eĂ»t jamais fait partie de la place; mais, Ă notre avis, la dĂ©cision eĂ»t Ă©tĂ© la mĂȘme si cette preuve avait Ă©tĂ© faite. Voyez encore arrĂȘt de llouen , H fĂ©vrier 1825 , et surtout celui de la chambre civile, du 5 dĂ©cembre 1838, que nous avons citĂ© plus haut. MM. Proudhon et Troplong pensent que les fonds du domaine public deviennent prescriptibles, sans acte ou dĂ©cret de lâautoritĂ© qui les fasse rentrer dans le commerce, et par le seul fait de leur dĂ©gradation accidentelle, aprĂšs lâanĂ©antissement du service auquel ils Ă©taient affectĂ©s. M. Vazeille, TraitĂ© des prescriptions, n os 91 Ă 96, pense aussi quâil nâest pas nĂ©cessaire que lâadministration ait supprimĂ© la place de guerre par une dĂ©claration formelle ; il admet les Ă©quipollents, et pour toutes les autres choses publiques il se contente du seul laps de temps requis pour lâacquisition de la prescription. La question semble rĂ©solue dans ce sens, relativement aux places de guerre, par un arrĂȘt de la cour de cassation, du 30 juillet 1839, qui a dĂ©cidĂ© que le principe, que les terrains des fortifications des places de guerre ou postes militaires, tels que remparts ou autres objets faisant partie des moyens dĂ©fensifs des frontiĂšres du â 219 â royaume, sont inaliĂ©nables et imprescriptibles, cesse dĂ© recevoir son application lorsquâil arrive un changement dans leur destination primitive, et que ce changement peut rĂ©sulter de ce quâils ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s pendant plusieurs siĂšcles Ă lâexploitation de certains particuliers qui les ont possĂ©dĂ©s sans opposition et ont pu dĂšs lors les acquĂ©rir par la prescription. Nous devons faire observer quâune loi positive, celle du 10 septembre 1807, art. Al, autorise le gouvernement Ă concĂ©der les lais et relais de la mer, les accrues, atlĂ©- rissementsdes fleuves et des riviĂšres, aux conditions quâil juge Ă propos, sans lâintervention dâune loi spĂ©ciale, et quâun arrĂȘt de la cour de cassation, du 3 novembre 182A, les a dĂ©clarĂ©s prescriptibles et susceptibles de devenir lâobjet dâune action possessoire ; quâenfin les lits des fleuves ou riviĂšres qui ont changĂ© de cours deviennent immĂ©diatement propriĂ©tĂ© privĂ©e, et, en rentrant dans le commerce, deviennent prescriptibles. Lâart. 2227 du Code civil contient une disposition en vertu de laquelle lâaliĂ©nabilitĂ©, la prescriptibilitĂ© du domaine de lâĂtat est incontestable, ce que ne contrarie pas la nĂ©cessitĂ© dâobserver, pour vendre, certaines formalitĂ©s ; car les biens des communes, un bois, un prĂ©, par exemple, ne peuvent ĂȘtre aliĂ©nĂ©s quâen vertu dâune loi, et cependant la propriĂ©tĂ© peut en ĂȘtre acquise par prescription; il nây a dâexception que pour les choses destinĂ©es Ă lâusage du public les routes, fleuves, etc. Il ne suffit pas, comme lâenseigne M. Toullier, tome 6, n° 158, quâune chose nâait pas coutume dâĂȘtre vendue, que la vente en soit prohibĂ©e ou ne puisse ĂȘtre faite quâen vertu dâun dĂ©cret royal ou dâautres formalitĂ©s , pour quelle soit considĂ©rĂ©e comme Ă©tant hors du commerce ; au contraire, le Code considĂšre comme Ă©tant dans le commerce toutes les choses susceptibles dâĂȘtre vendues, quoique les lois en aient prohibĂ© lâaliĂ©nation. » Ainsi donc, le principe dâaprĂšs lequel la dotation de la couronne est inaliĂ©nable fut proclamĂ©, dĂšs le seiziĂšme siĂšcle, dâabord par lâĂ©dit de 1530, et ensuite, nous lâavons dĂ©jĂ dit, par lâordonnance de 1566, loi fondamentale de lâEtat, sncro sancta lex, connue lâappelle dâArgentrĂ©. Il fut consacrĂ© de nouveau par le sĂ©natus- consulte du 30 janvier 1810, et par les lois des 8 novembre 18lĂ et 2 mars 1832, qui contiennent les rĂšgles les plus prĂ©cises. Lâarticle 0 de la loi du 8 novembre 181/i, qui, du reste, ne fait que reproduire textuellement lâarticle 10 du sĂ©natus-consulte de 1810, porte que les biens formant la dotation de la couronne sont inaliĂ©nables et imprescriptibles. » Lâarticle 8 de la loi de 1832 est ainsi conçu Les meubles et immeubles de la couronne sont inaliĂ©nables et imprescriptibles ; ils ne peuvent ĂȘtre par consĂ©quent ni donnĂ©s, ni vendus, ni engagĂ©s, ni grevĂ©s dâhypothĂšques nĂ©anmoins, les objets inventoriĂ©s avec estimation, aux termes de lâarticle 3, pourront ĂȘtre aliĂ©nĂ©s moyennant remplacement. » Cette imprescriptibilitĂ© est absolue ; elle nâest pas seulement Ă©tablie contre le souverain qui ne peut acquĂ©rir par possession, quelque longue quâelle ait Ă©tĂ©; elle lâest aussi contre les tiers qui ne peuvent prescrire les biens tant piâils demeurent affectĂ©s Ă la liste civile, pourvu quâils soient compris dans des Ă©tats et plans ; ce nâest que du jour oĂč ils en ont Ă©tĂ© distraits que la possession utile des tiers peut commencer. â 221 â Dans ces derniers temps, Ă propos dâun tableau remis en 1821 au duc de MaillĂ© par la liste civile, pour en jouir temporairement, et achetĂ©, en 1837, au dĂ©cĂšs du duc de MaillĂ©, par le sieur Cousin, auquel lâintendant-gĂ©nĂ©ral de la liste civile le revendiqua bientĂŽt aprĂšs, on Ă©leva devant la cour de cassation la question de savoir si lâimprescriptibilitĂ© des biens formant la dotation de la couronne sâĂ©tendait mĂȘme aux meubles antĂ©rieurement Ă la loi de 1832; si le possesseur de ces meubles ne pouvait pas sâautoriser de lâexception quâen fait de meubles la possession vaut titre ; si, par exemple, un tableau dĂ©pendant de la liste civile nâĂ©tait pas susceptible dâaliĂ©nation, et ne pouvait pas ĂȘtre rangĂ© dans la classe des meubles susceptibles de dĂ©tĂ©rioration par lâusage, et dont les articles 6 et 8 de la loi du 2 mars 1832 autorisent exceptionnellement l'aliĂ©nation moyennant remplacement; si, enfin , la liste civile actuelle avait le droit de se faire restituer des objets mobiliers dont la liste civile ancienne avait accordĂ© la jouissance temporaire Ă des particuliers. La cour, par arrĂȘt du 10 aoĂ»t 18/il, rĂ©solut ces diverses questions dans un sens contraire aux prĂ©tentions du possesseur du tableau. Quant au domaine privĂ©, il ne se composait, dâaprĂšs la loi du 8 novembre 1814, que des biens acquis par le prince depuis son avĂšnement au trĂŽne. Ceux quâil possĂ©dait antĂ©rieurement sont dĂšs cette Ă©poque dĂ©volus Ă lâĂtat dâune maniĂšre dĂ©finitive et irrĂ©vocable. Câest un principe trĂšs-ancien de notre droit public, et lâapplication en a toujours Ă©tĂ© fort avantageuse Ă lâĂtat, dont elle a augmentĂ© les ressources; mais la royautĂ© Ă©lective parait entraĂźner dâautres rĂšgles ; aussi lâarticle 22 de la loi â 222 â du 2 mars 1832 porte-t-il que le roi conservera la propriĂ©tĂ© des biens qui lui appartenaient avant son avĂšnement ; que ces biens et ceux quâil acquerra Ă titre gratuit ou onĂ©reux, pendant son rĂšgne, composeront son domaine privĂ©. » Lâarticle 23 ajoute que le roi peut disposer de son domaine privĂ©, soit par acte entre vifs, soit par testament , sans ĂȘtre assujetti aux rĂšgles du Iode civil, qui limite la quotitĂ© disponible;» et lâarticle 2/i, que les propriĂ©tĂ©s du domaine privĂ© seront, sauf lâexception portĂ©e en lâarticle prĂ©cĂ©dent, soumises Ă toutes les lois qui rĂ©gissent les autres propriĂ©tĂ©s. » Par consĂ©quent, ce domaine privĂ© est soumis aux rĂšgles ordinaires de la prescription. 11 y a dâautres biens encore qui sont rĂ©gis par des principes spĂ©ciaux. Ce sont ceux qui forment les dotations prises sur le domaine extraordinaire, et les majorats instituĂ©s soit avec des biens donnĂ©s par lâEtat, soit avec les propres biens de celui qui a obtenu cette distinction. Le domaine extraordinaire est aboli par lâart. 25 de la loi du 2 mars 1832 ; mais les dotations anciennes et les majorats instituĂ©s ou avec les biens de lâEtat ou avec ceux des particuliers, subsistent toujours avec les modifications adoptĂ©es par la loi du 12 mai 1835. 11 ne peut plus en ĂȘtre créé aux termes de cette loi. Lâart. AO du dĂ©cret du 1" mars 1808 est ainsi conçu Les biens qui forment les majorats sont inaliĂ©nables ; ils ne peuvent ĂȘtre engagĂ©s ni saisis. » Comme on le voit, cet article ne dit pas, ainsi que les lois des 8 novembre 181A et 2 mars 1832, que les biens sont inaliĂ©nables et imprescriptibles. M. Delamalle, dans lâarticle MajorĂąt du RĂ©pertoire de M. Favard, § 1 er , n° /i, nâen dit pas moins quâils sont imprescriptibles. Nous admettons volontiers que les choses frappĂ©es dâinaliĂ©nabilitĂ© absolue par les lois soient, par voie de consĂ©quence, imprescriptibles, Ă moins dâexception exprimĂ©e dans ces lois elles-mĂȘmes. Mais dâabord lâaliĂ©nation des majorais peut ĂȘtre autorisĂ©e par le roi. Ils ne sont pas inaliĂ©nables dâune maniĂšre absolue. Lâart. 11 du dĂ©cret du h mai 1809 nous paraĂźt dâailleurs ne laisser aucun doute sur la prescriptibilitĂ© des biens des majorats ; il est ainsi conçu Sâil arrivait que des tiers eussent commis quelque empiĂ©tement ou usurpation sur les biens du majorĂąt, le conservateur en donnera sur-le-champ avis au titulaire ou Ă notre commissaire prĂšs la commission du sceau des titres ; en cas dâurgence, le conservateur sera tenu, sans autre autorisation, de faire en son propre nom, aux frais du titulaire, les actes conservatoires nĂ©cessaires pour interrompre la prescription. » Ainsi, le dĂ©cret reconnaĂźt que la prescription court valablement au profit des tiers, puisquâil recommande de faire des actes conservatoires pour lâinterrompre. Vainement objecterait-on que, dâaprĂšs lâart. 35 du dĂ©cret du 1" mars, le titre et les biens affectĂ©s au majorĂąt passent Ă la descendance lĂ©gitime, de mĂąle en mĂąle, par ordre de primogĂ©niture, ce qui constitue une substitution fidĂ©i-commissaire ; car, dans lâancien droit qui admettait cette substitution , il Ă©tait assez gĂ©nĂ©ralement reconnu que des tiers pouvaient prescrire les lue ns substituĂ©s, soit avant, soit aprĂšs lâouverture de la substitution. 11 en doit ĂȘtre de mĂȘme aujourdâhui, Ă plus forte raison. Lâesprit de la nouvelle lĂ©gislation est plus favorable Ă la prescription, dont il a Ă©tendu le cercle. Il est constant que le Code civil dĂ©clare prescriptibles bien des choses qui ne lâĂ©taient pas avant sa promulgation. Cette opinion puise une nouvelle force dans les modifications apportĂ©es par la loi du 12 mai 1835 Ă la lĂ©gislation des majorats, puisquâelle autorise le fondateur dâun majorĂąt Ă le rĂ©voquer en tout ou en partie. Les mĂȘmes rĂšgles sâappliqueraient aux biens dont la substitution est permise par les art. lO/jS et suivants du Code civil. Nous ne voyons pas comment, dans le silence du Code, ils seraient soustraits Ă lâempire du droit commun, qui soumet tous les biens Ă la prescription, Ă moins quâils nâen soient exceptĂ©s par quelques lois. Si le grevĂ© ne peut prescrire, câest que la loi dit quâon ne peut se changer la cause de sa possession, ni prescrire contre son titre ; mais un tiers qui nâest pas dans la mĂȘme position peut acquĂ©rir valablement par la possession continuĂ©e pendant le temps fixĂ© par le Code. 11 nous reste Ă examiner si les biens des mineurs et des interdits, et ceux constituĂ©s en dot aux femmes mariĂ©es sous le rĂ©gime dotal, peuvent ĂȘtre pendant la minoritĂ©, lâinterdiction ou le mariage, lâobjet dâune possession valable donnant lieu lâaction possessoire. Dans lâancien droit, on nâĂ©tait pas dâaccord sur lâimprescriptibilitĂ© des immeubles des mineurs et des interdits. Les lois romaines, les coutumes et les auteurs offraient sur ce point de notables divergences, qui influaient nĂ©cessairement sur lâexercice de lâaction en complainte. Aujourdâhui, cos difficultĂ©s ne subsistent plus. Sans doute les incapables peuvent possĂ©der \alablernent et â 225 â prescrire par eux ou leurs reprĂ©sentants; mais on ne peut prescrire contre eux tant que dure leur incapacitĂ©. Ils peuvent faire leur condition meilleure, mais non aliĂ©ner leurs droits directement ou indirectement. Lâart. 2252 du Code civil porte que la prescription ne court pas contre les mineurs et les interdits. Quels sont le sensetleselfets de cette disposition? câest que lâon ne peut valablement possĂ©der leurs biens, quâils en conservent toujours la possession pendant la minoritĂ© ou lâinterdiction ; car la possession conduit Ă la prescription ; lâune est la cause, lâautre lâeffet. Pour pouvoir prescrire, dit lâarticle 2229, il faut une possession... et il faut quelle ne soit pas Ă©quivoque, quâelle ait lieu Ă titre de propriĂ©taire. La possession annale quâon aurait eue dâun bien de mineur ou dâinterdit pourrait-elle prĂ©valoir contre un titre formel qui Ă©tablirait leur propriĂ©tĂ© sur cet objet? Parce quâun tuteur aura nĂ©gligĂ© pendant un an de faire rĂ©primer une usurpation, devront-ils perdre la jouissance de leur immeuble, et seront-ils forcĂ©s de se pourvoir au pĂ©titoire ? Mais lâusurpation du tiers nâest-elle pas Ă©vidente? Nâestâil pas certain quâil ne peut invoquer de possession Ă titre non prĂ©caire, Ă titre de propriĂ©taire? Le juge de paix nâa-t-il pas le droit et mĂȘme lâobligation de prendre connaissance des titres pour caractĂ©riser la possession ? Pourquoi maintenir lâusurpateur dans une possession illĂ©gitime dont il pourrait abuser en dĂ©truisant la chose, et quâil sera tenu dâabandonner par suite de lâaction pĂ©titoire qui deviendrait ainsi une pure formalitĂ© dont il est plus sage dâĂ©viter aux parties les frais, les lenteurs et les inconvĂ©nients? Ce pie nous disons des biens des mineurs et interdits 15 â 226 â sâapplique Ă©galement Ă ceux qui ont Ă©tĂ© constituĂ©s en dot aux femmes mariĂ©es sous le rĂ©gime dotal. Les art. 1561 et 2255 du Code civil nous semblent ne laisser lĂ -dessus aucun doute. Il nâen serait diffĂ©remment, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit p. 132, quâautant quâil y aurait incertitude sur le fait de savoir si lâimmeuble litigieux est la propriĂ©tĂ© du mineur, de lâinterdit, de la femme; car, sâagissant dâune exception au droit commun, il faut que le fait qui lui sert de base soit bien clairement dĂ©montrĂ©. Il va sans dire aussi que la possession serait utile si elle avait eu lieu pendant un an depuis la cessation de la minoritĂ©, de lâinterdiction ou du mariage. Nous venons de dĂ©velopper cette doctrine dans une consultation. En rĂ©sumĂ©, il faut tenir pour principe gĂ©nĂ©ral, suivant nous, que lâimprescriptibilitĂ© dâune chose, quelle provienne de sa*nature, de lâusage auquel elle sert ou de la qualitĂ© du propriĂ©taire, sâoppose Ă la possession et Ă lâaction possessoire ; mais que 'cette action est reçue Ă raison de tous les biens, de tous les droits susceptibles dâĂȘtre acquis par la prescription. Nous nous bornons, quant Ă prĂ©sent, Ă ces simples observations; nous aurons occasion, plus tard, de leur donner de nouveaux dĂ©veloppements quand nous en ferons lâapplication. â -m â TITRE II DES CHOSES POUR LESQUELLES ON PEUT INTENTER I.âACTION POSSESSOIRE. CHAPITRE PREMIER Des biens qui peuvent ĂȘtre en gĂ©nĂ©ral la matiĂšre de cette action. Nous examinerons, dans ce chapitre, pour quelle espĂšce de biens lâaction possessoire est admise, et nous dĂ©montrerons quâelle est reçue âą 1° Pour les immeubles et droits rĂ©els qui y sont assimilĂ©s , et non pour les immeubles fictifs ; 2° Pour les meubles devenus immeubles par destination ; 3° Pour les immeubles ameublis par stipulation ; h° Mais non pour des meubles isolĂ©s ou pour universalitĂ© mobiliĂšre. section 1â. Lâaction possessoire est admise pour les immeubles et droits rĂ©els, mais non pour les immeubles fictifs. Le droit romain avait, comme nous lâavons vu dans le titre prĂ©cĂ©dent, des interdits pour les personnes et les choses, pour les hommes libres et les esclaves, les meu- â 2*8 â blĂ©s et les immeubles. On connaissait lâinterdit utrubi, qui avait lieu pour un seul objet mobilier, et celui ad exhibendum, qui tendait Ă faire reprĂ©senter des hommes libres ou des .esclaves, ou un testament que lâon cachait. Ni lâun ni lâautre nâont jamais Ă©tĂ© admis dans notre droit. La Coutume de Paris c t lâordonnance de 1657, qui, plus prĂ©voyantes que le Code de procĂ©dure, avaient pris soin de dĂ©signer les choses qui pouvaient ĂȘtre la matiĂšre de lâaction possessoire, lâaccordaient pour immeubles , droits rĂ©els et universalitĂ© de meubles; mais lâinterdit ad exhibendum nâĂ©tait point autorisĂ©, mĂȘme dans les colonies, Ă raison des nĂšgres ou esclaves, considĂ©rĂ©s, par une lĂ©gislation inhumaine, comme meubles quand ils Ă©taient attachĂ©s au service personnel, et comme immeubles par destination lorsquâils lâĂ©taient Ă lâexploitation ou Ă la culture. ArrĂȘt de la cour de cassation, du 5 aoĂ»t 1829. Nous ne trouvons, dans le Code de procĂ©dure civile, aucune disposition prĂ©cise sur les biens qui peuvent ĂȘtre lâobjet des actions possessoires ; ce nâest cjue par induction, et au moyen du rapprochement des art. 2, 3 et 23 du Code de procĂ©dure, dont les deux premiers sont empruntĂ©s Ă la loi du 2 h aoĂ»t 1790, quâon est conduit Ă penser que les immeubles et droits rĂ©els immobiliers, que lâart. 526 du Code civil considĂšre aussi comme immeubles, sont seuls susceptibles de ces actions. En efĂŻâet, lâart. 2 commence par Ă©tablir quâen matiĂšre purement personnelle et mobiliĂšre, la citation sera donnĂ©e devant le juge du domicile du dĂ©fendeur ; sâil nâa pas de domicile, devant le juge de sa rĂ©sidence. Si donc la complainte Ă©tait admise en matiĂšre mobiliĂšre, lâaction devrait ĂȘtre portĂ©e devant le juge du domicile ou de la rĂ©sidence du dĂ©fendeur. Cependant, lâarticle suivant veut quelle le soit devant le juge de la situation de lâobjet litigieux, lorsquâil sâagit de dĂ©placements de bornes, etc. Ici la loi Ă©numĂšre diffĂ©rents immeubles, puis ajoute et de toutes antres actions possessoires. » La loi du 25 mai 1838 nâest pas plus explicite sur le sujet qui nous occupe ; elle se borne, comme le Code de procĂ©dure, Ă Ă©noncer quelques objets, et termine en rĂ©pĂ©tant les mots et autres actions possessoires. 11 est assurĂ©ment fort Ă©trange que le lĂ©gislateur nâait pas pris la peine de dĂ©cider nettement pour quelle espĂšce de biens la complainte est recevable. Aucune disposition de nos lois ne l'excluant en matiĂšre mobiliĂšre, on pourrait ĂȘtre tentĂ© de soutenir que les tribunaux devraient lâaccueillir. Pourquoi, dira-t-on, en serait-il autrement? et quelle raison de distinguer entre les meubles et les immeubles? Lorsque le lĂ©gislateur a Ă©tabli lâaction possessoire, il a Ă©tĂ© guidĂ© par le dĂ©sir dâĂ©viter les querelles, les voies de fait, et par le motif que le litige pouvant se prolonger, il Ă©tait de toute justice de maintenir provisoirement en possession celui qui est dĂ©jĂ possesseur. Mais ces motifs ne sâappliquent-ils pas aux meubles comme aux immeubles? les hommes de mauvaise foi ne profiteraient-ils pas de la prohibition de lâaction possessoire en matiĂšre mobiliĂšre pour sâemparer avec ruse ou violence dâun objet souvent prĂ©cieux, dont ils jouiront, et quâils dissiperont mĂŽme pendant le litige sur la question de propriĂ©tĂ© quâils ne manqueront jamais dâĂ©lever? Celui qui aura Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© par violence nâaura dâautre ressource que d'user de la mĂȘme voie. Nây a-t-il pas, dâailleurs, des meubles d'une plus grande valeur que beaucoup dâimmeubles? Les navires, par exemple, les moulins â 230 â assis sur bateaux, ne sont-ils pas, par le Code de procĂ©dure et le Code de commerce, soumis pour la saisie et la vente Ă des rĂšgles spĂ©ciales ? Beaucoup de meubles ne sont-ils pas censĂ©s immeubles? Mais on peut rĂ©pondre que lâancienne lĂ©gislation elle- mĂȘme nâadmettait lâaction possessoire en matiĂšre mobiliĂšre quâautant quâil sâagissait dâune universalitĂ© de meubles, et jamais pour un meuble seul, quelle quâen fĂ»t lâimportance ou la valeur; que le Code de procĂ©dure ne donnant, par aucune disposition, au juge de paix le pouvoir dâaccueillir une action possessoire mobiliĂšre, il ne pourrait pas la juger, puisque Ă©videmment il nâest quâun juge dâexception instituĂ© pour prononcer sur les matiĂšres qui lui sont formellement attribuĂ©es, et dans les cas spĂ©cifiĂ©s ; quâen matiĂšre dâattribution tout est de rigueur; que ce nâest pas le cas de dire quâil suffit que le lĂ©gislateur ne lâait pas dĂ©fendu ; quâil faut, au contraire, que la loi lâait expressĂ©ment permis, parce quâun magistrat nâa de pouvoir quâautant que la loi lui en confĂšre. A ces raisons viennent sâen joindre dâautres encore. Nous ne nous appuyerons pas, toutefois, sur la maxime Ă©tablie autrefois et rappelĂ©e par Imbert, que la possession des choses meubles est vile mobilium vilis est posses- sio ; ce motif serait, certes, bien peu convaincant. En voici dâautres qui valent mieux. En matiĂšre de meubles, possession vaut titre ; il est plus facile dâĂ©viter les usurpations des objets mobiliers que celles des propriĂ©tĂ©s fonciĂšres ; la possession annale des meubles est difficile h constater; câest avec raison que celui qui est en possession dâun meuble en est rĂ©putĂ© le vrai propriĂ©taire, parce quâil est prĂ©sumable que celui qui le dĂ©tient ne le fait que par suite de consentement. Les meubles passant â 231 â rapidement et successivement dans un grand nombre de mains, sans acte Ă©crit, il serait impossible de prouver la propriĂ©tĂ© au pĂ©titoire ; celui qui, aprĂšs avoir possĂ©dĂ© pendant un an, aurait vendu, pourrait, aprĂšs avoir touchĂ© le prix, reprendre irrĂ©vocablement sa chose par la complainte ; sans doute, il existe des meubles tellement volumineux et dâune si grande valeur, quâon pourrait les assimiler Ă des immeubles ; mais il aurait Ă©tĂ© impossible de prĂ©voir les diffĂ©rents cas dâexception, de prĂ©ciser lâimportance ni le volume ; il a bien fallu se renfermer dans une exclusion absolue. Certes, si les tribunaux infĂ©rieurs refusaient dâadmettre la complainte en matiĂšre mobiliĂšre, la cour de cassation rejetterait le pourvoi formĂ© contre ces dĂ©cisions, car aucune loi nâaurait Ă©tĂ© violĂ©e. Nous croyons, au contraire, quâelle casserait pour excĂšs de pouvoir, si la complainte Ă©tait accueillie par la raison dĂ©jĂ dĂ©duite, que les juges de paix nâayant de pouvoir quâautant que la loi leur en a expressĂ©ment dĂ©fĂ©rĂ©, ce quâils font au-delĂ est nul. Câest ce quâĂ©tablit M. le prĂ©sident Henrion de Pan- sey dans son ouvrage sur lâAutoritĂ© judiciaire en France, et ce qui rĂ©sulte du principe consacrĂ© par la cour de cassation, par arrĂȘt du 19 mars 1825, rendu dans la fameuse affaire Roumage. Nous pouvons nous appuyer encore dâun passage de lâexposĂ© des motifs du titre du Code civil sur la prescription. Le droit romain , disait M. Bigot de PrĂ©ameneu, accordait, sous le nom d âinterdictum utrubi, une action possessoire Ă ceux qui Ă©taient troublĂ©s dans la possession dâune chose mobiliĂšre; mais, dans le droit français, on nâa point admis, Ă lâĂ©gard des meubles, une action distincte de celle sur la propriĂ©tĂ©. On a dĂ» maintenir la â 232 â rĂšgle gĂ©nĂ©rale quâen fait de meubles, possession vaut titre. Ajoutons que les art. 3 du Code de procĂ©dure civile et 6 de la loi du 25 mai 1838 nous fournissent un nouvel argument, puisquâils attribuent la connaissance des actions possessoires au juge de paix de la situation de lâobjet litigieux, ce qui ne peut sâappliquer aux meubles qui nâont pas, Ă proprement parler, de situation, et que les objets quâils Ă©noncent spĂ©cialement comme pouvant donner lieu Ă ces actions sont immobiliers. DâaprĂšs lâart. 517 du Code civil, il y a trois sortes dâimmeubles par nature, par destination, par lâobjet auquel ils sâappliquent; mais des dĂ©crets spĂ©ciaux en ont créé une quatriĂšme sorte que nous appelons fictifs. Le dĂ©cret du 16 janvier 1808, relatif Ă lâorganisation de la Banque de France, accorde aux actionnaires la facultĂ© de donner Ă leurs actions, sur cet Ă©tablissement, la qualitĂ© dâimmeubles, en observant certaines formalitĂ©s. Les dĂ©crets des 1 er mars 1808, h juin 1809 et 3 mars 1810, considĂšrent aussi comme immeubles les rentes sur lâĂtat, les actions sur les canaux formant la dotation des majorats. Ce sont lĂ des dĂ©rogations au droit commun Ă©tabli par les art. 529 et 530 du Code civil ; mais elles ne peuvent avoir lâelĂŻet de changer la nature matĂ©rielle des choses qui en sont lâobjet, et qui sont toujours rĂ©ellement mobiliĂšres. Il est par consĂ©quent de toute Ă©vidence que ces choses ne donnent jamais lieu Ă lâaction possessoire, et que les contestations dont elles peuvent ĂȘtre la matiĂšre, devant ĂȘtre rĂ©solues par lâinterprĂ©tation des titres et des actes de lâadministration qui les concernent particuliĂšrement, sont de la compĂ©tence ou des tribunaux civils de pre- â 233 â miĂšre instance ou de lâautoritĂ© administrative , suivant la question quâil sâagit de dĂ©cider. Au reste, les art. 517, 518, 519,520, 521, 523 spĂ©cifient les immeubles par nature, les art. 522, 524 et 525, ceux qui le sont par destination, et lâart. 525, ceux qui le sont par lâobjet auquel ils sâappliquent; parmi ces derniers sont les servitudes, lâusufruit. SliCTION II. Des meubles isolĂ©s et des universalitĂ©s de meubles. Nous avons dĂ©montrĂ© dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, dans la section prĂ©cĂ©dente, que les meubles ne pouvaient ĂȘtre la matiĂšre dâune action possessoire. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit Ă cet Ă©gard ; nous ajouterons seulement que la solution doit ĂȘtre la mĂȘme, soit quâil sâagisse dâune universalitĂ© mobiliĂšre, soit quâil ne sâagisse que de quelques meubles isolĂ©s ; car le nombre nâen change pas la nature, et les raisons que nous avons donnĂ©es pour un seul sâappliquent incontestablement Ă une universalitĂ©. A la vĂ©ritĂ©, et comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, sous lâancienne lĂ©gislation, la complainte Ă©tait admise pour universalitĂ© de meubles. Lâarticle 97 de la Coutume de Pxiris portait Aucun nâest recevable de soi com- plaindre et intenter le cas de nouvelletĂ© pour une chose mobiliĂšre particuliĂšre, mais bien pour universalitĂ© de meubles comme en succession mobiliĂšre. » Lâordonnance de 1557 admettait la complainte pour universalitĂ© de meubles, sans ajouter provenant dâune succession ; » mais les commentateurs, interprĂ©tant lâordonnance par la coutume, avaient si bien senti tout ce â 234 â que cette disposition avait dâĂ©trange, quâils avaient Ă©tĂ© forcĂ©s de restreindre la complainte au cas oĂč il sâagissait dâune succession. On peut voir DclauriĂšre, sur lâart. 97 de la Coutume de Paris ; Bourjon, Droit commun de la France; Duplessis, des Actions. M. le prĂ©sident Henrion de Pansey, CompĂ©tence des juges de paix, semble ĂȘtre dâavis que cette complainte peut encore avoir lieu sous lâempire du Code de procĂ©dure, car il rapporte, sans aucune observation contraire, les lois et les auteurs qui lâadmettaient autrefois. Cependant, sous l'empire mĂȘme de lâancienne lĂ©gislation , qui avait une disposition prĂ©cise, ce principe fut attaquĂ©, notamment par Bourjon, Droit commun de la France, t. 2, tit. A, cli. de la Complainte. Il paraĂźt, dit-il, quâil ne peut sâappliquer que lorsquâune succession est contestĂ©e entre plusieurs ; mais si ces contestations sâĂ©lĂšvent avant lâan, câest le cas du sĂ©questre ; aprĂšs lâan, il y a alors fin de non recevoir Ă intenter cette action. Je nây vois donc pas de base ; câest vain examen, vaine curiositĂ©, plus que rĂ©alitĂ© que cette dĂ©cision. » M. Merlin admet aussi la complainte pour universalitĂ© de meubles, comme on peut le voir sous ce mot de son RĂ©pertoire. MM. Levasseur, des Justices de paix; Dumont, Barbedette-Charmelais, Poncet, des Actions; Pigeau, Comment, posthum. ; Vazeille, des Prescriptions; Guichard, dans ses Questions possessoires ; Brossard, Juridiction civile des juges de paix, n°297; MM. ZachariĂŠ et Troplong partagent ce sentiment. VoilĂ sans doute des autoritĂ©s bien nombreuses et bien imposantes ; cependant nous sommes dâun avis contraire, et jamais aucun principe ne nous a paru plus Ă©vident que celui qui refuse lâaction possessoire pour universalitĂ© de meubles. Les â m â auteurs que nous venons de citer nous paraissent avoir cĂ©dĂ© trop facilement Ă lâinfluence des anciens principes, sans faire attention aux changements essentiels quâils ont subis. A tous ces auteurs, nous pouvons dâailleurs en opposer dâautres dont les noms font aussi autoritĂ© en jurisprudence. M. Favard de Langlade, dans son RĂ©pertoire, au mot Complainte, dĂ©cide nettement que lâaction possessoire nâa pas lieu pour universalitĂ© de meubles. M. Adolphe Chauveau, que nous avons eu lâavantage de compter au nombre de nos confrĂšres Ă la cour de cassation, et qui est maintenant professeur de droit administratif Ă la facultĂ© de Toulouse, dans un article remarquable insĂ©rĂ© au 8' cahier de son Journal des avouĂ©s de 1832; M. CarrĂ©, dans son ouvrage sur les Justices de paix, le disent Ă©galement. Ce dernier se fonde sur ce que le Code de procĂ©dure ne rĂ©pĂšte pas la disposition de lâordonnance de 1657, qui, comme nous lâavons dĂ©jĂ vu, autorisait formellement la complainte pour universalitĂ© de meubles ; sur ce que toutes ses dispositions supposent quâil sâagit dâimmeubles ; que lâart. 1041 du mĂȘme Code abroge toutes lois, coutumes et usages relatifs Ă la procĂ©dure ; sur ce que lâart. 2279 du Code civil proclame en principe quâen fait de meubles, possession vaut titre. On conçoit difficilement, dit-il, lorsque la loi garde le silence, comment il se pourrait faire quâune totalitĂ© fĂ»t dâune autre nature que les unitĂ©s dont elle se compose. » Câest aussi dans ce sens que sâexplique fort nettement M. Aulanier. On admettait gĂ©nĂ©ralement autrefois, dit-il au n° 72, que lâaction possessoire Ă©tait recevable pour une univer- â 236 â salitĂ© de meubles composant une succession purement mobiliĂšre, beaucoup dâauteurs, entraĂźnĂ©s par la routine, professent encore cette opinion tout-Ă -fait dĂ©nuĂ©e de fondement. Comme en fait de meubles la possession vaut titre, il ne serait pas raisonnable de faire pour les universalitĂ©s mobiliĂšres une exception Ă la rĂšgle qui interdit la complainte pour les biens mobiliers. » Enfin, MM. belime, Caron et Dalloz repoussent Ă©galement lâaction possessoire pour universalitĂ© mobiliĂšre. Voyons, au surplus, sur quelles raisons se fondent ceux qui prĂ©tendent que la complainte a lieu pour universalitĂ© de meubles provenant dâune succession. Un particulier dĂ©cĂšde ne laissant que des meubles. Plusieurs individus se prĂ©sentent presque aussitĂŽt et se disputent lâhĂ©rĂ©ditĂ©. Ils veulent se mettre en possession. Il est Ă©vident que ni lâun ni lâautre ne peut intenter la complainte. Il nây a pour aucun dâeux de possession particuliĂšre, ils nâont que celle quâavait le dĂ©funt; mais ils ne peuvent lâinvoquer ni lâun ni lâautre, puisque leur qualitĂ© dâhĂ©ritiers est contestĂ©e et incertaine. Il nây a donc lieu quâau sĂ©questre. Supposons maintenant que lâun des prĂ©tendants se soit mis en possession de lâhĂ©rĂ©ditĂ© depuis un an ; quâaprĂšs ce temps un autre se prĂ©sente comme hĂ©ritier pour le tout ou pour la moitiĂ©, et quâil sâempare de ce quâil prĂ©tend lui appartenir. Le premier .pourra-t-il intenter la complainte? Si lâaffirmative Ă©tait admise, il pourrait user et abuser, et en fin de cause il adviendrait que, soit par le simple usage, soit par mauvaise foi, tous les meubles se trouveraient dĂ©truits ou dissipĂ©s, et que son insolvabilitĂ© rendrait tout recours illusoire, inconvĂ©nient qui nâest pas Ă craindre pour les immeubles. Mais, objectera-t-on peut-ĂȘtre, lâusurpation ne sera pas rĂ©pri- â 237 â mĂ©e ; la voie de fait sera donc encouragĂ©e, rĂ©compensĂ©e? Celui qui lâaura commise se sera donc créé un droit qui lâemportera sur une possession paisible ? Nous rĂ©pondons que la loi donne aux magistrats le moyen dâobvier Ă cet inconvĂ©nient par le sĂ©questre, qui garantit, autant que possible, tous les intĂ©rĂȘts; que sâil est probable que celui qui se sera emparĂ© de vive force des meubles sâempressera de les dissiper, et quâainsi le sĂ©questre ne pourra avoir lieu, Ă©videmment la complainte ne serait pas plus efficace pour lâempĂȘcher de les dĂ©tourner et de les dissiper, et quâen fin de cause, sâil est reconnu nâavoir aucun droit Ă la propriĂ©tĂ©, il peut ĂȘtre condamnĂ© comme voleur ; que la crainte de cette condamnation est la seule garantie que le lĂ©gislateur ait pu donner contre de telles voies de fait aussi, mĂȘme dans le droit romain, qui admettait lâinterdit utrubi pour meubles, en cas de trouble, il nây en avait pas pour la dĂ©possession par voie de fait. Vinnius en fait la remarque Hoc interdictum recuperandĆ possessions ad res mobiles non pertinet, cum in eo casu safficiat acho furti, aut vi bonorum raptorum; cela sâapplique Ă tous les cas, mĂȘme Ă ceuxĂčle meubles isolĂ©s qui auraient Ă©tĂ© dĂ©robĂ©s. Ce que nous venons de dire sâapplique Ă©galement au cas oĂč un particulier sâemparerait de tous les meubles dâune succession, parce quâil prĂ©tendrait les avoir acquis du dĂ©funt ou de ses hĂ©ritiers. Dans toutes les contestations qui peuvent naĂźtre pour les meubles, soit quâil sâagisse de quelques-uns seulement, soit quâil sâagisse dâune universalitĂ©, nous ne voyons que des questions de propriĂ©tĂ©. Celui qui dĂ©tient est rĂ©putĂ© propriĂ©taire, parce quâen matiĂšre mobiliĂšre la possession vaut titre; il peut sâĂ©lever une contestation â 238 â non-seulement sur la qualitĂ© dâhĂ©ritier, mais encore sur la question de savoir si les meubles ou quelques-uns dâentre eux appartenaient au dĂ©funt et font partie de sa succession ; nous ne connaissons pas dâaction possessoire pour se faire maintenir dans un droit, un titre dâhĂ©ritier; enfin la complainte est rĂ©elle et doit toujours sâappliquer Ă un objet dĂ©terminĂ©, et non Ă un droit intellectuel. Ajoutons, en terminant sur ce point, que le motif donnĂ© par les auteurs sur les dispositions de la Coutume et de lâordonnance qui autorisaient la complainte pour universalitĂ© de meubles, Ă©tait le mĂȘme que celui qui lâadmettait pour les rentes constituĂ©es et les offices. Ces diverses choses Ă©taient des immeubles fictifs, et ils disent tous que lâuniversalitĂ© mobiliĂšre participe de cette fiction, sapit quid immobile. Ce nâĂ©tait donc quâĂ cause de la nature immobiliĂšre que la complainte Ă©tait reçue; il Ă©tait donc vrai de dire, alors comme aujourdâhui, que la complainte ne pouvait avoir lieu que pour choses ou droits rĂ©els immobiliers ; mais notre Code nâayant plus rangĂ© dans cette catĂ©gorie les rentes, les offices, lâuniversalitĂ© des meubles, toutes ces choses Ă©tant au contraire meubles, il sâensuit nĂ©cessairement quâil nây a plus de raison pour quâaucune dâelles puisse donner lieu Ă la complainte. SECTION III. Immeubles par destination. Les auteurs sont bien laconiques relativement aux immeubles par destination. M. CarrĂ©, dans son dernier ouvrage, tome 2, page 250, n° 1403, se borne Ă dire Les choses immobiliĂšres par leur nature ne sont pas les seules â -239 â Ă lâĂ©gard desquelles la loi donne ouverture Ă cette action ; elle est Ă©galement recevable par rapport Ă celles que la loi rĂ©putĂ© immeubles fictifs par leur destination ou par leur application. Telles sont les objets mentionnĂ©s dans les art. 524, 525 et 526 du Code civil. » M. le prĂ©sident Ilenrion de Panseycite Imbert, qui dit On peut dĂ©fendre en matiĂšre possessoire quand elle est mue et formĂ©e pour meubles, quâils ne tiennent et ne sont adhĂ©rents aux immeubles; car sâils sont conjoints et accessoires des immeubles, la complainte est bien recevable. » M. le prĂ©sident cite encore Brodeau, qui, sur lâart. 07 de la Coutume, sâexprime ainsi La complainte a lieu pour les meubles adhĂ©rents et cohĂ©rents ou incorporĂ©s au fonds, et qui ne sont pas possĂ©dĂ©s comme chose mobiliĂšre, comme les ustensiles tenant Ă fer et Ă clous, chevillĂ©s ou scellĂ©s en plĂątre et mis pour perpĂ©tuelle demeure, qui ne peuvent ĂȘtre emportĂ©s sans fraction ni dĂ©tĂ©rioration. » Comme on le voit, lâopinion de ces auteurs est limitĂ©e. Elle nâembrasse que les choses mobiliĂšres qui sont adhĂ©rentes aux immeubles, qui tiennent Ă fer et Ă clous, sont chevillĂ©es ou scellĂ©es en plĂątre, etc., etc. Cependant M. Henrion de Pansey en tire une conclusion bien plus gĂ©nĂ©rale. Ainsi, dit-il, celui qui est troublĂ© dans la jouissance dâune maison peut demander dâĂȘtre maintenu dans la possession, non-seulement de lâĂ©difice, mais des meubles quâil renferme, et qui par leur destination sont rĂ©putĂ©s immeubles. Il en est de mĂȘme des mouches Ă miel et de toutes les choses mobiliĂšres que le Code civil rĂ©putĂ© immeubles, â 240 â Pour tous ces objets, le possesseur qui en est dĂ©pouillĂ© nâest pas rĂ©duit, comme pour les meubles proprement dits, Ă lâaction en revendication, action pĂ©titoirequi impose Ă celui qui l'intente lâobligation de prouver sa propriĂ©tĂ©. Il peut prendre la voie de la complainte, ce qui lui procure deux avantages 1° il suffit quâil prouve quâil possĂ©dait un an avant le fait dont il se plaint; 2° il a la facultĂ© de porter son action devant le juge de paix, quelle que soit la valeur de lâobjet quâil rĂ©clame. » Mais les meubles deviennent immeubles par destination de plusieurs maniĂšres ; les uns y sont incorporĂ©s, scellĂ©s Ă plĂątre, ou Ă chaux, ou Ă ciment, ou y sont placĂ©s de telle maniĂšre quâils ne peuvent ĂȘtre dĂ©tachĂ©s sans ĂȘtre fracturĂ©s ou dĂ©tĂ©riorĂ©s, ou sans briser ou dĂ©tĂ©riorer la partie du fonds Ă laquelle ils sont attachĂ©s. Les autres le deviennent parce quâils sont livrĂ©s par le propriĂ©taire au fermier ou au mĂ©tayer pour la culture, ou placĂ©s par lui pour le service et lâexploitation de ce fonds. Tels sont, indĂ©pendamment des animaux, les ustensiles aratoires, les semences donnĂ©es au fermier ou colon partiaire ; Les pigeons des colombiers ; Les lapins des garennes ; Les ruches Ă miel ; Les poissons des Ă©tangs ; Les pressoirs, chaudiĂšres, alambics, cuves et tonnes; Les ustensiles nĂ©cessaires Ă lâexploitation des forges, papeteries et autres usines ; Les pailles et engrais. A cette nomenclature, on peut ajouter les nĂšgres qui, dans les colonies, sont jusquâĂ l'affranchissement promis â 211 â par la loi du 24 avril 1833, considĂ©rĂ©s comme immeubles quand ils sont attachĂ©s Ă lâexploitation des fonds. Ădit de mars 1685, dit Code noir, art. 48. Mais cette qualitĂ© dâimmeubles par destination que la loi donne aux objets que le propriĂ©taire a placĂ©s pour le service et lâexploitation dâun fonds, nâĂ©tant que le rĂ©sultat dâune fiction qui doit cĂ©der Ă la rĂ©alitĂ©, disparaĂźt aussitĂŽt que le propriĂ©taire a changĂ© la destination de ces objets et les a rendus Ă leur qualitĂ© naturelle de meubles en les dĂ©tachant du fonds. La cour de cassation a, par trois arrĂȘts des 5 aoĂ»t 1829, 3 aoĂ»t 1831 et 17 juillet 1838, appliquĂ© ces principes dans des espĂšces oĂč il sâagissait dâesclaves placĂ©s sur une habitation aux colonies ; elle a jugĂ© que ces esclaves nâont le caractĂšre dâimmeubles par destination quâaussi longtemps quâils restent attachĂ©s au fonds, et quâils perdent ce caractĂšre et recouvrent la qualitĂ© de meubles dĂšs lâinstant quâils en sont distraits par la vente sĂ©parĂ©e quâen fait le propriĂ©taire. Il existe bien une loi du 18 juillet 1845 relative au rĂ©gime et au rachat des esclaves dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de Bourbon et leurs dĂ©pendances ; mais elle ne change rien aux principes ci-dessus exposĂ©s. Quant aux meubles immobilisĂ©s par leur incorporation et leur adhĂ©rence au fonds, nul doute que le possesseur annal de la maison ne puisse former complainte, et que le juge de paix, aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© quâils ont avec cet Ă©difice lâadhĂ©rence qui leur donne le caractĂšre dâimmeubles, ne doive prononcer la maintenue ou la rĂ©intĂ©grande. Par exemple, il est des poĂȘles pratiquĂ©s dans des murs pour chauffer deux piĂšces, et qui y sont, ainsi que leurs 16 â 242 â tuyaux, scellĂ©s Ă fer, chaux et plĂątre; celui qui dĂ©truirait ou enlĂšverait ces objets troublerait le dĂ©tenteur dans la possession de sa maison, car ils en font partie essentielle tout comme un mur, une cloison, des grilles, la toiture, qui, en cas dâatteinte de la part dâun tiers, pourraient ĂȘtre lâobjet de lâaction possessoire. les principes ont Ă©tĂ© consacrĂ©s par arrĂȘt de la cour de cassation du 18 aoĂ»t 18 / 2 , rendu au prolit dâune commune qui avait poursuivi un particulier par action possessoire pour avoir enlevĂ© les barres de bois, cadenas et boulons dâune barriĂšre destinĂ©e Ăą la clĂŽture dâune place publique. Mais, malgrĂ© la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes dans lesquels est conçue lâopinion de M. Henrion de Pansey, il y a plus de difficultĂ© Ă admettre la complainte pour les meubles immobilisĂ©s, sans adhĂ©rence au fonds, par exemple pour les nĂšgres, les mouches Ă miel, les semences donnĂ©es au fermier, les pigeons, les lapins. Au premier aspect, il paraĂźt Ă©trange quâon puisse lâintenter Ă celui qui se sera emparĂ© de quelques abeilles, pigeons ou lapins, de pailles ou de grains destinĂ©s aux semences, de charrue, de faux ou autres instruments dâagriculture, de moutons ou chevaux qui se trouvaient dans les bĂątiments dâune ferme ou dans un champ qui en dĂ©pend. On peut objecter que toutes ces choses ne deviennent immeubles que par lâeffet dâune intention ou dâune convention souvent inconnue des tiers, et qui ne peut avoir dâeffet Ă leur Ă©gard ; que la fiction lĂ©gale ne les concerne pas et quâils ne -doivent voir que leur nature rĂ©elle ; quâil est impossible de se faire maintenir dans la possession de mouches Ă miel, de lapins, de semences qui peuvent avoir Ă©tĂ© dĂ©truits ou avoir passĂ© en plusieurs mains; que â 243 â les seules actions quâon puisse intenter Ă leur sujet sont une demande en dommages-intĂ©rĂȘts devant les tribunaux civils, ou une action devant les tribunaux criminels pour vol ou pour destruction dâobjets mobiliers. A cela on peut rĂ©pondre que le dĂ©tenteur possĂšde plutĂŽt une habitation garnie de nĂšgres, un colombier garni de pigeons, une garenne garnie de lapins, une ferme pourvue de ruches Ă miel, de moutons, chevaux, instruments aratoires, semences, engrais, quâil ne possĂšde des nĂšgres, des pigeons, des lapins, etc., et que, consĂ©quemment, câest moins dans la possession de ces objets mobiliers quâil sâagit de le maintenir ou rĂ©intĂ©grer que dans celle de la garenne, du colombier, de la ferme, dont tous ces objets font partie nĂ©cessaire, puisquâils sont destinĂ©s au service de lâexploitation, quâils constituent le domaine rural, qui, sans eux, pourrait devenir inutile et nĂ©gligĂ©. Ce sont les diffĂ©rentes parties dâun mĂȘme tout. Lâaccessoire est de la mĂȘme nature que le principal et doit en suivre le sort, dâaprĂšs la maxime Accessorium sequitur vicem rei principalis. Le possesseur annal de ces accessoires, lorsquâils y ont Ă©tĂ© placĂ©s depuis un an, demandera donc Ă ĂȘtre maintenu dans la possession de la garenne, du colombier, de la ferme, et, consĂ©quemment, des objets qui en font partie. Sans doute cette action sera intentĂ©e rarement, soit parce que le possesseur prĂ©fĂ©rera prendre la voie criminelle, comme plus propre h rĂ©primer sĂ©vĂšrement lâatteinte portĂ©e Ă ses droits, soit parce quâil aura la conviction que lâauteur de la soustraction nâĂ©lĂšve aucune prĂ©tention Ă la propriĂ©tĂ© ni Ă la possession du surplus de son immeuble, et quâune demande en dommages-intĂ©rĂȘts le satisfait pleinement ; mais il nâen est pas moins certain quâil a la facultĂ© dâopter pour lâaction posses- soire, qui devra ĂȘtre accueillie soit que le dĂ©fendeur ait commis le fait avec prĂ©tention annoncĂ©e Ă la propriĂ©tĂ© ou Ă la possession de la ferme, ou de lâobjet particulier qui en a Ă©tĂ© distrait, soit quâil ait renoncĂ© devant la justice Ă cette prĂ©tention. Cette solution est conforme aux principes du droit commun ; car lorsque des bois, des blĂ©s, des foins sont coupĂ©s et enlevĂ©s, le possesseur a le choix ou de la voie criminelle, ou de la simple action civile en restitution de ces objets avec indemnitĂ©, ou de lâaction posses- soire, pour ĂȘtre maintenu en possession de son hĂ©ritage, sans pouvoir ĂȘtre repoussĂ©, soit parce que ce sont des objets mobiliers quâon lui a enlevĂ©s, que lâauteur ne se prĂ©tend ni propriĂ©taire ni possesseur, soit parce que ces objets sont dĂ©jĂ consommĂ©s ou vendus. Mais si le fermier ou tout autre individu qui aurait soustrait des meubles adhĂ©rens ou non au fonds les avait ensuite vendus et livrĂ©s Ă un tiers, lâaction possessoire pourrait-elle ĂȘtre intentĂ©e contre celui-ci? Il est bien certain que la complainte peut ĂȘtre intentĂ©e contre le tiers qui aurait acquis un champ ou une maison de celui qui ne les dĂ©tiendrait que par suite dâun trouble ou dâune usurpation. Mais le Code civil a, relativement aux meubles, des dispositions importantes quâil ne faut pas perdre de vue. Art. 564. Les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou Ă©tang, appartiennent au propriĂ©taire de ces objets, pourvu quâils nây aient point Ă©tĂ© attirĂ©s par fraude et artifice. Art. 2279. En lait de meubles, la possession vaut titre. NĂ©anmoins, celui qui a perdu ou auquel il a Ă©tĂ© volĂ© â 2io â une chose peut, la revendiquer pendant trois ans, Ă compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve, sauf Ă celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. Art. 2280. Si le possesseur actuel de la chose volĂ©e ou perdue lâa achetĂ©e dans une foire ou dans un marchĂ©, ou dans une vente publique, ou dâun marchand vendant choses pareilles, le propriĂ©taire originaire ne peut se la faire rendre quâen remboursant au possesseur le prix quâelle lui a coĂ»tĂ©. » Ces dispositions de la loi sâappliquent-elles Ă tous les meubles sans distinction, ou ne concernent-elles que les meubles non devenus immeubles par destination ? Il nous semble difficile de pousser les consĂ©quences de lâimmobilisation jusquâĂ soustraire les meubles, qui en sont lâobjet, Ă lâempire de la rĂšgle Ă©tablie par les articles prĂ©citĂ©s. Ils ne sont immeubles que parce quâon les considĂšre comme unis au fonds, et Ă cause de leur corrĂ©lation avec ce fonds. Quâils aient le caractĂšre immobilier entre le propriĂ©taire et le fermier, ou Ă lâĂ©gard de tous ceux qui connaĂźtraient la convention ou le fait qui les rendent tels; que celui qui, sâintroduisant dans la maison, et enlevant le poĂȘle quâil a vu pratiquĂ© dans le mur et scellĂ©, soit considĂ©rĂ© comme ayant attentĂ© Ă lâimmeuble, rien de mieux, parce quâau moment de la voie de fait la chose a ce caractĂšre ; mais elle est devenue meuble aprĂšs lâattentat. A lâĂ©gard du tiers, elle nâest et ne peut ĂȘtre quâun meuble, puisquâelle est telle par sa nature, et que sa destination est dĂ©truite. Le lĂ©gislateur a bien senti la nĂ©cessitĂ© de consacrer des dispositions particuliĂšres sur les meubles. Ils passent rapidement de mains en mains, sans contrat, sans â 216 â que les parties qui se les transmettent se connaissent. Souvent tout est terminĂ© Ă lâinstant; lâun livre, lâautre paye. OĂč en serait le commerce si lâon pouvait, par des exceptions purement lĂ©gales, dont rien nâindique lâapplication Ă tels on tels meubles, anĂ©antir un achat consommĂ© par la livraison et le payement ? Le Code a fait une exception pour le cas du vol ou de la perte de la chose ; mais cette exception, que la morale et lâĂ©quitĂ© justifient Ă©galement, doit ĂȘtre restreinte Ă ses termes prĂ©cis. La seule action que donne la loi est la revendication dans le dĂ©lai de trois ans de la perte ou du vol. Une simple action possessoire nâest point une revendication elle ne pourrait y supplĂ©er. Si lâon pouvait lâadmettre, la loi serait Ă©ludĂ©e. Celui qui aurait possĂ©dĂ© pendant un an se ferait maintenir par la complainte, et il en resterait lĂ , parce quâil ne lui serait peut-ĂȘtre pas possible de prouver sa propriĂ©tĂ©. Cependant, dâaprĂšs le principe que celui qui a Ă©tĂ© maintenu au possessoire nâa plus rien Ă prouver, il gagnerait dĂ©finitivement, puisquâil rejetterait sur son adversaire la preuve de la propriĂ©tĂ©. Pour pouvoir revendiquer dans le cas de lâarticle prĂ©citĂ© , il faudra presque toujours agiter la question de propriĂ©tĂ©. Le tiers qui sera prĂ©venu dâavoir achetĂ©, volĂ© ou trouvĂ© une chose quâon soutiendra ne pas lui appartenir, prĂ©tendra quâil en est le propriĂ©taire. Comment maintenir en possession de cette chose celui qui, dans la rĂ©alitĂ©, nây aurait aucun droit? Toutefois, ce que nous venons de dire cesserait dâĂȘtre applicable si le tiers Ă©tait de mauvaise foi, sâil connaissait le caractĂšre immobilier de la chose. La fraude, en effet, fait exception Ă toutes les rĂšgles. Il en serait ainsi, mĂȘme quand il aurait achetĂ© dans une foire, marchĂ©, vente publique, ou dâun marchand vendant des choses pareilles, lâest ce quâa jugĂ© la cour de cassation, section criminelle, par arrĂȘt du 25 novembre 1825, rapportĂ© aux Annales de jurisprudence et de lĂ©gislation commerciales, vol. de 1825, p. 2/i5. Une curandiĂšrc avait vendu dans un marchĂ© public des toiles qui lui avaient Ă©tĂ© confiĂ©es pour les blanchir, La curandiĂšre fut poursuivie pour abus de confiance, et lâacheteur comme complice par recelĂ©. Ils furent condamnĂ©s lâun et lâautre. Lâacheteur sâest pourvu en cassation, et lâun de ses moyens Ă©tait basĂ© sur la violation de lâarticle 2280 du Iode civil. 11 prĂ©tendait que cette disposition Ă©tait introduite dans lâintĂ©rĂȘt du commerce; que le lĂ©gislateur, en sâexprimant en termes gĂ©nĂ©raux qui nâadmettaient aucune distinction, sâĂ©tait fondĂ© sur la prĂ©somption lĂ©gale que celui qui achetait aussi publiquement une chose que tout autre que lui pouvait acquĂ©rir, Ă©tait Ă lâabri de tout soupçon, et Ă©tait lĂ©gitime propriĂ©taire. Mais ce moyen fut rejetĂ©, attendu que lâart. 2280 du Iode civil nâest applicable quâau dĂ©tenteur de bonne foi, et que dĂšs lors il ne pouvait lâĂȘtre Ă B..., dĂ©clarĂ© complice par recĂšlement, et par consĂ©quent constituĂ© en mauvaise foi. » Dans une autre espĂšce, un sieur QuarrĂ©, propriĂ©taire dâun bien rural auquel il avait attachĂ© un beau troupeau de moutons, l'afferma Ă un sieur Moreau ; celui-ci conduisit ce troupeau Ă un marchĂ© public, oĂč il le vendit Ă un sieur Lesage. Le propriĂ©taire du domaine attaqua cette vente, qui fut cependant validĂ©e tant en premiĂšre instance quâen appel. Il se pourvut en cassation, et lâun 218 â de ses moyens consistait Ă prĂ©tendre que les articles 2270 et 2280 du Code civil, ci-dessus rapportĂ©s, ne pouvaient ĂȘtre invoquĂ©s par lâacquĂ©reur pour conserver le troupeau ; que ce troupeau Ă©tait immeuble par destination, aux termes des articles 523 et 524 du Code civil ; que celui qui acquiert un immeuble a non domino nâen devient propriĂ©taire que par une possession prolongĂ©e pendant le temps nĂ©cessaire pour constituer la prescription, et que jusque-lĂ il profite seulement des fruits sâil est de bonne foi, circonstance qui nâexistait pas. Mais par arrĂȘt du 8 mai 1827, qui, Ă notre connaissance, nâa Ă©tĂ© insĂ©rĂ© dans aucun recueil, la chambre des requĂȘtes a rejetĂ© ce moyen, en disant que les articles de lois invoquĂ©s par le demandeur nâĂ©taient pas applicables Ă la cause; que la mauvaise foi nâĂ©tait pas prouvĂ©e. SECTION IV. Des immeubles ameublis par stipulation. 11 nous reste Ă dire un mot des immeubles qui ont Ă©tĂ© ameublis. DâaprĂšs lâarticle 1505 du Code civil, les Ă©poux ou lâun dâeux peuvent faire entrer dans la communautĂ© les immeubles qui leur appartiennent. Cette clause sâappelle ameublissement. Nous nâentretiendrions pas nos lecteurs de la difficultĂ© qui peut se prĂ©senter de savoir si la complainte est recevable Ă raison de ces immeubles, si nous nâavions Ă©tĂ© tĂ©moin dâune discussion trĂšs-vive dans laquelle la nĂ©gative a Ă©tĂ© soutenue fortement. Ces immeubles, disait-on, perdent leur caractĂšre. Puisque la loi qui repousse la complainte pour les objets â 2i9 â mobiliers est conçue en termes gĂ©nĂ©raux qui nâadmettent aucune distinction , quâil sâagit dâune matiĂšre de la compĂ©tence dâun juge spĂ©cial, il faut sâen tenir strictement Ă la rĂšgle. Or, la complainte Ă©tant admise pour les meubles qui, par leur adhĂ©rence Ă des immeubles, deviennent immeubles fictifs, il faut la rejeter Ă lâĂ©gard des immeubles qui, par la convention, changent de nature et deviennent des meubles fictifs. Mais ces raisonnements ne sont que de purs sophismes. Et dâabord, comme en matiĂšre de complainte il ne sâagit [ue de possession , que la propriĂ©tĂ© est incertaine, chacun prĂ©tendant avoir possĂ©dĂ© Ă titre de propriĂ©taire; que ce serait dâailleurs la convention seule qui changerait lâĂ©tat des choses, il serait impossible dâadmettre la doctrine que nous combattons, puisque les contrats nâont dâellet quâentre les parties; que le juge de paix ne peut les interprĂ©ter, et que, souvent en les interprĂ©tant, il ne pourrait savoir si lâimmeuble appartient aux Ă©poux ou au tiers qui les a troublĂ©s ou quâils ont troublĂ©. '.eux qui soutiennent lâopinion contraire Ă la nĂŽtre mettent donc en fait ce qui est en question ; ils supposent comme constant que lâimmeuble appartient en propriĂ©tĂ© aux Ă©poux, ou quâil est compris positivement dans une clause dâameublissement. Mais en admettant cette supposition comme la vĂ©ritĂ©, nous dirons quâon ne serait pas mieux fondĂ© Ă repousser la complainte. Il nâest pas vrai, il nâest pas mĂȘme possible que les immeubles deviennent des meubles par le seul effet dâune convention. Tout ce qui en rĂ©sulte, câest que la communautĂ© en devient propriĂ©taire et en dispose sans en de- â 250 â voir dâindemnitĂ© Ă celui des Ă©poux qui les a apportĂ©s; câest un effet purement lĂ©gal et pas du tout matĂ©riel. Ce sont toujours des immeubles, puisquâils ne peuvent se transporter dâun lieu Ă un autre. Toutes les raisons que nous avons donnĂ©es pour justifier la nĂ©cessitĂ© dâune complainte en matiĂšre immobiliĂšre sâappliquent assurĂ©ment aux immeubles soumis Ă la clause dâameublissement, tandis quâaucune de celles que nous avons donnĂ©es pour repousser une semblable action en matiĂšre mobiliĂšre ne sâapplique Ă ces mĂȘmes immeubles. Nous nous livrerons, dans les chapitres suivants, Ă de plus grands dĂ©veloppements Ă lâĂ©gard de plusieurs points traitĂ©s dans celui-ci. Nous avons dĂ» nous borner, quant Ă prĂ©sent, Ă des idĂ©es gĂ©nĂ©rales, Ă poser des principes ; nous en ferons plus tard lâapplication. CHAPITRE II Des divers immeubles et droits rĂ©els qui peuvent ĂȘtre lâobjet des actions possessoires. Maintenant quâil est bien Ă©tabli que les immeubles et droits rĂ©els immobiliers donnent seuls lieu Ă lâaction pos- sessoire, il convient dâexaminer sĂ©parĂ©ment chacune des choses de Cette nature qui peuvent en devenir lâobjet. Lâarticle 3 du Code de procĂ©dure, aprĂšs avoir dĂ©signĂ© nominativement les actions relatives aux dĂ©placements de bornes, aux usurpations de terre, arbres, haies, fossĂ©s et autres clĂŽtures, ajoute et toutes autres actions possessoires. » La loi du 25 mai 1838 attribue aux juges de paix la connaissance des entreprises sur les cours dâeau servant Ă lâirrigation des propriĂ©tĂ©s, et au mouvement des usines et moulins, des dĂ©nonciations de nouvel Ćuvre, complaintes , rĂ©intĂ©grandes et antres actions possessoires. Ces articles de loi indiquent une premiĂšre division entre les choses expressĂ©ment Ă©noncĂ©es et celles qui ne le sont pas. SECTION ] rc . Des choses dĂ©signĂ©es par le Code de procĂ©dure et par la loi du 25 mai 1838 comme pouvant ĂȘtre lâobjet des actions possessoires. Nous suivrons, dans les dĂ©veloppements que nous avons Ă donner sur ce sujet, lâordre adoptĂ© par le Code et par la loi de 1838 ; nous commencerons par le dĂ©placement de bornes. â 232 â § 1". Des dĂ©placements de bornes. Suivant les auteurs du Nouveau Denisart, MM. Merlin, Favard, au mot borne; Toullier, t. 3, p. l/i5; Pardessus, des Servitudes, n° 120, on entend par bornes, en gĂ©nĂ©ral, toute sĂ©paration naturelle ou artificielle qui marque les confins ou la ligne de division de deux hĂ©ritages contigus. On peut planter des arbres ou une haie pour servir de bornes, creuser un fossĂ©, Ă©lever un talus, un mur, etc. Mais on entend communĂ©ment par bornes, des pierres plantĂ©es debout et enfoncĂ©es en terre aux confins de deux hĂ©ritages. Quelquefois on plante Ă chaque extrĂ©mitĂ© des confins deux pierres rĂ©unies, pour leur donner le caractĂšre de bornes; dâautres fois on nâen plante quâune seule, et, pour la mieux caractĂ©riser, on brise une brique ou lâon fend une pierre en deux morceaux, que lâon rĂ©unit, puis on les place au-dessous de la borne. » Chez les Romains, les bornes Ă©taient sacrĂ©es. Selon Festus, in voce Termino, ils en avaient fait un dieu; ils sacrifiaient au dieu Terme, parce quâils croyaient que les bornes des hĂ©ritages Ă©taient sous sa protection Termine, tel lapis, lu quoque numen liabes. Ovin., Fast., 1. 2. CâĂ©tait Ă cause des sacrifices que faisaient les paĂŻens sur le lieu oĂč ils plaçaient ces bornes, quâon y trouvait de la cendre et du charbon. Lâusage de mettre ces signes sous les bornes, qui sâest maintenu jusquâĂ nos jours, nâa probablement pas dâautre origine, â 253 â Numa Pompilius voua Ă lâexĂ©cration publique et celui qui faisait passer la charrue sur une borne et les animaux dont il se servait Qui Terminum exarassit, ipse â 293 â 3° Il en serait de mĂȘme pour ce qui tient aux chemins de halage dont le sol est en gĂ©nĂ©ral la propriĂ©tĂ© des particuliers, sur lequel lâEtat est censĂ© nâavoir quâune servitude, et pour ce qui est des lits abandonnĂ©s, aux termes de lâart. 563 , ou du cas oĂč le fleuve,.en se formant un bras nouveau , coupe et embrasse le champ dâun propriĂ©taire riverain et en fait une Ăźle art. 562 ; ou encore du droit de pĂȘche, dans le cas prĂ©vu par lâarticle h de la loi du 15 avril 1820. A plus forte raison, lâaction possessoire est-elle admise dans toutes ces hypothĂšses, lorsque le dĂ©bat, au lieu de sâĂ©lever entre lâEtat et des particuliers, sâagite entre des particuliers seulement. Il y a plus, et le trouble dans la possession de9 eaux navigables ou de leurs accessoires qui ne donnerait pas lieu Ă lâaction possessoire entre lâEtat et les particuliers, rend au contraire cette action gĂ©nĂ©ralement recevable entre ceux-ci. Le gouvernement seul a le droit dâautoriser Ă faire des prises dâeau dans les riviĂšres du domaine public; mais la concession une fois faite, les difficultĂ©s survenues entre divers concessionnaires ou riverains sont du ressort des tribunaux, surtout lorsquâelles sâagitent au possessoire. Nous pourrions Ă©tayer notre opinion dâun dĂ©cret du 10 septembre 1808 et dâun arrĂȘt du conseil du 9 janvier 1828, rendu sur conflit. Nous convenons quâon y aura recours rarement, parce quâĂ raison du mĂ©lange ordinaire de lâintĂ©rĂȘt public et privĂ©, on pourra obtenir de lâadministration la rĂ©pression du fait dommageable ; mais il pourra quelquefois en ĂȘtre autrement. Lâaction possessoire ne pourrait ĂȘtre refusĂ©e contre le â 29t â particulier qui arrĂȘterait le mĂ©canisme, les roues de lâusine ou sâinstallerait dans le bĂątiment. Il en serait de mĂȘme du cas oĂč, par exemple, il sâemparerait de la prisĂ© dâeau dont le voisin est en possession depuis un an, soit pour arroser sa prairie, soit pour faire mouvoir son moulin, ou sâil faisait clans la riviĂšre des travaux qui lui nuisent. La rĂ©intĂ©grande serait certainement admise sâil y avait eu violence ou voie de fait. Toutes les raisons que nous avons donnĂ©es comme fondement de cette action sâappliqueraient trĂšs-bien ici. Nous ne comprendrions pas que lorsquâun particulier aurait commis les entreprises dont nous venons de parler, malgrĂ© la rĂ©sistance du possesseur, la rĂ©intĂ©grande pĂ»t ĂȘtre refusĂ©e Ă ce dernier. Nous pensons que la complainte devrait aussi ĂȘtre admise. Le dĂ©fendeur ne pourrait repousser ni lâune ni lâautre action en demandant la production des titres ; car, dĂšs que lâadministration peut autoriser les prises dâeau, les moulins, le possesseur est rĂ©putĂ©, Ă lâĂ©gard des tiers, avoir obtenu la permission ; seulement cette non production serait un motif pour que le juge de paix exigeĂąt du demandeur une possession bien plus positive rĂ©sultant de faits non Ă©quivoques. Les auteurs du Xouveau Denisart, V° Complainte, citent un arrĂȘt du parlement de Paris, du 20 mai 1761, qui consacre en partie ces principes, en admettant la complainte dans une espĂšce qui mĂ©rite dâĂȘtre remarquĂ©e, puisquâil sâagissait dâune riviĂšre navigable. M. le duc de Chaulues Ă©tait en possession, pour faciliter lâempoissonnement de ses Ă©tangs, de faire lever tous les ans, depuis le 15 aoĂ»t jusquâau 8 septembre, un â 295 â vantail de chaque Ă©cluse des moulins Ă©tant sur la riviĂšre de Somme navigable, dans une Ă©tendue de prĂšs de six lieues au-dessus et au-dessous de PĂ©ronne. Ayant Ă©tĂ© troublĂ© dans lâexercice de ce droit par le chapitre de PĂ©ronne, propriĂ©taireâ de plusieurs moulins sur cette riviĂšre, il forma complainte. Le chapitre soutenait que le droit prĂ©tendu par M. le duc de Chaulnes ne pouvait ĂȘtre quâune servitude, parce que le terrain sur lequel il lâexerçait ne relevait pas de lui, mais du roi, et que le droit sur la chose dâautrui est servitude quand il nâappartient pas au seigneur; dâoĂč le chapitre concluait quâil ne pouvait y avoir lieu Ă la complainte. LâarrĂȘt rendu sur les conclusions de M. Joly de Fleury accueille la demande, maintient et garde le duc de Chaulnes dans sa possession, avec dĂ©fenses de lây troubler, sauf au chapitre Ă se pourvoir au pĂ©titoire, ainsi quâil avisera. La jurisprudence moderne nâest pas moins positive. Nous avons citĂ© ci-dessus, et dans notre RĂ©gime des eaux, des dĂ©cisions qui ne laissent lĂ -dessus aucun doute. Vainement opposerait-on, comme contraire Ă ces principes, un arrĂȘt du conseil du 1 er fĂ©vrier 1833, parce que, dans lâespĂšce sur laquelle il est intervenu, il y avait mĂ©lange de lâintĂ©rĂȘt public et privĂ©; il sâagissait dâexĂ©cuter dans la riviĂšre des travaux qui pouvaient en exhausser le lit, contrairement aux besoins de la navigation. Ainsi toute discussion entre particuliers qui a pour objet des servitudes, des droits dâusage et de propriĂ©tĂ© de cours dâeau, et autres charges rĂ©sultant dâactes et contrats, ou qui sont fondĂ©s sur la possession plus ou moins longue, donne lieu Ă lâaction possessoire, soit que les actes Ă©manent de lâadministration, soit quâils renferment des conventions privĂ©es, car lâusage des eaux publiques peut ĂȘtre entre particuliers le sujet de conventions qui, bien que non opposables Ă lâadministration, nâen sont pas moins obligatoires*pour ceux qui les ont souscrites. Nous bornerons lĂ nos observations sur cette matiĂšre, que nous avons traitĂ©e avec plus dâĂ©tendue dans notre ouvrage dĂ©jĂ citĂ©. A ht. 2 . Des eaux qui ne sont ni na\ fables ni flottables. Nous subdiviserons cet article en deux numĂ©ros nous parlerons 1° des eaux qui ont un cours, 2° et des eaux qui nâen ont pas. Nous commence! ons par celles-ci. \ n 1 er . Des eaux qui 11*0111 pas de cours lacs, Ă©tangs, inares, citernes, puits, fontaines, eaux minĂ©rales. Les lacs, Ă©tangs, mares et citernes, sont des amas dâeaux dormantes plus ou moins considĂ©rables. 11 y a des lacs et Ă©tangs navigables auxquels il faut par consĂ©quent appliquer les rĂšgles que nous avons dĂ©jĂ donnĂ©es relativement aux eaux de cette nature. Nous ne nous occupons ici que de ceux qui ne sont ni navigables ni flottables. Ces derniers, quâils appartiennent Ă lâĂtat, aux communes ou Ă des particuliers, sont soumis aux principes que nous allons rappeler. Observons que le lac ne diffĂšre de lâĂ©tang quâen ce que, pour lâordinaire, il renferme une plus grande masse dâeau pie celui-ci. Lâun et lâautre en renferment plus que les âą mares et citernes. Les mares sont particuliĂšrement en usage dans la Normandie, et les citernes dans le Midi de la France. On nourrit ordinairement du poisson dans les lacs et Ă©tangs. Leurs terrains sont en pente, fermĂ©s le plus souvent par une chaussĂ©e ou dĂ©versoir auquel on adapte une bonde ou petite vanne qui sert Ă les mettre Ă sec pour la pĂȘche et le curage. La mare est une cav itĂ© de peu dâĂ©tendue qui ne contient communĂ©ment que des eaux pluviales, et qui sert au puisage, au lavage, Ă lâabreuvage des bestiaux. La citerne est un trou dont le fond, pavĂ©, glaisĂ© et couvert de sable, est destinĂ© Ă recevoir et conserver les eaux pluviales, et qui, Ă peu de choses prĂ©s, a la mĂȘme destination que la mare. Aucune loi ne dĂ©termine de distance Ă observer entre lâĂ©tang, la mare ou citerne que lâon Ă©tablit, et le fonds voisin. 11 faut se reporter Ă ce que nous avons dit, page 283, pour les fossĂ©s, et reconnaĂźtre quâen gĂ©nĂ©ral cet Ă©tablissement ne doit donner lieu quâĂ lâaction pĂ©tiâ toire. Si les eaux, par leur infiltration ou autrement, nuisaient aux voisins, ceux-ci auraient le droit de faire rĂ©parer le dommage. Ils ne seraient mĂȘme pas tenus dâattendre lâeffet des eaux ou des travaux ; ils pourraient poursuivre lâauteur des ouvrages, ainsi que nous lâavons vu prĂ©cĂ©demment; car la crainte fondĂ©e du dommage empĂȘche de jouir paisiblement, dĂ©prĂ©cie mĂȘme la propriĂ©tĂ©; il y a trouble Ă la possession. Le second projet de Code rural contient Ă cet Ă©gard des dispositions qui, bien que nâĂ©tant pas des lois, peuvent ĂȘtre ici utilement rappelĂ©es Art. 203. Celui qui fait construire un Ă©tang ne peut inonder aucune partie des hĂ©ritages voisins, sans le cou- â 298 â sentement des propriĂ©taires ou sans un titre formel ayant moins de trente ans de date. Il sera tenu de laisser Ă dĂ©couvert, entre le bord de son Ă©tang et lâhĂ©ritage voisin, un espace suffisant, suivant les circonstances locales, que ledit hĂ©ritage ne soit point incommodĂ© par les eaux. Cette distance sera rĂ©glĂ©e de grĂ© Ă grĂ© entre les parties ou par le juge de paix, sur un avis dâexperts, et sans le recours au tribunal de premiĂšre instance. Art. 20/i. Les propriĂ©taires dâĂ©tangs sont obligĂ©s dâentretenir en bon Ă©tat les chaussĂ©es, digues et dĂ©charges, Ă peine de rĂ©pondre des dommages qui rĂ©sulteraient de leur nĂ©gligence Ă cet Ă©gard. Les cas fortuits ou de force majeure demeurent exceptĂ©s. » Lorsque les divers objets dĂ©signĂ©s ci-dessus ont un dĂ©versoir, lâĂ©tendue du terrain qui les constitue et celle des hĂ©ritages voisins sont faciles Ă dĂ©terminer. Le propriĂ©taire de lâĂ©tang, etc., est rĂ©putĂ© lâĂȘtre de tout le terrain que lâeau couvre quand elle est Ă la hauteur du dĂ©versoir ; par consĂ©quent, la possession que les voisins peuvent acquĂ©rir pendant les basses eaux, sur partie de ce terrain, est prĂ©caire, inefficace, et ne peut autoriser la complainte, comme lâa jugĂ© un arrĂȘt de la cour de cassation du 25 avril 1811, Ă moins toutefois quâils nâaient fait des constructions qui empĂȘchent les eaux de revenir baigner le terrain quâelles occupent ; car alors la possession serait valable et bien diffĂ©rente de celle invoquĂ©e dans lâespĂšce de lâarrĂȘt ci-dessus, qui consistait seulement Ă avoir coupĂ© des herbes. Lâart. 558, en effet, nâa statuĂ© que pour le cas dâalluvion, câest-Ă -dire oĂč les choses restent en mĂȘme Ă©tat, ce qui nâeinpĂȘche pas dâappliquer â 299 â les rĂšgles clu droit commun sur la possession et la prescription ; Ă plus forte raison, le principe que lâalluvion nâa pas lieu Ă lâĂ©gard des Ă©tangs cesse-t-il dâĂȘtre applicable quand lâĂ©tang a disparu depuis plus de trente ans et quâil nâexiste plus quâun simple fossĂ© avec cours dâeau. ArrĂȘt de la cour de cassation du 28 avril 1845. Par consĂ©quent, lorsque lâĂ©tang a cessĂ© dâexister depuis trente ans, ceux qui en ont possĂ©dĂ© le lit pendant cette pĂ©riode en ont acquis la propriĂ©tĂ© par la prescription arrĂȘt de la cour de cassation du 29 dĂ©cembre 1845, et, aprĂšs une annĂ©e de possession pleine et entiĂšre du terrain de lâĂ©tang, le possesseur troublĂ© pourrait intenter lâaction possessoire. Dâun autre cĂŽtĂ©, le propriĂ©taire de lâĂ©tang nâacquiert aucun droit sur les terres que les eaux couvrent, soit par suite de crues extraordinaires, soit par lâexhaussement du dĂ©versoir. Art. 558 du Code civil. La disposition de cet article nâest que la reproduction du principe Ă©tabli, en droit romain, par la loi 12 ff. de acquir. re. do-min. Lacus et stagna licet interdum cres- cant interdum exarescant, suos tamen terminas retincnt; ideoque in his jus alluvionis non adgnoscitur. Lâinondation, dans le second cas lâexhaussement du dĂ©versoir, est mĂȘme un dĂ©lit, aux termes de la loi du 6 octobre 1791 et de lâart. 457 du Code pĂ©nal. Dans les deux cas, eĂ»t-elle durĂ© pendant une annĂ©e, elle ne pourrait autoriser la complainte. Il en est dilfĂ©remment des terres que les eaux couvrent par suite dâenvahissements successifs occasionnĂ©s par le flottement. Comme, dans ce cas, ces envahissements ne sont point le rĂ©sultat de lâĂ©lĂ©vation du dĂ©versoir, ni du dĂ©faut dâentretien des digues, ni enfin du fait du pro- â 300 â priĂ©taire, mais quâau contraire 1 Ă©tang ne sâest agrandi que successivement et par une cause naturelle, le propriĂ©taire profite de ces envahissements et conserve les terres envahies, qui dĂšs lors deviennent imprescriptibles comme les rives mĂŽmes de lâĂ©tang. ArrĂȘt du 17 dĂ©cembre 1838. 11 faut en dire autant des terrains couverts pĂ©riodiquement durant les crues annuelles de la saison dâhiver, dalla disposition de lâart. 558 du Code civil, de laquelle il rĂ©sulte que le propriĂ©taire dâun Ă©tang ne peut profiter des crues extraordinaires, ne doit sâentendre que des crues accidentelles et non des crues pĂ©riodiques. Les terrains couverts par ces derniĂšres sont rĂ©putĂ©s faire partie intĂ©grante du lit et des rives de lâĂ©tang et participent Ă son imprescriptibilitĂ©. ArrĂȘt du 9 novembre 18/il. Lâapplication de lâart. 558 entraine plus de difficultĂ© lorsquâil nâexiste pas de dĂ©versoir certain. Cependant il faut bien se rattacher au fait matĂ©riel de la possession qui doit servir de rĂšgle de dĂ©cision. La loi de 1791 dĂ©fendant dâinonder lâhĂ©ritage voisin, lors mĂȘme que lâĂ©tang nâapas de dĂ©versoir, il est indispensable de consulter lâĂ©tat des lieux et lâĂ©tendue de la jouissance respective pour connaĂźtre sâil y a ou non dĂ©lit. La possession annale doit ĂȘtre admise, autoriser la complainte et conduire Ă la solution de la question, comme la possession trentenaire servirait Ă dĂ©cider celle de propriĂ©tĂ©. Art. 271, deuxiĂšme projet de Code rural. Dans le mĂȘme cas, les titres peuvent ĂȘtre utilement consultĂ©s et servir Ă fixer le caractĂšre et lâĂ©tendue de la possession. Câest ce qui rĂ©sulte de cet art. 271 et dâun arrĂȘt de la cour de cassation du 9 aoĂ»t 1831, conçu dans les termes suivants Attendu que lâarrĂȘt attaquĂ© a reconnu, en droit, que â 301 â lorsquâil sâagissait de dĂ©terminer lâĂ©tendue dâun Ă©tang, câĂ©tait le dĂ©versoir qui devait, indĂ©pendamment du titre, rĂ©gler la contenance de lâĂ©tang ; mais quâil a constatĂ©, en fait, que lâancien dĂ©versoir avait Ă©tĂ© dĂ©truit clandestinement par les propriĂ©taires, et quâil nâen subsistait aucune trace ; quâen se fondant par ce motif sur les Ă©nonciations du titre, il nâa pas violĂ© lâart. 558 du Code. » Il peut arriver quâun Ă©tang appartienne Ă plusieurs particuliers qui y exercent des droits diffĂ©rents. Nous voyons dans lâespĂšce dâun arrĂȘt de la cour de cassation du 31 janvier 1838, que la pĂȘche dâun Ă©tang appartenait Ă lâun, et quâun autre avait droit dâen recueillir les produits quand il Ă©tait Ă sec. Lorsque la propriĂ©tĂ© des lac, Ă©tang, etc., est reconnue, celui qui nâa fait quây puiser ne peut prĂ©tendre avoir acquis aucun droit de propriĂ©tĂ© ni de servitude. Telle est lâopinion dâHouard, quâun arrĂȘt de cassation du 23 novembre 1808 a consacrĂ©e. Lâauteur sâexprime ainsi, Dictionnaire de droit normand, V° Mure. Le propriĂ©taire dâun fonds oĂč est une mare, dit-il, peut en faire tel usage quâil veut; il peut en refuser lâusage Ă scs voisins, et quelque longue possession quâils aient eue dây puiser de lâeau, cette possession est une servitude qui ne peut faire un titre. La possession, en ce cas, pouvant dĂ©river de tolĂ©rance comme dâun droit, est douteuse, et dans le doute on doit se dĂ©terminer en faveur de la libĂ©ration. Le prĂ©texte dâutilitĂ© publique ne peut valoir en ce cas. Le propriĂ©taire du fonds nâest obligĂ© de secourir la communautĂ© que lorsquâelle nâest pas en Ă©tat de se procurer les secours que, sans sâincommoder, il peut lui donner; or, ii lâexception du cas dâabsolue nĂ©cessitĂ©, les â 302 habitants peuvent se creuser des mares dans les lieux qui leur appartiennent ; mais ils nâont pas le droit dâobliger le propriĂ©taire dâune mare Ă la faire subsister; il est libre de la supprimer quand il le croit convenable Ă ses intĂ©rĂȘts. » Il en serait diffĂ©remment si les habitants avaient fait, mĂȘme conjointement avec le propriĂ©taire, tous les actes de possession que comporte un immeuble de cette nature ; par exemple, si, outre les lavage, puisage et abreuvage, ils avaient pĂȘcbĂ©, curĂ©, emportĂ© les terres et les bois ou arbrisseaux qui y auraient pris naissance. La rĂ©union de tous ces faits serait nĂ©cessaire. Alors la possession serait commune. Une annĂ©e suffirait pour autoriser la complainte, qui aurait pour but, de la part de ceux qui auraient Ă©tĂ© troublĂ©s par leurs cointĂ©ressĂ©s, de se faire maintenir dans une possession en commun avec eux. Il nâest pas nĂ©cessaire, en effet, pour intenter lâaction possessoire, dâavoir une possession exclusive. ArrĂȘt de la cour de cassation du 19 novembre 1828. Si la jouissance Ă©tait exclusive, ce serait dans une possession exclusive que le juge maintiendrait. Mais si la propriĂ©tĂ© originaire de lâĂ©tang nâĂ©tait pas constatĂ©e ou avouĂ©e, le juge ne pourrait exiger des faits de possession aussi prĂ©cis ni aussi multipliĂ©s. Il adjugerait la possession exclusive Ă celui qui seul aurait fait quelques-uns de ces actes, ne fussent-ils que de puisage, lavage, abreuvage, ou la jouissance commune Ă ceux qui les auraient exercĂ©s Ă©galement. Lorsquâun Ă©tang est dessĂ©chĂ© en exĂ©cution de la loi du 1 h frimaire an II, les droits de pĂȘche, dâabreuvage ou puisage quâon peut y avoir sont nĂ©cessairement suspendus; mais ils revivent si lâĂ©tang est rĂ©tabli, Ă moins que â 303 â le rĂ©tablissement nâait lieu quâaprĂšs trente ans. Cette solution est vraie, mĂȘme quand lâĂ©tang appartient Ă lâĂtat et que câest lui qui lâa dessĂ©chĂ©. ArrĂȘt de la cour de cassation du 30 dĂ©cembre 1839. Lâart. 266 du second projet de Code rural contient une disposition qui nous paraĂźt conforme aux principes, et que nous adoptons, sauf le dĂ©lai dans lequel il circonscrit la rĂ©clamation. Il est ainsi conçu En cas dâinondation, crue ou dĂ©bordement dâeau, le propriĂ©taire de lâĂ©tang aura le droit de suivre son poisson sur le terrain dâautrui, mĂȘme jusquâĂ la fosse de lâĂ©tang supĂ©rieur, pendant huit jours, Ă compter de celui oĂč lâinondation aura cessĂ©, le propriĂ©taire voisin Ă©tant prĂ©sent ou dĂ»ment appelĂ©. Il aura le mĂȘme droit, soit pendant le temps de la pĂȘche, soit en cas de rupture des chaussĂ©es, digues, grilles ou grillons, Ă la charge, dans tous les cas, de payer les dommages occasionnĂ©s par cette recherche. Mais si le poisson a passĂ© dans un autre Ă©tang Ă©galement empoissonnĂ©, il nây aura pas lieu au droit de suite, pourvu que le poisson nâait point Ă©tĂ© attirĂ© par fraude ou artifice. » Il est bien Ă©vident que si le voisin refusait de rendre le poisson jetĂ© sur son terrain par une inondation, le propriĂ©taire de lâĂ©tang ne pourrait, en se fondant sur ce que ce poisson est immeuble par destination, intenter lâaction possessoire ; car il nâest pas troublĂ© par le fait de son adversaire dans la possession de cet Ă©tang. Il y aurait plus de difficultĂ© Ă le dĂ©cider ainsi, dans le cas oĂč le poisson aurait Ă©tĂ© attirĂ© dans lâĂ©tang voisin par fraude et artifice. Le poisson faisant partie de lâimmeuble, il semble que ce fait pourrait ĂȘtre pris pour â 30-i â trouble Ă la possession ; que lâon pourrait demander Ă y ĂȘtre maintenu, avec restitution du poisson ; mais il vaudrait mieux se pourvoir simplement en dommages-intĂ©rĂȘts. Lâusurpation, lâentreprise sur un lac, Ă©tang, mare ou citerne, peuvent avoir lieu soit en attirant, en pĂȘchant le poisson, en dĂ©rivant une partie de leurs eaux, en sâemparant dâune portion de leur lit, en y abreuvant ses bestiaux, y puisant, lavant, ou de toute autre maniĂšre qui constitue lâusage de la chose, permis au seul propriĂ©taire ou Ă celui qui a acquis des droits. Lâart. 205 du 2â projet de iode rural est ainsi conçu Les propriĂ©taires dâhĂ©ritages voisins dâun Ă©tang ne peuvent, dâaucune maniĂšre, dĂ©tourner ou attirer les eaux qui lâalimentent, ni avoir des fossĂ©s derriĂšre ou plus prĂšs de sa chaussĂ©e quâĂ , la distance de deux mĂštres au moins, afin de prĂ©venir lâinfiltration des eaux. » Cette disposition est sage dans ses deux parties ; mais, dans lâĂ©tat actuel de notre lĂ©gislation, la seconde ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e par les tribunaux comme une rĂšgle gĂ©nĂ©rale; ils ont au contraire un pouvoir discrĂ©tionnaire et doivent se dĂ©terminer dâaprĂšs les circonstances. De leur cĂŽtĂ©, ces propriĂ©taires ont action, comme nous lâavons vu, contre le constructeur de lâĂ©tang qui, par sa trop grande proximitĂ©, leur cause ou peut leur causer un dommage, ou qui les inonde ; ils auraient Ă©galement action dans le cas oĂč le dĂ©faut de curage, lâĂ©tablissement dâun routoir, nuiraient Ă la salubritĂ© ou Ă la propriĂ©tĂ©. Ils pourraient user de la complainte. Ces principes seraient de mĂȘme applicables au cas oĂč lâĂ©tang serait dâorigine nationale, ainsi que lâa dĂ©cidĂ© la cour de cassation, le 16 janvier 1832, pour celui du Plessis-Piquet. Il a Ă©tĂ© aussi jugĂ© par cet arrĂȘt que lors- â 305 â que lâĂtat vend les eaux provenant de lâĂ©tang, avec dĂ©claration que la jouissance des eaux ne comprend point la propriĂ©tĂ© fonciĂšre ni la pĂȘclie de cet Ă©tang, ni celle de ses francs-bords, qui pourront toujours ĂȘtre louĂ©s par lâĂtat comme par le passĂ©, lâacquĂ©reur nâa droit quâauxe aux qui sortent, coulent et se rĂ©pandent en dehors; que lâĂtat, ou celui cpii le reprĂ©sente, a le droit dâenclore cet Ă©tang, en laissant passage aux eaux, et de profiter de ses glaces. Les principes ci-dessus sont encore applicables au cas oĂč il sâagit de dommages causĂ©s Ă lâaide de travaux faits Ă la chaussĂ©e et au dĂ©versoir dâun Ă©tang, soit quâils aient Ă©tĂ© autorisĂ©s par lâadministration, soit que lâauteur des travaux ait dĂ©passĂ© les termes de la permission. ArrĂȘt de la cour de cassation du 23 mai 1831. Le puits est un trou profond creusĂ© de main dâhomme, ordinairement revĂȘtu de pierre en dedans, et fait exprĂšs pour en tirer de lâeau. 11 est loisible Ă tout propriĂ©taire de creuser un puits dans son propre fonds; le voisin ne pourrait intenter contre lui une action possessoire Ă raison de ce fait, quand mĂȘme son puits ou sa source en seraient taris, pourvu que les travaux aient, Ă©tĂ© entrepris non dans lâintention de nuire, mais dans un but dâutilitĂ©. Il devrait y avoir exception, suivant nous, dans le cas oĂč, en creusant un puits, on ferait tarir des sources dâeaux minĂ©rales, et quâon exposerait un Ă©tablissement thermal Ă ĂȘtre dĂ©truit. Il y aurait mĂȘme lieu, dans ce cas, Ă lâaction en dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, en se conformant toutefois Ă ce que nous avons dit dans le titre 1" en traitant de cette action ; car il importerait de ne pas laisser porter Ă lâĂ©tablissement un prĂ©judice quâil pourrait ĂȘtre impossible de rĂ©parer aprĂšs lâachĂšvement des 20 â 306 â travaux. Voyez sur cela et sur la compĂ©tence des autoritĂ©s notre RĂ©gime des eaux et lâart. 129, second projet de Code rural. Lâart. 67A du Code civil exige que celui qui fait creuser un puits, prĂšs dâun inur mitoyen ou non, laisse la distance prescrite par les rĂšglements et usages particuliers, ou fasse les ouvrages prescrits par ces mĂȘmes rĂšglements ou usages pour Ă©viter de nuire au voisin. Lâinfraction k cette disposition donnerait lieu de la part de celui-ci k une action soit en complainte, soit en dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, comme dans le cas de plantation trop rapprochĂ©e de lâhĂ©ritage voisin. Lâart. 6 de la loi du 25 mai J 888 donne pour ce cas une nouvelle attribution aux juges de paix. Lâeffet de cette innovation et de lâaction qui en rĂ©sulte a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par nous page 263. La loi garde un silence absolu sur le creusement de puits ailleurs quâauprĂšs dâun mur. Il nây a, dans ce cas, dâautre rĂšgle que le droit commun qui oblige lâauteur du dommage Ă le rĂ©parer. En cas de contestation, les tribunaux seraient les arbitres de la nĂ©cessitĂ© et de la nature des prĂ©cautions Ă prendre pour lâĂ©viter ou le rĂ©parer. Les rĂ©flexions que nous avons faites ci-dessus, pour les fossĂ©s ou Ă©tangs, sâappliquent aux puits, avec quekfhes modifications que la diffĂ©rence de nature des uns et des autres fera facilement sentir. Il faut en dire autant de la profondeur Ă donner au puits, sur laquelle la loi se tait Ă©galement. Les puits peuvent ĂȘtre possĂ©dĂ©s par un seul ou en commun k titre de propriĂ©tĂ©, de servitude ou de bail. Les actions possessoires dont ils deviennent lâobjet â 307 â dans ces divers cas sont rĂ©gies par les principes dĂ©jĂ exposĂ©s et par ceux cpie nous expliquerons bientĂŽt relativement aux contestations de cette nature. La fontaine est un lieu dâoĂč lâeau jaillit du sein de la terre, et qui est ordinairement disposĂ© par la main de lâhomme pour donner aux particuliers et au public la facilitĂ© dây aller puiser et de lâemployer Ă leurs besoins. Dans les campagnes, les fontaines sont de la plus grande simplicitĂ© ; mais dans les villes, elles offrent parfois de trĂšs-beaux monuments. Il y a aussi des fontaines, puits ou sources dâeaux salĂ©es dont le propriĂ©taire peut disposer Ă son grĂ©, lorsquâil emploie les eaux dans leur Ă©tat naturel, mais non lorsquâĂ lâaide de procĂ©dĂ©s, ou prĂ©parations quelconques, il les convertit en sels ; dans ce dernier cas, il est soumis Ă quelques formalitĂ©s prĂ©alables et Ă une surveillance propres Ă assurer le recouvrement des impĂŽts, aux termes de la loi du 24 avril 1806 et du dĂ©cret du 11 juin suivant; il est assujetti Ă obtenir une concession du gouvernement. Il en est de mĂȘme pour lâexploitation des mines de sel gemme qui rentrent dans lâapplication de la loi du 21 avril 1810, cjui nâest quâindicative dans son Ă©nonciation des matiĂšres minĂ©rales arrĂȘt de la cour de cassation du 8 septembre 1832, ou pour une exploitation proprement dite de puits ou sources dâeaux salĂ©es. Nous expliquerons plus bas, dans divers articles, comment les rĂšgles des actions pos- sessoires y sont applicables ; nous dirons seulement Ă prĂ©sent que nul ne peut les exploiter sans permission du gouvernement, Ă peine dâĂȘtre poursuivi correctionnellement, car câest une matiĂšre dâordre public qui e9t rĂ©gie par les lois et lâacte de concession. Personne fie peut acquĂ©rir de possession contraire. â 308 â Nous parlerons des actions possessoires dont les eaux salĂ©es peuvent ĂȘtre lâobjet dans lâarticle suivant, en nous occupant spĂ©cialement des sources. N° 2. Des eaux qui ont un cours. Nous suivrons les eaux de cette espĂšce dans les diffĂ©- rentes variations que leur cours peut offrir. Celui qui a une source dans son fonds, quelle soit dâeau ordinaire, thermale ou salĂ©e, peut en usera sa volontĂ©, sauf le droit que le propriĂ©taire du fonds infĂ©rieur aurait acquis par titres ou par prescription art. 041 du Code civil, et sauf pour les sources dâeaux salĂ©es lâapplication de la loi du 20 juin 18/jO, dâaprĂšs laquelle nulle exploitation de sources ou de puits dâeau salĂ©e ne peut avoir lieu quâen vertu dâune autorisation du gouvernement, et sauf aussi lâapplication des lois et rĂšglements relatifs aux eaux minĂ©rales ou thermales. Celui qui nâaurait dans son fonds quâune des sources servant Ă alimenter un ruisseau venant des fonds supĂ©rieurs, ne pourrait pas disposer de tout le cours dâeau qui traverserait son hĂ©ritage. Il nâaurait le droit Ă©tabli par lâart. 641 du Code civil que sur la source qui surgit dans sa propriĂ©tĂ©. Mais il peut, aprĂšs avoir usĂ© de sa source, ou en laisser couler les eaux naturellement sur les fonds infĂ©rieurs qui sont obligĂ©s de les recevoir art. 640, ou les diriger vers dâautres fonds, soit quâils lui appartiennent, soit quâils appartiennent Ă des tiers, pourvu toutefois que les propriĂ©taires de ceux-ci consentent Ă les recevoir, lorsque la pente naturelle des lieux ne les y assujettit point. Il suit de lĂ 1° que le propriĂ©taire immĂ©diatement infĂ©rieur ou plus Ă©loignĂ© ne pourrait intenter dâaction possessoire contre le propriĂ©taire de la source, lois mĂȘme quâelle serait nouvelle et que son cours nâaurait pas encore durĂ© une annĂ©e, quelque dommage, quelques dĂ©gradations qui en rĂ©sultassent pour lui, Ă moins que par des travaux on ne lui eĂ»t donnĂ© une autre direction plantĂ©s sur les chemins vicinaux, leur appartiendraient. Les actions pĂ©titoires et possessoires dont ils pourraient ĂȘtre lâobjet seraient de la compĂ©tence des tribunaux, soit quâelles eussent lieu entre la commune et les particuliers, ou entre ceux-ci seulement. ArrĂȘts du conseil des 28 aoĂ»t 1827, l/j mai 1828, 15 septembre 1831. Une instruction ministĂ©rielle du 16 novembre 1839 a ci'éé une nouvelle classe de chemins publics appelĂ©s ruraux, qui ne sont ni vicinaux ni dĂ©partementaux. Il est reconnu que les premiers sont rĂ©gis par les mĂȘmes principes que les autres propriĂ©tĂ©s communales ou privĂ©es, et que, consĂ©quemment, ils peuvent ĂȘtre lâobjet des actions possessoires et pĂ©titoires de la part des particuliers, avec envoi en possession rĂ©elle en cas de succĂšs de ces actions. N" 3. Chemins privĂ©s ou de desserte. Ces chemins peuvent appartenir aux communes ou aux particuliers, soit Ă titre de propriĂ©tĂ© exclusive ou indivise du sol, soit Ă titre de servitude sur ce mĂȘme sol. Dans ce second cas, les chemins ou passages sont rĂ©gis par les principes sur les servitudes. Nous renvoyons les explications dont ils peuvent ĂȘtre lâobjet Ă lâarticle dans lequel nous traiterons des .actions possessoires relatives aux servitudes en gĂ©nĂ©ral. Quant aux chemins existant Ă titre de propriĂ©tĂ©, ils sont soumis aux principes qui rĂ©gissent les autres hĂ©ritages consacrĂ©s Ă des usages diffĂ©rents. Souvent la possession animo domini est difficile Ă Ă©tablir, parce que les titres du demandeur et du dĂ©fendeur sont muets sur ce point. Lorsque celui qui se prĂ©tend troublĂ© nâa dâautre acte de jouissance Ă opposer que le fait de passage, le dĂ©- â 347 â fendeur peut soutenir que ce nâest lĂ que lâexercice dâune servitude discontinue, qui ne peut constituer une possession valable ; mais si, dâun autre cĂŽtĂ©, les localitĂ©s attestent que le demandeur a dĂ» laisser une partie de terrain pour ne servir que de passage, de moyen dâexploitation nĂ©cessaire, quâil ait fait tous les actes dont ce terrain est susceptible dâaprĂšs sa nature, que nul autre ne sâen prĂ©tende propriĂ©taire, la dĂ©fense du perturbateur ne saurait ĂȘtre admise. 11 nâen est pas de ce cas comme de celui oĂč le demandeur avoue la propriĂ©tĂ© de son adversaire et se borne Ă rĂ©clamer une servitude ; alors un titre est nĂ©cessaire, comme nous le verrons bientĂŽt. La cour de cassation a consacrĂ© ces principes par arrĂȘt du 25 aoĂ»t 1829, sur le pourvoi du marquis de Radepont celui-ci demandait Ă ĂȘtre maintenu dans la possession dâun chemin privĂ© conduisant Ă son habitation ; sa possession se rĂ©duisait au passage. Il ne rĂ©clamait pas une servitude ; il se disait propriĂ©taire du sol sur lequel il avait passĂ©. Le tribunal des Andelys avait repoussĂ© sa demande, parce que sa possession nâĂ©tait que lâexercice dâune servitude discontinue ; mais son jugement fut cassĂ© par le motif que le demandeur sâĂ©tait prĂ©tendu propriĂ©taire du sol. Ces principes sâappliqueraient, bien entendu, Ă une commune qui rĂ©clamerait un chemin comme public. Un arrĂȘt de la cour de cassation du 7 mars 1837 a dĂ©cidĂ© avĂšc raison quâil appartenait aux juges dâapprĂ©cier les circonstances, les localitĂ©s et les actes, et a rejetĂ© le pourvoi formĂ© par un sieur Bernard contre un arrĂȘt de la cour de Caen qui avait adjugĂ© la propriĂ©tĂ© dâun chemin Ă une commune, en se fondant notamment sur ce que le public y avait toujours passĂ© sans obstacle, et sur des inductions tirĂ©es des titres et de lâĂ©tat des lieux. â 348 Un autre arrĂȘt de la mĂȘme cour, du 18 avril 1838, a dĂ©cidĂ© quâon avait pu admettre, dans lâintĂ©rĂȘt dâune commune demanderesse au pĂ©titoire, la preuve que depuis plus de trente ans le terrain en litige avait Ă©tĂ© reconnu et constamment pratiquĂ© comme chemin vicinal publiquement et paisiblement. Au lieu dâintenter lâaction pĂ©titoire, la commune aurait pu se borner Ă agir au possessoire, et le juge de paix aurait Ă©tĂ© compĂ©tent pour en connaĂźtre, en prenant les mĂȘmes Ă©lĂ©ments pour base de sa dĂ©cision. 11 ne faudrait pas nĂ©anmoins donner trop de latitude Ă ce principe. Si les circonstances de localitĂ©s ou autres dĂ©montraient que lâarticulation de propriĂ©tĂ© nâĂ©tait quâun moyen imaginĂ© pour Ă©luder lâapplication de la rĂšgle qui prohibe lâaction possessoire pour servitude discontinue, le juge ne devrait pas sây arrĂȘter; mais il devrait avoir soin de faire la dĂ©claration expresse de son opinion. A plus forte raison celui qui, rĂ©clamant un chemin comme propriĂ©taire du sol, produirait un titre par lequel sa propriĂ©tĂ© serait constatĂ©e, devrait-il ĂȘtre maintenu par le juge de paix dans sa possession, dont il Ă©tablirait ainsi le caractĂšre et la lĂ©gitimitĂ©. N" 4. Chemins de fer. Les chemins de fer, dâune invention assez rĂ©cente, sont trĂšs en usage aux Etats-Unis et en Angleterre. Le plus moderne et le plus perfectionnĂ© de ces chemins, dans la Grande-Bretagne, est celui de Manchester Ă Liverpool, sur lequel on fait quinze lieues Ă lâheure, dans des chars ou wagons, Ă lâaide de machines Ă vapeur dites locomotives, sans que cette excessive cĂ©lĂ©ritĂ© fasse Ă©prouver aux voyageurs aucune incommoditĂ©. â 349 â Il existe aussi des chemins de fer en Allemagne et en Belgique. LâĂ©tablissement de ces moyens de communication ne date, en France, que de 1823. Les premiers qui y aient Ă©tĂ© Ă©tablis, sont situĂ©s Ă Saint-Etienne Loire ou dans les environs ; mais depuis, il en a Ă©tĂ© construit plusieurs autres sur diffĂ©rents points de la France, notamment en vertu de la loi du 11 juin 1842. 11 ne faut pas croire quâil entre beaucoup de fer dans lâĂ©tablissement de ces chemins ; au contraire, on nây voit que deux baguettes appelĂ©es rails, dans lesquelles sâengrĂšnent les roues des chars destinĂ©s Ă les desservir. Lâintroduction des chemins de fer en France il ayant eu lieu, comme nous venons de le dire, que depuis un petit nombre dâannĂ©es, la catĂ©gorie dans laquelle ils doivent ĂȘtre classĂ©s, leur rĂ©gime, la compĂ©tence des autoritĂ©s en cas de dĂ©gradation, anticipation, ont Ă©tĂ© incertains jusquâĂ la loi du 15 juillet 1845, dont les bases ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es par une ordonnance royale du 15 novembre 184 du Code civil. Sont immeubles par destination, les chevaux, agrĂšs, outils et ustensiles servant Ă l'exploitation ; mais on ne considĂšre comme chevaux destinĂ©s Ă lâexploitation que ceux qui sont exclusivement attachĂ©s aux travaux intĂ©rieurs des mines ; Ă plus forte raison en serait-il ainsi des esclaves dans les colonies, et, par voie de consĂ©quence, ils cesseraient dâĂȘtre immeubles dĂšs quâils seraient dĂ©tachĂ©s de ce service. Argument des arrĂȘts de la cour de cassation des 5 aoĂ»t J 829 et 3 aoĂ»t 1831. Les matiĂšres extraites, les approvisionnements et autres objets mobiliers sont meubles. Art. 8 et*9. Le propriĂ©taire du sol ne pourrait attaquer au posses- soire le concessionnaire de la mine; car celui-ci, ne faisant quâexĂ©cuter sa concession, ne peut troubler personne par lâexercice dâun droit lĂ©gitime, 3o6 â 11 en serait autrement sâil Ă©tendait son exploitation Ă dâautres terrains que ceux compris dans la concession ; Mais sâil prĂ©tendait que ces terrains y sont compris, et quâil y eĂ»t doute rĂ©el, par consĂ©quent nĂ©cessitĂ© dâinterprĂ©ter lâacte dâautorisation et les procĂšs-verbaux et plans dressĂ©s en exĂ©cution des articles 29 et 30, il faudrait sâadresser au conseil dâEtat, qui seul aurait le droit dâen fixer le sens. Il en serait de mĂȘme en cas de contestations sur le taux de la redevance, qui doit ĂȘtre dĂ©terminĂ© par la concession, nonobstant toutes stipulations contraires. ArrĂȘts du conseil des 29 janvier 1841, 1" juin et 19 juillet 1843, 24 janvier 1846. Toute question de propriĂ©tĂ© du sol renfermant la mine est du ressort des tribunaux. Il rĂ©sulte Ă©videmment des articles 15, 48 et 56 de la loi dâavril, que les contestations Ă©levĂ©es Ă raison des travaux postĂ©rieurs Ă la concession des mines et relatifs Ă leur exploitation, doivent ĂȘtre portĂ©es devant les tribunaux. ArrĂȘt de cassation dĂ©jĂ citĂ© du 21 avril 1823. Un arrĂȘt du conseil du 3 avril 1831 a mĂȘme dĂ©cidĂ© quâune demande formĂ©e par des concessionnaires de mines contre des concessionnaires de chemins de fer, en payement dâindemnitĂ©s quâils prĂ©tendent leur ĂȘtre dues pour une portion de leur pĂ©rimĂštre dont ils ont Ă©tĂ© privĂ©s par suite de lâexĂ©cution du chemin de fer au travers dudit pĂ©rimĂštre, est du ressort des tribunaux, parce que les autorisations administratives ne sont point attaquĂ©es. Le juge de paix serait compĂ©tent pour statuer sur lâaction possessoire du concessionnaire contre tous ceux qui le troubleraient dans la possession de la mine et des objets immeubles par destination, Ă moins quâil nây eĂ»t lieu Ă interprĂ©ter la concession. § !i. Ateliers insalubres. Les ateliers de cette nature ne peuvent ĂȘtre Ă©tablis quâavec autorisation. Lorsquâils lâont Ă©tĂ© sans cette formalitĂ©, les voisins qui en Ă©prouvent du dommage peuvent en provoquer la destruction administrativement ou judiciairement, et rĂ©clamer devant les tribunaux une indemnitĂ©. Ils ont aussi le droit de se pourvoir en simple police. Si, aprĂšs lâautorisation, ils Ă©prouvent un prĂ©judice, ils ne peuvent pas demander aux tribunaux la destruction de lâĂ©tablissement, mais seulement des dommages-intĂ©rĂȘts. Quant Ă lâautoritĂ© judiciaire Ă laquelle ils doivent sâadresser, câest ou le juge de paix, quand lâaction est fondĂ©e sur un dommage aux champs, etc. arrĂȘts de la cour de cassation des 19 juillet 1826 et 2 janvier 1833, lors encore que lâindemnitĂ© nâexcĂšde pas 200 francs, ou le tribunal civil lorsquâil ne sâagit pas de prĂ©judice aux champs, et que la somme rĂ©clamĂ©e sâĂ©lĂšve au-dessus de 200 francs. En gĂ©nĂ©ral, il nây aura pas lieu Ă lâaction possessoire, parce quâil nây aura pas trouble matĂ©riel, et que la possession ne sera pas contestĂ©e ; il suffira presque toujours de former une demande en indemnitĂ©. Cependant, si le concessionnaire bĂątissait sur le fonds voisin, portait atteinte Ă des droits acquis, dirigeait dans un cours dâeau, dans une cour ou dans une maison les rĂ©sidus de sa fabrique, celui dont la possession serait ainsi troublĂ©e aurait une action possessoire pour sây faire maintenir ou rĂ©intĂ©grer, sauf pourtant au juge Ă ne rien prescrire de contraire Ă lâacte dâautorisation. On peut voir ce que nous disons dans notre RĂ©gime â 358 des eaux, et clans le troisiĂšme volume, sur les actions qui appartiennent aux voisins dâun Ă©tablissement insalubre, mĂȘme aprĂšs lâautorisation administrative. § 5. Droits de superficie. Nous avons dĂ©jĂ dit quelques mots des droits de superficie en traitant de lâusurpation des arbres et des haies. Nous allons envisager ici ces droits dâune maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale. Il existe au Digeste un titre De superficiebus ; câest le titre 18, livre 43. On entend par superficie ce qui est adhĂ©rent Ă la surface du sol, comme les maisons, bĂątimens et clĂŽtures, ainsi que les arbres et plantes de toutes espĂšces loi 13, in pr. ff. de Serv. prĆd. rustic., lib. 8, tit. 3 ; par consĂ©quent, le droit de superficie consiste Ă pouvoir rĂ©clamer ces objets en tout ou partie, Ă titre de propriĂ©taire. Le sol et la superficie peuvent ĂȘtre acquis, mĂȘme par prescription, et appartenir Ă des personnes distinctes. M. Proudhon, TraitĂ© de lâusufruit, tome 8, page 547, fait observer avec raison que la superficie nâest pas un droit incorporel comme celui dâusage; quâelle est un immeuble rĂ©el et physique, une vraie propriĂ©tĂ© fonciĂšre pour le superficiaire comme tout autre hĂ©ritage ; il assimile le sol et la superficie Ă une maison composĂ©e de plusieurs Ă©tages qui peuvent appartenir Ă divers propriĂ©taires et ĂȘtre possĂ©dĂ©s ou prescrits sĂ©parĂ©ment ; il admet les mĂȘmes rĂšgles pour les premiers objets; il ajoute que le superficiaire a lâaction en revendication, et par consĂ©quent lâusage de tous les interdits et actions possessoires pour la conservation de son immeuble. â 859 â Ainsi celui qui a fait faire des plantations, des semences, des constructions sur un terrain qui ne lui appartient pas, et qui les a possĂ©dĂ©es pendant un an, a lâaction possessoire non-seuleinent contre des tiers, mais mĂȘme contre le propriĂ©taire de ce terrain qui le troublerait. Celui-ci ne pourrait la combattre en prĂ©tendant quâil a le droit dâen demander la destruction art. 555 du Code civil; car, dâune part, on peut acquĂ©rir par titre ou par prescription la superficie dâun immeuble, et, de lâautre, cette exception, fondĂ©e sur la propriĂ©tĂ©, ne pourrait ĂȘtre opposĂ©e quâautant que le dĂ©fendeur prendrait la voie pĂ©titoire. Mais si le superficiaire Ă©tait un antichrĂ©siste, un sĂ©questre, un fermier auquel le contrat ne donne pas le droit de faire des constructions, ou ne le lui donne quâĂ la charge de le? laisser au propriĂ©taire Ă lâexpiration de la convention, nous ne croyons pas quâil eĂ»t lâaction possessoire mĂȘme contre les tiers, Ă cause de la prĂ©caritĂ© de son titre, qui ferait prĂ©sumer quâil nâa bĂąti que par tolĂ©rance. 11 existe encore aujourdâhui un genre particulier de superficie dans la partie de la ci-devant province de Bretagne, qui se compose des dĂ©partemens des CĂŽtes-du- Nord, du Morbihan et du FinistĂšre ; câest le droit qui rĂ©sulte des baux Ă convenant ou Ă domaines congĂ©ables. Ces baux sont ceux par lesquels un propriĂ©taire concĂšde, moyennant une rente annuelle et pour un temps limitĂ©, la jouissance de son fonds Ă un colon auquel il vend en mĂȘme temps les Ă©difices et superficies, appelĂ©s aussi droits rĂ©paratoires, qui existent sur ce fonds, mais sous la condition expresse que ce colon ne pourra ĂȘtre expulsĂ© sans quâon lui ait remboursĂ©, Ă dire dâexperts, â 3UĂ â les Ă©difices et superficies qui existeront Ă l'Ă©poque de sa sortie, et suivant la \alcur quâils auront alors. Le propriĂ©taire qui fait la concession sâappelle foncier, et le fermier domanier ou colon. Lâarticle f de la loi du 5 aoĂ»t 1701, qui maintient les baux Ă domaine congĂ©able, rappelle le principe que les Ă©difices et superficies vendus au domanier sont meubles Ă lâĂ©gard du propriĂ©taire foncier, mais immeubles Ă lâĂ©gard des tiers. I n arrĂȘt de la cour de cassation du 25 novembre 1820, en rejetant le pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de la cour de Ilennes, a dĂ©cidĂ© que la facultĂ© de congĂ©ment de la part du bailleur nâĂ©tait pas de l'essence du -bail Ă convenant, quâil pouvait y renoncer sans dĂ©naturer son bail. Un autre arrĂȘt de la mĂȘme cour, en date du 7 dĂ©cembre 1820, portant rejet dâun pourvoi farinĂ© contre un arrĂȘt de Rennes, a encore jugĂ© que la loi du 0 aoĂ»t 1701, articles 11 et 13, accordant au domanier la facultĂ© dâexiger du foncier le payement des Ă©difices et superficies Ă la cessation du bail, et renvoyant pour les baux futurs aux conventions qui seraient faites, doit ĂȘtre entendue en ce sens que les domaniers de baux futurs auront aussi la mĂȘme facultĂ© si, dans leur bail, il nây a stipulation contraire ; le silence ne suffirait pas pour que le domanier fĂ»t privĂ© de cette facultĂ©. delĂ posĂ©, il nous parait certain que le colon, maĂźtre absolu de ses droits, peut intenter contre les tiers lâaction possessoire, rĂ©intĂ©grande ou complainte, sans avoir besoin ni du consentement ni de lâassistance du foncier, toutes les fois que le fait qui y donne lieu porte atteinte Ă sa jouissance des Ă©difices ou superficies et accessoires, par exemple lorsque ces tiers usurpent ses bĂątiments, ses arbres, veulent, exercer des servitudes, ou lui refusent lâexercice de celles auxquelles il a droit, lâest aussi contre lui que lâaction possessoirc des tiers doit ĂȘtre dirigĂ©e; mais les dĂ©cisions qui interviennent nâont lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e que relativement au droit du superll- ciairc, et nullement quant au droit du propriĂ©taire foncier, Ă moins que celui-ci nâait Ă©tĂ© Ă©galement appelĂ© devant le juge ou nây soit intervenu. Nous puisons un argument favorable Ă notre opinion dans un arrĂȘt de la cour de cassation du 10 novembre 1828, que nous avons dĂ©jĂ citĂ© plusieurs fois. Nous croyons mĂȘme que le domanier peut intenter lâaction possessoire contre le foncier qui aurait usurpĂ© ses droits, nonobstant le principe que les Ă©difices et superficies sont meubles respectivement Ă ce dernier ; car ce principe ne reçoit dâapplication que dans le cas oĂč le foncier exerce des droits attachĂ©s Ă la foncialitĂ©, et non dans ceux oĂč il cherche Ă usurper la propriĂ©tĂ© du colon. 5 0. Nue propriĂ©tĂ© et usufruit, usage et habitation. Lorsque la nue propriĂ©tĂ© et lâusufruit dâun immeuble, au lieu dâĂȘtre rĂ©unis sur la mĂȘme tĂȘte, sont divisĂ©s et possĂ©dĂ©s sĂ©parĂ©ment, chaque ayant-droit peut intenter lâaction possessoire. Cette solution est Ă©vidente Ă lâĂ©gard du nu-propriĂ©taire. Elle 11 âĂ©tait, dans lâancien droit, lâobjet dâaucune difficultĂ©. Les auteurs 11 e faisaient pas de diffĂ©rence entre celui qui avait la pleine propriĂ©tĂ©, et celui qui nâavait que la nue propriĂ©tĂ©. Mazuer, lâun dâeux, Pratique, cliap. 2, n° 5/i, sâexprime ainsi Celui Ă qui la nue propriĂ©tĂ© appartient doit ĂȘtre ouĂŻ, en cas de nouvelletĂ©; sâil requiert ĂȘtre 362 â maintenu en la possession ou quasi-possession de sa propriĂ©tĂ©, afin que la rĂ©elle portion lui appartienne et quâil en puisse jouir et user, lâusufruit Ă©tant expirĂ©. Autrement, il pourrait perdre sa possession Ă lâoccasion de ce tiers possesseur, et, en ce cas, la possession civile, jointe Ă la propriĂ©tĂ©, produit des effets corporels. » Le viager, dit Loisel, liv. Ă , t. 3, reg. 3, conserve la possession du propriĂ©taire. » Tous les auteurs modernes, MM. Henrion, Merlin, Fa- vard, Proudhon, Puranton, CarrĂ©, Aulanier, Ă©mettent la mĂȘme opinion sous lâempire des lois nouvelles. Le motif quâils en donnent, et que Mazuer avait indiquĂ©, est que le nu-propriĂ©taire a intĂ©rĂȘt dâagir quand F usufruitier nĂ©glige de le faire, pour Ă©viter la perte de la possession et mĂȘme de la propriĂ©tĂ©, par la prescription que pourrait opposer le tiers qui aurait rĂ©ellement joui de la chose. Dâun autre cĂŽtĂ©, si lâintĂ©rĂȘt est Ă©vident, le droit ne lâest pas moins. Le nu-propriĂ©taire, sans percevoir les fruits de la chose, la possĂšde cependant par lâentremise de lâusufruitier, ainsi que lâa dĂ©cidĂ© lâart. 2236, dont la rĂ©daction, nous en convenons, nâest pas parfaite, mais dont on ne saurait contester le sens. Ajoutons que lâart. Gl/i, obligeant lâusufruitier Ă dĂ©noncer au propriĂ©taire les usurpations des tiers, suppose nĂ©cessairement que celui-ci a droit dâintenter lâaction possessoire, sans quoi cette disposition nâaurait aucun but. LâarrĂȘt de la cour de cassation du 6 mars 1822, citĂ© par quelques auteurs qui le combattent comme contraire Ă ces principes, nous parait pouvoir sâexpliquer par les circonstances de lâaffaire sur laquelle il est intervenu. A la cessation dâun usufruit, le nu-propriĂ©taire intenta ac- â 363 â tion possessoire Ă un autre usufruitier qui prĂ©tendait avoir remplacĂ© le prĂ©cĂ©dent, dont les droits nâĂ©taient Ă©teints que depuis un mois. Le dĂ©fendeur opposa le dĂ©faut de possession annale, non du trĂ©fonds, mais de la jouissance. On peut concevoir que, dans un tel dĂ©bat pour cette jouissance, la cour ait cru devoir sâarrĂȘter au dĂ©faut de possession matĂ©rielle de la part du nu-propriĂ©taire ; par consĂ©quent, ce qui est dit dans lâarrĂȘt, que lâusufruitier ne possĂšde pas pour et au nom du propriĂ©taire, mais pour lui-mĂȘme et en son nom personnel ; que celui-ci ne peut joindre Ă sa possession celle de lâusufruitier, ne doit sâentendre que dans un sens restreint Ă lâespĂšce dans laquelle il a Ă©tĂ© rendu. Nous sommes dâautant plus portĂ© Ă le dĂ©cider ainsi, que la mĂȘme cour a posĂ© en principe, par arrĂȘt du 7 octobre 1813, que lâusufruitier est essentiellement le mandataire du propriĂ©taire, et que ce quâon peut faire par son mandataire, on peut, Ă plus forte raison, le faire soi-mĂȘme. Le droit de lâusufruitier, dâintenter lâaction possessoire, Ă©tait Ă©galement proclamĂ© par les anciens auteurs. Nous ne connaissons parmi eux que llodier qui ait enseignĂ© une doctrine contraire ; mais elle devait avoir peu de poids, car, outre que lâopinion de cet auteur Ă©tait isolĂ©e, elle Ă©tait fondĂ©e sur lâassimilation erronĂ©e de lâusufruitier au fermier et au sĂ©questre, qui nâont quâune possession prĂ©caire ou naturelle, qui ne possĂšdent pas en leur nom. Bourjon, Droit commun de la France, t. 2, chap. de la Complainte, sect. 3, sâexprime bien diffĂ©remment; voici ses termes Lâusufruitier, troublĂ© dans son usufruit, a la voie de la complainte ouverte, parce que son droit est un droit â 304 â rĂ©el qui lui ouvre toutes les actions nĂ©cessaires pour le maintenir dans sa jouissance. 11 doit donc avoir ce droit et cette action de mĂȘme que le propriĂ©taire, comme suite de sa qualitĂ© et de son droit. » Jousse, llousseaud La Combe, en citant brodeau, sur Paris; Cujas, dans ses Observations, liv. 9, chap. 32; Pothier, TraitĂ© de la possession; FerriĂšre, Dictionnaire de droit et de pratique ; les auteurs du Xouveau ĂŒenizart; Pigeau, ProcĂ©dure du ChĂątelet, partagent lâopinion de bourjon. Les auteurs modernes ne sont pas moins formels; M\l. Merlin, Favard, Henrion, Toullier, Duranton, Proudhon, Poncet, CarrĂ©, Guichard, Longchamps, Au- lanier, brossard et plusieurs autres sâen expliquent dans le mĂȘme sens. MM. Dufour et barbedette sont les seuls qui enseignent une doctrine contraire ; mais leur opinion ne peut prĂ©valoir sur celle des auteurs que nous venons de citer. La raison sur laquelle ils la fondent est peu propre Ă la justifier; ils disent que lâusufruit est une servitude discontinue et apparente, ou continue non-apparente ; mais, au contraire, tous les auteurs le considĂšrent comme une partie de la propriĂ©tĂ©, pars dominii, et lâarrĂȘt du 6 mars 1822 dit aussi que lâusufruitier jouiten vertu de la disposition expresse de la loi qui considĂšre lâusufruit comme une partie de la propriĂ©tĂ©. Lâart. 2236 ne rĂ©putĂ© lâusufruitier dĂ©tenteur prĂ©caire que relativement au nu-propriĂ©taire ; son unique but est de lâempĂȘcher de prescrire la nue propriĂ©tĂ©, tant que le titre nâest pas interverti ; mais il est sans application aux relations de lâusufruitier avec les tiers. Cet usufruitier peut intenter contre ceux-ci les actions possessoires, â 36b â puisque, dâune part, le fait qui y donne lieu porte prĂ©judice Ă sa possession, et que de lâautre, aux termes des art. 578, 567 et 598, il jouit de la chose, de toutes les servitudes, droits et avantages y attachĂ©s connue le propriĂ©taire lui-mĂšme; quâil doit la conserver Ă celui-ci, et quâenfin lâart. 613 le charge des frais des procĂšs relatifs Ă la jouissance. De ce que lâart. 61A lâoblige Ă dĂ©noncer lâusurpation au propriĂ©taire, il ne faudrait pas conclure que celui-ci eĂ»t seul droit dâaction. 11 en rĂ©sulte seulement quâelle appartient Ă lâun comme Ă lâautre, et que le lĂ©gislateur a voulu mettre le propriĂ©taire Ă mĂȘme de lâexerce', si le dĂ©tenteur ne jugeait pas Ă propos de lâintenter lui-mĂȘme. Nous ne pensons pas, nĂ©anmoins, que le nu-propriĂ©taire et lâusufruitier pussent se contraindre rĂ©ciproquement Ă intenter lâaction possessoire ou Ă y dĂ©fendre. Outre que la loi ne renferme aucune disposition qui autorise une pareille contrainte, elle serait contraire au droit commun, dâaprĂšs lequel personne ne peut ĂȘtre forcĂ© Ă agir. Il y aurait seulement lieu Ă la rĂ©pĂ©tition des frais et faux frais. * De mĂȘme que la possession de lâusufruitier profite au propriĂ©taire, de mĂȘme le premier ajoute Ă sa possession celle de ce dernier lorsquâelle lui est nĂ©cessaire pour complĂ©ter lâannĂ©e antĂ©rieure au trouble, puisquâil lui succĂšde dans une partie de la propriĂ©tĂ©. Pothier distingue le cas oĂč le perturbateur en veut aux fruits de celui oĂč il Ă©lĂšve des prĂ©tentions Ă la nue- propriĂ©tĂ©, et son opinion paraĂźt avoir entraĂźnĂ© les auteurs du Code civil ; mais elle a peu dâapplication au possessoire ; cela est Ă©vident quant au trouble de fait, qui constitue toujours une atteinte Ă la jouissance. Pour ce qui est du trouble civil ou de droit, qui consisterait Ă prĂ©- â 360 â tendre Ă la nue propriĂ©tĂ©, sans contester les droits de lâusufruitier, comme il ne comporte ni empĂȘchement rĂ©el ni demande dâĂȘtre mis en possession, il se rĂ©sout gĂ©nĂ©ralement en une action pĂ©titoire qui ne peut ĂȘtre agitĂ©e avec lâusufruitier. Il est un cas oĂč le nu-propriĂ©taire peut avoir une possession propre et indĂ©pendante de celle de lâusufruitier; celui-ci, en effet, est soumis Ă des restrictions dans lâexercice de ses droits. Il doit conserver la substance de la chose, y faire les rĂ©parations dâentretien, les grosses restant Ă la charge du nu-propriĂ©taire ; il est tenu dâobserver lâordre des coupes pour les bois taillis ou de futaie, de nâuser des pĂ©piniĂšres, des mines et carriĂšres quâavec modĂ©ration. Le nu-propriĂ©taire qui aura exĂ©cutĂ© les rĂ©parations ou fait condamner lâusufruitier qui abusait de son droit aura une possession de la nue propriĂ©tĂ©. Il aura intĂ©rĂȘt Ă la conserver, et, par consĂ©quent, il pourra intenter contre un tiers qui se prĂ©tendrait aussi nu-propriĂ©taire et viendrait le troubler, une action pos- sessoire pour y ĂȘtre maintenu ; par la mĂȘme raison, celui-ci pourrait intenter cette action, si la possession Ă©tait de son cĂŽtĂ©. Mais il est une espĂšce particuliĂšre dâusufruitiers Ă qui lâaction possessoire nâest permise quâĂ la charge dâobtenir une autorisation prĂ©alable du propriĂ©taire, et mĂȘme de lâautoritĂ© administrative. En effet, si les art. 5 et 7 du dĂ©cret du 6 novembre 1813, sur les biens des cures, disent que les titulaires de ces cures exercent les droits dâusufruit, quâils en supportent les charges, ainsi quâil est Ă©tabli par le Code civil ; quâils doivent jouir des biens en bons pĂšres de famille, les entretenir avec soin et sâopposer Ă toute usurpation ou dĂ©tĂ©rioration, lâart, l/j leur â 367 â dĂ©fend de plaider pour un droit foncier et toute action possessoire est de cette nature sans lâautorisation du conseil de prĂ©fecture, prĂ©cĂ©dĂ©e de lâavis du conseil de fabrique ; dĂ©fense dâautant plus remarquable, quâils plaident Ă leurs frais et risques ; aussi, un arrĂȘt de la cour de cassation du 8 fĂ©vrier 1837 a-t-il refusĂ© lâaction possessoire au curĂ© qui nâavait pas dâautorisation. On ne pourrait objecter que, depuis la loi du 18 juillet 1837, il en devrait ĂȘtre diffĂ©remment; que le dĂ©cret de 1813 avait exigĂ© lâautorisation sous lâinfluence dâune lĂ©gislation qui la prescrivait aux Ă©tablissements publics pour intenter complainte ; mais que la derniĂšre loi, en affranchissant les communes, par consĂ©quent les fabriques, en dispense aussi les curĂ©s qui les reprĂ©sentent et sont leurs mandataires lĂ©gaux. Nous rĂ©pondrions que le dĂ©cret de 1813 est tout spĂ©cial, et nâa Ă©tĂ© en rien abrogĂ© par la loi nouvelle ; que le mandataire peut ĂȘtre assujetti Ă des prĂ©cautions non exigĂ©es du mandant; que celle invoquĂ©e ne dispense dâautorisation que les Ă©tablissements eux-mĂȘmes, et non ceux qui intentent action Ă . leur place ; que cela est si vrai, que, dâaprĂšs les art. 1 er , /i9 et 50, dont les termes sont gĂ©nĂ©raux, le contribuable qui a droit dâintenter Ă ses frais les actions que la commune nĂ©glige, ne peut pas plus introduire une action possessoire que toute autre, sans lâautorisation du conseil de prĂ©fecture, bien que la commune en soit dispensĂ©e, comme nous lâavons vu, pour la complainte. La discussion qui prĂ©cĂšde nous conduit naturellement Ă apprĂ©cier lâeffet des jugements qui interviennent sur les actions relatives Ă la nue propriĂ©tĂ© ou Ă la jouissance. Sâil nây a, au pĂ©titoire ou au possessoire, de dĂ©bat que â 368 â sur la nue propriĂ©tĂ©, sans contestation sur lâusufruit, lâusufruitier ne doit pas ĂȘtre mis en cause, et le jugement qui intervient nâa aucun effet Ă son Ă©gard, puisque la chose jugĂ©e ne sâĂ©tend pas Ă lâusufruit. Sâil nây a contestation que sur lâusufruit, sur la jouissance, la nue propriĂ©tĂ© Ă©tant reconnue Ă celui, qui a concĂ©dĂ© le premier droit, lâusufruitier seul doit dĂ©fendre, et le jugement qui intervient nâa point autoritĂ© de chose jugĂ©e vis-Ă -vis du propriĂ©taire, qui ne peut ĂȘtre mis en cause que dans le cas oĂč chaque prĂ©tendant Ă lâusufruit tiendrait ses droits de lui et invoquerait sa possession. Si, au contraire, le dĂ©bat roulait sur la possession en gĂ©nĂ©ral, sans restriction ni distinction, il intĂ©resserait Ă©galement le propriĂ©taire et lâusufruitier; un seul ou les deux en mĂȘme temps pourraient figurer au procĂšs ou y intervenir ; mais le jugement rendu avec lâusufruitier seul profiterait au nu-propriĂ©taire sâil Ă©tait favorable, quoiquâil ne pĂ»t lui ĂȘtre opposĂ© si lâusufruitier avait succombĂ©. Le nu-propriĂ©taire peut mĂȘme obtenir, sâil est encore dans le dĂ©lai, un nouveau jugement qui profitera Ă lâusufruitiei'. Lorsque lâusufruitier nâa pas dĂ©noncĂ© au propriĂ©taire lâatteinte dâun tiers, quelle soit restreinte Ă la nue propriĂ©tĂ© ou quelle ne .comporte pas cette distinction, ou que, dans ce second cas, il nâa pas agi dans les dĂ©lais, il est, aux termes de lâart. 61 A, responsable de sa nĂ©gligence; lorsquâil lâa prĂ©venu, sa responsabilitĂ© cesse, et le propriĂ©taire qui nâa point agi ne peut exercer contre lui aucun recours, car il tient de la loi le droit de poursuivre le perturbateur. Le propriĂ©taire et lâusufruitier sont Ă©galement en faute ; ils ne peuvent exercer aucun recours lâun contre lâautre. Observons, d'ailleurs, que, malgrĂ© les termes des art. KH et 001, lâusufruitier peut intenter les actions possessoires avant dâavoir fait dresser un Ă©tat des immeubles et donnĂ© caution. Il est rĂ©ellement en possession du jour oĂč lâusufruit est ouvert, puisque les fruits lui appartiennent art. 604. Le mode de jouissance seul est restreint jusquâĂ lâaccomplissement de ces formalitĂ©s, qui ont pour but non de lâen priver, mais dâassurer la conservation de la chose. Lâusufruitier nous paraĂźt fondĂ© Ă exercer lâaction pos- sessoire contre le propriĂ©taire qui le trouble dans sa jouissance ; vainement opposerait-on que la loi le considĂšre comme possesseur prĂ©caire, au moins Ă lâĂ©gard de ce dernier; car nous avons dĂ©jĂ dit quâil nâen Ă©tait ainsi que pour lâacquisition de la nue propriĂ©tĂ© ; mais il en est diffĂ©remment pour lâusufruit, qui est une partie de la propriĂ©tĂ©, et qui, comme toute autre, peut sâacquĂ©rir par prescription, suivant ce quâenseignaient, dans lâancien droit, Lacombe, au mot complainte et au mot. usufruit ; Cujas, FachinĂ©e, etc., dont lâopinion est reproduite et approuvĂ©e par Duranton, t. 4, n" 502; Proudhon, t. 2, n°751 ; Toullier, t. 3,n° 393; Dalloz, RĂ©p ., V° Usufruit, p. 788, qui tous accordent, par voie de consĂ©quence, la complainte Ă lâusufruitier contre le nu-propriĂ©taire. Lâopinion contraire est soutenue par les auteurs de la ThĂ©mis, t. 6, p. 332; mais les raisons sur lesquelles ils se fondent ne peuvent prĂ©valoir sur un si grand nombre dâautoritĂ©s et sur la dĂ©cision positive desarrĂȘts de la cour de cassation des 17 juillet 1816 et 14 dĂ©cembre 1840. Celui-ci est ainsi conçu Attendu 1° quâaux termes de la loi, lâusufruit est un droit rĂ©el, distinct de la propriĂ©tĂ© du fonds, Pt que, 370 â comme tel, il engendre les actions possessoires ainsi que toutes les autres qui naissent dâun droit rĂ©el; que si, dans lâintĂ©rĂȘt du propriĂ©taire, lâusufruitier est tenu de lui dĂ©noncer les troubles survenus, il a le droit dâagir contre lui lorsque le trouble quâil Ă©prouve dans sa jouissance provient du fait de ce dernier ; que, par cela mĂȘme quâil jouit en maĂźtre et par lui-mĂȘme, il a les actions attarliĂ©es h la possession, soit contre les tiers, soit contre le propriĂ©taire, et, en les intentant, il nâexerce pas le droit dâautrui, mais son droit personnel ; attendu 2° que le jugement du 21 mai 1836, nâĂ©tant pas constitutif, mais dĂ©claratif du droit de possession, la dame Gardel a pu joindre Ă sa possession celle de son mari, qui lui avait donnĂ© lâusufruit dont il sâagit, et qui possĂ©dait depuis plus dâune annĂ©e la chose par lui donnĂ©e; quâil rĂ©sulte de ce qui prĂ©cĂšde, quâen dĂ©cidant quâelle ne pouvait pas exercer lâaction possessoire dans le cas dont il sâagissait, le jugement dĂ©noncĂ© a expressĂ©ment violĂ© lâart. 23 ci- dessus rĂ©fĂ©rĂ©. » Le propriĂ©taire nâaura pas souvent lieu dâintenter lâaction possessoire contre lâusufruitier reconnu. Les demandes que le premier est dans le cas de former ne semblent relatives quâĂźi lâabus que celui-ci pourrait se permettre dans lâexercice de ses droits, et la contestation devrait ĂȘtre dĂ©cidĂ©e par lâinterprĂ©tation des conventions ou lâapplication des principes qui constituent le fond. Cependant lâusufruit pouvant sâacquĂ©rir par prescription, le mode de son exercice pouvant Ă©galement sâacquĂ©rir de cette maniĂšre, lâon conçoit quâil est des cas oĂč le propriĂ©taire ait intĂ©rĂȘt Ă se faire maintenir dans sa possession. La contestation sur lâinterprĂ©tation du contrat ou sur lâacquisition par prescription Ă dĂ©faut de conven- - 371 tio» peut ĂȘtre longue, et il importe au propriĂ©taire de rĂ©sister en attendant aux excĂšs de lâusufruitier ou Ă lâusurpation de celui qui se prĂ©tend tel, sans aucun droit. Les droits dâusage et dâhabitation sont de la mĂȘme nature que celui dâusufruit. Ils ne diffĂšrent de ce dernier quâen ce quâils sont plus restreints. Ils peuvent ĂȘtre lâobjet de lâaction possessoire et sont rĂ©gis par les mĂȘmes principes. Les auteurs par nous citĂ©s plus haut ne laissent lĂ -dessus aucun doute. Quant aux droits dâusage dans les forĂȘts, nous nous en occuperons Ă lâarticle oĂč il sera question des servitudes. § 7. I' lâompliytĂ©ose. Le Code civil garde le silence sur lâemphytĂ©ose ; les caractĂšres de ce contrat, mĂȘme dans lâancienne jurisprudence, nâĂ©taient pas bien fixĂ©s. Les auteurs du Nouveau DĂšnizart la dĂ©finissent un contrat par lequel le propriĂ©taire dâun hĂ©ritage en cĂšde Ă quelquâun la jouissance pour un temps et mĂȘme Ă perpĂ©tuitĂ©, Ă la charge de bĂątir ou amĂ©liorer, et dâune prestation ou redevance annuelle que le bailleur se rĂ©serve pour marque de son domaine direct. Il ne faut pas la confondre avec le bail Ă longues annĂ©es ou Ă rente ; car, suivant Loyseau, elle produit une obligation rĂ©elle qui suit le fonds en quelques mains quâil passe, tandis que celle rĂ©sultant du bail est personnelle. 11 est gĂ©nĂ©ralement reconnu que lâemphytĂ©ose a titre et possession valable pour intenter lâaction possessoire. Cette doctrine a mĂȘme Ă©tĂ© consacrĂ©e par un arrĂȘt formel de la cour de cassation du 2 juin 1822. 572 â Le sieur Bournizien Dubourg, emphytĂ©ote pour quatre- vingt-dix-neuf ans dâun moulin Ă farine, intenta complainte Ă M. Despagnac. Elle fut accueillie; mais sur lâappel, le tribunal de Corbeil infirma, attendu que le demandeur nâĂ©tait que fermier, par consĂ©quent possesseur prĂ©caire. LâarrĂȘt de cassation porte, entre autres motifs, ceux qui suivent Attendu que. le contrat dâemphytĂ©ose a sa nature et produit des effets qui lui sont propres ; Que ces effets sont de diviser la propriĂ©tĂ© du domaine donnĂ© Ă emphytĂ©ose en deux parties, lâune formĂ©e du domaine utile dont la rente que se retient le bailleur est reprĂ©sentative, lâautre appelĂ©e domaine utile, qui se compose de la jouissance des fruits quâil produit; Que le preneur possĂšde le domaine utile qui lui est transmis par lâeffet de ce partage, comme propriĂ©taire pouvant, pendant la durĂ©e du bail, en disposer par vente, donation, Ă©change ou autrement,, avec la charge toutefois des droits du bailleur; pouvant, pendant le mĂȘme temps, exercer lâaction in rem pour se faire maintenir contre tous ceux qui lây troublent et contre le bailleur lui-mĂȘme, suivant les lois 1 et 3, ff. si ai/er vectigalis; que ces dispositions des lois romaines ont Ă©tĂ© admises en France, tant en pays de droit Ă©crit quâen pays coutumier, et que le Code civil, qui nâa pas traitĂ© du bail emphytĂ©otique, ne les a ni changĂ©es ni modifiĂ©es. » Quoique la cour se soit fondĂ©e sur les anciens principes, parce quâil sâagissait dâun contrat passĂ© avant le Code civil, elle eĂ»t dĂ©cidĂ© de mĂȘme en cas dâune emphytĂ©ose stipulĂ©e sous son empire, puisquâelle dĂ©clare que le Code ne les n pas modifiĂ©s. â 373 â Nous croyons que ce n'est pas seulement contre les tiers, mais encore contre le propriĂ©taire lui-mĂȘme que le possesseur peut intenter lâaction possessoire. Outre que lâarrĂȘt ci-dessus le dĂ©cide ainsi, il nous paraĂźt que le droit dâemphytĂ©ose peut, comme celui dâusufruit, ĂȘtre acquis par la prescription. Il faut dâailleurs appliquer ici ce que nous avons dit en traitant de lâusufruit. $ 8. Biens dos communes et de lâĂtat; des Ă©tablissements publics; des champs de foiic, halles et marchĂ©s. Nous avons dit, pages 209, 219, que les biens de lâĂtat, des dĂ©partements, des communes et des Ă©tablissements publics qui en dĂ©pendent, Ă©tant dans le commerce, pouvaient ĂȘtre prescrits, et par consĂ©quent lâobjet des actions pĂ©titoire ou possessoire, soit de la part de lâEtat et des communes, soit contre eux. Cela est Ă©vident pour l'action pĂ©titoire ; tous les jours les communes et lâEtat revendiquent des propriĂ©tĂ©s devant les tribunaux ou y sont traduits. La loi du 9 ventĂŽse an XII et lâordonnance du 23 juin 1819, relatives aux biens communaux, nâattribuent juridiction aux conseils de prĂ©fecture que lorsque la qualitĂ© communale de lâimmeuble nâest pas contestĂ©e. Il en est de mĂȘme Ă plus forte raison, de lâaction possessoire, ainsi que cela rĂ©sulte dâune jurisprudence constante. Ainsi, Ă lâĂ©gard de lâEtat, ce principe a Ă©tĂ© consacrĂ©, notamment par arrĂȘt du 22 juin 1836, dans une espĂšce remarquable. Une coupure avait Ă©tĂ© faite au canal du Japon qui est navigable. Les syndics de lâassociation se pourvurent par la voie de complainte contre lâauteur de ce fait. Celui-ci prĂ©tendit ĂȘtre aux droits de lâEtat, soutint que le conseil â 37-t â de prĂ©fecture Ă©tait seul compĂ©tent, aux ternies de la loi du 29 florĂ©al an X, qui attribue Ă lâadministration la rĂ©pression des entreprises en matiĂšre de grande voirie, et que, dans tous les cas, lâaction possessoire Ă©tait non recevable, parce quâil sâagissait dâune chose du domaine public, hors du commerce, et par consĂ©quent imprescriptible. le systĂšme fut repoussĂ© par toutes les juridictions. Nous lisons dans lâarrĂȘt de la cour de cassation quâaux termes de lâart. 2227 du Iode civil, lâEtat est soumis aux mĂȘmes prescriptions que les particuliers; que cette rĂšgle sâapplique aux prescriptions relatives Ă la possession, comme Ă celles relatives Ă la propriĂ©tĂ©; dâoĂč il suit que lâaction en complainte peut ĂȘtre dirigĂ©e contre lâEtat tout comme une action relative Ă la propriĂ©tĂ© pourrait lâĂȘtre. Un arrĂȘt de la cour de cassation, du 15 prairial an XII, a dĂ©cidĂ© que le juge de paix avait pu connaĂźtre dâune action possessoire relative une source naissant dans un terrain communal, soit quâelle fĂ»t dirigĂ©e contre la commune elle-mĂȘme, soit quelle le fĂ»t contre celui Ă qui elle avait cĂ©dĂ© son droit aux eaux ; on trouve une dĂ©cision fondĂ©e sur le mĂȘme principe dans un arrĂȘt du 1" avril 1806; la commune soutenait que, sâagissant dâun terrain Ă elle appartenant, il nây avait lieu ni Ă prescription, ni Ă complainte. Son systĂšme fut repoussĂ© ; dĂ©cisions semblables du conseil dâEtat, les 24 mai 1808 et 10 fĂ©vrier 1810, au sujet dâune fontaine et dâun terrain prĂ©tendus communaux. Enfin, un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, du 19 janvier 1831, a rejetĂ© le pourvoi dâunĂš commune, fondĂ© Ă tort sur ce que, dâaprĂšs les lois et ordonnances de lâan XII et de 1819, les contestations re- â 375 â latives aux biens communaux sont de la compĂ©tence de lâadministration. 11 existe encore quatre autres arrĂȘts semblables de la mĂȘme cour, des 3 novembre 182/i, 7 aoĂ»t et 18 novembre 1834, et 22 juin 1835. On peut voir sur tout ce qui concerne les biens communaux un trĂšs-bon ouvrage dĂ© AI. Latrulle-Alontmey- lian, ancien avocat aux conseils et Ă la cour de cassation. Nous nâavons exceptĂ© de lâaction possessoire que les choses qui sont hors du commerce, qui forment le domaine public, national, dĂ©partemental ou communal; nous comprendrons parmi les choses hors du commerce, non-seulement celles Ă©noncĂ©es dans les art. 538, 5A0 du Code civil et celles dĂ©signĂ©es page 213, mais encore les monuments ou Ă©tablissements publics, tels que bibliothĂšques, musĂ©es, jardins ^ âcs, hĂŽpitaux, hĂŽtels de ville; hĂŽtels des grandes administrations, palais des chambres lĂ©gislatives, mais non les jardins qui en dĂ©pendraient et seraient Ă lâusage particulier du chef dâadministration. Nous avons aussi exceptĂ©, page 220 et suivantes, certains biens qui, sans ĂȘtre affectĂ©s Ă un service public, sont cependant dĂ©clarĂ©s inaliĂ©nables ou imprescriptibles. Nous pouvons y ajouter les forĂȘts de lâEtat, dont lâart. 12 de la loi du 1 er dĂ©cembre 1700 dĂ©fend lâaliĂ©nation, et que les art. 00, 01 et 02 du Code forestier de 1827 dĂ©fendent de grever de droits dâusage ou dâaffectations quelconques. Alais pourrait-on Ă©tendre cette exception aux champs de foires, halles et marchĂ©s, en les assimilant aux rues, places et monuments publics ? Il semblerait naturel dâadmettre lâaffirmative dans le cas oĂč une halle; un marchĂ© auraient Ă©tĂ© construits pour ĂȘtre affectĂ©s Ă cet usage, comme dans le cas oĂč une foire se tiendrait â 376 â dans un lieu public, nâeĂčt-il aucune autre destination. Les halles Ă la volaille et au blĂ© de Paris sont, sans contredit hors du commerce. Nous ne verrions dâexception Ă ce que nous venons de dire que dans le cas oĂč les foires et marchĂ©s tiendraient dans un champ produisant ordinairement des fruits ou dans des bĂątiments pris Ă loyer dâun particulier. Cependant la cour de cassation, par arrĂȘts des 1 er aoĂ»t 1800 et 19 juillet 1820, a admis un principe diffĂ©rent pour les halles. Nous ne croyons pas quâils doivent faire jurisprudence. $ âą. Biens indivis. Les biens indivis ou communs entre plusieurs propriĂ©taires, tels que murs, fossĂ©s, haies, sentiers dâexploitation, champs, maisons, etc., donnent lieu Ă la complainte des uns contre les autres en cas de trouble ou usurpation ayant pour but lâattribution dâune possession exclusive. Le communier est bien fondĂ© Ă demander que la jouissance reste commune, comme elle lâa Ă©tĂ© dans lâannĂ©e antĂ©rieure au trouble, car il fait seulement maintenir ou rĂ©tablir lâĂ©tat naturel des choses jusquâau jugement de la propriĂ©tĂ© ou du partage, ce qui est de lâessence de la complainte. Ces principes, contestĂ©s par quelques auteurs et par quelques tribunaux, sont aujourdâhui bien fixĂ©s par de nombreux arrĂȘts de la cour de cassation. Nous citerons particuliĂšrement ceux des 10 novembre 1812, entre Etilein et divers habitants du village de la Vergue; 29 novembre 181 A, Joly; 8 dĂ©cembre 1S2A, entre AthĂ©nas, Heureux et donnerais; 27 juin et 11 dĂ©cembre 1827, entre les hospices dâArles et le sieur Nay ; 19 novembre 1828, entre les sieurs Domingon â 377 â et Gharmensat; mĂȘme jour, entre Moutier et Viel; lĂ avril 1830, ClĂ©ment; 29 mars 1841, Garnier. Les sentiers servant Ă lâexploitation de divers fonds quâils traversent, sont de plein droit censĂ©s propriĂ©tĂ© commune, Ă moins que des titres produits ne dĂ©truisent cette prĂ©somption. ArrĂȘts de la cour de cassation des 29 novembre 181 A, 11 dĂ©cembre 1827, 20 juin 1828, et La- laure, des Servitudes. Nous donnerons de plus grands dĂ©xeloppcmenlsĂ cct Ă©gard, en nous occupant des personnes qui peuvent ou contre lesquelles on peut intenter lâaction possessoire. § 10. Biens dâorigine nationale et autres vendus par lâadministration. Quoique nos lois, et notamment celle du 28 pluviĂŽse an VIII, confĂšrent aux conseils de prĂ©fecture le jugement des contestations relatives aux domaines nationaux vendus par lâEtat, il est incontestable que lâaction possessoire Ă laquelle ils donnent lieu, soit entre lâEtat et des particuliers, soit entre particuliers seulement, est de la compĂ©tence des juges de paix ; car les tribunaux administratifs ne sont chargĂ©s que de juger le fond, par interprĂ©tation des ventes nationales, ou dĂ©claration de ce qui sây trouve compris, tandis que le juge de paix prononce sur la possession tout-Ă -fait indĂ©pendante de la question de propriĂ©tĂ© qui demeure entiĂšre. Ie nombreux arrĂȘts du conseil et de la cour de cassation ont proclamĂ© ces principes. Nous citerons parmi les premiers ceux des 25 mars 1806,16 aoĂ»t 1808, 26 juillet 1826, 2 h janvier et 19 dĂ©cembre 1827, et parmi les seconds, ceux des 28 aoĂ»t 1810 et 16 janvier 1832. Les mĂȘmes principes sâappliquent Ă la vente adminis- â 378 -> trative des biens communaux. Quoique la question dĂ© savoir quels sont les objets compris dans lâordonnance autorisant la vente puisse, dans certains cas, ĂȘtre rĂ©servĂ©e Ă lâadministration, la question de possession annale nâen est pas moins de la compĂ©tence du juge de paix, qui doit seulement surseoir Ă y statuer, sâil pense que lâinterprĂ©tation est utile Ă la dĂ©cision de la complainte. ArrĂȘts du conseil du 4 juillet 1827 et de la cour de cassation dit 11 mai 1831. Mais des poursuites de vente faites en exĂ©cution de la loi du 14 ventĂŽse an Vil, contre un dĂ©tenteur de domaine national, ne pourraient autoriser une action en complainte. ArrĂȘt de la cour de cassation du 25 juillet 1836. §11. Des servitudes. DĂ©jĂ , nous avons compris diverses servitudes au nombre des choses qui peuvent ĂȘtre la matiĂšre des actions possessoires. LâĂ©tendue que nous avons alors donnĂ©e Ăą nos dĂ©veloppements nous permettra dâĂȘtre ici fort laconique. Nâ 1. Notions gĂ©nĂ©rales. La servitude est une charge imposĂ©e en faveur dâun hĂ©ritage sur un autre appartenant Ă un propriĂ©taire diffĂ©rent; car ne-mini res sua servit. La grande et premiĂšre division des servitudes, tirĂ©e de la cause qui les produit, est en naturelles, lĂ©gales et conventionnelles. Art. 639 du Code civil. Les servitudes naturelles dĂ©rivent de la situation des lieux. Ce sont lâobligation de recevoir les eaux qui dĂ©coulent du fonds supĂ©rieur sans le fait de lâhonnne, les droits de bornage et de clĂŽture. Les servitudes lĂ©gales rĂ©sultent des dispositions dĂ© la loi ; les unes ont lâutilitĂ© publique bu communale pour objet. Nous en avons suffisamment traitĂ© en parlant des chemins de lialage, des routes et des voies vicinales ; les autres concernent lâintĂ©rĂȘt particulier; ce sont le mĂŒr et le fossĂ© mitoyens, la distance des plantations, lâextension des branches et racines, la distance ou les prĂ©cautions Ă observer pour certaines constructions, telles que puits, fosse dâaisance, forge, Ă©table, etc. Les restrictions relatives aux jours, Ă lâĂ©gout des toits, le passage en cas dâenclave, et enfin le passage des eaux créé par la loi du 29 avril 1845. Les servitudes conventionnelles sont Ă©tablies par le fait de l'homme; elles rĂ©sultent des conventions expresses ou prĂ©sumĂ©es, câest-Ă -dire de la prescription. Une seconde division des servitudes est en continues et discontinues. Les continues sont celles dont lâusage est ou peut ĂȘtre continuel sans avoir besoin du fait actuel de lâhomme; les discontinues celles qui ont besoin de ce fait pour ĂȘtre exercĂ©es. La troisiĂšme division est en servitudes apparentes Ă©t non apparentes. Des servitudes peuvent ĂȘtre tout Ă la fois discontinues et apparentes ou non apparentes. La distinction des servitudes continues et discontinues, apparentes et non apparentes, est sans objet, quant Ă celles qui rĂ©sultent de la situation des lieux ou de la loi ; elle nâa dâutilitĂ© que pour les servitudes conventionnelles qui sont susceptibles dâacquisition et dâextinction par prescription. Aussi cette distinction est-elle placĂ©e dans le Code au chapitrĂ© des servitudes Ă©tablies par le fait de lâhomme. â 380 â Les seules servitudes qui puissent sâacquĂ©rir par la prescription, câest-Ă -dire par une possession de trente ans, sont celles qui rĂ©unissent le double caractĂšre de lâapparence et de la continuitĂ©. Quant aux autres, câest-Ă -dire les continues non apparentes et les discontinues apparentes ou non apparentes, la possession mĂȘme immĂ©moriale est inefficace ; un titre est indispensable; cette disposition nâatteint pas, bien entendu, les servitudes dĂ©jĂ acquises par la possession avant lâĂ©mission du Code civil ; mais celles-ci ne peuvent donner lieu Ă la complainte quâaprĂšs le jugement de lâaction pĂ©titoire. Le jugement est un titre qui vient appuyer la possession ; sans ce titre lâaction possessoire est non recevable, et le juge du possessoire doit la rejeter, car il ne peut vĂ©rifier si, en effet, la servitude Ă©tait prescrite avant le Code; ce serait prĂ©juger le pĂ©titoire. Câest ce qui a Ă©tĂ© jugĂ© par un arrĂȘt de la chambre civile du 2 juillet 1823, dans lequel les principes que nous professons sont trĂšs-nettement posĂ©s. Toutefois, il faut sâentendre sur ce qui doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme titre. Nous ne verrions pas un titre valable dans un acte de contradiction suivi dâune possession trentenaire. La contradiction nâa dâautre effet que de lĂ©gitimer la possession et dâautoriser la prescription poulies choses et les droits qui peuvent sâacquĂ©rir de cette maniĂšre; elle serait entiĂšrement nulle pour lâacquisition dâune servitude qui ne peut prendre sa base dans une possession mĂȘme immĂ©moriale. 11 en serait de mĂȘme dâun acte souscrit par un tiers qui prĂ©tendrait avoir droit Ă la servitude ou par tout autre qui nâaurait jamais possĂ©dĂ© le fonds servant. Mais il en serait autrement, Ă notre avis, dâun acte de â 381 â concession de servitude Ă©manĂ© du possesseur Ă titre de maĂźtre et de propriĂ©taire du fonds qui serait grevĂ©. Quoiquâil vĂźnt Ă ĂȘtre plus tard Ă©vincĂ© de ce fonds, parce quâil serait jugĂ© quâil nâen a pas la propriĂ©tĂ©, le titre ne nous paraĂźtrait pas moins devoir servir de fondement Ă la prescription et Ă lâaction possessoire ou pĂ©titoire. N° 2. Des servitudes naturelles et lĂ©gales. De ce que lâinfĂ©rieur est tenu de supporter les eaux descendant du fonds supĂ©rieur, il suit quâil nâaurait pas lâaction possessoire en cas dâĂ©coulement rĂ©cent dâune source qui nâaurait pas une annĂ©e dâexistence. 11 nâaurait pas non plus action en cas dâĂ©boulement dâun terrain supĂ©rieur sur le sien, eut-il Ă©tĂ© amenĂ© par des travaux que la propriĂ©tĂ© autorise, si la cause premiĂšre devait en ĂȘtre attribuĂ©e Ă un vice occulte du terrain que lâon nâa pu connaĂźtre. ArrĂȘt de la cour de cassation du 29 novembre 1832. Un voisin nâaurait pas davantage action pour empĂȘcher le propriĂ©taire contigu de se clore, quoique cette innovation lui fit perdre lâavantage de la vaine pĂąture, ou tout autre qui ne serait fondĂ© ni sur un titre ni sur la loi. Si un voisin Ă©tablissait des jours et fenĂȘtres dans un mur non mitoyen, mais soit sans observer les distances, soit sans prendre les prĂ©cautions dĂ©terminĂ©es par les articles 676, 677, 678 et 679 du Code civil, il y aurait lieu contre lui Ăą lâaction possessoire pour faire rĂ©primer son usurpation ; mais, aprĂšs lâannĂ©e, il faudrait se pourvoir au pĂ©titoire ; et lâaction possessoire appartiendrait Ă lâauteur des vues pour se faire maintenir en cas de â 382 â trouble, parce que la servitude de vue, Ă©tant continue et apparente, est prescriptible. Si le trouble consistait en une construction qui rnas- querait les vues, celui qui les aurait pratiquĂ©es depuis un an aurait lâaction possessoire ; la cour de cassation avait dâabord jugĂ© le contraire. ArrĂȘts des 10 janvier 1810, 23 avril 1817, 2/i juin 1823. Mais elle est revenue sur cette jurisprudence par arrĂȘt du l or dĂ©cembre 1835. La complainte serait recevable contre celui qui ouvrirait des vues dans son mur, aprĂšs que le voisin aurait expressĂ©ment dĂ©clarĂ© vouloir acquĂ©rir la mitoyennetĂ©, et pendant quâon procĂ©derait aux expertises et estimations des indemnitĂ©s quâil aurait Ă payer. Ce que nous venons de dire ne sâapplique point aux rues, places, routes ou chemins publics sur lesquels on peut percer des jours ou des portes, diriger lâĂ©gout de ses toits Ă sa volontĂ©. Ces diverses servitudes subsistent mĂȘme aprĂšs aliĂ©nation de ces choses en faveur de particuliers qui restent chargĂ©s de les supporter. ArrĂȘt du conseil du 25 avril 1833. Le principe relatif Ă lâouverture des fenĂȘtres ou jours, hors des cas et sans les conditions dĂ©terminĂ©es par la loi, sâapplique Ă©galement aux Ă©tablissements exĂ©cutĂ©s en contravention aux diverses dispositions de lâarticle et Ă lâarticle 681. Le droit de profiter des eaux dâune source dans le cas prĂ©vu par lâarticle 643 du Code civil est une servitude lĂ©gale. Le trouble apportĂ© Ă son exercice donne lieu Ă la complainte. Le juge de paix a le pouvoir de rechercher la nĂ©cessitĂ© qui, dâaprĂšs la loi, est la cause du droit des habitants. Le droit de passage est, comme nous lâavons dit, une servitude discontinue qui ne peut donner lieu Ă lâaction possessoire, Ă moins quâil ne soit appuyĂ© sur un titre. Par arrĂȘts des 3 juin et 2/i novembre 1835, et 9 mars 18/i6, la cour de cassation a dĂ©cidĂ© formellement quâil en Ă©tait ainsi, lors mĂȘme que le passage sâannonçait par un ouvrage extĂ©rieur, une porte par exemple, parce quâen effet lâouvrage rend bien la servitude apparente, mais nâempĂȘche pas quâelle soit toujours discontinue, et ne puisse sâacquĂ©rir que par titre. Mais il en est diffĂ©remment du passage accordĂ© en cas dâenclave par lâart. 382. Lâenclave nâest pas dĂ©finie par la loi. Les juges, mĂȘme au possessoire, doivent avoir certaine latitude pour la rechercher et la constater. La contiguĂŻtĂ© dâun chemin public, dâun cours dâeau, mĂȘme lorsquâil appartiendrait au propriĂ©taire du fonds, pourrait ĂȘtre dĂ©clarĂ©e ne pas faire cesser lâenclave, si le mauvais Ă©tat du chemin ou la nature de la riviĂšre rendaient le passage dangereux ou trop difficile, ou exigeaient des dĂ©penses trop considĂ©rables pour lâĂ©tat des communications. Voyez notre TraitĂ© des chemins, et arrĂȘts de la cour de cassation des 31 mai 1825, 23 aoĂ»t 1827 et 16 fĂ©vrier 1835. Il en serait de mĂȘme dans le cas oĂč une partie du fonds ne toucherait Ă la voie publique que par un fossĂ©, un rocher, une montagne qui sâopposeraient Ă la communication directe avec cette voie. Le propriĂ©taire tiendrait de la loi le droit de passer sur lâhĂ©ritage ou les hĂ©ritages voisins, et il devrait ĂȘtre maintenu dans la possession quâil aurait eue pendant un an sans ĂȘtre tenu de produire un acte de concession, parce quâalors le titre du rĂ©clamant est la loi elle-mĂȘme; ce qui sâapplique Ă toutes les servitudes naturelles ou lĂ©- 384 â gales. ArrĂȘts de la cour de cassation des 26 janvier'1825, 9 mai 1831. Cette solution sur laquelle la jurisprudence a Ă©tĂ© longtemps incertaine, ne saurait plus ĂȘtre aujourdâhui lâobjet du moindre doute. Si deux arrĂȘts de la cour de cassation des 7 fĂ©vrier 1811 et 8 juillet 1812, ont dâabord refusĂ© lâaction possessoire pour trouble dans lâexercice dâun passage en cas dâenclave, deux autres arrĂȘts des 10 juillet 1821 et 22 aoĂ»t 1827, avaient dĂ©jĂ , Ă lâoccasion dâune question analogue, posĂ© un principe diffĂ©rent, et depuis, dix arrĂȘts des 8 janvier, 7 mai 1829, 10 mars 1830, 21 mars et 9 mai 1831, 27 juin, 19 novembre 1832, 23 mars et 7 juin 1830, et 12 dĂ©cembre 1843 , lâont de nouveau consacrĂ©. Ainsi, les doutes Ă©levĂ©s par M. Va- zeille, des Prescriptions, tome 1, n°* 409 et 410, ne sont pas fondĂ©s. Et si le propriĂ©taire enclavĂ© qui jouissait dĂ©jĂ dâune servitude de passage venait Ă changer la destination primitive de son fonds, il aurait le droit dâexiger, sauf indemnitĂ©, une extension ou modification de la servitude, proportionnellement aux besoins de lâexploitation nouvelle. ArrĂȘt de la cour de cassation, du 8 juin 1836. Mais il faut remarquer que celui qui se prĂ©tendrait ou serait rĂ©ellement enclavĂ©, et qui nâaurait jamais exercĂ© le passage, ou celui qui, aprĂšs lâavoir exercĂ©, aurait besoin dâen obtenir un nouveau, Ă raison des changements survenus dans les lieux ou dans lâexploitation, ne pourrait, de son autoritĂ© privĂ©e, Ă©tablir ce passage, en choisir lâemplacement, et que sâil le faisait sans lâintervention de la justice, le propriĂ©taire du fonds que lâon veut ainsi grever de servitude, mais qui serait en possession annale de franchise, serait recevable Ă intenter lâaction posses- â ,!8S â soire pour sây faire maintenir. VrrĂȘt de cassation du lĂŽ juillet 18/iĂą, entre LinarĂšs et Darlot. Si lâenclave nâavait pas une annĂ©e dâexistence, le propriĂ©taire de lâhĂ©ritage sur lequel le passage serait pratiquĂ© pourrait faire rĂ©primer ce fait, sans que le possesseur du fonds enclavĂ© pĂ»t opposer que lâexercice dâun droit fondĂ© sur la nĂ©cessitĂ© et sur la loi ne peut pas ĂȘtre un trouble ; car autre chose est le principe du droit, autre chose est le mode de son exercice ; et lorsque lâenclave est prouvĂ©e, il reste encore Ă rĂ©gler par lequel des fonds voisins ou par quelle partie de ces fonds le passage doit avoir lieu; ce rĂ©glement excĂšde la compĂ©tence du juge de paix et ne peut ĂȘtre fait que par les tribunaux civils. 11 sâensuit que si, aprĂšs avoir passĂ© pendant moins dâun an, lâenclavĂ© venait Ă ĂȘtre troublĂ© dans son passage, il ne pourrait intenter complainte pour sây faire maintenir. Voyez notamment les arrĂȘts de la cour de cassation des 7 juin 1830 et 12 dĂ©cembre 18/3. 11 est Ă©vident que le fait matĂ©riel, la possession annale du passage doit ĂȘtre la rĂšgle des parties et du juge pour dĂ©cider sur la complainte en cas dâenclave ; le propriĂ©taire de lâhĂ©ritage assujetti serait fondĂ© Ă intenter cette action contre le voisin qui viendrait Ă changer lâemplacement par lequel il aurait passĂ© pendant une annĂ©e entiĂšre. Cour de cassation, 24 juin 1828. RĂ©ciproquement, le propriĂ©taire du fonds enclavĂ© serait fondĂ© Ă se faire maintenir dans la possession de passer par la partie du fonds qui lui aurait servi Ă cet usage pendant un an. Le propriĂ©taire du fonds servant ne pourrait sâv opposer, sous prĂ©texte que le passage est par cet endroit plus long et plus dommageable pour lui, ni demander que le juge de paix recherchĂąt et fixĂąt cet endroit. 386 â dâĂ©chelle au nombre des servitudes lĂ©gales; il est Ă©galement certain que, dans les pays oĂč lâacquisition en Ă©tait autrefois permise par possession, il faut que cette acquisition ait Ă©tĂ© accomplie avant le Code. Cependant, la premiĂšre dĂ©cision a Ă©tĂ© controversĂ©e entre MM. Guichard et Aulanier; le premier tient pour lâabolition du tour dâĂ©chelle comme servitude lĂ©gale ; le second pense, au contraire, quâelle forme un droit acquis pour ceux dont les constructions existaient avant le Code ch il. Nous croyons inutile de suivie ces auteurs dans leurs raisonnements opposĂ©s, car la question qui les divise a Ă©tĂ© nettement tranchĂ©e par deux arrĂȘts de la cour de cassation, qui paraissent avoir Ă©chappĂ© Ă leurs recherches. Nous les avons dĂ©jĂ citĂ©s ; ils sont des 31 octobre 1810 et 21 avril 1813. M. Merlin les reproduit, V° l'm- sinage, avec des conclusions fort Ă©tendues prononcĂ©es lors du dernier. Il prouve que toutes les servitudes dĂ©rivant des anciens usages ou des dispositions expresses des coutumes, sont abolies par lâart. 7 de la loi du 30 ventĂŽse an XII, lequel dĂ©clare, quâĂ compter du jour oĂč ont Ă©tĂ© exĂ©cutoires les lois dont se compose le Code civil, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes gĂ©nĂ©rales ou locales... avaient cessĂ© dâavoir force de loi gĂ©nĂ©rale ou particuliĂšre dans les matiĂšres qui sont lâobjet de ces lois; quâil en est ainsi, lors mĂȘme quâon en aurait joui de temps immĂ©morial avant le Code civil, parce que cette possession rĂ©sultant dâune coutume, celui contre lequel on l'invoque ayant Ă©tĂ© forcĂ© de la soull'rir, il nâen pouvait rĂ©sulter aucune acquisition de droit ; pie lâart. Ăčl du Code civ il ne maintient pie les servitudes acquises par la seule possession, sans le secours de la coutume, â 390 â parce quâelle est fQiidĂ©e sur le consentement prĂ©sumĂ© du voisin. Les deux arrĂȘts citĂ©s ont pleinement consacrĂ© cette opinion. Ces principes reçoivent exception au cas de rĂ©paration Ă faire Ă un mur mitoyen ; chacun des propriĂ©taires Ă©tant tenu dây contribuer Ă©galement, doit, par une consĂ©quence nĂ©cessaire, fournir le passage sans lequel lâobligation ne pourrait sâaccomplir. Quant au tour dâĂ©chelle, qui consiste en un terrain dĂ©laissĂ© par le propriĂ©taire au delĂ de son mur ou bĂątiment, il subsiste toujours, puisquâil est Ă©tabli Ă titre de propriĂ©tĂ© et non de servitude. La cour de cassation a jugĂ©, le 15 dĂ©cembre 1835, pie le propriĂ©taire dâun moulin construit sur un canal fait de main dâhomme, constituant une propriĂ©tĂ© privĂ©e commune Ă plusieurs moulins alimentĂ©s par ses eaux, a le droit, en lâabsence de titre contraire, de passer sur la douve de ce canal dans toute son Ă©tendue, pour veiller au libre cours des eaux. Lâusinier troublĂ© dans la possession dâexercer ce passage, aurait incontestablement lâaction possessoire pour sây faire maintenir, comme en matiĂšre de sentier dâexploitation. .Yâ 3. Des servitudes Ă©tablies par le fait de l'homme. Nous avons dĂ©jĂ dit que les servitudes continues et apparentes pouvant sâacquĂ©rir par la prescription, la possession annale autorisait la complainte Ă leur Ă©gard. Ainsi, cette action appartient au possesseur dâune fenĂȘtre, dâun aqueduc, dâun Ă©gout, lorsquâil est troublĂ©. Mais la possession ne pouvant plus faire acquĂ©rir. ; s â 301 â autres servitudes, ne peut, par consĂ©quent, en ce qui les concerne, servir de fondement Ă la complainte. Vainement un particulier aura-t-il, de temps immĂ©morial, exercĂ© le puisage ou lavage mĂȘme Ă lâaide dâĂ©tablissements fixes et apparents arrĂȘts de cassation du h octobre 1807, fait pacager ses bestiaux arrĂȘt de la mĂȘme cour du 22 novembre 1830 ou passĂ© sur le fonds dâautrui, mĂȘme au moyen dâune porte quâil y aura ouverte, il nâaura par lĂ acquis aucun droit. Cette dĂ©cision sâapplique aussi Ă une commune lorsquâelle a dâautres chemins dans le voisinage. ArrĂȘt du 30 novembre 1830. 11 en est autrement lorsque le demandeur, outre la possession annale quâil allĂšgue, produit un titre pour prouver que sa possession rĂ©sulte dâun droit lĂ©gitime, et nâest pas lâeffet de la tolĂ©rance ou de la familiaritĂ©. Le juge de paix non-seulement peut, mais doit lâapprĂ©cier sous ce seul rapport, quand mĂȘme il serait contestĂ©, pourvu quâil se borne Ă maintenir dans la possession sans rien dĂ©cider sur le fond du droit. Nous pensons quâil aurait le mĂȘme pouvoir, dans le cas oĂč le titre serait combattu par un autre ou attaquĂ© de nullitĂ© pour vice de forme, sauf cependant Ă lâĂ©carter si cette nullitĂ© Ă©tait constante Ă ses yeux et rĂ©sultait de faits certains, mais non lorsquâelle ne peut ĂȘtre la consĂ©quence que dâune action en rescision ou dâune instruction plus ou moins longue. 11 ne pourrait pas davantage prendre pour base de sa dĂ©cision un acte authentique contre lequel une inscription de faux serait admise, ou celui sous-seing privĂ© dont les signatures seraient contestĂ©es. Il a Ă©tĂ© jugĂ© le 1 er avril 1837, par la cour de cassation, que la possession suffit Ă celui qui, au lieu de rĂ©clamer un simple droit de servitude, se prĂ©tend propriĂ©taire du terrain ou de lâobjet sur lequel il a exercĂ© le passage, pacage ou puisage. Du reste, le juge de paix doit nâuser du pouvoir dâappliquer les titres quâavec une grande rĂ©serve. Tous ces principes nous paraissent rĂ©sulter de la jurisprudence constante de la cour de cassation. Nous citerons les arrĂȘts des 2 et 2 /i juillet 1810 , 0 juillet 1812 , 2 mars, 17 mai 1820 , 20 janvier, 10 avril, 0 novembre, 21 dĂ©cembre / lĂ©vrier 1820 , 21 mars, 0 dĂ©cembre 1831 . juge pourrait aussi consulter les titres pour rechercher si lâobjet en litige est dans le commerce et susceptible de prescription. La cour de cassation lâa ainsi jugĂ© avec raison, par arrĂȘts des 10 lĂ©vrier et 25 juillet 1837, et 2 lĂ©vrier 18/0. On peut voir encore un arrĂȘt assez important rendu le 12 novembre 1838, par la chambre des requĂȘtes, sur le pourvoi de la ville de Bolbec contre du tribunal du Havre. La mĂȘme cour a jugĂ©, le 21 mai 1838, quâun petit terrain situĂ© en dehors des murs de clĂŽture dâune propriĂ©tĂ© particuliĂšre et attenant Ă une place publique, avait pu ĂȘtre prĂ©sumĂ© faire partie de cette place, dĂ©clarĂ© imprescriptible et non susceptible de donner lieu Ă complainte. La cour de cassation a encore rendu, le 8 mai 1S38, un arrĂȘt qui mĂ©rite une attention spĂ©ciale. Pour se dĂ©fendre dâune action possessoire et soutenir quâil Ă©tait co-usager avec les demandeurs, le sieur Bou- geret invoquait un trĂšs-ancien titre. Les demandeurs rĂ©pliquent que les droits sont prescrits et Ă©teints, soit parce que, sâagissant dâun sol originairement forestier, 3113 â on nâa pu les conserver que par des dĂ©clarations et procĂšs-verbaux de dĂ©livrance, soit par le non-usage pendant trente ans. Mais les juges du possessoire ont refusĂ© de statuer sur lâexception, et la cour a approuvĂ© ce refus, attendu que si ces juges doivent apprĂ©cier les titres, ils ne doivent pourtant pas prononcer sur leur validitĂ© relativement au fond du droit, se livrer Ă des instructions longues et dispendieuses pour Ă©carter ou admettre les objections proposĂ©es contre les titres; quâil suflit dâen reconnaĂźtre la rĂ©gularitĂ©, dâen apprĂ©cier la portĂ©e, de la prendre, sâil y a lieu, pour point de dĂ©part, alin de dĂ©terminer le vĂ©ritable caractĂšre de la possession, tous les droits des parties demeurant rĂ©servĂ©s au pĂ©titoire. Par un autre arrĂȘt du 23 mai 1838, la cour rĂ©gulatrice a cassĂ© un jugement qui avait Ă©cartĂ© un titre un partage de biens communaux fait en 1791 comme nul, aux termes de la loi du 9 ventĂŽse an XII ; elle sâest fondĂ©e sur le motif bon pour lâespĂšce, mais quâil ne faudrait pas appliquer dâune maniĂšre absolue, quâen matiĂšre possessoire la question de validitĂ© ou de non validitĂ© des titres ne peut autoriser Ă dĂ©clarer la possession vicieuse et sans effet. Nous disons quâil ne faudrait pas appliquer ce motif dâune maniĂšre absolue; nous pensons en effet quâil faut au moins, pour pie lâaction soit recevable, que la validitĂ© du titre soit constatĂ©e quant au possessoire. Kt câest ce pie la cour de cassation elle-mĂȘme a dĂ©cidĂ© par arrĂȘt du 2t juillet 1839, duquel il rĂ©sulte, quâau cas dâaction possessoire ayant pour objet une servitude discontinue, telle quâun droit de passage, laquelle action nâest recevable quâautant que le droit se trouve fondĂ© sur un litre, â 3!>i â le juge du possessoire auquel un tel titre est prĂ©sentĂ© doit, si sa validitĂ© est contestĂ©e, apprĂ©cier lui-mĂȘme cette validitĂ© en ce qui touche le possessoire, pour statuer ensuite sur lâaction Ă laquelle il sert de base. Il ne peut renvoyer cet examen aux tribunaux ordinaires, et surseoir Ă statuer sur le possessoire, jusquâĂ ce que leur dĂ©cision soit intervenue. Nous ne pensons pas que le juge de paix puisse prendre en considĂ©ration ni rechercher une possession tren- tenaire ou immĂ©moriale dans les pays oĂč, avant le Code civil, les servitudes discontinues sâacquĂ©raient de cette maniĂšre ; car, dâune part, le Code veut quâelles fussent dĂ©jĂ acquises avant sa promulgation ; et, de lâautre, il nâappartient pas au juge de paix de donner un titre aux parties ; il peut seulement appliquer celui dont lâexistence lui est Ă©tablie par la production quâelles en font. Aussi, en pareil cas, la cour de cassation a-t-elle dĂ©cidĂ©, le 3 octobre 181A et le 2 juillet 1823, que la voie pĂ©titoire est la seule praticable. Remarquons, que lorsque sur une complainte le dĂ©fendeur allĂšgue quâil a la possession annale de couper des litiĂšres, de fagoter et de faire paĂźtre sur le terrain en litige, que mĂȘme ses auteurs ont cultivĂ© ce terrain pendant nombre dâannĂ©es, sans trouble ni opposition, si le tribunal juge quâen fait le demandeur ne justifiant pas sullisamment de sa possession annale, il y a lieu Ă admettre le dĂ©fendeur Ă la preuve de ses faits de possession, il nây a point lĂ de contravention aux dispositions de lâart. HH du Code civil. ArrĂȘt de la cour de cassation du 21 fĂ©vrier 1827. Lorsque le demandeur 11 âofĂŻre pas de justifier sa possession exclusive, et que dâailleurs son adversaire prouve â 39o â quâil a eu aussi la possession de lâobjet litigieux, le juge peut prononcer en faveur de ce dernier, sans ĂȘtre obligĂ© dâordonner que le demandeur fera preuve de la possession exclusive allĂ©guĂ©e. ArrĂȘt de la cour de cassation du 31 aoĂ»t 1831. Aux ternies de lâart. 692, la destination du pĂšre de famille vaut titre Ă lâĂ©gard des servitudes continues et apparentes. Cette dĂ©cision nâa dâimportance quâau pĂ©tiâ toire, parce quâelle dispense de la prescription ; mais elle nâen a point au possessoire, puisque la possession annale est toujours exigĂ©e pour la complainte, et que les servitudes dont il sâagit sont prescriptibles. Mais lâart. 69A portant que si le propriĂ©taire de deux hĂ©ritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de lâun de ses hĂ©ritages sans que le contrat contienne aucune convention relative Ă la servitude, elle continue de substituer activement ou passivement en faveur du fonds aliĂ©nĂ© ou sur le fonds aliĂ©nĂ©, est-il corrĂ©latif Ă lâart. 692, fait pour le mĂȘme cas, ou bien sâapplique-t-il, sans distinction, Ă toutes les servitudes continues et discontinues, toutes les fois quâil existe un signe apparent entre les deux immeubles? Les auteurs les plus graves sont divisĂ©s sur cette question. Les uns prĂ©tendent que lâart. 69A ne doit sâentendre que des servitudes continues et non des servitudes discontinues, et que le principe posĂ© par lâart. 692 doit rĂ©gir lâart. 69A, qui nâen est que le dĂ©veloppement. Telle est lâopinion de MM. Delvincourt, Cours de Code civil, t. 1 er , p. 533 ; Toullier, t. 3, nâ 613, et Favard de Lan- glade, Repert., V° Servitude, sect. 3, § A, n° 3. Mais la doctrine contraire est professĂ©e par MM. Par- dessus, TraitĂ© des servitudes, n°* 289 et 300; Merlin, Rc- pert., V° Servitude, § 19, n° 2 ; Duranton, Cours de droit civil, t. 5, n 0 ' 570 et suiv., et Solon, TraitĂ© des servitudes rĂ©elles, n° 399. Suivant ces auteurs, lâart. 694 nâa aucun rapport avec lâart. 692 ; il statue pour un cas autre que ceux prĂ©vus par celui-ci, et il en est parfaitement indĂ©pendant, puisquâil ne tire aucune considĂ©ration de la continuitĂ© ou discontinuitĂ© de la servitude; mais quâau contraire, dans le cas quâil prĂ©voit, la servitude est maintenue, par cela seul quâelle est manifestĂ©e par un signe apparent, soit quâelle soit continue ou discontinue. La jurisprudence, longtemps incertaine, parait sâĂȘtre fixĂ©e dans ce dernier sens. Nous citerons notamment les arrĂȘts de la cour de Caen du 15 novembre 1836, de la cour de Douai du 1 er juillet 1837, et de la cour de Limoges du 4 aoĂ»t 18/jO ; et ceux rendus par la cour de cassation les 26 avril 1837 et 2/i fĂ©vrier 1810. Ajoutons, toutefois, que ce dernier arrĂȘt introduit une distinction tout-Ă -fait nouvelle, et donne Ă la question une solution moins gĂ©nĂ©rale, en ce que tous les arrĂȘts antĂ©rieurs ne soumettaient lâapplication de lâarticle 694 aux servitudes discontinues quâĂ la condition dâun signe apparent, tandis que lâarrĂȘt du 24 fĂ©vrier 1840 exige de plus que la servitude ait une origine lĂ©gale rĂ©sultant soit dâun titre, soit de lâĂ©tat des lieux et de la nature mĂȘme des choses, comme au cas dâenclave. Quanta lâaction possessoire, nous croyons que lâexistence dâun signe apparent ne suffirait point pour lâautoriser; il faudrait encore quâil sâagisse dâune servitude continue. Mais au cas de servitude discontinue, le demandeur allĂ©guerait en vain lâarticle 694, sâil ne joignait Ă sa possession annale un titre originaire. 397 â Nous ne considĂ©rons le pacage sur le fonds dâautrui que comme une servitude discontinue, sans distinguer entre la grasse et la vaine pĂąture, conformĂ©ment Ă lâarticle 688, dont les termes sont gĂ©nĂ©raux. Il ne peut donc sâĂ©tablir par la possession, et nâest pas susceptible de lâaction possessoire quand il nâest pas appuyĂ© sur un titre. Nous nâadmettrions dâexception que dans les cas oĂč la propriĂ©tĂ© ne serait dâaucun autre produit, et oĂč celui qui aurait exercĂ© le pacage se prĂ©tendrait propriĂ©taire du sol. Alors le juge de paix aurait la facultĂ© de considĂ©rer les faits comme constituant une possession non prĂ©caire et Ă titre de propriĂ©taire. Nous rangeons aussi le droit de secondes herbes dans la catĂ©gorie des servitudes discontinues. La cour de cassation a eu deux fois Ă prononcer sur ce point. Dans la premiĂšre espĂšce, elle Ă©vita de le faire en dĂ©cidant que le jugement qui avait reconnu quâune plantation exĂ©cutĂ©e sur un prĂ© grevĂ© de cette servitude ne constituait pas un trouble Ă la possession, avait jugĂ© en fait, et ne pouvait ĂȘtre cassĂ©. ArrĂȘt du 19 juillet 1825. LâarrĂȘt rendu dans la seconde espĂšce, le 7 mars 1826, Ă©nonce positivement que le droit de secondes herbes, exercĂ© sans titre, est une servitude discontinue. Toutefois, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© par un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes du 22 novembre 1841, que la perception des secondes herbes dâun prĂ© au profit dâune commune, soit par elle-mĂȘme, soit par des tiers auxquels elle lâaffermait, peut, suivant les circonstances de fait et de lieu dont les tribunaux sont apprĂ©ciateurs souverains, constituer, non une servitude de vaine pĂąture, insusceptible dâĂȘtre acquise par prescription, non pas mĂȘme un droit dâusage, susceptible d'ĂȘtre rachetĂ© par voie de canton- â 398 â nement, maĂŻs un droit de co-propriĂ©tĂ©, qui peut ĂȘtre acquis par une possession trentenaire. Les usages dans les bois et forĂȘts se divisent en grands et petits. Les premiers consistent dans le droit de faire paĂźtre les bestiaux, de se faire dĂ©livrer du bois de chauffage et de construction. Les autres consistent principalement dans le droit dâenlever les bois morts et morts bois. Les auteurs ne sont pas dâaccord sur la nature du droit dâusage ; les uns le considĂšrent comme une co-propriĂ©tĂ© ; les autres, parmi lesquels on compte MM. Ilenrion chapitre A3, § 8, Merlin Questions de droit, V° PĂąture et bavard de Langlade, rĂ©p. V° Usayes droit dâ, comme une servitude discontinue. Nous nâavons pas lâintention de nous livrer Ă la discussion de ces opinions diverses, parce que nous devons nous borner autant que possible Ă traiter des actions possessoires. Nous dirons seulement que nous adoptons la derniĂšre; que, par consĂ©quent, le trouble Ă un usage ne peut donner lieu Ă la complainte quâautant que le droit est Ă©tabli par titre. Cette solution est commune aux bois de lâĂtat et des particuliers. Nous nâadmettrions mĂȘme pas dâexception pour le cas oĂč lâon invoquerait des procĂšs-verbaux de dĂ©fensabilitĂ© et de dĂ©livrance pendant plusieurs annĂ©es, et notamment pendant celle qui aurait prĂ©cĂ©dĂ© le trouble. Ces actes, sufli- sans pour empĂȘcher la prescription du droit rĂ©sultant dâun titre, ne pourraient Ă©quivaloir au titre constitutif exigĂ© par la loi ; il y aurait pour les bois de lâĂtat une raison de plus de cette solution ; câest que tous les droits non reconnus par des dĂ©cisions antĂ©rieures au Code forestier ou par suite dâinstances engagĂ©es dans les deux ans de ce Code sont supprimĂ©s, et quâil est dĂ©fendu dâen Ă©tablir Ă lâavenir. *w» 300 âąâ» La jurisprudence de la cour de cassation nous semble conforme Ă notre sentiment. Un premier arrĂȘt du O mars 1817 dĂ©cide quâun droit dâusage dans les bois peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme servitude. Nous lisons dans un autre arrĂȘt du 23 mai 1832 que les droits dâusage dans les forĂȘts sont des servitudes discontinues, quâen Alsace ces servitudes pouvaient sâacquĂ©rir par la prescription avant le civil ; que lâart. 691 a maintenu les droits dâusage acquis de cette maniĂšre buis cette province avant ce '.ode. Deux autres arrĂȘts de la mĂȘme cour des 6 fĂ©vrier et 3 avril 1833, donnent aussi aux droits dâusage dans les bois et forĂȘts de lâIitat, des communes ou des particuliers, la qualification de servitudes. Un arrĂȘt plus rĂ©cent, rendu par cette cour le 30 juillet 1838, dĂ©cide encore que les droits dâusage dans les forĂȘts ne constituent au profit des usages quâune servitude discontinue qui, aux termes des lois sur la contribution fonciĂšre, nâest soumise Ă aucune partie de cet impĂŽt. Cependant un autre arrĂȘt de la mĂȘme cour, du 6 aoĂ»t 1832, fait rĂ©sulter de la loi du 10 juin 1793 une exception toute spĂ©ciale ; il a jugĂ© quâune commune en possession dâun pacage, sur un terrain situĂ© dans le territoire dâune commune voisine, doit, aux termes de cette loi, section A, article 2, ĂȘtre maintenue dans sa possession, parce que lâarticle 691, sur lâimpossibilitĂ© dâĂ©tablir les servitudes discontinues autrement que par titres, nâa portĂ© aucune atteinte Ă la lĂ©gislation communale rĂ©sultant de cette loi de 1793. Jusquâici nous nâavons considĂ©rĂ© que le propriĂ©taire troublĂ© dans lâexercice dâune servitude par celui sur le fonds duquel il prĂ©tend pouvoir lâexercer; mais nous de- â 400 â vons nous occuper aussi de ce propriĂ©taire qui soutiendrait nâĂȘtre assujetti Ă aucune charge. Celui-ci aurait sans contredit, en gĂ©nĂ©ral, lâaction possessoire appelĂ©e nĂ©gatoire pour se luire maintenir dans la possession libre et franche de son hĂ©ritage, nonobstant un arrĂȘt de la cour de cassation du 2 fĂ©vrier 1820, rendu entre Mairet et la veuve Tarnier, dont nous avons combattu la dĂ©cision dans notre TraitĂ©, des chemins, et que M. Merlin a Ă©galement combattu dans ses Questions de droit, X° Servitudes. Mais comme la prescription peut servir Ă fixer le mode dâexercice mĂȘme des servitudes lĂ©gales, par exemple pour les eaux que le fonds infĂ©rieur est tenu de supporter et pour le passage en cas dâenclave, il y aurait lieu, aprĂšs une annĂ©e de possession, Ă une action possessoire, sâil Ă©tait fait quelque innovation Ă cet Ă©tat Ăźle choses. Voy. pages 258, 315 et 319. Lâaction possessoire du propriĂ©taire de lâhĂ©ritage serait recevable lors mĂȘme quâune servitude discontinue, le passage, le puisage ou le pacage, aurait eu lieu pendant plus dâun an avant la demande, lu pareil fait ne peut entraĂźner ni perte ni acquisition de droit. Lors mĂȘme quâil sâagit de servitudes continues et apparentes, ou de servitudes discontinues, mais fondĂ©es en titres, le propriĂ©taire est admis, aprĂšs un an de non exercice, Ă intenter lâaction possessoire, parce que les servitudes qui rĂ©sultent du fait de lâhomine peuvent sâĂ©teindre par la prescription, câest-Ă -dire par le non usage, pendant trente ans. Art. 705 du Code civil. De nombreux arrĂȘts de la cour de cassation ont fait lâapplication de ces principes aux usages dans les bois et forĂȘts. â 401 Ils ont dĂ©cidĂ© que lâusage, comme toute autre servitude, Ă©tait prescrit aprĂšs trente ans de la date du titre qui lâavait Ă©tabli; que câĂ©tait Ă lâusager de prouver quâil avait joui de son droit pendant ce temps, ou au moins pendant celui suffisant pour interrompre la prescription ; que le fait de jouissance ou dâinterruption ne pouvait rĂ©sulter que de procĂšs-verbaux rĂ©guliers de dĂ©livrance ou de dĂ©fensabilitĂ©, ou dâactes Ă©manĂ©s soit du propriĂ©taire de la forĂȘt, soit de ses reprĂ©sentants ou Ă©quipollents Ă de tels procĂšs-verbaux, ou Ă©tablissant un commencement de preuve par Ă©crit propre Ă autoriser la preuve testimoniale dâune possession lĂ©gitime, sans quelle pĂ»t rĂ©sulter du seul fait matĂ©riel de lĂ jouissance de lâusage. On peut voir notamment les arrĂȘts des 23 mars, 31 aoĂ»t, 15 et 16 novembre 1842, 4 et 19 novembre 1845. butin un arrĂȘt du 15 novembre 1841 a dĂ©cidĂ©, dans un cas spĂ©cial, que la prescription des droits dâusage et autres servitudes attachĂ©es Ă un domaine court contre lâacquĂ©reur de ce domaine, Ă partir du jour de la vente, encore bien quâĂ cette Ă©poque le domaine soit affermĂ© par un bail antĂ©rieur qui ne prend fin quâĂ une Ă©poque postĂ©rieure Ă la vente ; dans ce cas, lâacquĂ©reur ne serait pas fondĂ© Ă prĂ©tendre que la prescription nâa couru contre lui quâĂ partir de lâexpiration du bail. Il suit de tout ce que nous venons de dire sur les usages dans les bois et forĂȘts que celui qui prĂ©tendrait y avoir droit ne pourrait intenter lâaction possessoire contre le propriĂ©taire, quâautant quâĂ un titre constitutif, il joindrait une possession annale antĂ©rieure au trouble, Ă©tablie par des procĂšs-verbaux de dĂ©livrance ou des actes Ă©quipollents, et quâaprĂšs une annĂ©e de non-exercice de 1 usage, la complainte ait au propriĂ©taire 26 â â ,. âą. i pour se faire maintenir dans la possession de franchise de son fonds. â Nous ferons, en terminant, une observation commune Ă toutes les servitudes ; câest quâaux termes de lâart. 701 du Code civil, le propriĂ©taire du fonds, dĂ©biteur de la servitude, peut obtenir le changement du lieu de son exercice, lorsque lâassignation primitive est devenue trop onĂ©reuse, et que lâinnovation quâil propose ne prĂ©judicie pas au crĂ©ancier. La cour de cassation a mĂȘme appliquĂ© ce principe au cas oĂč une transaction avait mis en commun des eaux destinĂ©es Ă lâirrigation de deux propriĂ©tĂ©s et çn avait rĂ©glĂ© lâusage. Mais le propriĂ©taire du fonds servant ne pourrait opĂ©rer le changement avant dâavoir obtenu lâautorisation de celui Ă qui la servitude est due, ou, Ă son refus, de la justice. Sâil le faisait, ce crĂ©ancier serait bien fondĂ© Ă intenter action en complainte ou rĂ©intĂ©grande pour faire rĂ©tablir lâancien Ă©tat des lieux. â 403 â CHAPITRE III Dp» divers objets qui, dans lâancien droit, Ă©taient considĂ©rĂ©s comm immeubles ou droits rĂ©els donnant lieu Ă lâaction possessoire, et qui ne pourraient plus eii ĂȘtre lâobjet aujourdâhui. SECTION 1". Notions gĂ©nĂ©rales. Nous nous sommes proposĂ©, dans le titre second de cet ouvrage, de faire connaĂźtre les diffĂ©rentes choses qtii peuvent ĂȘtre lâobjet des actions possessoires. Câest pour atteindre plus efficacement ce but, quâaprĂšs en avoir dĂ©jĂ , dans les deux chapitres prĂ©cĂ©dents, passĂ© un assez grand nombre en revue, nous avons cru devoir consacrer un chapitre particulier Ă certaines dâentre elles qui, dans l'ancienne lĂ©gislation, Ă©taient considĂ©rĂ©es comme droits rĂ©els immobiliers. La comparaison et le rapprochement des unes et des autres feront mieux comprendre encore le sens et lâapplication des principes que nous avons posĂ©s. Par le mot droit rĂ©el, dit llodier, sur lâart. 1", lit. 18 de lâordonnance de 1669, quest. 2, on entend un droit attachĂ© Ă une chose, comme une rente fonciĂšre, un droit de cens, de champart, de dĂźme, de pĂ©age, etc. Les droits de patronage, les droits honorifiques des patrons et des seigneurs sont pareillement regardĂ©s comme des droits rĂ©els, Ă raison desquels on peut intenter lâaction possessoire. Suivant Mareschal et Simon, au Traitç â 404 - des droits honorifiques, t. 1", p. 157, 195, 518, ort compte surtout parmi les droits honorifiques, la litre ou ceinture funĂšbre, le banc, la sĂ©pulture ou le sĂ©pulcre, lâoffrande, lâeau bĂ©nite, le pain bĂ©nit, la paix Ă baiser, le rang aux processions. Il fut jugĂ©, par arrĂȘt du parlement de Toulouse du 27 septembre 1743, que le baron de Lanta avait pu former complainte Ă raison des droits de justice contre le sieur Molinier, qui prĂ©tendait avoir une vingt-quatriĂšme portion de la justice, dans le lieu de Sainte-Foi, descendant de la baronnie de Lanta. Les particuliers peuvent mĂȘme intenter cette action pour les sĂ©pultures dont ils sont en possession, et les marguilliers pour les bancs. Voyez le TraitĂ© des droits honorifiques, pages 232 et 253. Je ne doute pas, malgrĂ© ce que dit Lange en sa Pratique, liv. 3, cliap. 5, quâon ne fĂ»t reçu Ă exercer lâaction de complainte et rĂ©intĂ©grande Ă raison des fonctions, droits et Ă©moluments dâun office, surtout dâun office hĂ©rĂ©ditaire et patrimonial, et tel est lâavis de Loiseau, TraitĂ© des offices , liv. 3, cliap. 4, n° 25. On pourrait encore demander par voie de rĂ©intĂ©grande dâĂȘtre remis en possession de son Ă©tat de lĂ©gitimitĂ©. » Nous renvoyons Ă ce que dit Pothier, TraitĂ© de la possession, depuis le n° 88, jusquâau n° 94, relativement aux droits de complant et de banalitĂ©s, Ă la corvĂ©e, Ă la dĂźme. Lâaction possessoire Ă©tait Ă©galement admise Ă raison de trouble dans la jouissance des bĂ©nĂ©fices. Lâordonnance de 1067 renferme un titre entier le 15â' consacrĂ© aux procĂ©dures sur le possessoire des bĂ©nĂ©fices. tOo â Pothier, de la Possession, il 0 â 134 et suivants, traite cette matiĂšre avec Ă©tendue. M. Henrion de Pansey est dâavis que la complainte peut encore avoir lieu aujourdâhui 1° En faveur des crĂ©anciers de rentes fonciĂšres, lorsquâils sont troublĂ©s dans leur jouissance, soit par le dĂ©biteur de la rente, soit par un tiers pii prĂ©tend avoir droit de la percevoir ; mais il pose un principe diffĂ©rent relativement aux rentes constituĂ©es, mĂȘme avec hypothĂšque spĂ©ciale. 11 cite Faber, Mazuer, Brodeau sur lâart. 98 de la Coutume de Paris, n° 3 ; de LauriĂšre sur lâart. 96 ; Imbert, Coquille. 2° Pour droit de champart, câest-Ă -dire pour le droit de percevoir certaine partie des fruits dâun fonds. 11 pense que si le propriĂ©taire dâun hĂ©ritage grevĂ© du droit de champart refuse dâen continuer le paiement, celui qui lâa perçu pendant les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes peut, par voie de complainte possessoire, demander Ă ĂȘtre maintenu dans sa possession. Il cite deux arrĂȘts du parlement de Paris, des 5 mars 1718 et 27 janvier 1737. 3° Pour droits de pĂ©age. Si une communautĂ© ou des particuliers, dit-il, Ă©taient en possession de la franchise dâun droit de pĂ©age qui serait Ă©tabli sur un pont, un chemin ou un bac, et que le propriĂ©taire du droit voulĂ»t les y assujettir, ils pourraient intenter la complainte Ă lâeffet dâĂȘtre maintenus possessoirement dans cette franchise. le mĂȘme, si, aprĂšs avoir payĂ© le droit pendant plus dâune annĂ©e, cette communautĂ© ou les particuliers dĂ©claraient quâils entendent sây refuser, le propriĂ©taire du droit aurait la mĂȘme action pour les contraindre Ă en continuer le paiement. » Lâauteur cite Boutillier et Dumoulin. 4° Et pour services Ă©ventuels. Lâauteur appelle ainsi lâobligation oĂč seraient un ou plusieurs particuliers de faire telles ou telles rĂ©parations Ă des maisons, moulins ou autres usines, dâen rĂ©parer les Ă©cluses, dâen curer les biez, dâentretenir les fossĂ©s. Si ces particuliers, sommĂ©s de remplir leurs obligations, sây refusent, il y a lieu contre eux Ă la complainte possessoire. Nous avons dĂ©jĂ eu plusieurs fois occasion de le dire, le vĂ©nĂ©rable prĂ©sident a presque constamment cĂ©dĂ© Ă lâinfluence des anciens principes, sans tenir compte des changements que notre nouvelle lĂ©gislation y a apportĂ©s. Il est certain que son opinion et celle de Rodier sont incompatibles avec cette lĂ©gislation. SECTION II. DĂ©signation spĂ©ciale de chacun des objets qui ne sont plus rĂ©putĂ©s immeubles ou droits rĂ©els immobiliers. AprĂšs ljes notions gĂ©nĂ©rales, viennent les dĂ©tails prĂ©cis et dĂ©veloppĂ©s. § 1?'. Des bĂ©nĂ©fices et dĂźmes. On nommait autrefois bĂ©nĂ©fice le droit attribuĂ© Ă un clerc de jouir durant sa vie de certains biens consacrĂ©s Ă Dieu, Ă cause de lâoffice spirituel dont ce clerc Ă©tait chargĂ© par lâautoritĂ© de lâĂ©glise. Il nây a plus aujourdâhui de bĂ©nĂ©fices, ils ont Ă©tĂ© supprimĂ©s par la loi du 12 juillet 1790 ; il ne peut donc plus y avoir de complainte en matiĂšre bĂ©nĂ©ficiale. Il en est de mĂȘme des dĂźmes, dont la suppression a Ă©tĂ© prononcĂ©e parles lois des h aoĂ»t 1789 et 14 avril 1790, qui nâexceptent que celles qui peuvent ĂȘtre assimilĂ©es - *97 - aux rentes fonciĂšres. Ces rentes nâayant plus de caractĂšre mobilier, ne pourraient ĂȘtre lâobjet dâune action pos- sessoire. Ăż 2. Des droits de patronage, rangs aux processions, etc.; des choses saintes, des reliques. Les droits de patronage, les droits honorifiques des patrons, lâoffrande, lâeau bĂ©nite, le pain bĂ©nit, la paix Ă baiser, le rang aux processions, etc., sont aussi abolis par les lois des h aoĂ»t, 1781 et autres subsĂ©quentes, et il nâest pas besoin dâajouter que dans les lieux oĂč quelques- uns de ces usages abusifs auraient pu se maintenir, ceux qui seraient en possession annale dâen jouir ne pourraient intenter lâaction possessoire, soit parce quâils en auraient joui sans aucun titre, soit parce que la chose qui serait lâobjet de la possession nâaurait aucun caractĂšre mobilier et ne serait pas prescriptible. Il faudrait porter la mĂȘme dĂ©cision relativement Ă la consĂ©cration des choses saintes, des reliques qui, dâaprĂšs lâespĂšce dâun arrĂȘt du parlement de Paris, rapportĂ©e au tome 2, dâAugeard, Ă©taient autrefois susceptibles de lâaction possessoire, mais qui nâen pourraient plus ĂȘtre lâobjet aujourdâhui. 4J 3. Des droits do justice et des offices. Les droits de justice sont Ă©galement abolis. Les offices ne subsistent plus au mĂȘme titre quâautrefois, et nâont pas un caractĂšre immobilier. Un magistrat nâaurait donc pas lâaction possessoire contre quiconque le troublerait dans lâexercice de ses fonctions. Personne ne peut les exercer sans avoir Ă©tĂ© nommĂ© par lâautoritĂ©. 11 ne peut donc y avoir en cette matiĂšre de possession valable ni de prescription. Tout se rĂšgle par lâacte dâinstitution du fonctionnaire et par le texte des lois qui dĂ©terminent ses attributions, â.ette dĂ©cision est commune aux divers fonctionnaires de lâEtat dans lâordre judiciaire, administratif ou militaire. Il en est de mĂȘme des offices ou charges de notaires, dâavouĂ©s, greffiers, commissaires-priseurs, agents de change et autres; tout se rĂšgle aussi par lâordonnance de nomination et par les lois qui prĂ©cisent les attributions et les droits de ces divers officiers publics. Dâailleurs, lâobjet de la contestation, en supposant mĂȘme quâelle portĂąt sur la clientĂšle ou sur les piĂšces, titres, dossiers, recouvrements, ne se rĂ©duirait-il pas Ă une chose purement mobiliĂšre? $ k- ic lâĂ©tat de lĂ©gitimitĂ©. On ne pourrait davantage intenter lâaction possessoire pour ĂȘtre maintenu ou rĂ©intĂ©grĂ© dans son titre de lĂ©gitimitĂ© ; car câest un droit incorporel et qui ne sâapplique pas Ă un objet immobilier ; il ne peut donner lieu quâĂ une question dâĂ©tat qui comprend le fond du droit dont les tribunaux ordinaires doivent seuls connaĂźtre. Mais si, en vertu de ce titre de lĂ©gitimitĂ© dont un particulier est en possession, il possĂšde depuis un an des immeubles sur lesquels un tiers commet des usurpations, il a, sans difficultĂ©, le droit de se faire maintenir ou rĂ©intĂ©grer dans la possession de ces biens. LâĂ©tat de lĂ©gitimitĂ© peut seulement ĂȘtre pris en considĂ©ration par le juge pour servir Ă dĂ©terminer le caractĂšre de la possession des immeubles, sur lesquels doit exclusivement porter la maintenue. â 409 â $ 3. De lâaction eu revendication d'immeubles. Quoique lâarticle 531 du Code civil dĂ©clare immeuble par lâobjet auquel elle sâapplique lâaction tendant Ă revendiquer un immeuble, et quâun axiome du droit romain considĂšre lâaction comme la chose mĂŽme qui habet ac~ tionem ad rem recuperandam, ipsum rem habere videtur, nous ne saurions concevoir, connue le dit M. CarrĂ©, n° 1/j23, un seul cas dans lequel une semblable action donnĂąt ouverture Ă celle possessoire. M. â-arrĂ© en donne les raisons suivantes, que nous approuvons Le caractĂšre principal de la possession dâoĂč peut dĂ©river cette action, câest dâĂȘtre publique, et certes nulle publicitĂ© dans la possession dâune action. Quel serait dâailleurs le genre de trouble apportĂ© relativement Ă une action? Ce ne serait pas sans contredit un trouble de fait ; ce ne pourrait ĂȘtre tout au plus quâun trouble de droit, rĂ©sultant par exemple de ce quâun autre que celui Ă qui appartiendrait lâaction lâintenterait dans son propre intĂ©rĂȘt, et comme si elle lui appartenait Ă lui- mĂȘme; mais en cette circonstance, ce serait Ă celui qui prĂ©tendrait que lâaction lui appartient rĂ©ellement, Ă intervenir dans lâinstance pour revendiquer son droit, et, en tout cas, ce droit ne pourrait ĂȘtre compromis sâil nâintervenait pas, puisque, comme propriĂ©taire de lâaction, on ne pourrait jamais lui opposer lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e, suivant la maxime res inter alios judicata tertio non nocel. » § 6. Des rentes et champarts. Toutes rentes constituĂ©es avec hypothĂšque ou lâon- â 410 â ciĂšres sont dĂ©clarĂ©es rachetables et mobiliĂšres par les art. 529 et 530 du Code civil ; elles ne peuvent donc devenir lâobjet de lâaction possessoire. En effet, le crĂ©ancier ne serait troublĂ© que dans le droit dâune prestation pĂ©cuniaire ou en denrĂ©e qui nâa aucun caractĂšre immobilier. champart campi pars est une dĂ©nomination gĂ©nĂ©rale qui signifie le droit dâexiger une certaine quantitĂ© des fruits dâun hĂ©ritage que lâon a donnĂ© il cultiver sous cette condition, soit Ă perpĂ©tuitĂ©, soit pour un temps. 11 sâappelle aussi dans quelques contrĂ©es terrage, agrier, tosque ou tĂąche, quart, cinquain ou vingtain. On le nomme communĂ©ment complant, quand il a pour objet un terrain plantĂ© en vignes ou destinĂ© Ă lâĂȘtre. Les champarts seigneuriaux ou mĂ©langĂ©s de fĂ©odalitĂ©, ont Ă©tĂ© supprimĂ©s par la loi du 17 juillet 1793. Ceux qui Ă©taient purement fonciers ont Ă©tĂ© conservĂ©s; mais ils sont devenus rachetables en vertu des lois des 4 aoĂ»t 1789 et 18 dĂ©cembre 1790, toutes les fois que les baux primitifs avaient transmis au preneur la propriĂ©tĂ© du fonds. Dans les autres cas il nây a pas lieu au rachat, ainsi que lâa dĂ©cidĂ© un avis du conseil dâĂ©tat du 4 thermidor an VIH, qui assimile les preneurs Ă portion de fruits aux fermiers ordinaires. LâadmissibilitĂ© de la complainte pour trouble dans la perception dâun champart ou complant a donnĂ© lieu, entre les auteurs modernes, Ă des dĂ©bats fort animĂ©s que nous ne reproduisons pas, parce que la jurisprudence de la cour de cassation est maintenant fixĂ©e dans le sens de la nĂ©gative par quatre arrĂȘts de la chambre civile. En premier arrĂȘt, du 16 janvier 1826, rejette le pourvoi formĂ© par le sieur BauchĂšne, contre un jugement qui i â 411 â refusait dâadmettre la complainte pour droit de cham- part, attendu, porte-t-il, que le demandeur nâindique aucune loi qui donne la qualitĂ© de droit rĂ©el Ă la prestation par lui rĂ©clamĂ©e Ă titre de complant; dâoĂč il suit que le jugement attaquĂ© nâa contrevenu Ă aucune loi. » Le 29 juillet 1828, autre arrĂȘt portant rejet du pourvoi formĂ© contre un jugement du tribunal de Bressuire, qui avait repoussĂ© la complainte ; les motifs sont trop Ă©tendus pour trouver place ici. Le 9 aoĂ»t 1831, arrĂȘt dâautant plus remarquable quâil casse un jugement par lequel la complainte avait Ă©tĂ© admise ; il esj, ainsi conçu La cour, vu les art. 529 et 530 du Code civil, attendu que les rentes et redevances de toute nature ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es rachetables par les lois de 1790,1792 et 1793, et par lâart. 530 du Code civil; que le § 2 de lâart. 529 du mĂȘme Code les a rĂ©putĂ©es meubles par la dĂ©termination de la loi; que, dans lâespĂšce, il sâagissait dâune redevance purement fonciĂšre, Ă©tablie par suite dâune transmission de propriĂ©tĂ©; et non dâun simple bail passĂ© Ă quelque titre que ce soit; quâil serait dĂšs lors constant dans la cause que la redevance dont il sâagit aurait Ă©tĂ© de la nature du complant dans son origine, et quelle aurait eu, sous lâancienne lĂ©gislation, le caractĂšre dâun droit immobilier, quâelle aurait perdu ce caractĂšre par la nouvelle ; Quâayant pris celui de meuble, le refus de paiement de la part du dĂ©biteur ne pouvait ĂȘtre poursuivi que par les voies ordinaires, et non par celle de la complainte possessoire, qui nâest autorisĂ©e quâen cas de trouble apportĂ© Ă la jouissance dâun droit immobilier. » Le 11 fĂ©vrier 1833, 4 e arrĂȘt qui a encore cassĂ©, parles mĂȘmes motifs, un jugement du tribunal de Fontenay-le- Conte, qui avait admis la complainte pour refus de paiement dâun champart. Remarquons dâailleurs que ces arrĂȘts nâont statuĂ© que dans des cas oĂč le crĂ©ancier dâune portion de fruits a aliĂ©nĂ© la propriĂ©tĂ©. Mais lorsquâau contraire il lâa conservĂ©e, le preneur nâest plus quâun colon, un fermier ordinaire; Ă plus forte raison, ne peut-il intenter lâaction possessoire contre son propriĂ©taire, et celui-ci ne peut la former contre lui. § 7. Dos droits de pĂ©age et droits Ă©ventuels. Les droits de pĂ©age ne peuvent donner lieu Ă lâaction possessoire. En effet, lâaction qui a pour but de triompher du refus de les acquitter, ou dâĂȘtre maintenu dans la possession de franchise, ne porte toujours que sur une prestation pĂ©cuniĂšre qui ne prĂ©sente rien dâimmobilier, et quâon ne peut assimiler mĂȘme dans le second cas Ă un service foncier, câest-Ă -dire Ă une servitude imposĂ©e sur un fonds en faveur dâun autre fonds; ce nâest quâune exception personnelle. Les mĂȘmes motifs servent Ă rĂ©soudre dans le mĂȘme sens la question de recevabilitĂ© de la complainte pour droits Ă©ventuels. Jf 8. Des sĂ©pultures et tombeaux. Quant aux sĂ©pultures, sĂ©pulcres ou tombeaux, il faut distinguer DâaprĂšs les art. 2 et h du dĂ©cret du 23 prairial an 12, chacun peut choisir le lieu destinĂ© Ă son inhumation, et ĂȘtre enterrĂ© dans sa propriĂ©tĂ©, pourvu quâelle soit hors â 413 â et Ă la distance prescrite de lâenceinte des villes et bourgs, câest-Ă -dire Ă 35 ou AO mĂštres au moins. Les bienfaiteurs des hĂŽpitaux peuvent ĂȘtre inhumĂ©s dans lâenceinte dĂ© ces Ă©tablissements, lorsquâils ont en exprimĂ© le dĂ©sir dans leurs actes de donation ou de derniĂšre volontĂ©. Art. 13. Hors ces cas dâexception, les inhumations se font dans les cimetiĂšres publics. Point de doute quâen cas dâinhumation dans une propriĂ©tĂ© privĂ©e, lâatteinte portĂ©e Ă un tombeau ne donnĂąt lieu Ă la complainte, de la part du possesseur annal du lieu consacrĂ© Ă la sĂ©pulture. Mais il en serait diffĂ©remment pour les inhumations dans lâenceinte des hĂŽpitaux ou des cimetiĂšres publics, parce que ces propriĂ©tĂ©s sont imprescriptibles, et seulement grevĂ©es dâune servitude de sĂ©pulture. Du reste, la violation des tombeaux ou des sĂ©pultures donne lieu aux peines prononcĂ©es par lâarticle 350 du '.ode pĂ©nal, indĂ©pendamment de celles applicables au vol, soit que lâinhumation ait Ă©tĂ© faite dans une propriĂ©tĂ© privĂ©e, soit quelle ait eu lieu dans les hĂŽpitaux ou cimetiĂšres. § 9. Chasse et pĂšche. Le droit de chasse ne nous semble pas susceptible de sâacquĂ©rir par la possession, car on ne peut le considĂ©rer que comme une sorte de servitude discontinue qui doit absolument ĂȘtre Ă©tablie par titre ; le titre, fĂ»t-il mĂȘme une facultĂ© perpĂ©tuelle de chasser sur des hĂ©ritages dĂ©terminĂ©s, ne constituerait quâune concession en faveur de la personne, et ne pourrait, en cas dâobstacle apportĂ© Ă â tu â son exercice, soit par le propriĂ©taire du fonds, soit par un tiers, autoriser le concessionnaire Ă intenter la complainte ; car il nâen rĂ©sulterait dâautre avantage que celui de pouvoir sâemparer du gibier qui nâest pas le produit de ce fonds, et ne forme jamais quâun objet mobilier. Le droit de pĂȘche nous paraĂźt ĂȘtre de la mĂȘme nature. Nous croyons que personne ne peut lâacquĂ©rir par prescription, pas plus le propriĂ©taire de la rive opposĂ©e, qui a droit de pĂȘcher dans le cours dâeaĂŒ de son cĂŽtĂ©, en vertu de la mitoyennetĂ©, quâun Ă©tranger non riverain. 11 nous semble que lâarticle 2 de la loi du 15 avril 1829 sur la pĂȘche fluviale, qui, aprĂšs avoir posĂ© le principe gĂ©nĂ©ral que les riverains ont chacun de son cĂŽtĂ© le droit de jĂźĂȘche jusquâau milieu du cours de lâeau, ajoute, sans prĂ©judice des droits contraires Ă©tablis par possession, nâa pas entendu que le fait de pĂȘche par un non riverain, mĂȘme Ă lâaide de travaux dans la riviĂšre pour le faciliter, fĂ»t constitutif de prescription. Il a sans doute eu en vue le cas oĂč le lit des eaux serait prescrit par un non riverain, comme lorsquâil sâagit dâaqueducs, de canaux dâirrigation ou de moulins. La complainte serait inadmissible lors mĂȘme que le droit de pĂȘche, en le supposant susceptible dâaliĂ©nation, ce que nous nâexaminons pas ici, aurait Ă©tĂ© cĂ©dĂ© par un acte, soit Ă un Ă©tranger, soit au co-propriĂ©taire du cours dâeau ; car cette cession nâattribuerait point de droit foncier ; il nâen rĂ©sulterait que lâavantage de sâemparer du poisson. Mais le possesseur dâun hĂ©ritage, du lit du cours dâeau sur lesquels la chasse ou la pĂȘche auraient lieu, pourrait intenter la complainte dans lâannĂ©e du trouble, Ă moins quâil nâeĂ»t accordĂ© la facultĂ© dont lâexercice motiverait â 41b â son action, parce que alors on la repousserait en produisant lâacte quâil a consenti. A plus forte raison la chasse et la pĂȘche par un tiers, au prĂ©judice du propriĂ©taire du fonds, donneraient lieu Ă lâaction possessoire dans les cas oĂč le poisson et le gibier pourraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme immeubles, dâaprĂšs ce que nous avons dit prĂ©cĂ©demment pages 200 et suivantes. § 10. Chapelles, bancs et places dans les Ă©glises. Les chapelles, les bancs, les places dans les Ă©glises ou le culte divin est cĂ©lĂ©brĂ© publiquement, ne peuvent ĂȘtre lâobjet dâune action possessoire, lors mĂȘme que ces diverses choses auraient Ă©tĂ© Ă©tablies aux frais de quelque particulier; car le sol sur lequel elles reposent est imprescriptible. Ce particulier, malgrĂ© ses travaux et sa longue possession, ne peut y avoir acquis aucun droit. Tous ces principes ont Ă©tĂ© proclamĂ©s par arrĂȘts de la cour de cassation des 1 er dĂ©cembre 1823 et 19 avril 1825. Il nây a Ă©videmment lieu quâĂ des actions ordinaires en dommages intĂ©rĂȘts, ou Ă toutes autres Ă©tablies par le droit commun, ainsi que lâa dĂ©cidĂ© un arrĂȘt de la mĂȘme cour du 14 mars 1833, dans une espĂšce oĂč la fabrique dâune Ă©glise ayant fait supprimer un de ses bancs, la personne qui prĂ©tendait y avoir droit Ă trois places avait demandĂ©, par action en justice de paix, non la maintenue en possession annale, mais le rĂ©tablissement du banc ou une indemnitĂ© de 24 fr. pour en tenir lieu. Remarquons mĂȘme, relativement aux bancs dans les Ă©glises, que la concession qui en est faite nâest que provisoire et prĂ©caire, aux termes du dĂ©cret du 30 dĂ©cembre 1809; et quâil a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©, par un dĂ©cret du 18 aoĂ»t â 410 â 1807, que la connaissance des contestations auxquelles leur jouissance peut donner lieu appartient Ă lâautoritĂ© administrative. Mais lâimprescriptibilitĂ© des Ă©glises, des chapelles qui en dĂ©pendent, nâa lieu quâautant quâelles sont bien rĂ©ellement consacrĂ©es au culte divin; et elle ne sâapplique pas aux anciennes Ă©glises ou chapelles qui nâont pas Ă©tĂ© mises Ă la disposition de lâĂ©vĂȘque, de la fabrique ou de la commune, aux termes des articles 75 et 70 de la loi du 18 germinal an X, et qui ont Ă©tĂ© au contraire consacrĂ©es Ă un service non religieux. Celles-ci sont avec raison considĂ©rĂ©es comme des propriĂ©tĂ©s privĂ©es pouvant devenir lâobjet dâune possession capable dâautoriser une action possessoire, complainte ou rĂ©intĂ©grande ; ainsi lâa trĂšs- bien dĂ©cidĂ© un arrĂȘt de la cour de cassation du h juin 1835, que nous avons dĂ©jĂ citĂ©, qui a Ă©tĂ© rendu, sur le pourvoi de la commune de Mayenne, contre lâhospice de la mĂȘme ville. 11 en serait de mĂȘme des chapelles Ă©tablies dans des propriĂ©tĂ©s particuliĂšres ; ainsi beaucoup sont fondĂ©es par des personnes privĂ©es dans leurs maisons ou chĂąteaux ; ces propriĂ©tĂ©s sont alors prescriptibles comme toutes chapelles appartenant aux particuliers, fussent-elles consacrĂ©es Ă lâexercice du culte divin ; câest ce qui rĂ©sulte de lâarrĂȘt du A juin 1835, dans lequel on lit que lâimprescriptibilitĂ© est sans application Ă une Ă©glise ou chapelle dâune maison particuliĂšre, dâun chĂąteau, dâun Ă©tablissement particulier quelconque, Ă©glise ou chapelle, qui ne pourrait ĂȘtre dans ce cas autre chose quâune propriĂ©tĂ© privĂ©e, quoique le culte divin y fĂ»t publiquement cĂ©lĂ©brĂ©. » M. CarrĂ©, dans son Gouvernement des paroisses, n 0 ' 300, 307, va jusquâĂ appliquer ces principes aux chapelles qui ne sont pas situĂ©es sous les voĂ»tes de lâĂ©glise, niais qui ont leur voĂ»te Ă part. Il dĂ©cide que celles-ci sont susceptibles dâĂȘtre prescrites, et par suite quâelles donnent lieu Ă lâaction possessoire; mais il faudrait pour cela que le juge qui a un pouvoir discrĂ©tionnaire Ă cet Ă©gard commençùt par dĂ©clarer quâelles ne font pas partie de lâĂ©glise. ArrĂȘt de la cour de cassation du 1S juillet 18-28. Ăż 11. D â Lorsqu'il \ a lieu Ă lâaction en rĂ©intĂ©grande, il snliil que le demandeur allĂšgue la possession au moment de la voie de lait, et conclue Ă y ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ© avec rĂ©tablissement des lieux dans leur prĂ©cĂ©dent Ă©tat, dommages-intĂ©rĂȘts et dĂ©pens. Si le dĂ©fendeur seid ne se prĂ©sente pas, le juge de paix peut donner dĂ©faut et adjuger les conclusions du demandeur sans ordonner dâenquĂȘte, de visite de lieux. Quoique lâarticle 150 du '.ode de procĂ©dure civile qui impose au juge, a\ant de donner dĂ©faut, lâobligation de vĂ©rifier si les conclusions sont justes, semble par la place quâil occupe ne sâappliquer quâaux contestations portĂ©es devant les tribunaux de premiĂšre instance, Ă raison de leur importance et de la nature des moyens sur lesquels elles reposent, cependant, dĂšs que lâarticle 10 porte que la cause sera jugĂ©e par dĂ©faut, ce qui veut dire apprĂ©ciĂ©e, que les Ibis exigent que tout jugement soit motivĂ©, câest un devoir pour le juge de paix de rechercher de quel cĂŽtĂ© est le bon droit, de maniĂšre Ă prononcer en faveur de celui-lĂ mĂȘme qui fait dĂ©faut, si la prĂ©tention de lâadversaire qui comparaĂźt ne lui semble pas fondĂ©e. \joutons que dâailleurs la loi ne prescrit au juge aucune rĂšgle pour former sa conviction il suffit donc quâil la dĂ©clare pour que le jugement soit rĂ©gulier; lâart. 24 ne suppose la nĂ©cessitĂ© dâune enquĂȘte que lorsque la possession ou le trouble sont dĂ©niĂ©s, et, dâaprĂšs lâart. lors mĂȘme que le dĂ©fendeur se prĂ©sente, conteste lâun ou lâautre, consent aux preutes et vĂ©rifications ou les requiert, eâest pour le juge, une facultĂ© et non une obligation absolue de les ordonner. Lu ell'et, le demandeur ou le dĂ©fendeur peut avoir dans des actes relatifs Ă la jouissance, dans des mĂ©moires ou â Ht â quittances de travaux ou d'impĂŽts, la preuve positive de sa possession ou de tout autre moyen ou exception, dette possession peut ĂȘtre purement civile; de mĂȘme quâaux termes des articles 2244, 22A8, lâinterruption civile rĂ©sulte dâune citation eu justice, dâun commandement, dâune saisie ou dâune reconnaissance, de mĂȘme aussi la possession peut rĂ©sulter dâactes semblables, puisque ces actes ont pour but de la conserver en empĂȘchant un tiers de lâacquĂ©rir; la vue des lieux peut mĂȘme par elle seule, et sans le secours des tĂ©moins, conduire le juge Ă dĂ©cider sur la possession en laveur de lâune ou lâautre des parties; car lĂ oĂč la preuve testimoniale est permise, de simples prĂ©somptions peuvent tenir lieu de tĂ©moignages. Article 1353 du Code civil. l/enquĂšte ne peut porter sur le fond du droit. Au surplus, ce nâest pas seulement dans ces divers cas que le juge peut se dispenser dâordonner la preuve; il a sur ce point un pouvoir discrĂ©tionnaire et indĂ©fini, soit qu'il prononce par dĂ©faut ou contradictoirement. Divers arrĂȘts de la cour de cassation des 25 juillet 1825, 28 juin 1830, 22 mai 1833, 4 juin 1835, 17 dĂ©dĂ©cembre 1844, ont consacrĂ© ces principes dans des espĂšces oĂč les dĂ©fendeurs ne sâĂ©taient pas bornĂ©s Ă dĂ©nier les faits articulĂ©s par leurs adversaires, mais avaient conclu formellement Ă la preuve des faits quâils allĂ©guaient. lĂŻarrĂȘt du 22 mai 1833 est surtout remarquable en ce quâil est rendu dans une espĂšce oĂč, pour ne point admettre la preuve, les juges ne dĂ©claraient mĂȘme pas quâelle Ă©tait inutile, ni dans quels Ă©lĂ©ments du procĂšs ils avaient puisĂ© leur conviction. â.et arrĂȘt a Ă©tĂ© rendu sur le pourvoi du sieur Bayle contre Lautier. Le juge de paix sâĂ©tait dĂ©clarĂ© incompĂ©tent parce que les travaux avaient Ă©tĂ© complĂštement exĂ©cutĂ©s sur le fonds du dĂ©fendeur quand lâaction pos- sessoire avait Ă©tĂ© formĂ©e. Sur lâappel du sieur Lautier, Bayle, aprĂšs avoir conclu Ă la confirmation, dĂ©niait subsidiairement le trouble articulĂ© par le demandeur ; il soutenait quâĂ la distance oĂč son barrage Ă©tait placĂ© il Ă©tait impossible quâil fit refluer les eaux sur le fonds de celui-ci et lui causĂąt aucun prĂ©judice, aucune incommoditĂ©. 11 faisait observer que, dâaprĂšs lâarticle 540 du Code civil, il nâest interdit Ă lâinfĂ©rieur de barrer les eaux quâautant quâil en rĂ©sulte un dommage pour les voisins, mais que le barrage non nuisible est permis. Il conclut expressĂ©ment Ă ĂȘtre admis Ă la preuve des faits quâil articulait. Sur ce, jugement ainsi conçu ConsidĂ©rant que les ouvrages Ă©tablis par Bayle se composent dâune marteliĂšre et dâune vanne en bois qui y est adaptĂ©e, que le juge de paix pouvait se dĂ©clarer incompĂ©tent relativement Ă la marteliĂšre, parce qu elle est sur le terrain de Bayle et quâelle nâĂ©tait pas par elle- mĂȘme un obstacle Ă lâĂ©coulement des eaux; quâil nâen est pas de mĂȘme de la vanne, qui, Ă©tant destinĂ©e Ă procurer la rĂ©union de ces mĂȘmes eaux, change lâĂ©tat ordinaire du fossĂ© en les y faisant refluer, ce qui justifie lâaction introduite devant le premier juge; quâĂ cet Ă©gard, lâon excipe en vain de ce que lâintimĂ© a construit sur sa propriĂ©tĂ©, puisquâune partie de cette construction Ă©tant le moyen employĂ© pour changer un Ă©tat de choses prĂ©existant dans un objet commun entre les parties, chacune a le droit de rĂ©clamer le maintien de la situation primitive ; par ces motifs, le tribunal rĂ©forme la sentence dont â 443 â est appel, Ă©yoquant, ordonne que Bayle sera tenu dâenlever et supprimer la vanne, et de rendre libre la circulation des eaux. » Pourvoi pour violation des art. 2/i et /i73 du Code de procĂ©dure, en ce que le jugement attaquĂ© a prescrit de piano la destruction dâune vanne, sans avoir prĂ©alablement ordonnĂ© une enquĂȘte, une vĂ©rification des lieux pour constater sâil y avait trouble Ă la possession de Lautier, et sâil Ă©prouvait un prĂ©judice, lorsque, comme dans lâespĂšce, il y avait dĂ©nĂ©gation de ces faits et oll're surabondante de la part du dĂ©fendeur de prouver quâils nâexistaient pas. Dans tous les cas, ajoutait le sieur Bayle, le tribunal devait au moins dĂ©clarer dâune maniĂšre positive que lâinstruction sollicitĂ©e Ă©tait inutile, et donner les motifs pour lesquels il la refusait; il nâa pas mĂȘme expressĂ©ment dĂ©clarĂ© quâil y eĂ»t trouble, dommage. Il a encore violĂ© lâart. i73, qui nâautorise les juges dâappel Ă Ă©voquer quâautant que lâaffaire est en Ă©tat. Sur ce, arrĂȘt de rejet dans lequel on lit le motif suivant Attendu quâaucune loi nâimpose au juge de paix lâobligation dâordonner lâenquĂȘte en matiĂšre de complainte, lorsquâil trouve dâailleurs sa religion sufli- sannnent instruite ; que le tribunal dâappel a reconnu que la cause Ă©tait en Ă©tat de recevoir un jugement dĂ©finitif; que, dĂšs lors, en Ă©voquant le fond et y statuant dĂ©finitivement sans ordonner lâenquĂȘte demandĂ©e, le tribunal, loin de violer lâart. 2/i, nâa fait quâune juste application de lâart. A73 du Code de procĂ©dure. » On lit dans lâarrĂȘt du k juin 1835, que la question de savoir si le demandeur en rĂ©intĂ©grande Ă©tait ou non en possession actuelle de lâobjet litigieux, au moment de la violence donl il sâest plaint, nâest autre chose qu une question de fait soumise Ă lâapprĂ©ciation exclusive du juge, comme le sont tous les faits dont la preuve est admissible ; quâen cas de dĂ©nĂ©gation des faits de possession, lâart. 2/i du Code de procĂ©dure civile nâimpose point au juge lâobligation dâordonner la preuve; car il se peut pie des faits const ants et dĂ©jĂ justifiĂ©s soient dĂ©niĂ©s par erreur ou de mauvaise foi; le juge convaincu nâest pas tenu dâordonner une preuve inutile ; lâart. 2/i porte seulement que lâenquĂȘte qui sera ordonnĂ©e ne pourra porter sur le fond du droit, et lâart. 3/i laisse toute latitude au juge, en disant quâil ordonnera la preuve, sâil la trouve utile et admissible. Puisque nous venons de parler de rĂ©intĂ©grande, examinons la question de savoir si, aprĂšs avoir Ă©tĂ© admis Ă la preuve de la possession et de la violence sur action en rĂ©intĂ©grande, le demandeur pourrait conclure Ă la pleine maintenue, câest-Ă -dire, transformer cette action en complainte, parce que les tĂ©moins auraient dĂ©posĂ© dâune possession annale ? Nous sommes dâavis de la nĂ©gative. Le juge nâa Ă©tĂ© saisi que dâune action en rĂ©intĂ©grande ; il nâa pas admis les parties Ă la preuve dâune possession annale. On 11 e peut, dans le cours de lâinstance, changer la nature de lâaction quand les rĂšgles qui gouvernent lâune et lâautre sont diffĂ©rentes, lâest par un effet du hasard que les tĂ©moins ont dĂ©posĂ© dâune possession annale. Le dĂ©fendeur 11 âa pu prĂ©voir ce rĂ©sultat ni prĂ©parer la preuve contraire. Cette substitution dâune action Ă lâautre serait une surprise. Mais nous croyons, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit p. o â contre son vendeur Ă lâoccasion de la complainte intentĂ©e contre le premier. ArrĂȘt du 11 janvier 1809. 3° Dans celle qui maintient dans le droit de passer avec chars et bĆufs, en se fondant sur la possession et sur un titre constitutif de la servitude. ArrĂȘt du 24 juillet 1810. !\° Dans celle qui prend en considĂ©ration lâart. 558 du '.ode civil, pour dĂ©cider que celui qui, â 'es basses eaux, a coupĂ© les herbes dâun Ă©tang, nâa pu acquĂ©rir une possession de nature Ă autoriser la complainte. ArrĂȘt du 23 avril 1811. 5° Dans celle qui maintient un propriĂ©taire dâhĂ©ritage traversĂ© par un cours dâeau en possession de ne pas souffrir le passage que rĂ©clame le propriĂ©taire infĂ©rieur, comme une consĂ©quence du droit dâaqueduc, par application des articles 393, 397, 398 du Code civil, la dĂ©fense, quoique portant sur le fond, sâappuyant de lâart. 640 du mĂȘme Code, et soulevant une question de propriĂ©tĂ©, ne pouvant changer la compĂ©tence. ArrĂȘts des 23 fĂ©vrier 181 A, 12 juin 1810, 30 novembre 1818, 9 fĂ©vrier, 2 mars 1820, 29 dĂ©cembre 1828. MĂȘme dĂ©cision quand les titres sont contestĂ©s ou combattus par dâautres. 10 mai 1820. 3° Dans celle qui accueille la complainte du propriĂ©taire de lâhĂ©ritage supĂ©rieur contre lâinfĂ©rieur, lequel a Ă©tabli une digue qui empĂȘche lâĂ©coulement des eaux. ArrĂȘt du 13 juin 181 A. 7" Dans celle qui accueille lâaction possessoire de lâacquĂ©reur de la partie infĂ©rieure dâun prĂ© contre le propriĂ©taire de la partie supĂ©rieure, en se fondant sur ce que, dâaprĂšs un acte, la destination du pĂšre de famille et les art. 088 et 089 du Code civil, lâĂ©coule- â i'j" â ment a lieu Ă titre de servitude continue. ArrĂȘt du 13 juin 181 A. 8° Dans celle qui prend en considĂ©ration les dispositions de la loi et du droit commun, lesquelles Ă©quivalent Ă un titre, pour maintenir le demandeur dans sa possession annale. 1" mars 1815, 20 janvier 1825. 9° Dans celle qui rejette la demande possessoire par des motifs relatifs Ă la propriĂ©tĂ© du fonds en mĂȘme temps quâĂ la nature de la possession, lorsque dâailleurs le demandeur est renvoyĂ© Ă se pourvoir au pĂ©titoire. 20 janvier et 9 novembre 1825. La mĂȘme chose a Ă©tĂ© jugĂ©e par deux autres arrĂȘts, lâun du 12 dĂ©cembre 1830, lâautre du 8 avril 18A6, rendu sur le pourvoi dâun grand nombre dâhabitants dâEntraigues qui rĂ©clamaient la maintenue en possession dâaffouages. Nous appelons lâattention spĂ©cialement sur ce dernier arrĂȘt, qui Ă©tend aussi loin que possible la doctrine qui permet au juge du possessoire dâapprĂ©cier les titres de propriĂ©tĂ© soit pour accueillir, soit pour rejeter la complainte. 10° Dans celle qui, en reconnaissant une possession, ordonne une plantation de bornes pour Ă©viter un nouveau trouble, tenir lieu de cĂ©pĂ©es coupĂ©es et sous la rĂ©serve de lâaction pĂ©titoire. 27 avril 181A et 2; que le maire ayant, devant le juge de paix, mĂ©connu la possession du demandeur et articulĂ© possession contraire, avait agi en temps utile; que lâautorisation postĂ©rieure et lâintervention en appel faisaient revivre ces dĂ©fenses; que les exceptions du maire Ă©tant reeevables, le tribunal dâappel ne pouvait statuer sur lâaction principale sans statuer en mĂȘme temps sur ces exceptions. Un autre arrĂȘt de la cour de cassation du 13 juin 18/43, rendu sur le pourvoi des sieurs Sol et consorts contre la ville de Toulouse, a encore dĂ©cidĂ© que si celui qui a commis un lait de trouble prĂ©tend nâavoir agi quâau nom et dans lâintĂ©rĂȘt dâun tiers, il ne peut soutenir que lâaction â -toi» â possessoire Ă©tait non recevable contre lui ; il nâa que le droit de mettre en cause et dâappeler en garantie celui pour le compte duquel il a agi, lors mĂȘme que ce serait une commune. section vm De l'intervention. Lu tiers peut intervenir dans une instance possessoirc, sans y avoir Ă©tĂ© appelĂ©, pour appuyer le demandeur ou le dĂ©fendeur en prenant son lait et cause, '.'est aussi ce qui rĂ©sulte de lâarrĂȘt du 18 janvier 1832, citĂ© dans le paragraphe prĂ©cĂ©dent. Rien ne sâopposerait Ă ce quâil y intervĂźnt mĂȘme pour soutenir que la possession nâappartient Ă aucune des parties, et doit lui ĂȘtre adjugĂ©e. Lâarticle 466 et les autres dispositions du Code de procĂ©dure, en matiĂšre dâintervention, formant le droit commun, sont par consĂ©quent applicables aux justices de paix comme aux autres juridictions. Cette doctrine est indiquĂ©e par M. Henrion de Pansey, chap. 47, intitulĂ© De la rĂšgle complainte sur complainte nâa lieu. Câest, dit-il, une des rĂšgles de lâordre judiciaire, que complainte sur complainte nâa lieu, de mĂȘme que saisie sur saisie ne vaut. 11 existe une instance en complainte entre deux particuliers qui se prĂ©tendent respectivement en possession du mĂȘme objet depuis an et jour. Un tiers, qui a la mĂȘme prĂ©tention, intervient au procĂšs et dĂ©clare quâil le prend pour trouble Ă sa possession ancienne, notamment dâan et jour. 11 le peut, sans doute-, mais formera-t-il une se- i/O â coude complainte? Non; ce serait complainte sur complainte. 11 doit se borner Ă former opposition Ă la coins plainte existante, et cette opposition le conduira au mĂšipe rĂ©sultat. » Et sur cela, M. Henrion cite Imbert. Dans une affaire jugĂ©e par la cour de cassation, le 17 mars 1819 Journal des Audiences, 1814, page 376, on voit que les parties et les juges qui ont prononcĂ© le jugement attaquĂ© avaient donnĂ© un autre sens Ă la maxime, en dĂ©cidant que lâacquĂ©reur dâune personne dĂ©jĂ condamnĂ©e au possessoire ne peut pas intenter la complainte en vertu de la possession postĂ©rieure. Mais la distinction des auteurs que nous avons citĂ©s est subtile et inadmissible ; et dâabord, dans leur systĂšme, quâimporterait que le tiers Ă qui lâon reconnaĂźt le droit dâintervention se bornĂąt Ă sâopposer Ă la complainte ou quâil dĂ©clarĂąt la prendre pour trouble et en former une de son chef, puisquâon avoue que dans les deux cqs il obtiendra le mĂȘme rĂ©sultat ? 11 y a mieux encore il serait impossible Ă lâintervenant dâobtenir la maintenue ou la rĂ©intĂ©grande dans sa possession, sâil nây concluait pas formellement ; une simple opposition nâĂ©quivaudrait pas Ă des conclusions de cette nature. Nous soutenons donc quâil peut, Ă son choix, ou intervenir dans lâinstance, dĂ©clarer quâil prend le procĂšs ou le fait qui y a donnĂ© lieu pour trouble Ă sa possession, et demander Ă y ĂȘtre maintenu, aux termes de lâarrĂȘt du 18 janvier 1832, dĂ©jĂ citĂ©, ou intenter une action possessoire sĂ©parĂ©e Ă lâun et lâautre, ou seulement Ă celui qui sera considĂ©rĂ© comme lâauteur direct du trouble. 11 nâest, dâailleurs, dans la nĂ©cessitĂ© de prendre lâune ou lâautre voie que lorsquâun des particuliers en cause est sou reprĂ©sentant. CHAPITRE III lu jugement, de son effet et de ses suites, et des divers retours dont il peut ĂȘtre l'objet. SECTION l'*. Du jugement. Nous avons dĂ©jĂ , dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, parlĂ© du jugement par dĂ©faut ; nous ferons en outre observer ici qu'il peut ĂȘtre frappĂ© dâopposition dans les trois jours de sa signification, et nous allons nous occuper plus particuliĂšrement du jugement contradictoire ou dĂ©finitif. AprĂšs que les enquĂȘtes ont eu lieu, si le juge de paix en a ordonnĂ©, il procĂšde Ă ce jugement. Il doit avoir soin de le rendre dans les quatre mois qui suivent la prononciation de son interlocutoire. Plus tard, il devrait ĂȘtre annulĂ© par les juges dâappel, ainsi que la procĂ©dure qui lâaurait prĂ©cĂ©dĂ© et qui serait pĂ©rimĂ©e de plein droit, mĂȘme au prĂ©judice des femmes, des mineurs et interdits, car lâarticle 15 du Code de procĂ©dure est conçu en termes gĂ©nĂ©raux qui nâadmettent aucune distinction. Sous lâempire de la loi du 25 octobre 1790, la Gour de cassation avait jugĂ©, par arrĂȘt du 15 germinal an XI, que cette pĂ©remption Ă©tait dâordre public et ne pouvait ĂȘtre convertie par le fait des parties. Quoique les termes de lâarticle 15 du Code de procĂ©dure different peu de la loi de 1790, ou a cependant soutenu, et la cour de cassation a jugĂ© par arrĂȘt du 7 janvier 1835, en assimilant cette pĂ©remption Ă une prescription et par application de lâarticle 2221 du Code civil ou de lâarticle 399 du Code de procĂ©dure, que les parties pouvaient y renoncer, soit expressĂ©ment, soit tacitement. Mais en acceptant cette solution, il faudrait au moins reconnaĂźtre que, comme aux termes de lâarticle 2222 du Code civil, ceux-lĂ seuls qui peuvent aliĂ©ner sont capables de renoncer Ă la prescription, un tuteur, un maire ou autre administrateur ne pourraient renoncer Ă la pĂ©remption si cette renonciation avait pour effet soit de priver ceux quâils reprĂ©sentent de leur action posses- soire, parce quâils ne seraient plus dans lâannĂ©e du trouble pour la renouveler, soit de les priver dâopposer Ă lâadministrateur quâil nâest plus lui-mĂȘme dans ce dĂ©lai, car il en rĂ©sulterait perte de possession et quelquefois mĂȘme de propriĂ©tĂ©. Au surplus, la cour de cassation est maintenant saisie de cette question par suite de lâadmission du pourvoi de la commune de Breteuil. M. Avisse est chargĂ© de la cause de cette commune. Lâaction possessoire, au cas de la pĂ©remption Ă©tablie par lâarticle 15, serait considĂ©rĂ©e comme non avenue et ne pourrait ĂȘtre renouvelĂ©e quâautant que le demandeur serait encore dans lâannĂ©e du trouble. Le juge se dĂ©termine par le rĂ©sultat des enquĂȘtes. A cet Ă©gard, plusieurs cas peuvent se prĂ©senter. Ou les enquĂȘtes prouvent clairement une possession exclusive en faveur du demandeur, et alors le juge lây maintient ; Ou elles prouvent quâil n'a pas la possession exclusive, mais seulement une possession commune ; le juge le maintient dans cette possession si le dĂ©fendeur la lui a contestĂ©e intĂ©gralement, mais le dĂ©boute de sa demande lorsque celui-ci nâa contestĂ© que la possession exclusive, a allĂ©guĂ© la jouissance commune, et que le fait qui a donnĂ© lieu au procĂšs rentre prĂ©cisĂ©ment dans cette jouissance Ou les enquĂȘtes, loin dâĂ©tablir la possession du demandeur, prouvent celle du dĂ©fendeur, et alors le juge doit dĂ©bouter le premier de son action ; Ou les empiĂštes Ă©tablissent que lâaction possessoire nâa pas Ă©tĂ© intentĂ©e dans lâannĂ©e du trouble, et, alors le juge de paix doit la dĂ©clarer non recevable ; Ou enfin les enquĂȘtes nâĂ©tablissent positivement soit seules, soit avec le secours des localitĂ©s et des titres, de possession ou dĂ©tention en faveur dâaucune des parties, et alors le juge doit les renvoyer Ă procĂ©der au pĂ©titoire. ce qui est, en dâautres termes, dĂ©clarer le demandeur purement et simplement non recevable, puisque, de cette derniĂšre formule, il rĂ©sulte manifestement que les parties nâont plus que lâaction au fond. Pour prononcer rĂ©guliĂšrement, et suivant la rigueur des principes, le juge de paix devrait, dans ce cas, condamner le demandeur aux dĂ©pens, dâaprĂšs lâarticle 130 du '.ode de procĂ©dure civile. Toute partie qui succombe doit y ĂȘtre condamnĂ©e ; il ne devrait ni les compenser, ni les rĂ©server, pour que, dans ce dernier cas, le juge du pĂ©titoire y statuĂąt ; nous ne verrions de motif lĂ©gal Ă la compensation ou Ă la rĂ©serve que dans le cas ou le dĂ©fendeur se serait rendu reconventionnellement demandeur en maintenue, et oĂč il serait dĂ©clarĂ© par le juge quâaucune des parties nâa prouvĂ© sa possession. Le juge de paix pourrait alors» ordonner le sĂ©questre ou accorder la rĂ©crĂ©ance, comme nous lâavons vu page 07. Lâarticle 2000 du Code civil autorise le juge de paix Ă prononcer la contrainte par corps, mais en cas de rĂ©in- tĂ©grande exclusivement. La contrainte par corps aurait lieu non-seulement pour le dĂ©laissement de lâhĂ©ritage, mais encore pour la restitution des fruits et le paiement des dommages-intĂ©rĂȘts ; mais non pour les dĂ©pens de lâinstance. Elle ne serait pas applicable au cas de simple complainte. Lâarticle 1 20 du Code de procĂ©dure, qui autorise Ă la prononcer pour dommages-intĂ©rĂȘts excĂ©dant 300 lianes, ne peut ĂȘtre Ă©tendu aux matiĂšres dont les juges de paix connaissent. Nous croyons mĂȘme que les juges dâappel nâauraient pas en ces matiĂšres plus de pouvoir que ces magistrats, et ne pourraient par consĂ©quent la prononcer lors mĂȘme quâen inlirmant ils accorderaient des dommages-intĂ©rĂȘts excĂ©dant 300 francs que le premier juge avait refusĂ©s ; car le tribunal dâappel doit seulement examiner si la premiĂšre dĂ©cision est bien ou mal rendue, et nâa dâautre mission que de faire ce que le premier juge aurait pu ou dĂ» faire et nâa pas fait. Lâart. 120 ne sâapplique quâaux matiĂšres dont un tribunal dâarrondissement est saisi au premier degrĂ©. La contrainte par corps ne peut jamais ĂȘtre prononcĂ©e contre les septuagĂ©naires, les femmes et les filles article 2000 du Code civil, quand mĂȘme le fait aurait Ă©tĂ© susceptible de poursuite correctionnelle, et par consĂ©quent de cette contrainte, aux termes de lâarticle 52 du Code pĂ©nal, car elle ne peut ĂȘtre appliquĂ©e que par les tribunaux de justice rĂ©pressive. â 4T6 â SECTION 11. De lâappel et du dernier ressort. Les jugements qui prononcent sur les actions posses- soires ne sont en gĂ©nĂ©ral rendus quâen premier ressort, et sont consĂ©quemment susceptibles dâappel, lors mĂȘme que le demandeur nâaurait conclu quâĂ des dommages- intĂ©rĂȘts nâexcĂ©dant pas 100 francs. A la vĂ©ritĂ©, la jurisprudence a Ă©tĂ© longtemps incertaine sur ce point. Par arrĂȘts des 2 A messidor an XI et 2A prairial an XII, la cour de cassation avait Ă©tabli le principe que nous venons de rappeler. Depuis, aprĂšs de longs dĂ©bats et beaucoup de difficultĂ©s, elle a abandonnĂ© cette jurisprudence, et dĂ©cidĂ©, par six arrĂȘts des 0 frimaire an XIV, 6 octobre 1807, 28 octobre 1808, 13 novembre 1811, 1" juillet 1812 et 13 aoĂ»t 1818, que dĂšs lâinstant que le demandeur en complainte avait fixĂ© Ă 50 francs * ou Ă une somme infĂ©rieure les dommages-intĂ©rĂȘts quâil rĂ©clamait, le juge de paix devait prononcer en dernier ressort. Cette sĂ©rie de dĂ©cisions nâa pas empĂȘchĂ© M. Merlin de donner la prĂ©fĂ©rence Ă celles de lâan XI et de lâan XII, et la cour, aprĂšs avoir de nouveau examinĂ© la question en audience solennelle de toutes ses chambres, prĂ©sidĂ©e par le garde des sceaux, est revenue Ă sa premiĂšre jurisprudence, par arrĂȘt du 25 mai 1822, rendu sur le pourvoi du sieur BarrĂ© ; il est ainsi motivĂ© Attendu quâil est de principe gĂ©nĂ©ral que les actions ayant pour objet des choses dâune valeur indĂ©terminĂ©e * 00 fr. talent, avant la loi de 1138, le taux du dernier resxort. doivent subir deux degrĂ©s de juridiction ; que la loi nâa pas exceptĂ© lâaction en complainte de lâapplication de cette rĂšgle gĂ©nĂ©rale ; quâil suit de lĂ , que si lâimmeuble ou droit rĂ©el dont la possession est litigieuse, et dans lesquels le demandeur en complainte veut se faire maintenir, est dâune valeur indĂ©terminĂ©e, le juge de paix ne peut statuer quâen premier ressort ; que, dans lâespĂšce, indĂ©pendamment des dommages-intĂ©rĂȘts dont la valeur a Ă©tĂ© fixĂ©e Ă 48 francs, le juge de paix de a maintenu le sieur barrĂ© dans une possession par lui rĂ©clamĂ©e, contestĂ©e par tes dĂ©fendeurs, et dont la valeur Ă©tait indĂ©terminĂ©e ; dâoĂč il suit que le tribunal de Bourges, en recevant lâappel, nâa pas violĂ© lâart. 10, tit. 3 de la loi du *24 aoĂ»t 1790, et quâil en a fait au contraire une juste application. » Quatre arrĂȘts de la mĂȘme cour, des 11 avril 1825, 14 fĂ©vrier 1820, 31 juillet 1828, 31 aoĂ»t 1831, sont semblables au prĂ©cĂ©dent. Le mĂȘme principe sâapplique Ă la rĂ©intĂ©grande, car il sâagit aussi, sur cette action, de la possession dâun immeuble de valeur indĂ©terminĂ©e que veut recouvrer une partie, et quâelle conservera jusquâĂ ce quâun jugement possessoire ou pĂ©titoire la condamne Ă lâabandonner. LâarrĂȘt du 19 novembre 1819, qui dĂ©cide le contraire, a Ă©tĂ© rendu sous lâinfluence de la jurisprudence que lâarrĂȘt solennel du 25 mai a changĂ©e. Aussi, un autre arrĂȘt de la cour du 5 mars 1828 a-t-il positivement dĂ©cidĂ©, quâen matiĂšre de rĂ©intĂ©grande, le jugement nâĂ©tait rendu quâĂ la charge de lâappel. La loi de 1838 a posĂ© sur tout cela quelques principes quâil importe de signaler. Son article 0 porte que les juges de paix connaissent des actions possessoires Ă la charge dâappel, et lâart. 1" â ni â nâaccorde Ă ces juges le pouvoir de prononcer en dernier ressort que lorsquâil sâagit de demandes purement personnelles dâune valeur de 100 francs seulement. 11 nây aurait pas dâexception, lors mĂȘme quâil pourrait ĂȘtre Ă©tabli que la valeur du fonds en litige est de 100 francs, ou que le demandeur concilierait Ă ce quâil fĂ»t fait dĂ©fense Ă son adversaire de le troubler Ă lâavenir dans sa possession, Ă moins que celui-ci nâaimĂąt mieux payer une somme de 100 francs. La loi, en effet, est conçue en termes gĂ©nĂ©raux qui repoussent toute distinction; elle ne sâarrĂȘte pas non plus au revenu, comme elle le fait pour rĂ©gler le premier ou le dernier ressort dans les tribunaux de premiĂšre instance ; ce revenu ne fĂ»t-il que de quelques centimes, le jugement nâen serait pas moins susceptible dâappel. Nous ne pouvons donc attribuer quâĂ une erreur typographique ce qui est dit au Nouveau RĂ©pertoire de M. Dalloz aĂźnĂ©, que le juge du possessoire statuerait en dernier ressort si la valeur de lâobjet litigieux Ă©tait infĂ©rieure Ă 00 francs en rente ou par prix de bail. Mais il en serait diffĂ©remment si, au jour de la comparution devant le juge de paix, le dĂ©fendeur reconnaissait expressĂ©ment la possession et se bornait Ă contester soit le trouble, soit le quantum des dommages-intĂ©rĂȘts, que nous supposons toujours fixĂ©s par le demandeur Ă 100 francs seulement, car le premier ou dernier ressort doit ĂȘtre dĂ©terminĂ© par la valeur Ă laquelle les conclusions des parties ont limitĂ© le litige au moment du jugement, abstraction faite des conclusions antĂ©rieures. Lâart. 5 de la 101 nouvelle sur les justices de paix fournit un argument Ă lâappui de cette opinion, puisqu'il dĂ©fĂšre aux juges de paix la connaissance en dernier ressort jusquâĂ J 00 francs â 478 â des actions pour dommages faits aux champs, fruits et rĂ©coltes, et de celles relatives Ă lâĂ©lagage des arbres ou haies, et au curage soit des fossĂ©s, soit des canaux servant Ă lâirrigation des propriĂ©tĂ©s et au mouvement des usines, lorsque les droits de propriĂ©tĂ© ou de servitude ne sont pas contestĂ©s. Mais lorsque le juge de paix est dans le cas de statuer en dernier ressort sur le fond, en raison de la valeur du litige, son jugement est cependant sujet Ă lâappel, quant aux questions de compĂ©tence, soit quâelles sâĂ©lĂšvent Ă raison du domicile, de la situation de lâobjet litigieux ou de la matiĂšre, puisque lâart. 14 de la loi de 1838 ne distingue pas. Lâart. 13 de cette loi porte que lâappel des jugements des juges de paix ne sera recevable ni avant les trois jours qui suivront celui de la prononciation des jugements, Ă moins quâil nây ait lieu Ă exĂ©cution provisoire, ni aprĂšs les trente jours qui suivront la signification Ă lâĂ©gard des personnes domiciliĂ©es dans le canton ; Que les personnes domiciliĂ©es hors du canton auront pour interjeter appel, outre le dĂ©lai de trente jours, le dĂ©lai rĂ©glĂ© par les art. 73 et 1033 du Code de procĂ©dure civile. Lâart. 14 ajoute que lâappel des jugements par lesquels le juge de paix se sera dĂ©clarĂ© compĂ©tent, ne pourra ĂȘtre interjetĂ© quâaprĂšs le jugement dĂ©finitif ; et un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, en date du 13 janvier 1847, rendu sur le pourvoi du sieur Thibault et la plaidoirie de M. Avisse, a Ă©tendu ce principe mĂȘme Ă un jugement qui, en statuant sur la compĂ©tence, avait prescrit une mesure interlocutoire, par exemple, une visite de â -179 â lieux et une enquĂȘte; nous croyons, toutefois, cet arrĂȘt susceptible de critique sous ce dernier point de vue; Fappel est de droit commun, la prohibition est lâexception ; on ne peut l'Ă©tendre au delĂ du cas spĂ©cifiĂ© en termes exprĂšs. Les jugements par lesquels le juge de paix se dĂ©clare incompĂ©tent, sont forcĂ©ment susceptibles dâappel immĂ©diatement aprĂšs les trois jours de la prononciation. Les juges dâappel ont, aux termes de lâart. /i73 du Code de procĂ©dure, la facultĂ© dâĂ©voquer le fond, pourvu quâil soit en Ă©tat et quâils y statuent dĂ©finitivement par un seul et mĂȘme jugement; mais il importe quâils fassent bien attention Ă remplir les conditions auxquelles lâexercice de cette facultĂ© est subordonnĂ© ; ils ne doivent pas infirmer par un premier jugement, et renvoyer Ă procĂ©der au fond pour prononcer plus tard leur dĂ©cision dĂ©finitive; ils violeraient la loi. Ils doivent, sâils ne sont pas suffisamment Ă©clairĂ©s, rendre un jugement dâavant faire droit, sans rien juger, et en rĂ©servant tous les moyens des parties. Toutefois, ce qui prĂ©cĂšde ne sâapplique quâau cas oĂč le fond nâa pas Ă©tĂ© dĂ©finitivement jugĂ© par le juge de paix ; mais sâil lâa Ă©tĂ©, fĂčt-ce mĂȘme par jugement par dĂ©faut auquel on nâaurait pas formĂ© opposition, lâappel dĂ©fĂ©rant nĂ©cessairement au tribunal le fond du procĂšs, il nây a pas lieu Ă lâastreindre aux conditions de cet article, puisquâil nâĂ©voque pas. Alors il peut, aprĂšs avoir infirmĂ©, prescrire un avant faire droit et juger dĂ©finitivement le fond par une dĂ©cision subsĂ©quente. Ces points divers rĂ©sultent dâun grand nombre dâarrĂȘts de la cour de cassation, que lâon trouve dans tous les recueils. On peut voir notamment ceux des 28 avril â 180 4823, 22 dĂ©cembre 4824, 4$ novembre 4828, 24 mai 4833. Les juges dâappel peuvent mĂȘme, en infirmant une sentence du juge de paix qui aurait prononcĂ© sur le fond dĂ©finitivement, ou retenir le jugement, du fond ou le renvoyer devant un juge de paix autre que celui qui a dâabord statuĂ©. Ainsi, supposons que le juge de paix ait accueilli la complainte en se fondant, malgrĂ© la dĂ©nĂ©gation du dĂ©fendeur, sur ce que les actes produits Ă©tablissaient la possession et le trouble, et que le tribunal dâappel ait infirmĂ©, par le motif que la preuve nâen Ă©tait pas acquise, et en ordonnant soit une enquĂȘte ou expertise, soit une visite des lieux ; il pourra ou faire ces opĂ©rations, ou remoyer devant un juge de paix pour quâil j soit procĂ©dĂ© et quâil soit statuĂ© au fond. On ne pourrait opposer que ce serait faire parcourir aux parties plus de deux degrĂ©s de juridiction, puisque la jurisprudence qui sâĂ©tait introduite sous la loi du 4" mai 1790 a Ă©tĂ© changĂ©e par les art. 472 et 473 du Code de procĂ©dure civile. DâaprĂšs le premier de ces articles, l'exĂ©cution dâun jugement infirmatif peut ĂȘtre renvoyĂ©e Ă un juge de premiĂšre instance ; et suivant le second, le tribunal a la facultĂ© de garder le jugement du fond, ce qui signifie qu'il peut aussi le renvoyer au magistrat infĂ©rieur. demandeur en complainte pourrait produire en appel un titre dont il nâaurait pas argumentĂ© dev ant le juge de paix. Ainsi, par exemple, celui qui aurait demandĂ© Ă ĂȘtre maintenu dans un droit de passage, de puisage, mais qui nâaurait invoquĂ© aucun acte, pourrait, sur lâappel, quâil fut intimĂ© ou appelant, exhiber un titre susceptible de justifier sa prĂ©tention ce ne serait pas une non- â 4ftl voile demande, puisque la chose litigieuse, le droit quâil prĂ©tend y exercer nâauraient point changĂ©, le serait tout simplement un moven nouveau autorisĂ© par lâart. Atii du iode de procĂ©dure; Ă plus forte raison le dĂ©fendeur aurait-il la mĂȘme facultĂ©. Mais si devant le juge de paix il ne sâĂ©tait agi que dâune action en rĂ©intĂ©grande, sans production de titre, et si devant le tribunal le demandeur abandonnait la rĂ©intĂ©grande, ou plutĂŽt la convertissait en complainte et produisait un titre, ces conclusions constitueraient une demande nouvelle dill'Ă©rente de la premiĂšre, soumise a d'autres rĂšgles que celles-ci. Les juges devraient la dĂ©clarer non recevable, ainsi que nous l'avons dit p. M/i. Le juge de paix pourrait ordonner lâexĂ©cution provisoire de son jugement, avec ou sans caution, suiv ant les distinctions Ă©tablies par les art. 1! et 12 de la loi de 1838. Plusieurs arrĂȘts de la cour de cassation, et notamment celui du S novembre 1833, rendu sur le pourvoi des sieurs Lefebvre et SeilliĂšre, ont dĂ©cidĂ© que le juge du possessoire pouvait prononcer la solidaritĂ© pour le paiement des dommages-intĂ©rĂȘts auxquels il condamnait les divers co-auteurs d'un fait de trouble. Cependant, nous nâavons jamais pu approuver cette jurisprudence, qui nous parait contraire au principe gĂ©nĂ©ral, que chacun doit seulement une part Ă©gale de la dette commune, Ă moins quâil nây ait solidaritĂ© Ă©tablie par la loi ou indivisibilitĂ© dans lâobligation. r, rien nâest plus divisible quâune somme de dommages-intĂ©rĂȘts, et aucune disposition lĂ©gale nâautorise en pareil cas une condamnation solidaire. ai lH* â section m. tics voles extraordinaires pour attaquer les jugements. 11 existe quatre voies extraordinaires pour attaquer les jugements et arrĂȘts en gĂ©nĂ©ral ; ce sont 1° la tierce opposition , 2° la requĂȘte civile, 3° la prise Ă partie, /i° le pourvoi en cassation. De ces quatre voies, il nây a pic la requĂȘte civile qui, aux termes de lâart. /80 du Code de procĂ©dure, ne soit pas admise contre les sentences de justice de paix ; mais les trois autres le sont incontestablement, dâaprĂšs les art. h7h, / i78, 509 du Code de procĂ©dure, et 15 de la loi du 25 mai 1838. Cependant la requĂȘte civile pourrait ĂȘtre admise contre le jugement rendu sur lâappel de la sentence du juge de paix ; câest ce quâon peut induire de lâart. 509 du Code de procĂ©dure civile et dâun arrĂȘt de la cour de cassation du l/i juin 18/13, rendu sur le pourvoi dâun sieur Garnier. 11 y a lieu au recours en cassation, soit contre les jugements en dernier ressort des juges de paix dans les cas fort rares oĂč ils prononcent ainsi, soit contre ceux rendus sur lâappel par les tribunaux de premiĂšre instance. Nous ferons toutefois remarquer quâil existe entre les uns et. les autres une grande diffĂ©rence relativement aux moyens de les attaquer. Les jugements des tribunaux de premiĂšre instance peuvent ĂȘtre attaquĂ©s pour simple violation de loi, incompĂ©tence ou excĂšs de pouvoir, tandis que ceux Ă©manĂ©s des juges de paix ne peuvent lâĂȘtre que pour excĂšs de pouvoir. Art. 15 de la loi du 25 mai 1838. V la vĂ©ritĂ©, il semblerait rĂ©sulter, au premier aperçu de â 483 â la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes de cet article, que, dans tous les cas, lâexcĂšs de pouvoir donne lieu au pourvoi en cassation; mais cela ne peut sâappliquer quâaux jugements en dernier ressort ; ainsi les jugements des juges de paix rendus seulement en premier ressort doivent ĂȘtre attaquĂ©s par la voie dâappel, mĂȘme pour excĂšs de pouvoir, et quant Ă ceux rendus en dernier ressort, ils ne peuvent lâĂȘtre que par voie de cassation et dans le seul cas oĂč ils sont entachĂ©s de ce vice. Câest aussi le sentiment de MM. Curasson et TarbĂ©. Nous nâen dirons pas davantage Ă cet Ă©gard, parce quâil existe sur les attributions de la cour de cassation deux trĂšs-bons ouvrages, l'un de M. Godard de Saponay, notre collĂšgue, et lâautre de M. TarbĂ©, enlevĂ© si jeune Ă la magistrature et Ă ses nombreux amis. SECTION IV. Effets du jugement. Nous avons dĂ©jĂ indiquĂ©, pages /0, 82, 269, 287, lâeffet du jugement de maintenue dans la possession annale ou de rĂ©intĂ©grande dans la possession instantanĂ©e. Au second cas, celui qui a succombĂ© peut intenter complainte en prouvant une possession annale antĂ©rieure Ă celle dans laquelle son adversaire a Ă©tĂ© rĂ©tabli, Ă moins quâil nâait laissĂ© passer lâannĂ©e du trouble. Au premier cas, celui qui a Ă©tĂ© maintenu ne peut plus ĂȘtre Ă©vincĂ© de la chose que par action pĂ©titoire. 11 est rĂ©putĂ© propriĂ©taire jusquâĂ ce que son adversaire prouve son droit par un titre formel ou par une possession constitutive de prescription antĂ©rieure Ă la sienne. DĂšs que celui qui est maintenu en possession est rĂ©- â 484 â putĂ© propriĂ©taire jusquâĂ preuve contraire ai t. 2230 du Code civil, parce quâil nâa pu gagner sa cause quâen se fondant sur une possession animo domini, il sâensuit quâil peut non-seulement recueillir les produits comme un usufruitier ou fermier, mais mĂȘme disposer de la chose et faire tous actes de propriĂ©tĂ©, mĂȘme pendant lâinstance pĂ©titoire qui serait intentĂ©e par son adversaire ; il serait seulement exposĂ© Ă une action, et les tiers acquĂ©reurs Ă une demande en rĂ©solution pour le cas oĂč il succomberait au pĂ©titoire. Lâarticle 1001 du Code civil nous paraĂźt inapplicable ici, et le juge saisi du pĂ©titoire ne pourrait ordonner le sĂ©questre de lâobjet litigieux sans porter atteinte Ă la chose jugĂ©e. Supposons, en effet, que la complainte ait Ă©tĂ© intentĂ©e Ă raison dâune coupe de bois, dâune dĂ©molition de bĂątiment ou dâun projet de vente publiquement annoncĂ©, et que le dĂ©fendeur se lĂ»t lui-mĂȘme constituĂ© reconventionnellement demandeur en maintenue et ait rĂ©ussi, nâest-il pas Ă©vident quâil pourra continuer ce quâil avait commencĂ©, et que le sĂ©questre avec toutes ses suites rendrait illusoires la possession reconnue et les dispositions du jugement de complainte? Le sĂ©questre ne percevrait-il pas dâailleurs les fruits et revenus, et le possesseur ne serait-il pas ainsi privĂ© mĂȘme de la jouissance la plus ordinaire? Cette consĂ©quence ne vient-elle pas encore fortifier notre sentiment? 11 est bien Ă©vident que le jugement rendu au posses- soire, se bornant Ă maintenir le demandeur en sa possession, ne peut, lors mĂȘme quâil applique des titres ou une loi constitutifs du droit au fond, avoir, sur ce dernier point, lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e ; que les juges du pĂ©titoire ne seraient pas liĂ©s non plus par l'apprĂ©ciation qui 485 â aurait Ă©tĂ© faite de la possession par le juge de paix ; sâils peuvent sâen aider, comme de tous les Ă©lĂ©ments de la cause, ils peuvent aussi la dĂ©clarer prĂ©caire, quoique celui-ci lâait dĂ©clarĂ©e lĂ©gale et lĂ©gitime. Cour de cassation, 1" mars 1820, l" fĂ©vrier 18/il, 25 janvier 18/i2. Tout ce qui peut rĂ©sulter de la sentence au possessoire, câest que le demandeur a ou nâa pas possession annale avec les rĂ©parations, dommages, intĂ©rĂȘts et dĂ©pens quâil a paru juste au juge dâallouer Ă lâune ou lâautre partie. La sentence de ce magistrat nâa autoritĂ© de chose jugĂ©e que pour les faits de trouble qui y ont donnĂ© lieu, et ne sâĂ©tend pas Ă des faits tout diffĂ©rents qui peuvent bien nâen avoir pas le caractĂšre arrĂȘt de la cour de cassation du 30 mars 18/il, affaire Saul nier ; lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e nâa Ă©galement lieu quâentre les mĂȘmes parties. Ainsi une sentence rendue contre un seul de plusieurs intĂ©ressĂ©s Ă la mĂȘme chose ne peut ĂȘtre invoquĂ©e par les autres ou opposĂ©e aux autres; et en supposant quâĂ cause de lâindivisibilitĂ© de lâobjet en litige, et delĂ disposition de lâarticle /i78 du Code de procĂ©dure, elle doive sâexĂ©cuter provisoirement jusquâĂ la rĂ©tractation par la voie de la tierce-opposition, toujours est-il que, par lâemploi de cette voie de recours, on doit amener un nouvel examen de la cause, et que si le demandeur est jugĂ© fondĂ©, la rĂ©tractation doit profiter mĂȘme Ă celui qui avait dâabord succombĂ©. Du reste, lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e peut ĂȘtre opposĂ©e, bien entendu, Ă tous les reprĂ©sentants de celui qui a succombĂ©, aux hĂ©ritiers, acquĂ©reurs, etc., comme ceux- ci peuvent lâinvoquer lorsque la dĂ©cision a Ă©tĂ© rendue en faveur de leur auteur, pourvu pie la dĂ©cision soit intervenue avant le changement dâĂ©tat rĂ©guliĂšrement cons- tatĂ©. ArrĂȘt de la cour de cassation du 30 novembre 1840. L'effet de la maintenue possessoire est de rejeter sur lâadversaire la nĂ©cessitĂ© de lâaction pĂ©titoire et de la preuve de sa propriĂ©tĂ© ou de son droit; mais celte preuve peut se faire de plusieurs maniĂšres, par titres, câest-Ă - dire par actes valables Ă©manĂ©s de parties ayant qualitĂ©s pour les consentir, par possession constitutive de prescription et par la disposition lĂ©gale. Nous nâavons aucune explication Ă donner sur les titres dont la validitĂ© et lâexistence dĂ©pendent de lâapplication des rĂšgles du droit commun. Quant Ă la possession trentenaire qu bien Ă celle de dix ou vingt ans, elle est tout en faits qui peuvent ĂȘtre prouvĂ©s par tĂ©moins; ils peuvent lâĂȘtre Ă©galement, aux termes de lâarticle 1353 du Code civil, par des prĂ©somptions abandonnĂ©es Ă la conscience du magistrat; la prescription peut donc sâĂ©tablir par de simples prĂ©somptions. Ces prĂ©somptions peuvent encore, quoiquâil ne sâagisse pas dâĂ©tablir la prescription, servir de preuve de propriĂ©tĂ©, surtout lorsquâil faut dĂ©terminer lâĂ©tendue des circonstances et dĂ©pendances, des accessoires dâun domaine. Quand le titre de propriĂ©tĂ© est Ă©crit sur les lieux, rĂ©sulte de faits matĂ©riels, de dĂ©nominations que les juges trouvent positifs, on ne voit pas pourquoi on leur contesterait le pouvoir de reconnaĂźtre la propriĂ©tĂ© et de faire cesser lâayantage de la maintenue possessoire ; nâest-ce pas lĂ une apprĂ©ciation laite dans les limites lĂ©gales et qui Ă©chappe Ă la censure de la cour rĂ©gulatrice? Câest aussi ce quâelle a jugĂ© par lâarrĂȘt du 31 juillet 1832, dĂ©jĂ citĂ©, et par un autre arrĂȘt du 24 fĂ©vrier 1840, rendu contre lâĂtat qui revendiquait la propriĂ©tĂ© dâarbres plantĂ©s sur une route royale; arbres que la loi du 12 niai 1825 prĂ©sume appartenir Ă lâJvtut. Mais cette prĂ©somption Ă©tait dĂ©truite par une prĂ©somption contraire. Restent les prĂ©somptions lĂ©gales. Pour les haies, les fossĂ©s, les murs, la loi Ă©tablit en principe gĂ©nĂ©ral la mitoyennetĂ©, sauf les exceptions rĂ©sultant de certains faits, de titres et de la prescription. Nous pensons pie la sentence de maintenue en possession exclusive de ces objets nâa dâautre effet pie dâen assurer la possession pro\ isoire Ă celui qui lâa obtenue, et qui peut en avoir acquis la pleine propriĂ©tĂ© par titre ou par prescription; mais,de mĂȘme que le demandeur au pĂ©titoire pourrait invoquer un titre Ă©crit ou la prescription, de mĂȘme aussi il peut invoquer la prĂ©somption de la loi qui forme un vĂ©ritable titre. La cour de cassation a ainsi jugĂ© pour la haie par arrĂȘts des 13 dĂ©cembre 1830 et 17 janvier 1838, qui sâappliquent aussi au mur et au fossĂ©. Nous en dirons autant relativement aux servitudes, Ă celles qui ne peuvent sâacquĂ©rir que par titres comme Ă celles qui peuvent sâacquĂ©rir en outre par la possession. Le propriĂ©taire du fonds que lâon prĂ©tend asservi et qui a succombĂ© au possessoire, ayant un titre de propriĂ©tĂ© qui rĂ©clame toujours en sa faveur, devra rĂ©ussir dans son action pĂ©titoire si son adversaire ne prouve pas son droit de servitude par titres ou par prescription ; celui-ci aura toujours eu lâavantage de jouir de la servitude jusquâĂ la dĂ©cision au pĂ©titoire, et câest bien quelque chose. Il en serait de mĂȘme, Ă plus forte raison, dans le cas oĂč le juge le paix aurait constate une possession immĂ©moriale, ainsi que lâa dĂ©cidĂ© la cour de cassation, par arrĂȘt du 31 juillet 1832, rendu entre le sieur Pierrot et la commune de Pressigny. Remarquons, toutefois, que le dĂ©fendeur au posses- soire 11 e peut, aux termes de lâarticle 27 du iode de procĂ©dure, se pourvoir au pĂ©titoire, non-seulement quâaprĂšs que lâinstance sur le premier point est entiĂšrement terminĂ©e, tant en premiĂšre instance quâen appel, ou quâil a dĂ©clarĂ© acquiescer au jugement, mais encore quâil lâa complĂštement exĂ©cutĂ©, par lâabandon du fonds, la destruction des ouvrages quâil aurait pu faire, la rĂ©paration des dĂ©gradations, le payement des dommages-intĂ©rĂȘts et des frais; il ne pourrait sĂ© pourvoir quand mĂȘme il l'aurait exĂ©cutĂ© en majeure partie, et quâil ne de\ rait plus pie quelques dĂ©pens. Si nĂ©anmoins la partie qui a obtenu les condamnations Ă©tait en retard de les faire liquider, le juge du pĂ©titoire pourrait fixer, pour cette liquidation, un dĂ©lai aprĂšs lequel lâaction au pĂ©titoire serait reçue. Art. 27 du '.ode de procĂ©dure. dĂ©fendeur 11 e pourrait supplĂ©er Ă lâexĂ©cution des condamnations par une caution dây satisfaire ; la loi nâadmet pas ce tempĂ©rament. Elle exige une exĂ©cution rĂ©elle et immĂ©diate. Lors mĂȘme quâil y aurait retard de faire liquider les condamnations, la caution serait encore inadmissible tout ce [ue la loi permet, câest la fixation dâun dĂ©lai pour la liquidation. Comment, dâailleurs, dĂ©terminer sĂ»rement lâĂ©tendue du cautionnement pour des condamnations non liquidĂ©es? Du reste, il est loisible au dĂ©fendeur au pĂ©titoire de renoncer Ă lâexception dilatoire puisĂ©e dans lâart. 27 ; cette renonciation rĂ©sulterait suffisamment, suivant nous, de ce quâil aurait dĂ©fendu au fond, sans la faire valoir. Cette disposition n'est point applicable au demandeur qui aurait succombĂ© et aurait Ă©prouvĂ© des condamnations ; il pourrait se pourvoir au pĂ©titoire avant dâv avoir satisfait. Dans le mĂȘme cas oĂč le demandeur a succombĂ©, son adversaire est rĂ©putĂ© propriĂ©taire jusquâĂ ce quâil prouve son droit par la voie pĂ©titoire. Il en serait encore ainsi dans le cas on lâaction pĂ©titoire nâaurait pas Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e de la complainte, dâaprĂšs les deux rĂšgles de droit in ilnbio inelior est musa passidentis, et adore non probante rens absoleilitr. Toutefois, lorsqu'il nâest intervenu aucun jugement de maintenue, le juge du pĂ©titoire peut ordonner le sĂ©questre. de lacliose litigieuse, si le dĂ©tenteur en abuse, y commet des dĂ©vastations, ou si lâĂ©tat de ses allaires fait craindre quâil ne puisse restituer les fruits quâil pourrait ĂȘtre, par la suite condamnĂ© Ă rendre, ou enfin si aucune des parties nâa rĂ©ellement la possession. Nous devons rĂ©soudre ici une question indiquĂ©e ci-dessus, pages 118 et 121, oĂč nous avons rapportĂ© deux arrĂȘts de la cour de cassation des 12 juin 1800 et 17 mars 1810,qui ont dĂ©cidĂ© que la possession dans laquelle on sâĂ©tait maintenu aprĂšs un jugement sur complainte qui lâavait adjugĂ©e Ă un autre, ne pouvait autoriser lâaction possossoire de la part du dĂ©tenteur, qui nâĂ©tait toujours considĂ©rĂ© que comme possesseur prĂ©caire. les dĂ©cisions nous paraissent fort justes quand l'action est intentĂ©e par le dĂ©fendeur dĂ©jĂ condamnĂ© au posses- soire, parce que, dâaprĂšs lâart. 2210, la dĂ©tention prĂ©caire ne peut, quelque temps quâelle ait durĂ©, confĂ©rer aucun droit, aucun litre Ă celui qui lâinvoque, Ă moins quâil nây ait eu interversion, aux termes de lâart. 2218. Mais il en est diffĂ©remment quand câest un acquĂ©reur qui invoque une possession Ă lui propre et postĂ©rieure Ă son acquisition. Lâart. 2239, dont nous avons dĂ©veloppĂ© le sens dans le tit. 1 er , sâapplique directement ici. Or, câĂ©tait prĂ©cisĂ©ment lâesprit des deux arrĂȘts que nous venons de citer. Lorsque câest le demandeur en complainte qui a succombĂ©, il faut distinguer sâil a Ă©tĂ© jugĂ© que sa possession Ă©tait prĂ©caire, il est Ă©vident que ce vice subsistant toujours, une possession postĂ©rieure ne peut autoriser la complainte, Ă moins quâil nây ait interversion. Mais sâil a Ă©tĂ© dĂ©boutĂ© de sa complainte par le motif quâil ne promait pas de possession annale ou quâil nâexistait pas de trouble, il pourra, plus tard, la renouveler, parce quâil peut avoir acquis une possession civile, ou quâil peut ĂȘtre survenu un trouble positif. Celui qui, aprĂšs avoir obtenu gain de cause au posses- soire, perd son procĂšs au pĂ©titoire, nâest pas obligĂ© de restituer les dĂ©pens ni les dommages-intĂ©rĂȘts auxquels il a fait condamner son adversaire. Ils ont Ă©tĂ© occasionnĂ©s par le fait de celui-ci ; câest lui qui, en agissant irrĂ©guliĂšrement, au lieu de se pourvoir en justice, a mis le premier dans la nĂ©cessitĂ© de le poursuivre et de faire rĂ©primer sa voie de fait. Il doit eu ĂȘtre puni, et il ne le serait pas ou ne le serait quâimparfaitement sâil pouvait ensuite recouvrer les dĂ©pens et les indemnitĂ©s, ou du moins celles-ci. Ce serait encourager les voies de fait, puisque les condamnations ne seraient quâune avance quâon pourrait toujours recouvrer. 11 laudrait en dire autant du cas oĂč les dĂ©pens auraient Ă©tĂ© compensĂ©s entre les parties. Le demandeur au pĂ©titoire ne pourrait rĂ©clamer de son adversaire la portion des dĂ©pens pie la compensation a fait peser sur lui. Mai» si, par un jugement rendu sur le possessoire, le â 491 â juge de paix avait, mĂȘme Ă tort, rĂ©servĂ© les dĂ©pens, cette sentence ayant acquis force de chose jugĂ©e, Ă dĂ©faut de recours, devrait recevoir son exĂ©cution, et les juges de lâaction pĂ©titoire, en accueillant la demande, pourraient condamner le dĂ©fendeur aux dĂ©pens des deux instances; câest ce que la cour de cassation a dĂ©cidĂ© pur arrĂȘt du 8 dĂ©cembre 1836. Voyez aussi p. /73. Quant aux fruits, la dĂ©cision est dans lâapplication du principe Ă©tabli par lâart, ĂŽ/p. Le possesseur de bonne foi, obligĂ© dâabandonner la chose qui ne lui appartient pas, conserve les fruits quâil a perçus antĂ©rieurement Ă lâaction, lors mĂȘme quâil nâexiste aucun jugement qui lâait prĂ©alablement maintenu dans sa possession, soit parce quâil nây a pas eu de demande possessoire, soit parce quâaucune des parties nâa justifiĂ© de la possession annale et Ă titre de propriĂ©taire quâelle allĂ©guait. A plus forte raison doit-il conserver les fruits quand il en a obtenu un ; mais cette consĂ©quence ne rĂ©sulte pas forcĂ©ment dâune pareille dĂ©cision ; car, comme nous lâavons vu au titre 1 er , page 129, la bonne foi nâest pas nĂ©cessaire dans celui qui forme la complainte. Toutefois, pour le contraindre Ă restituer les fruits, une dĂ©claration formelle de mauvaise foi serait indispensable de la part des juges du pĂ©titoire ; car, aux termes de lâart. 2268 du iode civil, la bonne foi est toujours prĂ©sumĂ©e, et câest Ă celui qui allĂšgue la mauvaise foi Ă la prouver, les principes ont Ă©tĂ© consacrĂ©s par arrĂȘt de la cour de cassation, rendu le 5 juillet entre le sieur Bartholdy et la ville de Colmar, qui a cassĂ© un arrĂȘt de la cour royale de la mĂȘme ville. Depuis, de nombreux arrĂȘts ont de nouveau consacrĂ© le principe de la nĂ©cessitĂ© dâune dĂ©claration expresse de i!-2 â mauvaise foi pour lĂ©gitimer la restitution des fruits; nous citerons notamment ceux des 2/i juillet 1839 et 12 mai IH/iO; mais il ne faut pas se mĂ©prendre sur ce quâon doit considĂ©rer comme fruits on ne pourrait, par exemple, considĂ©rer comme tels des arbres de haute futaie non mis en coupes rĂ©glĂ©es. Le possesseur de bonne foi, eĂ»t-il obtenu un jugement de maintenue , ne pourrait donc ĂȘtre autorisĂ© Ă les conserver; il devrait, au contraire, ĂȘtre condamnĂ© Ă les restituer, dans tous les cas, au demandeur au pĂ©titoire qui serait dĂ©clarĂ© propriĂ©taire du bois, ainsi que cela rĂ©sulte de lâart. 591 du Code civil et de, lâarrĂȘt Colasson du 8 dĂ©cembre 1836, prĂ©cĂ©demment citĂ©. Lorsque lâobjet litigieux a Ă©tĂ© mis en sĂ©questre ou en rĂ©crĂ©ance, mĂȘme entre les mains de lâune des parties, il est Ă©vident que, pendant tout le temps que cet Ă©tat de choses a durĂ©, elle nâa pas eu la possession de lâobjet litigieux et nâa pu en gagner les fruits; elle est dĂšs lors tenue dâen rendre compte Ă celui qui rĂ©ussit au pĂ©titoire. Quant aux impenses et amĂ©liorations que le possesseur Ă©vincĂ© aurait pu faire, il faudrait suivre pour le rĂšglement de ses droits et obligations les principes tracĂ©s par les art. 555 et 1375 du Code civil. 11 y aurait aussi lieu de lâassujettir Ă tenir compte des destructions et dĂ©tĂ©riorations quâil aurait commises. Faisons observer, en terminant, que le juge de paix ne serait nullement liĂ© par un interlocutoire, eĂ»t-il mĂȘme Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© sans rĂ©serves par les d'eux parties ; et aprĂšs avoir ordonnĂ© la preuve par tĂ©moins et par visite des lieux, pour vĂ©rifier la possession et le trouble allĂ©guĂ©s, il pourrait, par le jugement dĂ©finitif, Ă©carter le rĂ©sultat â 493 â fte cette instruction comme inutile, se dĂ©terminer par une exception, comme, par exemple, celle tirĂ©e de ce que lâobjet du litige est une chose consacrĂ©e Ă un usage public hors du commerce, et non susceptible de prescription. Ces principes rĂ©sultent dâune foule dâarrĂȘts, et notamment de celui de cassation du 25 juillet 1837. Le jugement possessoire nâaurait mĂȘme, comme nous lâavons dit, aucune influence sur la nature et lâapprĂ©ciation des faits que les juges du pĂ©titoire pourraient caractĂ©riser tout autrement. Supposons, par exemple, que le juge de paix eĂ»t repoussĂ© la complainte par le motif que les faits articulĂ©s ne sont que de tolĂ©rance et de jouissance prĂ©caire, ou ne constituent que lâexercice dâune servitude discontinue, et que le demandeur reproduise identiquement les mĂȘmes faits devant le juge du pĂ©titoire, bien Ă©videmment celui- ci ne sera pas liĂ© par la premiĂšre sentence, et pourra dĂ©cider que ces faits, continuĂ©s pendant trente ans, ont produit lâacquisition de la propriĂ©tĂ© par la prescription. FIN DE LA PREMIĂRE PARTIE. TABLE DES MATIĂRES PREMIĂRE PARTIE TRAITĂ DE LA POSSESSION ET DES ACTIONS l'OSSESSOIItES 111 Rh 1". Dos actions possessoires en gĂ©nĂ©ral ; possession requise; dĂ©lai pour los intontor. i CHAPITRE I er . Principes du droit romain et du droit français ancien et actuel, sur les actions possessoires en gĂ©nĂ©ral et sur plusieurs dâentre elles on particulier. âDĂ©finition de ces actions et de la possession qui y donne lieu ; de leur but. ib. Section i". Actions possessoires en gĂ©nĂ©ral. ib. Section ii. De la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, de la rĂ©intĂ©- grande, de la i-Ă©crĂ©ance et du sĂ©questre. 14 § 1 ". De la dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre. jb. iV 1 . Droit romain. 15 Nâ 2 . Ancien droit français. 23 N" 3 . Droit français actuel. 32 $ 2. De la rĂ©intĂ©grande. 37 S 3 . De la rĂ©crĂ©ance et du sĂ©questre. 69 Section iii. Objet et but de lâaction possessoire. 82 CHAPITRE II. DurĂ©e de la possession requise pour pouvoir intenter lâaction possessoire. DĂ©lais dans lesquels elle doit ĂȘtre exercĂ©e. â De ceux contre lesquels ils courent. 87 Section i". DurĂ©e de la possession et dĂ©lais dans lesquels lâaction doit ĂȘtre intentĂ©e. .. ib. Section h. Les dĂ©lais dans lesquels lâaction doit ĂȘtre formĂ©e courent contre toutes personnes. 100 CHAPITRE III. Nature de la possession exigĂ©e pour lâexercice de lâaction en complainte; maniĂšre dont elle sâacquiert et se perd. 110 Section t re . Observations gĂ©nĂ©rales. ib. Section ii. DĂ©veloppements des principes de chacune des qualitĂ©s de la possession. 113 § 1 ". Possession non prĂ©caire. ib. 4 2 . Bonne et mauvaise foi dans la possession. 126 3 . Possession continue et non interrompue. 141 5 Ă 4 . Possession paisible. 157 N° 1". Observations gĂ©nĂ©rales. ib. N" 2 . Des diverses espĂšces de trouble.. 158 jĂŻ 5 . Possession publique. Ig/, lâign » 6 . Possession non Ă©quivoque et Ă titre de propriĂ©taire. ..... 191 S 7. Possession de tolĂ©rance, ou de simple facultĂ©. 19 ,t S 8 . Possession non violente. 19 g Ăż 9. Possession de choses qui sont dans le commerce et prescrij- tibles. 208 TITRE II. Des choses pour lesquelles on peut intenter les actions possessoires. 227 CHAPITRE I". Des biens en gĂ©nĂ©ral pii peuvent ĂȘtre la matiĂšre de ces actions. jb. Section t re . I.âaction possessoire est admise pour les immeubles et droits rĂ©els, mais non jtour les immeubles lictifs. il. Section ii. Des meubles isolĂ©s et des universalitĂ©s de meubles. . . 233 Section tu. Immeubles par destination. 238 Section iv. Des immeubles ameublis par stipulation. 248 CHAPITRE II. Des divers immeubles et droits rĂ©els qui peuvent ĂȘtre lâobjet des actions possessoires. 251 Section i". Des choses dĂ©signĂ©es par le Code de procĂ©dure et par la loi du 25 mai 1838 comme pouvant ĂȘtre l'objet des actions possessoires. il. jj 1 ". Des dĂ©placements de bornes. 252 § 2. Des usurpations de terre. 260 Ăż 3. Des usurpations dâarbres et de haies. 263 Sj 4 . Usurpation de murs, fossĂ©s, etc. 281 ij 5. Des entreprises sur les eaux. 288 A ht. 1". Des eaux navigables ou flottables et accessoires. 290 Art. 2. Des eaux qui 11 e sont ni navigables ni flottables. 296 Aâ 1 ". Dos eaux qui nâont pas de cours lacs, Ă©tangs, mares, citernes, puits, fontaines, eaux minĂ©rales. ib. N° 2. Des eaux courantes. 30 H Section ni. Des choses non dĂ©signĂ©es par le Code de procĂ©dure ni par la loi de 1838, et qui peuvent ĂȘtre lâobjet des actions possessoires. 330 § 1". Des chemins. ib. N° 1. Chemins royaux, dĂ©partementaux et de halagç. ib. Nâ 2. Chemins vicinaux ou communaux. 340 N° 3. Chemins privĂ©s ou de desserte. 3/16 Nâ 4. Chemins de fer. 3 iig § 2. Des marais. 330 3. Des mines. 353 li. De lâĂ©tat de lĂ©gitimitĂ©. /,08 s 3. De lâaction en revendication dâimmeubles. /joo Ăż fi. Des rentes et clmmparts.â p,. ^ 7. Des droits de pĂ©age et droits Ă©ventuels. . 412 * 8. Des sĂ©pultures et tombeaux.â j,. Ăż tl. lhasse et pĂšche. 4i;j ij 10. Chapelles, bancs et places dans les Ă©glises. . 415 *411. Des banalitĂ©s. 477 TITRE 111. De la procĂ©dure relative au\ actions jiossessoires. . . . 410 CHAPITRE 1". Iles rĂšgles Ă suivre pour former la demande. ib. Section 1". Notions gĂ©nĂ©rales. il,. Section 11. De ceux par qui et contre qui les actions possessoires doivent ĂȘtre formĂ©es. CHAPITRE II. Do la procĂ©dure devant le juge de paix. 4au Section i rc . Du demandeur. jli. Section 11. Du dĂ©fendeur. 447 Section ni. Du cas oĂč le demandeur et le dĂ©fendeur font defaut. . Section iv. Do la prohibition du cumul du possossoire et du pĂ©ti- toiro. il,. S 1 er . Notions gĂ©nĂ©rales. il,. ^ 2. Des cas oĂč il nây a pas cumul. 432 Section v. Des moyens de dĂ©fense fondĂ©s sur ce quâil sâagit de matiĂšres ou dâactes administratifs. 440 Section ni. Des demandes en garantie. 403 Section vu. De lâintervention. 400 CHAPITRE III. Du jugement, de son effet, de ses suites et des di- ters recours dont il peut ĂȘtre lâobjet. 471 Section i r '. Du jugement. ih. Section ii. De lâappel et du dernier ressort. 473 Section tu. Du recours en cassation. 482 Section n. Effets du jugement.. . . . iS3 lâan». â Imprimerie de lits aine., rue des Grands-Augustin», 7. TRAITĂ LA POSSESSION DE LA PROPRIĂTĂ DES ACTIONS POSSESSOIRES ET PĂTITOIRES orv rages ne nĂne aetemi Otâl SE TROTTENT A LA MĂME ADRESSE RĂ©gime des» enu\. ou TraitĂ© des eaux de la mer, des fleuves, riviĂšres navigables et flottables, et autres eaux de toute espĂšce, 3 e Ă©dition, avec un commentaire sur le dĂ©cret de dĂ©centralisation administrative, du 25 mars 1852 ; le tout mis au courant de la lĂ©gislation et de la jurisprudence, jusquâen avril 1853. 5 volumes. Prix 20 fr. et 26 fr. par la poste. Commentaire de* loi* des 20 avril 1845, et fl I juillet A849, sur les irrigations, avec un extrait des lĂ©gislations Ă©trangĂšres sur le mĂȘme sujet. Prix 3 fr. et 3 fr. 50 c. par la poste. TraitĂ© des chemins de toute espĂšce, comprenant les grandes routes, les chemins vicinaux, rues et places publiques, arbres, haies, fossĂ©s, alignements, rĂšglements de voirie, i e Ă©dition. 1 vol. in-8°. Prix 7 fr. et 10 fr. par la poste. SupplĂ©ment nu traitĂ© des chemins, contenant un commentaire de la loi du 21 mai'1836, sur les chemins vicinaux, et de nombreuses additions au TraitĂ©. Prix 3 fr. et 4 fr. par la poste. IMPRIMERIE DE PILLET FILS AISĂ, BCE DES GRAXDS-AIGCSTIXS, 5. TRAITĂ DE LA POSSESSION DE LA PROPRIĂTĂ ET DES ACTIONS POSSESSOIIIES ET PĂTITOIRES DEUXIĂME PARTIE DE LA PROPRIĂTĂ ET DES ACTIONS PĂTITOIRES PRĂCĂDĂE DĂ'N SUPPLĂMENT A LA PREMIĂRE PARTIE POSSESSION ET ACTIONS POSSESSOIRES, ET SUIVIE DâUNE TABLE ALPHABĂTIQUE ET RAISONNĂE DES MATIĂRES CONTENUES DANS LES DEUX VOLUMES Par F. X. P. GARNIER Avocat Ă la Cour impĂ©riale de Paris, ancien magistrat, ancien prĂ©sident du Conseil de l'ordre des avocats au Conseil-dâEtat et a la Cour de cassation, membre de la LĂ©gion d'honneur, de la SociĂ©tĂ© philoterhnique, de l'AcadĂ©mie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, et de plusieurs autres SociĂ©tĂ©s savantes. PARIS CHEZ L'ĂDITEUR, RUE DE TOURNON, AA 1853 A LA 1" PARTIE Dl TRAITĂ DE IA POSSESSION DES ACTIONS POSSESSOIRES ET PĂTITOIHES Câest-Ă -dir9 4 celle qui traite de la possession et des actions possessoires. 32 Avant de nous occuper des actions pĂ©tiloires, nous croyons devoir offrir, dans un appendice, un rĂ©sumĂ© de doctrine sur plusieurs questions importantes que nous avons eu Ă examiner depuis la publication de la premiĂšre partie de notre travail, et une analyse de toute la jurisprudence, depuis la mĂȘme Ă©poque jusquâĂ ce jour. A ce moyen, cette partie de notre TraitĂ© sera, nous lâespĂ©rons du moins, aussi complĂšte et aussi utile que possible. APPENDICE. Page 37, aprĂšs le 3' alinĂ©a , ajoutez ZachariĂŠ et Molitor pensent Ă©galement que lâancienne dĂ©nonciation de nouvel Ćuvre, telle que lâentendaient les lois romaines et notre vieux droit français, nâexiste plus aujourdâhui ; quâelle est en tous points assimilĂ©e aux actions possessoires ordinaires, Ă la complainte et soumise aux mĂȘmes conditions que ces actions. On peut voir Molitor, de la Possession et des Actions possessoires, ouvrage posthume, de la page 210 Ă la page 225, oĂč il rapporte textuellement lâopinion de ZachariĂŠ. Au surplus, la jurisprudence actuelle depuis longtemps fixĂ©e dans ce sens, attestĂ©e par de nombreux arrĂȘts de la Cour de cassation, et lâopinion presque unanime des auteurs, ne peuvent plus laisser de doute sur ce point et doivent faire cesser toute controverse. P. 65, aprĂšs le 1" alinĂ©a, ajoutez ce qui suit Depuis lâimpression de cette partie de notre ouvrage, il est intervenu trois arrĂȘts de la Cour de cassation qui â 500 â ont entiĂšrement confirmĂ© la jurisprudence des prĂ©cĂ©dentes dĂ©cisions. Lâun en date du 22 novembre 1846, Ă©manĂ© de la chambre civile, casse un jugement qui avait refusĂ© dâaccueillir une action en rĂ©intĂ©grande, en se fondant sur ce que le demandeur ne justifiait pas dâune possession annale. La Cour a reconnu, que dĂšs quâil sâagissait dâune action en rĂ©intĂ©grande motivĂ©e sur une voie de fait, la possession existant au moment de cette voie de fait Ă©tait suffisante. Les deux autres arrĂȘts Ă©manĂ©s de la chambre des requĂȘtes, sont des 10 aoĂ»t et 3 mai 1848, et rejettent des pourvois formĂ©s contre des jugements qui avaient accueilli des actions en rĂ©intĂ©grande, fondĂ©es sur possession non annale. Le premier dit, dans lâun de ses motifs, que lâaction en rĂ©intĂ©grande peut ĂȘtre intentĂ©e toutes les fois que le dĂ©tenteur dâun immeuble en a Ă©tĂ© dĂ©possĂ©dĂ© par un acte de violence, pourvu cependant que la dĂ©tention ne soit pas elle-mĂȘme le rĂ©sultat dâun fait violent, furtif ou clandestin. Le second dĂ©cide positivement que lâallĂ©gation dâun droit et dâune possession annale antĂ©rieure, de la part de lâauteur de la voie de fait, nâavait pu empĂȘcher lâadmission de lâaction en rĂ©intĂ©grande fondĂ©e sur la simple possession quâavait le demandeur au moment oĂč cette voie de fait avait Ă©tĂ© commise. Nous pouvons ajouter Ă toutes les autoritĂ©s citĂ©es dans notre ouvrage principal et dans cet appendice, lâopinion de Molitor, professeur Ă la facultĂ© de droit de Gand, TraitĂ© de la possession et des actions possessoires, ouvrage publiĂ© en 1852 ; on trouvera, de la page 199 Ă la page 208, une discussion assez Ă©tendue de la question de rĂ©intĂ©grande. â 301 â Lâauteur cite Ă lâappui de son opinion lâart. 9 de la loi belge du 25 mars JS41, sur la compĂ©tence en matiĂšre civile et la discussion de cet article Ă la chambre des reprĂ©sentants ; il sâexprime en ces termes Il rĂ©sulte formellement de la discussion Ă laquelle lâart. 9 de cette loi a donnĂ© lieu, que lâaction en rĂ©intĂ©grande nây est nommĂ©e que pour indiquer que le lĂ©gislateur a entendu conserver cette action avec le caractĂšre que nous lui connaissons. En effet, dans le projet du gouvernement, lâart. 9 de la loi ne faisait aucune mention de la rĂ©intĂ©grande; mais lors de la discussion, Ă la sĂ©ance du 5 mai 1840, AI. de Garcia fit remarquer quâil lui paraissait utile de trancher par une disposition lĂ©gislative la controverse qui sâĂ©tait Ă©levĂ©e sur cette action ; en consĂ©quence, il prĂ©senta un amendement tendant Ă faire nommer dans la loi lâaction en rĂ©intĂ©grande, pour montrer par lĂ que la loi entendait conserver cette action et y appliquer les principes reconnus ; puis, sur une observation prĂ©sentĂ©e par AI. Leclerq, alors ministre de la justice, pour montrer ce quâil y avait de peu prĂ©cis dans lâamendement, Al. de Garcia ajouta quâil voulait que, par son amendement, il fĂ»t reconnu que lâaction en rĂ©intĂ©grande Ă©tait non-seulement une action possessoire, mais une action possessoire sui generis; et que, par son insertion dans la loi, la conservation de cette action, complĂštement indĂ©pendante de la possession annale, serait placĂ©e en dehors de toute contestation ; quâon continuerait donc Ă y appliquer les principes qui ont existĂ© dans lâancien droit, et qui rĂ©ellement nâont pas Ă©tĂ© dĂ©truits. AI. Ilaikeni parla dans le mĂȘme sens, et montra que la loi française du 25 mai 1838 contenait une disposition qui tranche dans le mĂȘme sens cette question â 302 â controversĂ©e; puis l'amendement de M. de Garcia fut adoptĂ© sans autre discussion. » Nous sommes donc, plus que jamais, fondĂ© Ă persister dans notre opinion sur le maintien par notre lĂ©gislation actuelle de la rĂ©intĂ©grande, avec les caractĂšres et conditions marquĂ©s dans la lĂ©gislation antĂ©rieure ; et nous avons la conviction, que toute controverse doit cesser dans les tribunaux comme parmi les auteurs. Il est Ă©vident que la lutte serait dĂ©sormais inutile et que les tribunaux qui la favoriseraient rendraient un bien mauvais service aux parties en les exposant Ă des frais considĂ©rables, car la Cour de cassation ne manquerait pas dâannuler leurs dĂ©cisions. P. 103, aprĂšs le 1 er alinĂ©a , ajoutez La chambre des requĂȘtes de la Cour de cassation a rendu, le 1 er aoĂ»t 1848, un arrĂȘt qui semble condamner la doctrine que nous venons de dĂ©velopper Ă la page prĂ©cĂ©dente. Mais la condamnation est plutĂŽt dans les circonstances de lâespĂšce sur laquelle il est intervenu que dans sa rĂ©daction. En fait, il sâagissait bien de fouilles successivement opĂ©rĂ©es dans un champ, et dont les premiĂšres remontaient Ă plus dâune annĂ©e avant lâaction en complainte; mais la Cour a motivĂ© son arrĂȘt dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, . et a interprĂ©tĂ© le jugement de maniĂšre Ă y trouver la dĂ©claration que le trouble nâavait rĂ©ellement existĂ© que par la derniĂšre fouille ; de sorte que câĂ©tait lĂ une apprĂ©ciation de fait quelle ne pouvait reviser. La Cour nous paraĂźt dâailleurs avoir Ă©tĂ© ici dominĂ©e par la considĂ©ration quâavait prĂ©sentĂ©e le rapporteur, quâau fond, la â 503 â complainte avait Ă©tĂ© repoussĂ©e, de sorte que le pourvoi Ă©tait presque sans intĂ©rĂȘt. Quoi quâil en soit, nous persistons Ă penser que lâaction en complainte doit ĂȘtre intentĂ©e dans lâannĂ©e du premier fait de trouble, Ă peine de dĂ©chĂ©ance. La loi exige une possession annale, antĂ©rieure au trouble, et une action dans lâannĂ©e de ce mĂȘme trouble. La thĂ©orie des troubles successifs mĂšnerait bien loin. Quâun particulier exploite journellement une marniĂšre, une carriĂšre, on soutiendra quâĂ la fin de lâannĂ©e, depuis le dernier fait, câest-Ă -dire deux ans aprĂšs le premier, lâaction sera encore recevable. Il en pourrait ĂȘtre de mĂȘme pour des bois, des terres, mĂȘme pour des bĂątiments, dont les travaux de rĂ©parations, ou les faits dâoccupation, dureront une annĂ©e. Ce serait sâĂ©carter du texte comme de lâesprit de la loi. Que les juges du possessoire aient une certaine latitude pour rechercher les faits constitutifs du trouble, nous le concevons, puisque la loi exige le trouble rĂ©el. Un fait peut annoncer lâintention de troubler sans ĂȘtre une atteinte Ă la possession ; nous le disons nous-mĂȘme en citant un exemple ; nous en trouvons mĂȘme un nouvel exemple dans deux arrĂȘts des requĂȘtes des 3 et h aoĂ»t 1852, rendus sur les pourvois du sieur Martel contre le sieur de BĂ©thune. Mais, danslâespĂšce delâarrĂȘtclul cr aoĂ»t, Ă©videmment les premiĂšres fouilles constituaient un trouble Ă la possession de celui qui prĂ©tendait avoir des droits exclusifs au fonds sur lequel elles avaient eu lieu. P. 267, aprĂšs le 1 er alinĂ©a, ajoutez La Cour de cassation a, par arrĂȘt du 1 h novembre 18Ă9, admis lâaction possessoire Ă raison dâarbres â 504 â abattus par un voisin ; le juge dâappel lâavait repoussĂ©e, en se fondant sur ce que les arbres Ă©taient un objet mobilier, dont la destruction ne pouvait donner lieu quâĂ une indemnitĂ© pĂ©cuniaire ; mais la Cour a annulĂ©, par le motif que le demandeur en complainte, en articulant la possession annale des arbres, avait soutenu que le sol sur lequel ils avaient Ă©tĂ© plantĂ©s lui appartenait Ă©galement, et quâil avait conclu Ă ce que son adversaire fĂ»t tenu de les remplacer; que, par consĂ©quent, le dĂ©bat Ă©tait bien relatif Ă un objet immobilier. La Cour nâa pas eu besoin dâexaminer la question de savoir si les arbres, abstraction faite du terrain, auraient pu devenir lâobjet dâune action possessoire. Nous lâavons traitĂ©e page 264, Ă laquelle nous renvoyons. P. 284, aprĂšs le 3' alinĂ©a, ajoutez Mais deux arrĂȘts de rejet de la Cour de cassation, chambre civile, en date des 11 avril 1848 et 3 juillet 1849, sont un peu en opposition avec notre doctrine. Ils reconnaissent, comme Ă©tant encore en vigueur, les usages locaux qui obligent celui qui se clĂŽt par un fossĂ© Ă laisser un certain espace de son terrain entre ce fossĂ© et la propriĂ©tĂ© voisine, et ils accordent lâaction possessoire contre le propriĂ©taire qui Ă©tablit son fossĂ© Ă lâextrĂȘme limite de son fonds, soit parce quâen agissant ainsi, il expose le fonds voisin Ă des Ă©boulements et dommages, soit parce quâil tend Ă usurper la propriĂ©tĂ© du franc- bord au delĂ du fossĂ© et qui est censĂ© lâaccessoire de ce fossĂ©. Ils dĂ©clarent formellement que le juge de paix est autorisĂ© Ă prendre en considĂ©ration ces usages et ces circonstances pour apprĂ©cier lâaction possessoire. â 503 â Nous nâavions pas dit que celui qui Ă©tablissait un fossĂ© fĂ»t absolument dispensĂ© dâobserver une distance. Nous pensions seulement que les usages ou rĂšglements nâĂ©tant pas maintenus par le Code, pour Ă©viter sans doute le chaos de lâancien Ă©tat de choses, et pour Ă©tablir, autant que possible, lâuniformitĂ© de lĂ©gislation, il y avait seulement lieu par le juge de paix de rechercher si les travaux Ă©taient en fait nuisibles ou non nuisibles. AprĂšs y avoir bien rĂ©flĂ©chi, nous ne pouvons nous ranger ii la doctrine consacrĂ©e par ces arrĂȘts, et nous devons persister dans notre opinion nous ne pouvons admettre le maintien des anciens usages ou rĂšglements qui nous ramĂšneraient la divergence, les inconvĂ©nients des anciennes coutumes. P. 291, aprĂšs le 5 e alinĂ©a, ajoutez ce qui suit Par arrĂȘt du 26 novembre 18/i9, la Cour de cassation, chambre civile, a fait lâapplication de ces principes, en cassant un jugement du Tribunal de Nogent, qui les avait mĂ©connus. Il sâagissait des rives artificielles ou digues de la Seine que lâĂtat avait fait construire de 1785 Ă 1788. La ville de Nogent-sur-Seine ayant intentĂ© action possessoire Ă lâĂtat, qui avait vendu les herbes excrues sur ces digues, le juge de paix et le tribunal dâappel avaient dĂ©clarĂ© la possession valable, parce que, suivant eux, les digues ou rives artificielles nâĂ©taient par aucnne loi placĂ©es hors du commerce, et Ă©taient consĂ©quemment prescriptibles. La cassation est fondĂ©e sur les motifs suivants PĂ©titoire ou action pĂ©titoire, en latin petitorium, vient de petere, demander, poursuivre, et sous ce rapport on pourrait dire que cette expression convient Ă toutes les demandes faites en justice, quel quâen soit lâobjet, mobilier ou immobilier, droit incorporel, crĂ©ance dâune somme dâargent, rentes, et comprend mĂȘme lâaction possessoire. Mais dans lâusage consacrĂ© par une longue suite de siĂšcles, le mot pĂ©titoire a servi Ă dĂ©signer le fond du droit, la propriĂ©tĂ© mĂȘme de la chose et lâaction au moyen de laquelle on revendique cette propriĂ©tĂ©, par opposition au possessoire qui dans lâorigine, câest-Ă -dire dans le droit ante-Justinien, comme nous lâavons vu p. 3, de la l re partie, nâĂ©tait considĂ©rĂ© ni comme une demande ni comme une action, et ne donnait pas lieu Ă un juge- â 5S3 â ment *. Nous devons ajouter que lâexpression pĂštitoire, dans sa gĂ©nĂ©ralitĂ©, a Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă la revendication de la propriĂ©tĂ© des choses purement mobiliĂšres, comme Ă celle des immeubles. Cela se conçoit, les meubles et les immeubles pouvaient ĂȘtre lâobjet dâun interdit; et dans notre ancien droit français, les meubles pouvaient ĂȘtre aussi, quoique dâune maniĂšre plus restreinte, lâobjet de la complainte. Petere hĆrcditatem, petitio hĂŠreditatis, demander une hĂ©rĂ©ditĂ©, pĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ©, câĂ©tait lĂ en effet une action sur le fond mĂȘme du droit de lâhĂ©rĂ©ditĂ©, et tendant Ă se faire dĂ©livrer les objets qui la composaient. 11 y a au Digeste un titre de hĂŠreditatis petitione et au Code, trois titres de petitione hĂŠreditatis, de petitionibus bonorum sublatis, de plus petitionibus ; au Digeste et au Code, il y a un titre de Rei vindicatione. 12° La loi 62, ff. de judiciis est ainsi conçue Inter liligantes non aliter lis expediri potest quam si alter peti- tor, alter possessor sit esse enim debet qui onera petitoris, sustineat et qui Commodo possessoris fungatur. Au titre UH possidetis, nous lisons loi 1", § 1". Hoc interdictum Uli possidetis de soli possessore scriptum est, quern potiorcm prĂŠtor in soli possessione habebat, et est prohibitorium ad retinendam possessionem. â§ 2. Uu- jus autem intei'dicti proponendi causa hĆc fuit quod sepa- rata esse debet possessio a proprietate ; /ieri etenirn potest, ut alter possessor sit, dominas non sit; alter dominas qui- dem sit, possessor vero non sit fieri potest ut et possessor idem et dominus sit. â§3. Inter litigatores ergo quo - tiens est proprietatis controversia, aut convenit inter li- * In interdicto, possessio; in acticne, proprielas vertilur. L. U, 5 ult. ff y de excep. rei JudicatĂŠ. â 554 â tigatores uter possessor sit, uter petitor, aut non convenu. Si convenit, absolutum est ille possessoris commodo, quem convenit possidere; ille petitoris onere fungetur. Au titre de Rei vindicatione, il est question du jugement pĂ©titoire, Judicium petitorium. Nous lisons encore au g A, titre de Interdictis des Institues de Justinien RetinendĂŠ possessionis causa comparata sunt interdicta, Uti possidetis et Utrubi; cum ab utraque parte de proprietate alicujusrei, controversia sit, et ante quĆralur, uter ex litigatoribus possideat, et uter petere debeat. Namque nisi ante exploratum fuerit, utrius eorum posses- sio sit, non potest petitoria actio institui quia et civilis et naturalis ratio facit, ut alius possideat, et alius a possi- dente petat. Et quia longĂ© Commodius est et potius possidere quam petere. Ideo plerumque et fere semper ingens existit contentio de ipsa possessione. Commodum autern possidenti in eo est, quod etiamsi ejus res non sit, qui possidet, si modo actor non potuerit suam esse probare, remanet in suo loco possessio; propter quam causam, cum obscura sunt utriusque jura, contra petitorem judicari solet. Interdicto Uti possidetis de fundi vel ĂŠdium possessione conlenditur. Dans les plus cĂ©lĂšbres interprĂštes du droit romain, notamment dans Barthole et Cujas, on ne trouve rien autre chose sur lâaction pĂ©titoire, si ce nâest quelle est relative Ă la propriĂ©tĂ©, tandis que lâinterdit est en gĂ©nĂ©ral relatif Ă la possession. On peut voir particuliĂšrement les commentaires sur lâinterdit Uti possidetis, sur les titres de Acq. et amitt. possessione, de Rerum divisione, de Rei vin- dicat. VoilĂ pour le droit romain. â 55o â » 13° Voyons maintenant les auteurs français et Ă©trangers, et commençons par ceux de nos auteurs qui ont Ă©crit avant le Code de procĂ©dure civile. Imbert, Pratique judiciaire, p. h, sâexprime ainsi La matiĂšre et cause civile est ou personnelle ou rĂ©elle, pĂ©titoire ou possessoire. La personnelle procĂšde de contrat ou acte Ă©quipollent Ă contrat. En la pĂ©titoire est question de la propriĂ©tĂ© et seigneurie de la chose ; en la possĂšssoire, de la possession. Et parce quâen toutes actions civiles y a presque mĂŽme et semblable style de procĂ©dure, nous les traiterons toutes par un mĂȘme ordre ; fors quand il y aura diffĂ©rence en la procĂ©dure ; car, en ce cas, en chacun lieu propre et particulier nous mettrons la diffĂ©rence. » Et en note En termes de droit, sont mises deux espĂšces dâactions In rem, quĂŠ dicitur vindicatio, et in personam quĂŠ condictio appellatur, L. aclionum gĂ©nĂ©ra 25 * et L. actionib 37. 1. de actionibus ; § sed istĂŠ, §namque, § appellamus, aux institutions de Justinien, liv. Ă , Titre de Act. Combien que plusieurs autres divisions soient mises Ăšs dits lieux. Mais les dĂ©finitions de lâaction personnelle ou pĂ©titoire sont prinses de la mesme loy. 25 D. de Act. et du § omnium actionum et § appellamus, Instit., eodem litulo. » Nous lisons dans le mĂȘme ouvrage Pratique judiciaire, Ă la p. 222, en note. Notez que celui qui agit au pĂ©titoire, possessorem adversarium agnoscit. § omnium Inst, de Act. cui datur actio multo magis exceptio, * Aclionum gĂ©nĂ©ra sunt duo in rem quĂŠ dicilur vindicatio; et in personam quĂŠ condictio appellatur. In rem actio est per quam rem nostram quĂŠ ab alio possidetur, petimus ; et semper adversus eum est qui rem possidet. â 556 â L. vindicantem D. de evict., ainsi quâil a Ă©tĂ© jugĂ© par arrĂȘt rĂ©citĂ© par Gallus, q. 46, n" 17, et ne doit ĂȘtre suivie la distinction de Jason, m § Ćquo Inst, de Action. » Enfin, le mĂȘme Imbert, Pratique, p. 443, sâexprime ainsi Mais il y a une matiĂšre que lâon appelle nĂ©gatoire, laquelle, combien quâelle semble ĂȘtre pĂ©titoire, nĂ©anmoins ne lâest, et celui qui lâintente ne constitue le dĂ©fendeur possesseur ; et la forme dâintenter cette action est Ă ce quâil soit dit et dĂ©clarĂ© le dĂ©fendeur nâavoir droit dâaller et venir par tel lieu, etc. Il y a plusieurs autres actions, lesquelles semblent ĂȘtre pĂ©titoires, lesquelles ne le sont. Comme si lâon propose pour avoir payement des arriĂ©- rages de quelque rente, sans conclure Ă continuation et en ce cas le dĂ©fendeur lors pour raison de la dĂ©nĂ©gation, qui emporte trouble, le demandeur pourra former complainte. » VoilĂ , Ă peu prĂšs, tout ce que nous trouvons sur les actions pĂ©titoires, dans lâouvrage trĂšs-Ă©tendu de notre vieil auteur. Nous nâen trouvons pas davantage dans les ouvrages de Masuer et de Itebuffe qui avaient prĂ©cĂ©dĂ© celui dâImbert, et qui ne se sont pas mis plus en frais que lui sur ce sujet quoiquâils aient tous trois traitĂ© des actions possessoires avec plus de soins et de dĂ©veloppements. Duplessis, Coutume de Paris, tome 1 er , des actions, livre 1 er p, 597, sâexprime ainsi Comme toutes choses sont meubles ou immeubles, aussi pour les immeubles y a-t-il premiĂšrement lâaction pĂ©titoire pour en revendiquer la propriĂ©tĂ©; secondement, lâaction possessoire ou complainte, pour en revendiquer ou conserver la possession. TroisiĂšmement, et, pour les meubles, il y a lâactiou â 557 â de revendication de meubles, qui est aussi bien rĂ©elle que les autres ; il nây a diffĂ©rence que de nom. La coutume nâa point parlĂ© de lâaction pĂ©titoire non plus que de lâaction de revendication de meubles. Aussi leur pratique est-elle assez notoire dans lâusage, et tout ce qui sâen observera en passant est que A lâĂ©gard de lâaction pĂ©titoire, elle ne se juge que sur des titres, si ce nâest quâil y ait prescription allĂ©guĂ©e, et dure dix, vingt ou trente ans, suivant la distinction articles 113 et 118. » Câest lĂ tout ce que dit Duplessis de lâaction pĂ©titoire, dans deux volumes in-folio. Dumoulin, sur la mĂȘme coutume de Paris, sâexprime en termes analogues. Brodeau et DelauriĂšre, sur la mĂȘme coutume, en disent bien moins encore, puisquâils se bornent Ă poser en principe que le pĂ©titoire ne doit pas ĂȘtre accumulĂ© avec le pos- sessoire, sans nous faire connaĂźtre ce que câest que le pĂ©titoire. Quant Ă Domat, il garde le silence le plus absolu sur lâaction pĂ©titoire. Nous avouons nâen avoir pu mĂȘme dĂ©couvrir le nom dans tout son ouvrage. Basnage,BĂ©rault,Flaust,Latournerye, commentateurs de la Coutume de Normandie, et Houard, Dictionnaire du droit normand, disent seulement que lâaction pĂ©titoire est relative Ă la propriĂ©tĂ©. Voici tout ce que nous trouvons dans le Commentaire de la coutume dâAuvergne, de Chabrol, T. I" p. 63 Pour rĂ©unir tous les principes sur cette matiĂšre des actions possessoires il reste Ă observer que la question de propriĂ©tĂ©, quâon appelle le pĂ©titoire, ne peut ĂȘtre agitĂ©e quâaprĂšs la dĂ©cision du possessoire et lâexĂ©cution du jugement qui y a fait droit câest la disposition de lâordonnance de 1667 ; elle nâa fait que confirmer une maxime â 338 â ancienne ; le possessoire ne serait pas dâun grand avantage au possesseur, si lâon pouvait y joindre le pĂ©titoire. » Coquille, sur la Coutume de Nivernais-, Auroux des Pommiers, sur celle du Bourbonnais; dâArgentrĂ© sur celle de Bretagne, ChassanĂ© et Davot sur celle de Bourgogne sâexpriment Ă peu prĂšs dans les mĂȘmes termes. Henrys et Bretonnier, dans quatre volumes in-folio, Ă©crivent Ă peine ce que câest que lâaction possessoire; quant Ă lâaction pĂ©titoire, ils nâen prononcent mĂȘme pas le nom, et sâoccupent fort peu de la revendication. Pothier, dans son Introduction gĂ©nĂ©rale aux coutumes, se borne Ă mentionner lâaction pĂ©titoire, mais sans mĂȘme la dĂ©finir; il nâen Ă©crit mĂȘme pas le nom dans son TraitĂ© de la Revendication, dans celui de la Possession et des Actions possessoires. Enfin, dans son TraitĂ© de la ProcĂ©dure civile, Ćuvre posthume, nous lisons ce qui suit On ne doit point, dans les instances de complainte, cumuler le pĂ©titoire au possessoire ; câest pourquoi lorsquâune demande en complainte ou rĂ©intĂ©grande a Ă©tĂ© intentĂ©e, on ne peut pas former de demande au pĂ©titoire, câest-Ă -dire former aucune contestation sur la propriĂ©tĂ© de lâhĂ©ritage ou du droit dont la possession est contestĂ©e, jusquâĂ ce que lâinstance sur ce possessoire ait Ă©tĂ© entiĂšrement terminĂ©e. Lâauteur ajoute sous le mĂȘme numĂ©ro La partie qui a Ă©tĂ© condamnĂ©e au possessoire, nâest pas recevable Ă former sa demande au pĂ©titoire, jusquâĂ ce quâelle ait entiĂšrement exĂ©cutĂ© le jugement rendu contre elle au possessoire, etc. » Lange, Boutaric, Theveneau, Bornier, Jousse, parlent bien du pĂ©titoire comme ne devant pas ĂȘtre cumulĂ© avec le possessoire; mais ils ne donnent mĂȘme pas une â 559 â dĂ©finition quelconque, la dĂ©finition la plus brĂšve du pĂ©ti- toire. Rodier se contente de-dire quâil diffĂšre de la complainte en ce que celle-ci est fondĂ©e sur le fait de la possession, tandis que le pĂ©titoire est relatif Ă la propriĂ©tĂ© et est fondĂ© sur le droit et les titres. PĂ©titoire dit Pigeau, ProcĂ©dure du ChĂątelet. T. II, p. 113, câest lâaction par laquelle on rĂ©clame un bien dont on se prĂ©tend propriĂ©taire et qui est possĂ©dĂ© par un autre. » 14° Bourjon, Droit commun de la France, T. II, p. 515, sâexprime ainsi Celui qui est propriĂ©taire dâun hĂ©ritage ou autre immeuble, qui se trouve en la possession dâun autre, a lâaction pĂ©titoire contre le possesseur, pour en revendiquer la propriĂ©tĂ©; câest son objet et sa fin cette action a lieu contre celui qui a possĂ©dĂ© avec titre et bonne foi, comme contre lâusurpateur, lorsque son titre est vicieux, quoiquâil en ait ignorĂ© le vice. De lĂ il suit que celui qui a acquis un hĂ©ritage, croyant que le vendeur dâicelui en Ă©tait propriĂ©taire, peut ĂȘtre assignĂ©, par le vrai propriĂ©taire, pour ĂȘtre condamnĂ© Ă se dĂ©sister, Ă son profit, delĂ propriĂ©tĂ©, possession et jouissance dâicelui, et que le dernier, justifiant son droit, le premier doit ĂȘtre Ă©vincĂ©, câest la juste fin de cette action. » Le Dictionnaire de TrĂ©voux, V° PĂ©titoire, sâexprime ainsi Terme de jurisprudence, action par laquelle on demande le fonds ou la propriĂ©tĂ© dâune chose. Poursuite que lâon fait pour retirer la possession dâun bien qui nous appartient, de celui qui en est le possesseur, en justifiant que nous en avons la propriĂ©tĂ©. On le dit mĂȘme de lâinstance faite en justice pour ĂȘtre maintenu ou Ă©tabli dans la jouissance dâun bĂ©nĂ©fice. Petitoria, disceptatio. Il â 560 â se dit par opposition au possessoire oĂč il ne sâagit que de la possession. Le pĂ©titoire des bĂ©nĂ©fices appartient aux juges dâĂ©glise, les sĂ©culiers nâen jugent que la complainte possessoire dans les causes de spoliation. Il faut juger le possessoire avant que de pouvoir agir pour le pĂ©titoire. Action pĂ©titoire, ou au pĂ©titoire. Demande faite en justice pour obtenir la propriĂ©tĂ© dâun hĂ©ritage ; et en matiĂšre bĂ©nĂ©ficiai, demande faite pour ĂȘtre dĂ©clarĂ© titulaire dâun bĂ©nĂ©fice. » PrĂ©vĂŽt de la JannĂšs, dans ses Principes de la jurisprudence française, dit aussi que lâaction pĂ©titoire porte sur le fond du droit, Ă la diffĂ©rence de lâaction possessoire, qui nâa pour objet que la possession et ajoute quâil y a autant dâactions pĂ©titoires que de maniĂšres dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© ou des droits sur les immeubles. Poullain-Duparc prononce le nom du pĂ©titoire, mais sans mĂȘme le dĂ©finir. FerriĂšre, Dictionnaire de droit et de pratique, V° Action, sâexprime dans les termes suivants Action pĂ©titoire, est celle par laquelle, celui qui a la propriĂ©tĂ© dâun fonds ou qui a un droit rĂ©el sur un hĂ©ritage, agit contre le possesseur dâicelui, Ă lâeffet dâavoir la possession de lâimmeuble qui lui appartient, ou dâavoir la jouissance des droits dont lâhĂ©ritage est chargĂ© envers lui. Cette action a donc lieu pour deux diffĂ©rents objets. Le premier pour avoir la possession dâun fonds qui nous appartient, et alors le demandeur conclut Ă ce que, attendu quâil est propriĂ©taire dâun tel hĂ©ritage, le dĂ©fendeur qui le possĂšde soit condamnĂ© Ă se dĂ©sister et dĂ©partir de la possession et occupation dudit hĂ©ritage, soit tenu de le restituer au demandeur et dâen rendre les fruits â 561 â depuis son indue jouissance, avec dommages-intĂ©rĂȘts et dĂ©pens. Lâautre objet est dâavoir la jouissance des droits rĂ©els, comme sont le cens et les rentes fonciĂšres dont un hĂ©ritage est chargĂ© ; et en ce cas le demandeur conclut Ă ce que le possesseur de lâhĂ©ritage qui est chargĂ© du cens ou de la rente fonciĂšre, soit tenu dâen payer au demandeur tant dâannĂ©es dâarrĂ©rages Ă©chues, dâen continuer le payement dans la suite, de donner ses hĂ©ritages par dĂ©claration et dâexhiber ses titres, sinon quâil ait Ă dĂ©guerpir. » PĂ©titoire dit lâancien Denizart V° PĂštitoire du latin pelere , demander est un ternie de Palais, qui signifie lâaction par laquelle on demande le fonds ou la propriĂ©tĂ© dâune chose. Il se dit par opposition Ă possessoire oĂč il ne sâagit que de la possession. » Lâaction pĂ©titoire, disent les auteurs du nouveau Denizart V e Action, p. 196, est celle par laquelle nous demandons Ă ĂȘtre dĂ©clarĂ©s propriĂ©taires dâun immeuble ou dâun droit rĂ©el comme une servitude ou droit de cens, une rente fonciĂšre ou de quelque droit universel, tel quâune succession. » 15° Passons aux auteurs modernes. Par lâaction pĂ©titoire, dit Merlin. Repert. V° Action, nous revendiquons la propriĂ©tĂ© dâun fonds ou dâun droit rĂ©el contre le possesseur. » Poncet, des actions, n° 52, sâexprime dans les termes suivants Action pĂ©titoire. Câest la revendication de la propriĂ©tĂ© ; donc elle prend sa source et son principe dans le droit de propriĂ©tĂ© que nous prĂ©tendons avoir sur lâimmeuble. 36 â 362 â Câest la revendication dâun immeuble, donc câest tel immeuble dĂ©signĂ© qui en est lâobjet direct. Câest cet immeuble que nous attaquons ; donc nous ne pouvons agir que devant le Tribunal de la situation et contre la personne qui a qualitĂ© pour le dĂ©fendre. N° 55. DâaprĂšs tout ce qui vient dâĂȘtre dit, nous pouvons dĂ©velopper notre dĂ©finition de lâaction pĂ©titoire ainsi quâil suit Câest lâaction par laquelle nous demandons au Tribunal que notre propriĂ©tĂ©, sur un ou plusieurs immeubles dĂ©signĂ©s et situĂ©s dans son arrondissement, soit reconnue, et, quâen consĂ©quence, le dĂ©fendeur soit condamnĂ© Ă nous en relĂącher la possession vĂ©ritable ou civile. » Boncenne, ThĂ©orie de la procĂ©dure civile. T. I, p. 52 Lâaction pĂ©titoire est la revendication delĂ propriĂ©tĂ© dâun immeuble ou dâun droit rĂ©el sur un immeuble, contre celui qui le possĂšde et qui prĂ©tend aussi en ĂȘtre propriĂ©taire. Il faut bien supposer que le demandeur en ce cas est privĂ© de la possession et que la propriĂ©tĂ© ou le droit lui sont contestĂ©s; autrement lâintĂ©rĂȘt de son action ne se concevrait pas. » Et p. 65 Dans les cas gĂ©nĂ©raux oĂč la possession est utile, lâaction possessoire se rĂ©duit aux termes les plus simples lequel des concourrents possĂšde, lequel ne possĂšde pas? Lâaction pĂ©titoire conduit Ă cette question lequel est propriĂ©taire? Car celui qui ne possĂšde pas peut ĂȘtre le vĂ©ritable propriĂ©taire. Ici câest un fait, lĂ câest un droit Ă juger. » Thomines Desmazures, dans son Commentaire du Code de procĂ©dure, rappelle bien la rĂšgle que le demandeur au pĂ©titoire ne sera plus recevable Ă agir au possessoire ; que le pĂ©titoire et le possessoire ne doivent pas ĂȘtre eu- â 563 â mulĂ©s; mais tout ce quâil dit de lâaction pĂ©titoire câest quâelle est relative Ă la propriĂ©tĂ©. Par lâaction pĂ©titoire, disent CarrĂ© et Chauveau sur lâart. 23, Code de procĂ©dure, le propriĂ©taire dâun fonds ou dâun droit rĂ©el attachĂ© au fonds, agit contre celui qui possĂšde lâun ou lâautre Ă lâeffet dâen ĂȘtre dĂ©clarĂ© propriĂ©taire. » Delaporte, Demiau, Pigeau, Berriat Saint-Prix, Dalloz aĂźnĂ©, Armand Dalloz, dans leurs RĂ©pertoires de jurisprudence; Devilleneuve, dans sa Table raisonnĂ©e; Curasson, dans son TraitĂ© de la compĂ©tence des juges de paix , sâexpriment Ă peu prĂšs dans les mĂȘmes termes. Les actions possessoires , est-il dit au Dictionnaire de procĂ©dure de Bioche et Couget, sont uniquement relatives Ă la possession ; celles qui ont trait Ă la propriĂ©tĂ©, sâappellent pĂ©titoires. Il y a entre ces deux espĂšces dâactions la mĂȘme diffĂ©rence quâentre la propriĂ©tĂ© et la possession. » Dictionnaire de lâAcadĂ©mie, V° PĂ©titoire PĂ©titoire, terme de jurisprudence. Il se dit en parlant dâune demande faite en justice, pour ĂȘtre maintenu ou rĂ©tabli dans la propriĂ©tĂ© dâun bien immobilier. Se pourvoir au pĂ©titoire, demande au pĂ©titoire, demandeur, dĂ©fendeur au pĂ©titoire. Gagner son procĂšs au pĂ©titoire, ĂȘtre dĂ©clarĂ© lĂ©gitime propriĂ©taire de lâhĂ©ritage en litige. » 15° 6is La lĂ©gislation de la Grande-Bretagne connaĂźt peu la distinction entre les actions possessoires et pĂ©titoires. Les commentateurs, et notamment Blackstone, ne prononcent pas le nom de celles-ci; quant Ă ce qui touche Ă la possession, celui qui y a rĂ©ellement droit et en a Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ©, peut en gĂ©nĂ©ral la reprendre, pourvu que ce soit sans violence, ce que Blackstone appelle remĂšde par en- â 561 â trĂ©e ou dâentrĂ©e, et sâil est empĂȘchĂ©, il peut en faire le simulacre le plus prĂšs possible de la propriĂ©tĂ©, avec rĂ©itĂ©ration tous les ans. Dans des cas particuliers, il y a lieu Ă un writ dâentrĂ©e ou Ă une assise, actions sur lesquelles la possession seule est agitĂ©e. Mais dans le premier cas, la mesure sur les entrĂ©es peut ĂȘtre inefficace, et dans tous la partie peut avoir intĂ©rĂȘt Ă prĂ©fĂ©rer la voie du droit commun. Or, tous les juges, tous les tribunaux, sont Ă©galement compĂ©tents pour connaĂźtre des deux catĂ©gories dâactions relatives aux immeubles situĂ©s dans la circonscription de leur ressort. La contestation commence gĂ©nĂ©ralement par un icrit original, sollicitĂ© et obtenu de la Cour de la chancellerie, qui est, comme le dit Blackstone, lâOfficina justitiĆ la boutique ou la monnaie de la justice, et qui ordonne au dĂ©fendeur de faire justice au demandeur ou de comparaĂźtre en justice pour rĂ©pondre Ă sa prĂ©tention. On fait usage du writ lorsque, entre autres choses, il sâagit de la restitution de la possession dâune terre. AprĂšs lâexpĂ©dition du writ original, le premier pas que lâon fait dans la poursuite dâune cause sâappelle le procĂšs, comme le seul moyen dâobliger le dĂ©fendeur Ă comparaĂźtre en justice. Avis est donnĂ© Ă la partie dây obĂ©ir. Cet avis est donnĂ© par assignation qui est un avertissement de comparaĂźtre Ă la Cour sur le rapport du writ original donnĂ© au dĂ©fendeur par deux messagers du scliĂ©- riff, appelĂ©s sergents, soit Ă la personne, soit Ă sa maison, soit Ă sa terre. Cet avertissement se donne sur la terre dans les actions rĂ©elles, en fichant un bĂąton ou baguette blanche sur les terres du dĂ©fendeur. Cette baguette ou bĂąton, chez les peuples du Nord, sâappelle baciilus nunciatorius , et par le Statut 31 dâElisabeth, â 565 â ch. 3., lâavis doit aussi ĂȘtre publiĂ© un jour de dimanche, devant la porte de lâĂ©glise paroissiale. NĂ©anmoins dans les petites causes, câest-Ă -dire dans celles au-dessous de la valeur de 40 shellings, qui sâintentent dans les cours fonciĂšres ou dans celles des comtĂ©s, il nâest pas besoin de writ royal. Les procĂšs comme du temps des Saxons continuent dây ĂȘtre intentĂ©s par plaintes; câest-Ă -dire par un mĂ©moire particulier prĂ©sentĂ© en pleine Cour au juge, et par lequel le demandeur expose la cause de lâaction. Dans ce cas le juge est tenu de lui rendre justice, sans aucun ordre spĂ©cial du roi. Blackstone, Lois anglaises, liv. 3, cliap. 18 et 19. On trouvera peu ou point de lumiĂšres, sur le sujet de cet ouvrage, dans les autres lĂ©gislations Ă©trangĂšres, ainsi quâon pourra sâen convaincre en lisant les trĂšs-utiles et trĂšs-bons travaux de deux laborieux et savants magistrats, lâun de notre ami, M. de Saint-Joseph, intitulĂ© Concordance des Ăodes civils français et Ă©trangers, lâautre de M. Victor Foucher. Les commentateurs ou interprĂštes des lĂ©gislations Ă©trangĂšres, dont les ouvrages nous ont passĂ© sous les yeux, ne nous offrent Ă©galement que de faibles ressources. 16° Quant Ă nous, voici notre dĂ©finition de lâaction pĂ©- titoire Câest lâaction par laquelle nous revendiquons la propriĂ©tĂ© ou la franchise d'un immeuble ou lâexercice dâun droit rĂ©putĂ© immobilier, contre celui qui a la possession de la chose ou qui nous a troublĂ©, soit dans notre propriĂ©tĂ©, soit dans notre possession. Quoique des lois romaines et des auteurs disent que lâaction dont il sâagit doit ĂȘtre intentĂ©e contre celui qui a la possession, par celui qui ne lâa pas et qui se prĂ©tend â S66 â propriĂ©taire, parce quâautrement il est sans intĂ©rĂȘt, la possession devant lui suffire, et que les actions relatives aux servitudes quâils appellent nĂ©gatoires quand elles ont pour but de sâen affranchir, et confessoires quand elles tendent Ă se les faire adjuger, ne puissent pas ĂȘtre rangĂ©es dans la classe des actions possessoires ou pĂ©ti- toires, par la raison quâelles ne sont pas lâobjet dâune vĂ©ritable possession, nous ne pouvons admettre dâaprĂšs les principes de notre droit, ni ces dĂ©cisions, ni les raisons sur lesquelles elles sont fondĂ©es, qui nous paraissent plus subtiles que solides, et reposer sur de vĂ©ritables disputes de mots. Nous pensons que les servitudes comme les immeubles sont lâobjet dâune vĂ©ritable possession, avec des caractĂšres diffĂ©rents, sans doute, comme les droits que cette possession indique ; que celui dont la propriĂ©tĂ© ou la possession est contestĂ©e ou troublĂ©e, quoiquâil nâait pas Ă©tĂ© rĂ©ellement dĂ©possĂ©dĂ©, peut trĂšs-bien, au lieu dâintenter lâaetion possessoire en cas de simple trouble Ă sa possession, prĂ©fĂ©rer lâaction pĂ©titoire; que quelquefois mĂȘme il nâaura pas le choix comme sâil nâa pas de possession annale; quâil peut avoir intĂ©rĂȘt Ă faire cesser les doutes, les dĂ©nĂ©gations Ă©levĂ©s sur son droit de propriĂ©tĂ©. La rĂšgle que nous avons rappelĂ©e comme puisĂ©e dans les lois romaines et les auteurs, ne peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ©e que comme un principe gĂ©nĂ©ral, mais non absolu. Molitor, de la Revendication est de notre avis, et donne mĂŽme aux lois romaines une interprĂ©tation conforme Ă notre sentiment. Sans doute, il arrivera rarement que celui qui, malgrĂ© un trouble peu grave, conservera la jouissance de l'immeuble ou dont la propriĂ©tĂ© â 567 â ne sera lâobjet que dâune protestation vague de la part dâun tiers, intentera Ă celui-ci procĂšs au pĂ©titoire, parce que son intĂ©rĂȘt est un sĂ»r garant quâil ne fera pas de procĂšs lĂ©gĂšrement et sans nĂ©cessitĂ© ; mais il nâen est pas moins vrai quâil aura ce droit par exception si lâon veut, et que les tribunaux ne pourraient le repousser quâautant quâils dĂ©couvriraient que son action serait dictĂ©e par une crainte exagĂ©rĂ©e ou par un Ă©vident esprit de tracasserie et de chicane. 17° Ainsi, tandis que lâaction possessoire complainte ou rĂ©intĂ©grande est uniquement fondĂ©e sur la possession annale ou instantanĂ©e, et nâa pour rĂ©sultat que dây faire maintenir ou rĂ©intĂ©grer, ce qui ne constitue quâune mesure provisoire qui ne termine rien posses- sionis momentanea est utilitas , laisse intacts les droits au fond, les droits dans la chose mĂȘme, la propriĂ©tĂ©, et qui peut ĂȘtre prise contre le propriĂ©taire lui-mĂȘme, lâaction pĂ©titoire, au contraire, ne donne lieu quâĂ lâexamen et Ă la dĂ©cision de la question de propriĂ©tĂ© ; et le jugement, qui intervient pour dĂ©cider auquel des contendants la propriĂ©tĂ© appartient, fixe la position et les droits respectifs des parties, et termine entre eux tout dĂ©bat relatif Ă la chose litigieuse. Le demandeur au pĂ©titoire doit donc conclure formellement Ă ĂȘtre dĂ©clarĂ© propriĂ©taire ou copropriĂ©taire dâun immeuble, dâun droit rĂ©el dâusufruit, dâusage, dâhabitation, de servitude, ou Ă ce que lâimmeuble dont il est reconnu propriĂ©taire, soit dĂ©clarĂ© franc de toute charge fonciĂšre ou servitude, et sâil demande en mĂȘme temps Ă ĂȘtre maintenu ou rĂ©intĂ©grĂ© en possession, câest seulement comme consĂ©quence de son droit de propriĂ©tĂ©, Ă la diffĂ©rence du demandeur au possessoire qui conclut Ă ĂȘtre â 568 â maintenu ou rĂ©intĂ©grĂ© dans sa possession, et abstraction faite de tout droit Ă la propriĂ©tĂ©. Voy. page 551. 15° Ce qui prĂ©cĂšde fait bien comprendre que nous ne considĂ©rons pas comme pĂ©titoire toute action relative Ă un immeuble, toute action rĂ©elle immobiliĂšre; et que nous ne lui attribuons ce caractĂšre que lorsque le droit au fond est rĂ©clamĂ©, câest-Ă -dire lorsquâil sâagit de la propriĂ©tĂ©. Nous ne pourrions donc ranger dans la classe des actions pĂ©titoires proprement dites, les actions en partage dâune succession dans laquelle il existe des immeubles, lorsquâil ne sâagit que de lâopĂ©ration matĂ©rielle de la division des biens entre les cohĂ©ritiers dont les droits hĂ©rĂ©ditaires sont reconnus ; une demande en bornage, qui ne soulĂšverait non plus aucun dĂ©bat sur le fond des droits des parties, et qui, par ce motif, serait de la compĂ©tence du juge de paix ; une demande en suppression de plantations comme faites Ă une distance moindre que celle dĂ©terminĂ©e par les usages ou rĂšglements et par la loi, la demande en Ă©lagage dâarbres, la demande Ă fin dâobservation des rĂšglements ou usages sur les distances Ă observer ou les prĂ©cautions Ă prendre relativement Ă certains ouvrages exĂ©cutĂ©s prĂšs ou contre un mur mitoyen ou non mitoyen art. 87i, Code civil, etc., qui seraient toutes trois comme celle en bornage de la compĂ©tence du juge de paix. Nous nous croyons dâaulant plus fondĂ© Ă leur refuser le nom dâaction pĂ©titoire, que les juges de paix ne connaissent jamais, comme on le sait, des questions de propriĂ©tĂ©; que mĂȘme les art. 5 et 6 de la loi du 25 mai 1838, refusent positivement Ă ces magistrats la connaissance des matiĂšres dont nous venons de parler, aussitĂŽt que les droits de propriĂ©tĂ© ou de servitude sont contestĂ©s. â 569 â 19° Nous savons bien que quelques personnes, et notamment des praticiens, veulent donner le nom dâaction pĂ©titoire Ă toute action qui touche Ă un immeuble, ne fĂ»t-ce mĂȘme que pour les rĂ©coltes; nous savons mĂȘme quâun arrĂȘt de la Cour de cassation, du 11 dĂ©cembre ISM, semble servir de prĂ©texte Ă ce sentiment; mais nous ne pouvons le partager. Nous croyons quâon donne trop de portĂ©e Ă cet arrĂȘt. On en va juger. 20° Une petite riviĂšre traverse les propriĂ©tĂ©s des sieurs Matton et dâHervilly, situĂ©es en face lâune de lâautre. Le premier, prĂ©tendant que celui-ci avait fait des travaux qui. constituaient une entreprise sur le cours dâeau, lâassigna en complainte. Le sieur dâHervilly demanda reconventionnellement que son adversaire fĂ»t condamnĂ© Ă couper des branches dâarbres, et Ă dĂ©truire des arbres qui nâĂ©taient pas Ă la distance prescrite par lâart. 571 du Code civil. Sentence du juge de paix, qui, aprĂšs descente sur les lieux, accueille la demande du sieur Matton et repousse celle reconventionnelle du sieur dâHervilly. Mais sur lâappel, ce fut tout le contraire; il y eut infirmation complĂšte. La demande principale fut repoussĂ©e, et celle reconventionnelle fut admise. Le Tribunal ordonna la destruction des arbres plantĂ©s Ă une distance moindre que celle voulue par la loi. Pourvoi en cassation. âLe sieur Matton insiste sur ce que les arbres, ayant Ă©tĂ© plantĂ©s depuis plus dâun an, ne pouvaient faire la matiĂšre que dâune action pĂ©titoiie, qui ne devait pas ĂȘtre exercĂ©e reconventionnellement Ă une action possessoire que le juge avait mĂȘme repoussĂ©e. ArrĂȘt. â Attendu que la demande reconventionnelle du sieur dâHervilly, qui tendait Ă faire condamner le â 570 â demandeur Ă arracher des arbres plantĂ©s Ă une distance moindre que celle qui est dĂ©terminĂ©e par la loi, nâa, dans les termes de la cause, soulevĂ© aucune question qui se rattache Ă une contestation sur la propriĂ©tĂ©; que, dâautre part, lors mĂȘme que cette demande aurait eu un caractĂšre pĂ©titoire , par cela seul quelle Ă©tait de nature Ă ĂȘtre soumise au juge de paix, elle pouvait ĂȘtre lâobjet dâune reconvention, mĂȘme dans un litige engagĂ© au posses- soire; que, par suite, le juge de paix Ă©tait compĂ©tent pour en connaĂźtre; la Cour rejette le pourvoi. » Comme on le voit, lâarrĂȘt est loin de dĂ©clarer que la demande reconventionnelle en suppression dâarbres plantĂ©s Ă une distance moindre que celle fixĂ©e par les usages et rĂšglements, est une action pĂ©titoire; il y a tout au plus, dans la dĂ©cision de la Cour, une simple supposition, une hypothĂšse. Ce ne serait pas, dans tous les cas, dâaprĂšs la supposition de la Cour, une action pleinement pĂ©titoire; elle y toucherait seulement; elle aurait un caractĂšre pĂ©titoire. LâarrĂȘt nâaurait pu reconnaĂźtre dans cette demande, une vĂ©ritable action pĂ©titoire, sans violer ouvertement les art. 25, 26 et 27 du Code de procĂ©dure, qui prohibent le cumul du pĂ©titoire et du possessoire, veulent quâils soient dĂ©cidĂ©s par des juges diffĂ©rents, et dĂ©clarent le juge de paix incompĂ©tent pour connaĂźtre de lâaction pĂ©titoire. Il faudrait en dire autant des dommages causĂ©s aux propriĂ©tĂ©s, champs, fruits et rĂ©coltes, par lâexploitation dâun Ă©tablissement industriel, non autorisĂ© ou autorisĂ©, car une semblable action nâentraĂźne aucune discussion sur le fond du droit de propriĂ©tĂ© ou de servitude des immeubles qui sont la cause ou le sujet du dommage. On peut voir sur ce point lâexcellent ouvrage que M. Avisse a publiĂ© sur les Ă©tablissements dangereux, insalubres ou incommodes. On ne pourrait non plus considĂ©rer comme pĂ©ti- toire la demande formĂ©e contre le propriĂ©taire dâun Ă©tablissement industriel pour le faire condamner, soit Ă modifier, soit mĂȘme Ă dĂ©truire cet Ă©tablissement, en se fondant sur ce quâil est dangereux pour la salubritĂ© publique, pour la santĂ© des hommes, des animaux, du voisinage, et compromet gravement les rĂ©coltes ou les produits des propriĂ©tĂ©s voisines. Dans une pareille action, en effet, ni la propriĂ©tĂ© du dĂ©fendeur, ni celle du demandeur, prises et considĂ©rĂ©es en elles-mĂȘmes, ne sont lâobjet de la contestation. Le dĂ©bat porte exclusivement sur lâusage que le dĂ©fendeur fait de sa propriĂ©tĂ©, et le demandeur, tout en rendant hommage au principe Ă©crit dans la premiĂšre partie de lâart. 5ZiĂ» du Code civil, que la propriĂ©tĂ© est le droit de jouir et disposer des choses de la maniĂšre la plus absolue, se borne Ă invoquer contre lui la deuxiĂšme disposition de cet article Pourvu quâon nâen fasse pas un usage prohibĂ© par les lois et rĂšglements. » Or, les lois et rĂšglements dĂ©fendent de porter atteinte Ă la salubritĂ©, Ă la santĂ© des citoyens et aux produits des propriĂ©tĂ©s dâautrui *. 11 en serait diffĂ©remment, et lâaction serait pĂ©titoire, si le demandeur, au premier motif de sa demande, en joignait un autre, tirĂ©, soit de ce que le dĂ©fendeur a bĂąti sur un terrain appartenant au demandeur lui-mĂȘme, soit de ce que le dĂ©fendeur sâĂ©tait interdit la facultĂ© de cons- * Voyez encore lâouvrage de M. 4 v > sse , avocat au Conseil-dâĂtat et Ă la Cour de cassation, sur les Ă©tablissements industriels de toute espĂšce, et les lois et rĂšglements quâil cite. â 572 â truire sur le sien ; ou si celui-ci, en prĂ©tendant que son Ă©tablissement est seulement incommode, nuisible aux rĂ©coltes, soutenait en outre quâil rĂ©sulte de conventions arrĂȘtĂ©es entre eux ou ceux quâils reprĂ©sentent que le demandeur est tenu de supporter ces charges Ă titre de servitude. 21â Concluons donc de tout cela que les actions en partage, en bornage, en suppression dâarbres, de haies trop rapprochĂ©s, en Ă©lagage et rĂ©paration de dommages causĂ©s aux propriĂ©tĂ©s par des Ă©tablissements industriels dans les circonstances que nous avons indiquĂ©es et sans dĂ©bat sur la propriĂ©tĂ© du fonds, ne peuvent ĂȘtre tout au plus appelĂ©es que des actions quasi-pĂ©titoires. 22â Mais on devrait considĂ©rer comme une action bien rĂ©ellement pĂ©titoire, une demande tendant Ă obtenir en cas dâenclave, et moyennant indemnitĂ© Ă fixer, aux termes des art. 582, 583, 684 du Code civil, un passage quâon nâaurait jamais exercĂ© sur les fonds de ses voisins. Faisons observer que si lâon avait une possession tren- tenaire de ce passage, on aurait acquis le droit de lâexercer par le lieu mĂȘme oĂč il aurait Ă©tĂ© pratiquĂ©, et lâon serait affranchi de toute indemnitĂ©. On pourrait, dans le mĂȘme cas, si lâon Ă©tait troublĂ© dans sa possession, intenter lâaction en complainte possessoire. 23â Il faut encore donner le nom dâaction pĂ©titoire, soit Ă la demande tendant Ă se faire accorder le droit dâaqueduc prĂ©vu et autorisĂ© par la loi du 29 avril 1845, soit Ă celle tendant Ă obtenir la facultĂ© dâappuyer un barrage de prise dâeau sur les fonds voisins, aux termes de la loi du 11 juillet 1847. Nous pouvons mĂȘme Ă©tayer notre opinion dâun arrĂȘt de la Cour de cassation, du 25 aoĂ»t 1852, sur lequel nbus aurons bientĂŽt occasion â 573 â de revenir, et qui, rendu dans lâespĂšce dâune demande Ă fin dâautorisation dâĂ©tablir un barrage sur la rive opposĂ©e, qualifie formellement cette demande dâaction pĂ©tiâ toire. 24° Nous ne terminerons pas ce chapitre sans citer plusieurs exemples, plusieurs dĂ©cisions judiciaires, qui serviront Ă faire encore mieux comprendre, sâil est possible, le caractĂšre de lâaction pĂ©titoire et sa diffĂ©rence avec lâaction possessoire. Nous reviendrons dâailleurs avec plus de dĂ©veloppements sur ce sujet dans le chapitre relatif Ă la procĂ©dure et au jugement des actions pĂ©titoires. 25° La dĂ©cision qui est relative au fond du droit, soit pour accueillir lâaction du demandeur en reconnaissant sa propriĂ©tĂ©, soit en le repoussant par le motif quâil nâen a pas justifiĂ© ou quâelle' appartient au dĂ©fendeur, est un jugement au pĂ©titoire. Action en justice de paix par un sieur Debarrois aux sieurs lliquet et Ribouleau, pour ĂȘtre maintenu dans la possession annale dâun bois que ces derniers avaient rĂ©cemment fait couper. Les dĂ©fendeurs ont rĂ©pondu quâils sâĂ©taient renfermĂ©s dans les limites du bornage fait entre Debarrois et leur auteur, suivant procĂšs-verbal homologuĂ© par le Tribunal de Sens; que, de plus, deux jugements du mĂȘme Tribunal, en date des 27 avril 1820 et 15 dĂ©cembre 1831, avaient jugĂ© que les bornes Ă©tablies Ă©taient la limite de la propriĂ©tĂ© de Debarrois, dont la possession ne pouvait prĂ©valoir contre ces actes. Sentence du juge de paix qui dĂ©clare lâaction mal fondĂ©e. Sur lâappel, jugement du Tribunal de Sens qui con- 574 â firme, attendu que la possession dont se prĂ©vaut le demandeur nâa point les caractĂšres voulus par lâart. 2229, Gode civil, puisque le terrain sur lequel il a fait les ouvrages qui sont lâobjet de sa complainte possessoire, a Ă©tĂ© jugĂ© appartenir Ă ses adversaires. 11 Ă©tait Ă©vident que les juges ne sâĂ©taient occupĂ©s que des titres et de la propriĂ©tĂ©, et avaient nĂ©gligĂ© la possession annale qui pouvait cependant ĂȘtre acquise depuis les jugements. Aussi, par arrĂȘt du 17 mai 1848, la Cour rĂ©gulatrice a-t-elle cassĂ©, en se fondant sur ce que le motif du jugement attaquĂ© nâapprĂ©ciait pas le fait de possession en lui-mĂȘme, mais quâil le repoussait dâune maniĂšre absolue, et par cela seul quâil ne pouvait avoir de valeur en regard du droit de propriĂ©tĂ© qui, avant lâexistence de ce fait, avait Ă©tĂ© reconnu au profit des dĂ©fendeurs Ă lâaction possessoire; quâen dĂ©cidant ainsi, le jugement attaquĂ© avait cumulĂ© le pĂ©titoire et le possessoire et ouvertement violĂ© les art. 23 et 25 du Code de procĂ©dure, et lâart. 2229 du Code civil. 26° Nous trouvons un nouvel exemple dans un arrĂȘt de la Cour de cassation, chambre civile, en date du 11 aoĂ»t 1852, cassant un jugement qui, pour repousser une action possessoire relative Ă lâusurpation dâun terrain, sâĂ©tait uniquement fondĂ© sur ce que, dâaprĂšs les titres produits par le dĂ©fendeur, en sâemparant de ce terrain, il nâavait fait quâuser de son droit. Voyez dâautres arrĂȘts des 12 avril 1813, 7 aoĂ»t 1833 qui ont cassĂ© des jugements qui, soit pour accueillir la complainte, soit pour la repousser, sâĂ©taient uniquement fondĂ©s sur les titres sans sâoccuper de la possession. 27° L'n autre arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, en date du 17 novembre 1847, a dĂ©cidĂ© que lâinexĂ©cution â 575 â dâune convention passĂ©e entre deux propriĂ©taires voisins, au sujet du mode dâexercice dâune servitude, ne pouvait donner lieu quâĂ une action pĂ©titoire. 28° Nous avons dit, Impartie, p. 450, que le juge de paix ne pouvait cumuler le possessoire et le pĂ©titoire. Nous en dirons autant du juge ou Tribunal de premiĂšre instance. Il ne pourrait, par deux dĂ©cisions distinctes, constater la possession annale et y maintenir ou rĂ©intĂ©grer lâune des parties, et juger la question de propriĂ©tĂ© en faveur de la mĂŽme partie ou de son adversaire ; il ne pourrait pas davantage rendre une dĂ©cision sĂ©parĂ©e sur la possession annale ou la rĂ©intĂ©grande, en attendant le jugement du fond, ou ne considĂ©rer lâaction pĂ©titoire portĂ©e devant lui que comme une action en rĂ©intĂ©grande mal qualifiĂ©e et y statuer. Car les actions possessoires et pĂ©titoires sont des matiĂšres bien diffĂ©rentes, attribuĂ©es Ă des tribunaux bien diffĂ©rents aussi, et il nâest permis Ă personne de changer les rĂšgles de compĂ©tence Ă raison de la matiĂšre, les rĂšgles dâattribution judiciaire * ; la rĂ©intĂ©grande, ou renvoi en possession, pourrait seulement ĂȘtre prononcĂ©e comme une consĂ©quence de la dĂ©claration ou attribution de propriĂ©tĂ© **. Cependant une mesure provisoire, une sorte de sĂ©questre pourrait ĂȘtre prononcĂ©e en faveur de lâune des parties, jusquâĂ la dĂ©cision dĂ©finitive sur la question de propriĂ©tĂ©. Nous trouvons un exemple dâune semblable mesure dans lâespĂšce dâun arrĂȘt de la Cour de cassation, du 19 avril 1836, oĂč nous voyons quâun jugement de premiĂšre instance avait maintenu le dĂ©fendeur dans sa possession, qui nâĂ©tait âą ArrCt de la Cour de cassation, du 16 mars 1841, entre Mulot et Toustain-, Devilleneuve et Carette 1841-1-196; Dalloz et Journal du Palais. " Voyez ci-dessus, page 567. â 570 â pas contestĂ©e, et ordonnĂ© en mĂȘme temps une mesure dâinstruction avant faire droit au pĂ©titoire. 29° 11 y a des choses qui ne peuvent jamais donner lieu quâĂ lâaction pĂ©titoire, Ă lâexclusion de celle pos- sessoire ; encore est-il vrai, dans ce cas, que la premiĂšre ne peut ĂȘtre que trĂšs-rarement portĂ©e devant les tribunaux avec chance de succĂšs, parce que la question de propriĂ©tĂ©, on peut le dire, est dĂ©cidĂ©e dâavance par lâautoritĂ© administrative. Lorsquâil sâagit de dĂ©terminer les limites dâun fleuve, âądâune riviĂšre navigable ou flottable, de la mer, dâune grande route, et de savoir si un terrain litigieux fait partie du lit, des bords de ce fleuve, de cette riviĂšre, de la mer, du sol de la route ou des hĂ©ritages riverains, des propriĂ©tĂ©s privĂ©es, câest Ă lâautoritĂ© administrative Ă dĂ©cider la question que soulĂšve le dĂ©bat, sauf recours au ministre. On reconnaĂźt bien que les particuliers ont la facultĂ© de porter la question de propriĂ©tĂ© devant les tribunaux, aprĂšs la dĂ©cision rendue par lâautoritĂ© administrative; mais câest lĂ plutĂŽt une fiction quâune rĂ©alitĂ©, un principe qui reste pour ainsi dire Ă lâĂ©tat de thĂ©orie, et dont on nâaperçoit guĂšre dâapplication pratique ; car que reste-t-il Ă faire en gĂ©nĂ©ral aux tribunaux, en prĂ©sence du principe qui leur dĂ©fend de porter la moindre atteinte aux mesures prises par cette autoritĂ©, qui peut, ainsi que cela rĂ©sulte de la jurisprudence du Conseil-dâĂtat, fixer lâĂ©tendue du domaine public, non-seulement pour le prĂ©sent, mais dans le passĂ©, si loin quâon le fasse remonter *, et en prĂ©sence de la rĂšgle d'inaliĂ©nabilitĂ©, dâimprescriptibilitĂ© du * ArrĂȘts du Conseil-dâĂtat, des 31 mai 1851,3 juillet 1832. Voyez ci- dessus, Appendice, p. 307. â ÂŁ>77 â domaine public? nâest-il pas Ă©vident que lâadministration aura, presque toujours par le fait, tranchĂ©, dâ maniĂšre dĂ©finitive, la question de propriĂ©tĂ© en faveur de lâĂtat? NĂ©anmoins, il peut y avoir des circonstances particuliĂšres et assurĂ©ment fort rares, oĂč lâaction pĂ©titoire ne sera pas stĂ©rile, comme celle, par exemple, oĂč le demandeur pourra produire des titres de propriĂ©tĂ© dâune date antĂ©rieure Ă lâĂ©dit de 1566, câest-Ăč-dire remontant Ă une Ă©poque oĂč le domaine public Ă©tait aliĂ©nable et prescriptible. 37 â 578 â CHAPITRE DEUXIĂME. DES CONDITIONS EXIGĂES POUR INTENTER LES ACTIONS PĂTITOIRES. SOMMAIRE ' 30â Transition. â Objet du prĂ©sent chapitre. â Cas et conditions auxquels les actions pĂ©titoires peuvent ĂȘtre intentĂ©es. 31° La condition fondamentale est que le demandeur soit propriĂ©taire. 32° Importance de la propriĂ©tĂ©.âSa cause et ses effets. âBlackstone, Montesquieu, Treilliard, Portalis, Faure, Ballanclie, Thiers, Dalloz aĂźnĂ©, Armand Dalloz, Proudlion, Giraud, Pellat, Code NapolĂ©on. 33° Nous ne sommes pas propriĂ©taires dâhĂ©ritages achetĂ©s par un tiers avec nos deniers. La propriĂ©tĂ© rĂ©vocable peut autoriser lâaction pĂ©titoire. 34° Ce quâon doit rechercher pour intenter lâaction pĂ©titoire. 33° Suite. 35° M * Dispositions du Code sur les biens et droits immobiliers. 35 ° ter Dispositions du mĂȘme Code sur les divers modes dâacquisition de la propriĂ©tĂ©. 30° PropriĂ©tĂ© en AlgĂ©rie et aux colonies. 37" Le demandeur au pĂ©titoire, aprĂšs sâĂŽtre assurĂ© de son droit de propriĂ©tĂ©, doit examiner si son action est recevable. 38° Suite. Non recevabilitĂ© de lâaction pĂ©titoire avant jugement de lâaction possessoire, et exĂ©cution complĂšte du jugement rendu sur cette action. â Dans quels cas et contre quelles personnes. 38 » ws Suite. DĂ©veloppements. 39° Suite. ArrĂȘts remarquables de la Cour dâAix et de la Cour de cassation. 30° Observations sur ces arrĂȘts. 31° Autres applications du principe consacrĂ© par ces arrĂȘts. â 579 â 42° Transition. â Cas oĂč le pĂštitoire a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© du possessoire, et cas oĂč il nâen a pas Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©. 43° Dans les deux cas, câest au demandeur Ă faire preuve de la propriĂ©tĂ© ou du droit quâil rĂ©clame. âLe dĂ©fendeur reconnu possesseur par le seul fait quâil y a action pĂštitoire nâa rien Ă prouver. â Articles du Code civil. 44° Motifs de cette rĂšgle. 43° Citations puisĂ©es dans le droit romain. 36° Citations puisĂ©es dans le droit français; Bourjon, Pothier, Pi- geau et autres auteurs. âą17° Articles du Code civil touchant la preuve de la propriĂ©tĂ© immobiliĂšre. 48° Preuves et actes Ă produire par le demandeur. 49° La principale preuve est celle par titres. â Le dĂ©fendeur peut opposer leur nullitĂ©. â Point de prescription contre celui qui possĂšde. â Moyens divers en la forme et au fond. â Le demandeur doit prouver sa propriĂ©tĂ© mĂŽme dans la personne de ses vendeurs ou auteurs tant que la prescription n'est pas acquise. 30° DĂ©bats sur lâinterprĂ©tation des titres respectifs. 5t° Cas oĂč le pĂštitoire est facile Ă juger. â Titre consenti par le dĂ©fendeur. 32° Mais ordinairement, il y a plus de difficultĂ©s. â Actes Ă©manĂ©s de tiers. 33° Suite. Exemple. 54° Suite. Actes sous-seings privĂ©s nâavant pas date certaine. 55° Les actions pĂšlitoires portent en gĂ©nĂ©ral sur des immeubles accessoires dĂ©pendant dâautres fonds, et dâune importance plus ou moins mĂ©diocre. â Comment et par quelle preuve les juges peuvent-ils se dĂ©cider? â Jurisprudence de la Cour de cassation. 36° Cas oĂč il nây a pas de litres, et oĂč il sâagit dâimmeubles plus importants et sĂ©parĂ©s. â Nature des preuves; Boiceau, Danty, Argou, Pothier, Toullier, Merlin, Bonnier, Demanle. 57° Raisons qui doivent porter Ă maintenir les principes malgrĂ© leur apparente rigueur. 38» Conclusion. 39° Le dernier Ă©tat de la jurisprudence de la Cour de cassation conforme Ă lâopinion de lâauteur. 00° Suite. Observations. 61° Discussion des arrĂȘts contraires. â 580 â 62» Explication de quelques personnes sur la divergence des arrĂȘts. â RĂ©futation. 63° Les tribunaux pouvant se dĂ©terminer par des prĂ©somptions tempĂ©reront facilement ce que les principes auraient de rigoureux. 64° Les mĂȘmes principes et la mĂȘme solution applicables au dĂ©fendeur. 65° Cas oĂč les deux parties ont une possession Ă©gale. 66° Effet, quant au pĂ©titoire, de la sentence de maintenue en possession des haies, fossĂ©s, murs, constructions et plantations, canaux artificiels, etc. 67° MĂȘme solution relativement aux servitudes et Ă lâaccession. 68° Observations sur les choses du domaine public et les actions pĂšliloires dont elles peuvent ĂȘtre lâobjet. 69° Jurisprudence textuelle de la Cour de cassation sur les preuves de la propriĂ©tĂ©. â Premier arrĂȘt. 70° Suite. DeuxiĂšme arrĂȘt. 71° Suite. TroisiĂšme arrĂȘt. 72° Suite. QuatriĂšme arrĂȘt. 30° Nous nous sommes occupĂ©, dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, des actions en gĂ©nĂ©ral ; nous avons indiquĂ© leurs diffĂ©rentes espĂšces, puis dĂ©fini les actions pĂ©titoires en particulier, expliquĂ© leur nature, leur cause et leurs effets ; nous allons maintenant rechercher dans quels cas et surtout Ă quelles conditions ces actions spĂ©ciales peuvent ĂȘtre intentĂ©es. 31° Lâaction pĂ©titoire Ă©tant la demande delĂ propriĂ©tĂ©, la condition fondamentale, exigĂ©e de celui qui lâintente, est quâil soit propriĂ©taire de la chose ou du droit quâil revendique ou reprĂ©sentant de ce propriĂ©taire. 32° Nous avons dĂ©jĂ indiquĂ©, n° h du chapitre prĂ©cĂ©dent, lâimportance de la propriĂ©tĂ©. Nous devons revenir ici sur ce sujet avec quelques dĂ©veloppements. Il nây a rien qui affecte si gĂ©nĂ©ralement lâimagina- â S81 tion et qui attache si fort le cĆur de lâhomme que la propriĂ©tĂ©. » Blackstone, Lois anglaises, livre 2, chap. 1 er . Le bien public, dit Montesquieu, Esprit des lois, livre 26, chap. 14, est toujours que chacun conserve invariablement la propriĂ©tĂ© que lui donnent les lois civiles. » Il faut, disait le conseiller dâĂtat Treilhard, dans lâexposĂ© des motifs de la loi relative Ă la distinction des biens, il faut assurer le libre exercice de nos facultĂ©s, nous conserver le fruit de nos travaux et de notre industrie, il faut enfin garantir la propriĂ©tĂ© la propriĂ©tĂ© ! base fondamentale et lâun des plus puissants mobiles de la sociĂ©tĂ©. Qui pourrait, en effet, aspirer Ă la qualitĂ© dâĂ©poux, dĂ©sirer celle de pĂšre, si en prolongeant notre existence au delĂ du trĂ©pas, nous ne transmettions pas avec elle, les douceurs qui lâont embellie ou du moins consolĂ©e? » Quelques Ă©crivains, disait M. Portalis, dans lâexposĂ© des motifs sur le titre de la propriĂ©tĂ©, supposent que les biens de la terre ont Ă©tĂ© originairement communs. Cette communautĂ©, dans le sens rigoureux quâon y attache, nâa jamais existĂ© ni pu exister. MĂ©fions-nous des systĂšmes dans lesquels on ne semble faire de la terre la propriĂ©tĂ© commune de tous que pour se mĂ©nager le prĂ©texte de ne respecter les droits de personne. Câest par notre industrie que nous avons conquis le sol sur lequel nous existons ; câest par elle que nous avons rendu la terre plus habitable, plus propre Ă devenir notre demeure. La tĂąche de lâhomme Ă©tait, pour ainsi dire, dâachever le grand ouvrage de la crĂ©ation. Or, que deviendraient lâagriculture et les arts sans la propriĂ©tĂ© â 58-2 â fonciĂšre, qui nâest que le droit de possĂ©der avec continuitĂ© la portion de terrain Ă laquelle nous avons appliquĂ© nos pĂ©nibles travaux et nos justes espĂ©rances? En un mot, câest la propriĂ©tĂ© qui a fondĂ© les sociĂ©tĂ©s humaines; câest elle qui a vivifiĂ©, Ă©tendu, agrandi notre propre existence; câestpar elle que lâindustrie de lâhomme, cet esprit de mouvement et de vie qui anime tout, a Ă©tĂ© portĂ© sur les eaux et a fait Ă©clore, sous les divers climats, tous les genres de richesse et de puissance. Loin que la division des patrimoines ait pu dĂ©truire la justice et la morale, câest au contraire la propriĂ©tĂ©, reconnue et constatĂ©e par cette division, qui a dĂ©veloppĂ© et affermi les premiĂšres rĂšgles de la morale et de la justice. Car, pour rendre Ă chacun le sien, il faut que chacun puisse avoir quelque chose. » u II est certain, disait le tribun Faure, dans son rapport au Tribunat sur la loi relative Ă la propriĂ©tĂ©, que la propriĂ©tĂ© est la base de tout Ă©difice politique; quâune des premiĂšres conditions du pacte social est de protĂ©ger et de maintenir la propriĂ©tĂ© ; que tout ce qui tient Ă cet objet est de la plus grande influence sur le sort des peuples, et enfin que plus les lois sur la propriĂ©tĂ© sont justes et sages, plus lâĂtat est florissant et heureux. » La propriĂ©tĂ©, dit Ballanche, a une source divine. On peut voir aussi ce que disent, Ă ce sujet, M. Ch. Giraud dans ses Recherches sur la propriĂ©tĂ© chez les Grecs et les Romains; M. Pellat, de la PropriĂ©tĂ© en droit romain, M. Peinante, Cours de Code civil, et M. Thiers qui a publiĂ© vers la fin de 1848 un ouvrage trĂšs-remarquable sur la propriĂ©tĂ©, dont nous citerons quelques passages. La propriĂ©tĂ©, dit M. Thiers, est un droit, un droit sacrĂ©, comme la libertĂ© dâaller, de venir, de penser et dâĂ©crire; elle est aussi indispensable Ă lâexistence de lâhomme que la libertĂ© elle-mĂȘme. La propriĂ©tĂ© est un fait constant, universel, de tous les temps et de tous les pays sans exception, croissant et non dĂ©croissant; il est le plus respectable, le plus fĂ©cond de tous, le plus digne dâĂȘtre appelĂ© un droit; car câest par lui que Dieu a civilisĂ© le monde et menĂ© lâhomme du dĂ©sert h la citĂ©, de la cruautĂ© Ă la douceur, de lâignorance au savoir, de la barbarie Ă la civilisation. Le travail est le vrai fondement de la propriĂ©tĂ©. Lâardeur au travail vient en grande partie de la facultĂ© de transmettre la propriĂ©tĂ©. La propriĂ©tĂ© nâest complĂšte que par la facultĂ© de la transmettre Ă titre onĂ©reux ou gratuit, Ă titre de donation ou dâhĂ©rĂ©ditĂ©. Sans la propriĂ©tĂ© mobiliĂšre, il nây aurait pas mĂȘme de sociĂ©tĂ©; sans la propriĂ©tĂ© immobiliĂšre, il nây aurait pas de civilisation. La sociĂ©tĂ©, les lois doivent garantir et protĂ©ger la propriĂ©tĂ©, en assurer la libre possession et la libre transmission. » Le droit de propriĂ©tĂ©, dit Proudhon, TraitĂ© du domaine public, n° 42 , doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme la base de la sociĂ©tĂ©, le fondement de la civilisation et le plus ferme appui de toutes nos institutions politiques, puisque câest par rapport Ă lui que la sociĂ©tĂ© a reçu son organisation, et quâon ne pourrait cesser de le respecter, sans tomber de suite dans lâanarchie et le chaos de toutes les passions humaines *. » âą Comme on le voit, les doctrines du professeur de Dijon diffĂšrent totalement de celles de son homonyme, avec lequel il ne doit pas ĂȘtre confondu. â 584 â La propriĂ©tĂ© est lâĆuvre de la sociĂ©tĂ© constituĂ©e, lâexpression des besoins de stabilitĂ© que la civilisation dĂ©veloppe; elle est lâĂ©lĂ©ment le plus vivant, le plus essentiel de toute sociĂ©tĂ©. On ne peut espĂ©rer ni ordre ni prospĂ©ritĂ© lĂ oĂč elle nâest pas protĂ©gĂ©e. » Dalloz aĂźnĂ©, Armand Dalloz, Dictionnaires , V° PropriĂ©tĂ©. La propriĂ©tĂ© est le fruit du travail, de lâĂ©conomie, de la bonne conduite; lâoisivetĂ© est au contraire la mĂšre de tous les vices, et les vices enfantent les crimes. Les particuliers, dit lâart. 537 du Code NapolĂ©on, ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent, sous les modifications Ă©tablies par les lois. La propriĂ©tĂ©, dâaprĂšs lâart, 544, est le droit de jouir et disposer des choses de la maniĂšre la plus absolue, pourvu quâon nâen fasse pas un usage prohibĂ© par les lois ou par les rĂšglements. » 33° On nâest pas propriĂ©taire dâune chose, et lâon nâa pas droit de la revendiquer, par cela seul quelle a Ă©tĂ© achetĂ©e avec des deniers qui nous appartiennent lorsque le contrat dâacquisition est passĂ© non pas en notre nom, mais au nom et en faveur de celui qui Ă©tait dĂ©positaire de nos deniers. Nous avons seulement action contre ce dernier, en restitution des deniers et mĂȘme en payement de dommages-intĂ©rĂȘts, sâil nâa pas accompli la mission que nous lui avions donnĂ©e. Loi 6, c. de llei vind. Pothier, Molitor; arrĂȘt du Parlement de Paris, du 7 mai 1782, Merlin, Rep. V° Revendication. Pellat, p. 424. Ce dernier auteur cite trois exceptions en faveur 1â du militaire; 2° du pupille; 3° du conjoint qui, admises par le droit romain, ne le sont pas chez nous. Les art. 1435 et 1553 du Code civil ne sont pas contraires Ă notre solution; car ils supposent lâun et lâautre â 585 â que le mari a dĂ©clarĂ© acquĂ©rir des deniers de la femme pour servir dâemploi ou de remploi, et que lâacquisition a Ă©tĂ© acceptĂ©e par elle. Une propriĂ©tĂ© imparfaite, temporaire, rĂ©soluble, peut autoriser lâaction pĂ©titoire, tant que lâĂ©vĂ©nement qui doit faire cesser cette propriĂ©tĂ© nâest pas arrivĂ©. Ainsi, quâun immeuble soit grevĂ© de substitution, ait Ă©tĂ© acquis Ă rĂ©mĂ©rĂ© ou doive ĂȘtre restituĂ© en cas de non payement du prix Ă un terme plus ou moins Ă©loignĂ© accordĂ© par le vendeur ; dans ces diverses hypothĂšses ou autres semblables, les juges ne pourraient refuser dâaccueillir lâaction. Loi 66, ff. de Iiei vind. Pothier, Molitor, Pellat. Mais les substituĂ©s ou les vendeurs ne pourraient, avant lâĂ©vĂ©nement, exercer cette action, puisque jusque- lĂ ils nâauraient aucun droit de propriĂ©tĂ©. Le nu-propriĂ©taire, lâusufruitier, celui qui aurait droit dâusage, dâhabitation, lâemphytĂ©ote, lâengagiste, lâan- tichrĂ©siste pourraient aussi intenter cette action, dans la mesure de leurs droits et de leurs intĂ©rĂȘts. Lorsque la chose a pĂ©ri en partie, le droit de propriĂ©tĂ© ne subsistant pas moins sur la portion qui en reste, quelque minime quelle soit, cette portion peut ĂȘtre lâobjet dâune action pĂ©titoire, sauf Ă y joindre, sâil y a lieu, toute demande en indemnitĂ© et dommages-intĂ©rĂȘts. 34° Celui qui veut intenter lâaction pĂ©titoire doit donc commencer par bien examiner et sâassurer sâil peut prouver quâil est propriĂ©taire de lâimmeuble ou du droit foncier quâil veut rĂ©clamer en justice. Son attention doit porter sur quatre points essentiels 1° Sâagit-il dâun immeuble? 2° En a-t-il la propriĂ©tĂ©? 3â Son action est-elle recevable? 4° Son action est-elle fondĂ©e? ou, en dâautres termes, peut-il fournir la preuve de sa propriĂ©tĂ©? A vrai â 586 â dire, le deuxiĂšme et le dernier se confondent en un seul. 35° Avant de nous occuper de la recevabilitĂ© de lâaction et de la preuve de la propriĂ©tĂ©, reproduisons les dispositions du Code civil sur la distinction des biens et sur les divers modes dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ©. 35 ° Ms Les immeubles et droits fonciers Ă©tant seuls lâobjet des actions pĂ©titoires, il importe de rappeler les articles de loi, qui nous disent quels sont les biens et droits qui ont ce caractĂšre. Art. 517. Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par lâobjet auquel ils sâappliquent. Art. 518. Les fonds de terre et les bĂątiments sont immeubles par leur nature. Art. 519. Les moulins Ă vent ou Ă eau, fixĂ©s sur piliers, et faisant partie du bĂątiment, sont aussi immeubles par leur nature. Art. 520. Les rĂ©coltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore recueillis, sont pareillement immeubles, etc., etc. Art. 521. Les coupes ordinaires des bois taillis ou de futaies, mises en coupes rĂ©glĂ©es, ne deviennent meubles quâau fur et Ă mesure que les arbres sont abattus. Art. 522. Les animaux que le propriĂ©taire du fonds livre au fermier ou mĂ©tayer pour la culture, estimĂ©s ou non, sont censĂ©s immeubles tant quâils demeurent attachĂ©s au fond3 par lâeffet de la convention, etc. Art. 523. Les tuyaux servant Ă la conduite des eaux, dans une maison ou autre hĂ©ritage, sont immeubles et font partie du fonds auquel ils sont attachĂ©s. Art. 52A-525. Objets mobiliers devenus immeubles par destination. Voyez ces articles. â 587 â Art. 526. Sont immeubles par lâobjet auquel ils sâappliquent lâusufruit des choses immobiliĂšres, les servitudes ou services fonciers, les actions qui tendent Ă revendiquer un immeuble. Art. 529. Sont meubles les obligations, les actions ou intĂ©rĂȘts dans les compagnies de finance, de commerce ou dâindustrie, etc. Les rentes perpĂ©tuelles ou viagĂšres, soit sur lâĂtat, soit sur des particuliers. Art. 530. Toute rente Ă©tablie Ă perpĂ©tuitĂ© pour le prix de la vente dâun immeuble, ou comme condition de la cession dâun fonds immobilier, est Ă©galement meuble. Art. 531. Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et gĂ©nĂ©ralement toutes usines non fixĂ©es par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles. Art. 532. Les matĂ©riaux provenant de la dĂ©molition dâun Ă©difice, ceux assemblĂ©s pour en construire un nouveau sont meubles jusquâĂ ce quâils aient Ă©tĂ© employĂ©s dans une construction. 35 â ltT Nous allons maintenant rapporter les dispositions relatives Ă la maniĂšre dont la propriĂ©tĂ© peut sâacquĂ©rir. Art. 711. La propriĂ©tĂ© des biens sâacquiert et se transmet, par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par lâeffet des obligations. Art. 712. La propriĂ©tĂ© sâacquiert aussi par accession ou incorporation et par prescription. Art. 713. Les biens qui nâont pas de maĂźtre, appartiennent Ă lâĂtat. Art. 714. Il est des choses qui nâappartiennent Ă personne, et dont lâusage est commun Ă tous. Art. 538. Les chemins, routes et rues Ă la charge de 'Ătat, les fleuves et riviĂšres navigables ou flottables, les â 588 â rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et gĂ©nĂ©ralement toutes les parties du territoire français qui ne sont pas susceptibles dâune propriĂ©tĂ© privĂ©e, sont considĂ©rĂ©es comme des dĂ©pendances du domaine public. Art. 539. Tous les biens vacants et sans maĂźtre, et ceux des personnes qui dĂ©cĂšdent sans hĂ©ritiers, ou dont les successions sont abandonnĂ©es, appartiennent au domaine public. Art. 5/i0. Les portes, murs, fossĂ©s, remparts des places de guerre et des forteresses, font aussi partie du domaine public. Art. 5Al. Il en est de mĂŽme des terrains des fortifications et remparts qui ne sont plus places de guerre ; ils appartiennent Ă lâĂtat, sâils nâont Ă©tĂ© valablement aliĂ©nĂ©s , ou si la propriĂ©tĂ© nâen a pas Ă©tĂ© prescrite contre lui. Art. 542. Les biens communaux sont ceux Ă la propriĂ©tĂ© ou au produit desquels les habitants dâune ou plusieurs communes ont un droit acquis. Art. 543. On peut avoir sur les biens ou un droit de propriĂ©tĂ©, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers Ă prĂ©tendre. Art. 546. La propriĂ©tĂ© dâune chose, soit mobiliĂšre, soit immobiliĂšre, donne droit sur tout ce quelle produit et sur ce qui sây unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit sâappelle droit dâaccession. Art. 549. Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas oĂč il possĂšde de bonne foi ; dans le cas contraire, il est tenu de rendre les produits avec la chose, au propriĂ©taire qui la revendique. Art. 551. Tout ce qui sâunit et sâincorpore Ă la chose â 389 â appartient au propriĂ©taire suivant les rĂšgles qui seront ci-aprĂšs Ă©tablies. Art. 552. La propriĂ©tĂ© du sol emporte la propriĂ©tĂ© du dessus et du dessous, etc., etc. Art. 553. Toutes constructions, plantations et ouvrages, sur un terrain ou dans lâintĂ©rieur, sont prĂ©sumĂ©s faits par le propriĂ©taire, Ă ses frais et lui appartenir, si le contraire nâest prouvĂ©; sans prĂ©judice, etc. Voyez, en outre, les art. et 555. Art. 556. Les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains dâun fleuve ou dâune riviĂšre, sâappellent alluvion. Lâalluvion profite au propriĂ©taire riverain, soit quâil sâagisse dâun fleuve ou dâune riviĂšre navigable, flottable ou non ; Ă la charge dans le premier cas lorsque la riviĂšre est navigable ou flottable de laisser le marchepied ou chemin de halage conformĂ©ment aux rĂšglements. Art. 557. Il en est de mĂȘme des relais que forme lâeau courante qui se retire insensiblement de lâune de ses rives en se portant sur lâautre. Le propriĂ©taire de la rive dĂ©couverte profite de lâalluvion, sans que le riverain du cĂŽtĂ© opposĂ© y puisse venir rĂ©clamer le terrain quâil aperdu. Ce droit nâa pas lieu Ă lâĂ©gard des relais de la mer. Art. 560. Les Ăźles, Ăźlots, atterrissements qui se forment dans le lit des fleuves ou des riviĂšres navigables ou flottables appartiennent Ă lâĂtat, sâil nây a titre ou prescription contraire. Art. 561. Les Ăźles et atterrissements qui se forment dans les riviĂšres non navigables et non flottables appartiennent aux propriĂ©taires riverains du cĂŽtĂ© oĂč lâĂźle sâest formĂ©e si lâĂźle nâest pas formĂ©e dâun seul cĂŽtĂ©, elle appartient aux propriĂ©taires riverains des deux cĂŽtĂ©s, Ă â 590 â partir de la ligne quâon suppose tracĂ©e au milieu de la riviĂšre. Art. 562. Si une riviĂšre ou un fleuve, en se formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ dâun propriĂ©taire riverain et en fait une Ăźle, ce propriĂ©taire conserve la propriĂ©tĂ© de son champ, encore que lâĂźle se soit formĂ©e dans un fleuve ou dans une riviĂšre navigable ou flottable. Art. 563. Si un fleuve ou une riviĂšre navigable, flottable ou non, se forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriĂ©taires des fonds nouvellement occupĂ©s prennent, Ă titre dâindemnitĂ©, lâancien lit abandonnĂ©. Art. 57S. Lâusufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriĂ©tĂ© comme le propriĂ©taire lui- mĂȘme, mais Ă la charge dâen conserver la substance. Art. 579. Lâusufruit est Ă©tabli par la loi * ou par la volontĂ© de lâhomme. Voyez sur les droits de lâusufruitier, depuis lâart. 582 usques et y compris lâart. 599. Art. 625. Les droits dâusage et dâhabitation sâĂ©tablissent et se perdent de la mĂȘme maniĂšre que lâusufruit. Art. 628-629. Ces droits se rĂšglent par le titre qui les Ă©tablit, ou dans le silence du titre par la loi. Voyez art. 630 Ă 636. Art. 639. La servitude dĂ©rive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposĂ©es par la loi, ou des conventions entre les propriĂ©taires. On peut voir le titre du Code NapolĂ©on, relatif aux * Lâart. 381 confĂšre aux pĂšre et mĂšre ou au survivant dâeux lâusufruit des biens de leurs enfants jusquâĂ dix-huit ans, ou jusquâĂ leur Ă©mancipation. Lâart. 73i leur confĂšre aussi un usufruit Ă titre hĂ©rĂ©ditaire. â 591 servitudes, câest-Ă -dire lâart. 640 jusques et y compris lâart. 710, dont il serait trop long de rapporter ici les nombreuses dispositions. On peut voir aussi les lois spĂ©ciales des 29 avril 1845 et 11 juillet 1847, relatives aux droits de passage des eaux, et dâappui de barrage sur les fonds dâautrui. Nous renvoyons au commentaire que nous avons publiĂ© sur ces deux lois. Art. 723. La loi rĂšgle lâordre de succĂ©der entre les hĂ©ritiers lĂ©gitimes Ă leur dĂ©faut, les biens passent aux enfants naturels, ensuite Ă lâĂ©poux survivant, et sâil nây en a pas, Ă lâEtat. Art. 724. Les hĂ©ritiers lĂ©gitimes sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du dĂ©funt, sous lâobligation dâacquitter toutes les charges de la succession les enfants naturels, lâĂ©poux survivant et lâEtat doivent se faire envoyer en possession par justice dans les formes qui seront dĂ©terminĂ©es. Voyez tout le titre 1 er du livre 3 du Gode civil, pour connaĂźtre les droits des divers hĂ©ritiers, les formes et les effets du partage des biens. Art. 893. On ne pourra disposer de ses biens, Ă titre gratuit, que par donation entre vifs ou par testament dans les formes ci-aprĂšs Ă©tablies. Art. 894. La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dĂ©pouille actuellement et irrĂ©vocablement de la chose donnĂ©e en faveur du donataire qui lâaccepte. Art. 895. Le testament est un acte par lequel le testateur dispose pour le temps oĂč il nâexistera plus de tout ou partie de ses biens, et quâil peut rĂ©voquer. Voyez tout le titre 2 du livre 3. Art. 1101. Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes sâobligent envers une ou plu- â 592 sieurs autres, Ă donner, Ă faire ou Ă ne pas faire quelque chose. Art. 113 h. Les conventions lĂ©galement formĂ©es tiennent lieu de loi Ă ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent ĂȘtre rĂ©voquĂ©es que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent ĂȘtre exĂ©cutĂ©es de bonne foi. Art. 1165. Les conventions nâont dâeffet quâentre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prĂ©vu par lâart. 1121. Art. 1265. La cession de biens est lâabandon quâun dĂ©biteur fait de tous ses biens Ă ses crĂ©anciers lorsquâil se trouve hors dâĂ©tat de payer ses dettes. Art. 1266. La cession de biens est volontaire ou judiciaire. Art. 1376. Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dĂ», sâoblige Ă le restituer Ă celui de qui il lâa indĂ»ment reçu. Art. 1379. Si la chose indĂ»ment reçue est un immeuble ou un meuble corporel, celui qui lâa reçue sâoblige Ă la restituer en nature, si elle existe, ou sa valeur si elle est pĂ©rie ou dĂ©tĂ©riorĂ©e par sa faute ; il est mĂȘme garant de sa perte par cas fortuit, sâil lâa reçue de mauvaise foi. Art. 1380. Si celui qui a reçu de bonne foi a vendu la chose, il ne doit restituer que le prix de la vente. Art. 1582. La vente est une convention par laquelle lâun sâoblige Ă livrer une chose, et lâautre Ă la payer. Elle peut ĂȘtre faite par acte authentique ou sous-seing privĂ©. Art. 1583. Elle est parfaite entre les parties, et la propriĂ©tĂ© est acquise de droit Ă lâacheteur Ă 'lâĂ©gard du ven- â 593 â deur, dĂšs quâon est convenu de la chose et du prix, quoique la chose nâait pas encore Ă©tĂ© livrĂ©e ni le prix payĂ©. Art. 1588. La vente faite Ă lâessai est toujours prĂ©sumĂ©e faite sous une condition suspensive. Art. 1589. La promesse de vente vaut vente, lorsquâil y a consentement rĂ©ciproque des deux parties. Art. 1590. Si la promesse de vendre a Ă©tĂ© faite avec des arrhes, chacun des contractants est maĂźtre de sâen dĂ©partir ; Celui qui les a donnĂ©es, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double. Art. 1598. Tout ce qui est dans le commerce peut ĂȘtre vendu, lorsque des lois particuliĂšres nâen ont pas prohibĂ© lâaliĂ©nation. Art. 1599. La vente de la chose dâautrui est nulle ; elle peut donner lieu Ă des dommages-intĂ©rĂȘts lorsque lâacheteur a ignorĂ© que la chose fĂ»t Ă autrui. Art. 1600. On ne peut vendre la succession dâune personne vivante, mĂȘme de son consentement. Art. 1601. Si au moment de la vente, la chose vendue Ă©tait pĂ©rie en totalitĂ©, la vente serait nulle. Si une partie seulement de la chose est pĂ©rie, il est au choix de lâacquĂ©reur dâabandonner la vente, ou de demander la partie conservĂ©e, en faisant dĂ©terminer le prix par la ventilation. Art. 1602. Le vendeur est tenu dâexpliquer clairement ce Ă quoi il sâoblige. Tout pacte obscur ou ambigu sâinterprĂȘte contre le vendeur. Art. 1614. La chose doit ĂȘtre dĂ©livrĂ©e en lâĂ©tat oĂč elle se trouve au moment de la vente. Depuis ce jour, tous les fruits appartiennent Ă lâacquĂ©reur. Art. 1615. Lâobligation de dĂ©livrer la chose comprend 38 â 594 â ses accessoires et tout ce qui a Ă©tĂ© destinĂ© Ă son usage perpĂ©tuel. Art. 1702. LâĂ©change est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre. Art. 1703. LâĂ©change sâopĂšre par le seul consentement de la mĂȘme maniĂšre que la vente. Nota. La propriĂ©tĂ© peut aussi rĂ©sulter dâun contrat de sociĂ©tĂ©. Voyez le titre 9 du livre 3. Art. 2044. La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation nĂ©e ou prĂ©viennent une contestation Ă naĂźtre. Ce contrat doit ĂȘtre rĂ©digĂ© par Ă©crit. Art. 2052. Les transactions ont entre les parties lâautoritĂ© de la chose jugĂ©e en dernier ressort. Elles ne peuvent ĂȘtre attaquĂ©es pour cause dâerreur de droit, ni pour cause de lĂ©sion. Art. 2219. La prescription est un moyen dâacquĂ©rir ou de se libĂ©rer par un certain laps de temps et sous les conditions dĂ©terminĂ©es par la loi. Art. 2226. On ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce. Art. 2227. LâĂtat, les Ă©tablissements publics et les communes sont soumis aux mĂȘmes prescriptions que les particuliers, et peuvent Ă©galement les opposer. Art. 2262. Toutes les actions, tant rĂ©elles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allĂšgue cette prescription soit obligĂ© dâen rapporter un titre ou quâon puisse lui opposer lâexception dĂ©duite de la mauvaise foi. Art. 2265. Celui qui acquiert de bonne foi, et par juste titre, un immeuble, en prescrit la propriĂ©tĂ© par dix â 595 â ans, si le vĂ©ritable propriĂ©taire habite dans le ressort de la Cour impĂ©riale dans lâĂ©tendue de laquelle lâimmeuble est situĂ© ; et par vingt ans, sâil est domiciliĂ© hors dudit ressort. Art. 2266. Si le vĂ©ritable propriĂ©taire a eu son domicile en diffĂ©rents temps, dans le ressort et hors du ressort, il faut pour complĂ©ter la prescription ajouter Ă ce qui manque aux dix ans de prĂ©sence, un nombre dâannĂ©es dâabsence double de celui qui manque pour complĂ©ter les dix ans de prĂ©sence. Art. 2267. Le titre nul par dĂ©faut de forme ne peut servir de base Ă la prescription. Art. 717. du Code de procĂ©dure civile, titre de la saisie immobiliĂšre lâadjudication ne transmet Ă lâadjudicataire dâautres droits Ă la propriĂ©tĂ© que ceux appartenant au saisi. Voyez le surplus de cet article, relatif Ă la demande en rĂ©solution de la vente pour dĂ©faut de payement du prix. 36° Les dispositions qui prĂ©cĂšdent ne sont quâen partie applicables Ă lâAlgĂ©rie. La propriĂ©tĂ©, dans cette contrĂ©e, a Ă©tĂ© depuis la conquĂȘte qui a eu lieu en 1830, dans un vĂ©ritable Ă©tat dâincertitude et de confusion. La conquĂȘte avait rendu le gouvernement français propriĂ©taire du territoire ; mais des exceptions avaient Ă©tĂ© faites en faveur des particuliers indigĂšnes qui Ă©taient restĂ©s paisibles. Des proclamations de3 chefs militaires avaient promis que les personnes et les propriĂ©tĂ©s seraient respectĂ©es. Des ordres du jour, des arrĂȘtĂ©s rĂšglementaires des diffĂ©rents gouverneurs, des ordonnances royales, notamment celles des 1" octobre 1844, 31 octobre 1845, et 21 juillet 1846, avaient consacrĂ© une 596 â foule de dispositions, de mesures qui, ne pouvant ĂȘtre que provisoires, augmentaient encore les difficultĂ©s et les inquiĂ©tudes et paralysaient la propriĂ©tĂ©. LâAlgĂ©rie est un pays magnifique. Le climat y est fort doux, et les terres sont riches et trĂšs-productives. Il avait trop dâimportance pour ne pas provoquer la sollicitude du lĂ©gislateur. La constitution du 4 novembre 1848 portait, art. 109 Le territoire de lâAlgĂ©rie et des colonies est dĂ©clarĂ© territoire français, et sera rĂ©gi par des lois particuliĂšres, jusquâĂ ce quâune loi spĂ©ciale les place sous le rĂ©gime de la prĂ©sente constitution. » Le 16 juin 1851, il est intervenu une loi sur la constitution de la propriĂ©tĂ© en AlgĂ©rie. Cette loi, en 23 articles, est beaucoup trop Ă©tendue pour trouver place ici en entier. Nous dirons seulement quâelle renferme des dispositions spĂ©ciales et exceptionnelles ; quâelle renvoie en partie au droit musulman que nous nous dispenserons de reproduire, et rend enfin applicables, quelques- unes des lois ou des dispositions qui rĂ©gissent la mĂ©tropole. La loi est composĂ©e de cinq titres 1° du domaine national ; 2° du domaine dĂ©partemental et du domaine communal; 3° de la propriĂ©tĂ© privĂ©e; 4° de lâexpropriation et de lâoccupation temporaire pour cause dâutilitĂ© publique ; 5° dispositions gĂ©nĂ©rales. Nous rapporterons quelques dispositions relatives Ă la propriĂ©tĂ© privĂ©e. Art. 10. La propriĂ©tĂ© est inviolable, sans distinction, entre les possesseurs indigĂšnes et les possesseurs français ou autres. Art. 11. Sont reconnus tels quâils existaient au moment de la conquĂȘte, ou tels quâils ont Ă©tĂ© maintenus, â 597 â rĂ©glĂ©s ou constituĂ©s postĂ©rieurement par le gouvernement français, les droits de propriĂ©tĂ© et les droits de jouissance appartenant aux particuliers, aux tribus et aux fractions de tribus. Art. 12. Sont validĂ©es vis-Ă -vis de lâĂtat les acquisitions dâimmeubles en territoire civil, faites plus de deux annĂ©es avant la promulgation de la prĂ©sente loi, et Ă lâĂ©gard desquelles aucune action en revendication nâa Ă©tĂ© intentĂ©e par le domaine, etc. Art. 1 4. Chacun a le droit de jouir et de disposer de sa propriĂ©tĂ© de la maniĂšre la plus absolue, en se conformant Ă la loi. NĂ©anmoins, aucun droit de propriĂ©tĂ© ou de jouissance portant sur le sol du territoire dâune tribu ne pourra ĂȘtre aliĂ©nĂ© au prolit de personnes Ă©trangĂšres Ă la tribu, etc. Art. 15. Sont nulles de plein droit, mĂȘme entre les parties contractantes, toutes aliĂ©nations ou acquisitions faites contrairement Ă la prohibition portĂ©e au § 2 de lâarticle prĂ©cĂ©dent, etc. Art. 16. Les transmissions de biens de musulman Ă musulman continueront Ă ĂȘtre rĂ©gies par la loi musulmane. Entre toutes autres personnes, elles seront rĂ©gies par le Code civil. Art. 22. Continueront Ă ĂȘtre exĂ©cutĂ©es 1° Les dispositions de lâordonnance du 21 juillet 1846, relatives Ă la vĂ©rification des titres de propriĂ©tĂ© jusquâĂ lâachĂšvement des opĂ©rations actuellement commencĂ©es; 2° Lâordonnance du 31 octobre 1845, relative au sĂ©questre des biens appartenant Ă des indigĂšnes, jusquâĂ ce quâune loi en ait autrement ordonnĂ©. Du reste, nous ferons observer, en terminant sur ce point, que la lĂ©gislation de la mĂ©tropole constitue le droit â 598 â commun, applicable toutes les fois quâil nâexiste pas de lois contraires. Les colonies ont toujours Ă©tĂ© soumises Ă un rĂ©gime Ă part ; elles ont une organisation, une administration particuliĂšre et sont rĂ©gies par des lois civiles ou criminelles spĂ©ciales. La Charte de 1814, les Constitutions de 1830, de 1848, celles de 1852, le disent expressĂ©ment. Un sĂ©- natus-consulte doit prochainement rĂ©gler la Constitution des colonies. Les lois de la mĂ©tropole constituent le droit des colonies lorsquâelles y ont Ă©tĂ© promulguĂ©es ou exĂ©cutĂ©es depuis longtemps. On peut voir les lois des 24 avril 1833 et 18 juillet 1845, et les autres lois, dĂ©crets, ordonnances royales, citĂ©s en note sur la premiĂšre de ces lois, dans la collection de MM. Devilleneuve et Carette, t. II, p. 64, et dans les rĂ©pertoires de jurisprudence de MM. Dalloz aĂźnĂ© et Armand Dalloz, V" Colonies. Nous ne reproduirons pas ici les dispositions lĂ©gislatives existantes qui peuvent ĂȘtre prochainement modifiĂ©es; on pourra en prendre connaissance dans les recueils que nous venons de citer, dans ceux plus anciens de MM. Petit, Durand-Molard et Moreau de Saint-MĂ©ry et dans le Bulletin des lois. Nous ferons seulement remarquer en passant que les esclaves de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de lâĂźle Bourbon et de leurs dĂ©pendances, peuvent acquĂ©rir et transmettre les propriĂ©tĂ©s mobiliĂšres et immobiliĂšres, par tous les moyens que notre Code civil autorise, avec cette restriction cependant quâils sont assimilĂ©s aux mineurs Ă©mancipĂ©s, sous la curatelle de leurs maĂźtres ou de toutes autres personnes nommĂ©es par lâautoritĂ© judiciaire. Art. 4 de la loi du 18 juillet 1845. â 599 â 37° Celui qui veut intenter lâaction pĂ©titoire, aprĂšs sâĂȘtre assurĂ© de son droit de propriĂ©tĂ©, doit examiner si son action est recevable. Or, deux cas peuvent se prĂ©senter 38° Ou l'action pĂ©titoire a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e dâune action possessoire ou elle nâen a pas Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e. Dans le premier cas, il faut sous-distinguer. Tant quâil nâest pas intervenu jugement, lâaction pĂ©titoire est non recevable de la part du dĂ©fendeur. Le demandeur lui mĂȘme serait non recevable Ă lâintenter puisquâil est dĂ©fendu de cumuler le possessoire et le pĂ©titoire, ce qui sâentend de lâexistence simultanĂ©e des deux actions, soit devant le mĂȘme juge, soit devant des juges diffĂ©rents; mais il pourrait, en se dĂ©sistant de son action possessoire et en payant tous les frais occasionnĂ©s par cette action, se pourvoir au pĂ©titoire. 11 se trouverait dans la mĂȘme position que sâil nâavait pas agitĂ© le possessoire ou sâil y avait succombĂ©. Ce dĂ©sistement profiterait bien entendu au dĂ©fendeur qui pourrait Ă©galement se pourvoir au pĂ©titoire. Sâil est intervenu un jugement dĂ©finitif sur le possessoire, lâaction pĂ©titoire est encore non recevable aprĂšs ce jugement, tant quâil nâa pas reçu son entiĂšre exĂ©cution de la part du dĂ©fendeur qui a Ă©tĂ© condamnĂ© ; car le demandeur qui aurait succombĂ© nâest pas frappĂ© par la loi de la mĂȘme prohibition. Lâaction pĂ©titoire peut mĂȘme ĂȘtre intentĂ©e par le demandeur ou le dĂ©fendeur qui a rĂ©ussi au possessoire. Le premier a pu vouloir obtenir une dĂ©cision prompte et peu coĂ»teuse qui le maintĂźnt ou le rĂ©intĂ©grĂąt dans sa possession, et il peut avoir intĂ©rĂȘt Ă faire dĂ©cider la question de propriĂ©tĂ© pour Ă©viter la dĂ©prĂ©ciation ou les entraves Ă la disposition libre et avantageuse â 600 â occasionnĂ©es par les doutes rĂ©pandus sur sa propriĂ©tĂ©, ou pour obvier au dĂ©pĂ©rissement des preuves, Ă la privation de tĂ©moins fort ĂągĂ©s, ou pour obtenir des restitutions de fruits, des indemnitĂ©s de dĂ©gradations que le juge de paix nâaurait pu lui accorder. 38° h* Nous avons dĂ©jĂ dit en traitant des actions pos- sessoires, I re part., p. 48S, quâaux termes de lâart. 27 du Code de procĂ©dure civile, le dĂ©fendeur au possessoire ne pouvait se pourvoir au pĂ©titoire quâaprĂšs lâexĂ©cution pleine et entiĂšre de toutes les condamnations principales et accessoires prononcĂ©es contre lui par le jugement rendu au possessoire, câest-Ă -dire aprĂšs le payement des dommages-intĂ©rĂȘts et dĂ©pens, le rĂ©tablissement des lieux dans leur ancien Ă©tat ou la remise de la chose litigieuse en la possession de son adversaire. Lâobservation rigoureuse de cette disposition est dâune haute gravitĂ©, dâune extrĂȘme importance. Si les tribunaux nây tenaient pas la main, les actions possessoires nâatteindraient pas leur but et seraient sans utilitĂ©. Les usurpateurs et les gens violents Ă©chapperaient Ă la rĂ©pression quâils ont bien mĂ©ritĂ©e et conserveraient les fruits de leurs mĂ©faits ; que signifierait un jugement restĂ© Ă lâĂ©tat de lettre morte? D'un autre cĂŽtĂ©, si la totalitĂ© des condamnations nâĂ©tait pas exĂ©cutĂ©e, si les tribunaux se relĂąchaient sur quelques points, sur quelque partie des condamnations, il nây aurait pas de raison pour que la tolĂ©rance ne sâĂ©tendĂźt Ă tous les chefs. Aussi lâordonnance de 1587 contenait-elle dĂ©jĂ une disposition semblable Ă celle que nous retrouvons dans lâart. 27 du Code de procĂ©dure, et tous les auteurs qui ont Ă©crit, soit sur lâordonnance, soit sur le Code, nâhĂ©si- sent-ils pas Ă signaler comme nous lâimportance de cette â 601 â disposition et Ă insister sur la nĂ©cessitĂ© de sa scrupuleuse application. Du reste, les tribunaux sont bien pĂ©nĂ©trĂ©s de cette importance et de cette nĂ©cessitĂ© ; et tout rĂ©cemment ils en ont donnĂ© une nouvelle preuve dans une espĂšce trĂšs- remarquable. Nous croyons devoir, par cette raison, reproduire avec quelque Ă©tendue lâespĂšce et les motifs des dĂ©cisions intervenues. 39° Les Ă©poux Cliiris et dâautres riverains du cours dâeau de la Connnandaule avaient appuyĂ© un barrage sur la rive droite de ce cours dâeau. Le sieur Martin, propriĂ©taire de cette rive, ayant intentĂ© action en rĂ©pression du trouble apportĂ© Ă sa possession et en suppression du barrage, il intervint jugement qui accueillit sa demande, et accorda toutefois un dĂ©lai de quatre mois pour dĂ©molir le barrage. Avant lâexpiration des quatre mois, avant dâavoir dĂ©moli le barrage, payĂ© ou consignĂ© les dĂ©pens dont les offres avaient Ă©tĂ© refusĂ©es comme insuffisantes, les Ă©poux Chiris et consorts se pourvurent devant le Tribunal de Draguignan pour ĂȘtre autorisĂ©s Ă appuyer un barrage sur la propriĂ©tĂ© du sieur Martin, conformĂ©ment Ă la loi du 11 juillet 1847. Le sieur Martin opposa lâart. 27 du Code de procĂ©dure; il soutint que la demande fondĂ©e sur la loi du 11 juillet 1847 constituait une action pĂ©titoire qui ne pouvait ĂȘtre formĂ©e avant lâentiĂšre exĂ©cution des condamnations prononcĂ©es sur la complainte. Jugement qui repousse la fin de non recevoir, parce quâil ne s'agit plus de la mĂȘme chose, que les sieurs Chiris et consorts demandent, non le maintien du barrage qui a fait lâobjet de la complainte, mais lâusage â 60'2 dâune facultĂ© Ă eux accordĂ©e par la loi du 11 juillet 1847 ; quâils ont offert de le dĂ©molir Ă lâexpiration des quatre mois et de payer les dĂ©pens. Appel par le sieur Martin devant la Cour dâAix, et le 27 mai 1850 arrĂȘt infirmatif, ainsi conçu ConsidĂ©rant que, dâaprĂšs lâart. 27 du Code de procĂ©dure, le dĂ©fendeur au possessoire qui a succombĂ© ne peut se pourvoir au pĂ©titoire quâaprĂšs avoir pleinement satisfait aux condamnations prononcĂ©es contre lui ; quâil suit de lĂ que Claris et consorts, dĂ©fendeurs au possessoire, ayant succombĂ© dans lâaction intentĂ©e contre eux par Martin, ne pouvaient se pourvoir au pĂ©titoire quâaprĂšs avoir pleinement satisfait aux condamnations contre eux prononcĂ©es par le jugement du 21 dĂ©cembre 1849, câest-Ă -dire 1° Avoir payĂ© les dĂ©pens de premiĂšre instance et dâappel concernant lâaction possessoire; 2° avoir dĂ©moli le barrage en maçonnerie par eux construit sur le bord de la propriĂ©tĂ© de Martin, riverain de la Commandaule, et avoir rĂ©tabli les lieux dans leur ancien Ă©tat ; considĂ©rant, en ce qui touche les dĂ©pens, que, par exploit du 29 janvier 1850, Chiris et consorts ont offert Ă ce sujet une somme de 80 fr. que Martin a refusĂ©e ; que les offres nâont Ă©tĂ© ni dĂ©clarĂ©es bonnes et valables, ni consignĂ©es ; quâelles nâont donc pu libĂ©rer les dĂ©biteurs; que, dĂšs lors, le jugement dĂ©finitif sur le possessoire nâa pas Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© quant aux dĂ©pens ; considĂ©rant, en ce qui touche la dĂ©molition du barrage en maçonnerie et le rĂ©tablissement des lieux dans leur ancien Ă©tat, que le jugement accordait un dĂ©lai de quatre mois pour y procĂ©der ; que cette disposition, bien qu'elle ne soit ni justifiĂ©e ni justifiable, nâa point Ă©tĂ© attaquĂ©e par les voies lĂ©gales ; quâelle devait donc ĂȘtre exĂ©cutĂ©e â 603 â en ce sens que, tant que le dĂ©lai accordĂ© nâĂ©tait point expirĂ©, Martin nâaurait pu contraindre Chiris et consorts Ă dĂ©molir le barrage et Ă rĂ©tablir les lieux dans leur ancien Ă©tat ; mais que sâils voulaient se pourvoir au pĂ©ti- toire avant lâexpiration des quatre mois, ils Ă©taient tenus de renoncer au dĂ©lai qui leur avait Ă©tĂ© octroyĂ©, et dâexĂ©cuter le jugement du 21 dĂ©cembre, puisque autrement il faudrait dire que les magistrats les avaient autorisĂ©s Ă se pourvoir au pĂ©titoire avant dâavoir pleinement satisfait aux condamnations prononcĂ©es contre eux par le mĂȘme jugement, et Ă violer ainsi manifestement les dispositions prohibitives de lâart. 27, Code de procĂ©dure civile, ce quâil nâest pas permis de supposer; considĂ©rant quâil est Ă©tabli que les demandeurs au possessoire nâavaient point satisfait aux condamnations prononcĂ©es contre eux par le jugement du 21 dĂ©cembre, ni quant aux dĂ©pens, ni quant aux travaux Ă exĂ©cuter, soit lorsquâils se sont pourvus au pĂ©titoire par exploit du 29 janvier 1850, soit mĂȘme lorsque le jugement dont est appel a Ă©tĂ© rendu le 25 fĂ©vrier suivant ; quâils doivent donc ĂȘtre dĂ©clarĂ©s non recevables dans leur action pĂ©titoire, conformĂ©ment Ă lâart. 27, Code de procĂ©dure civile; considĂ©rant que les premiers juges, sans mĂ©connaĂźtre les dispositions de cet article quâils reproduisent dans leur dĂ©cision, ont refusĂ© de les appliquer Ă la cause, parce que, suivant eux, la demande au pĂ©titoire nâa pas pour objet la chose mĂȘme sur laquelle il y a eu litige au possessoire ; considĂ©rant que le fait qui a donnĂ© lieu Ă lâaction possessoire est la construction par Chiris et consorts dans le lit de la riviĂšre de Commandaule, dâun barrage en maçonnerie dont lâextrĂ©mitĂ©, aboutissant Ă la rive droite, Ă©tait appuyĂ©e sur une propriĂ©tĂ© appartenant au â 604 â sieur Martin ; considĂ©rant que lâaction pĂ©titoire intentĂ©e par Cliiris et consorts a pour objet, suivant leurs conclusions transcrites dans les qualitĂ©s du jugement dont est appel, dâĂȘtre autorisĂ©s Ă appuyer sur la rive droite de la Commandaule, tenant au fonds de Martin, un barrage en bĂątisse, etc. » Pourvoi en cassation, par les Ă©poux Chiris et consorts, pour fausse application de lâart. 27 du Code de procĂ©dure et violation de lâart. 1 er de la loi du 11 juillet 18/i7, en ce que lâarrĂȘt attaquĂ© a considĂ©rĂ© comme une action pĂ©titoire, rĂ©gie par lâart. 27 du Code de procĂ©dure, la demande tendant Ă ĂȘtre autorisĂ© Ă exercer, moyennant indemnitĂ©, le droit confĂ©rĂ© par lâart. 1 er de la loi du 11 juillet 1847. On soutenait pour les demandeurs que lâart. 1 er de la loi du 11 juillet 1847, qui donne Ă tout riverain la facultĂ© dâappuyer, moyennant indemnitĂ©, des ouvrages dâart sur la propriĂ©tĂ© du riverain opposĂ©, ne confĂ©rait pas ce droit dâune maniĂšre absolue et Ă titre de droit de propriĂ©tĂ©, puisquâil exige une indemnitĂ©; dâoĂč lâon concluait que le recours Ă la loi du 11 juillet 1847 nâĂ©tait pas une action pĂ©titoire, dans le sens de lâart. 27 du Code de procĂ©dure, et que dĂšs lors la demande Ă©tait recevable, bien que les condamnations prononcĂ©es au possessoire nâeussent pas Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es. ArrĂȘt. â La Cour; attendu quâaux termes de lâart. 27 du Code de procĂ©dure civile, ledĂ©fendeur au possessoire qui a succombĂ© ne peut se pourvoir au pĂ©titoire quâaprĂšs avoir pleinement satisfait aux condamnations prononcĂ©es contre lui ; que, sur la demande du dĂ©fendeur en cassation, afin dâĂȘtre maintenu dans la possession annale du terrain, dont les demandeurs en cassation sâĂ©taient emparĂ©s pour lâĂ©tablissement dâun barrage en maçonnerie â 605 â sur la rive droite de la Commandaule, un jugement dĂ©finitif rendu par le Tribunal civil de Draguignan, le 21 dĂ©cembre 1849, avait condamnĂ© lesdits demandeurs en cassation, dĂ©fendeurs au possessoire, Ă rĂ©tablir les lieux dans leur ancien Ă©tat ; que lâaction intentĂ©e par ces derniers, le 29 janvier 1850, Ă©tait une action pĂ©titoire, puisquâelle tendait Ă faire consacrer le droit quâils rĂ©clamaient dâappuyer un barrage en maçonnerie sur la propriĂ©tĂ© de leur adversaire, droit quâils fondaient sur un titre, câest-Ă -dire sur la loi du 11 juillet 1847 ; que cette action pĂ©titoire sâappliquait au mĂȘme objet que la voie de fait qui avait donnĂ© lieu Ă lâaction possessoire; attendu quâil est dĂ©clarĂ©, en fait, par lâarrĂȘt attaquĂ©, que les demandeurs nâavaient pas pleinement satisfait aux condamnations prononcĂ©es contre eux, par le jugement sur le possessoire, lorsquâils se sont pourvus au pĂ©titoire ; dâoĂč il suit quâen les dĂ©clarant non recevables dans leur demande au pĂ©titoire, la Cour dâappel, par lâarrĂȘt attaquĂ©, nâa pas commis dâexcĂšs de pouvoir, nâa pas violĂ© lâart. 1 er de la loi du 11 juillet 1847, et a fait une juste application de lâart. 25 du Code de procĂ©dure civile, rejette, etc. *. 40° Nous insisterons sur les circonstances de fait de cette affaire qui Ă©taient bien favorables au demandeur au pĂ©titoire, mais qui nâont pas fait et ne pouvaient pas faire flĂ©chir le principe gĂ©nĂ©ral nous dirons mĂȘme dâordre public consacrĂ© par lâart. 27 du Code de procĂ©dure. En effet, nous avons vu quâun dĂ©lai de quatre mois avait Ă©tĂ© accordĂ© aux dĂ©fendeurs Ă la complainte pour dĂ©molir le barrage, quâils avaient fait offres rĂ©elles pour ' AmH du 25 aoĂ»t 1852, chambre civile. 606 â les frais et offert en outre de dĂ©molir le barrage Ă lâexpiration des quatre mois. Il paraĂźt bien aussi que le premier barrage avait Ă©tĂ© construit antĂ©rieurement Ă la loi du 11 juillet 1847, et que le nouveau ne devait pas ĂȘtre Ă©tabli au mĂȘme emplacement que le premier. La question avait paru grave ; elle avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e dans un sens, par le Tribunal de Draguignan, et dans un sens diffĂ©rent par la Cour dâAix. Enfin la Chambre des requĂȘtes de la Cour de cassation avait admis le pourvoi ; mais la Chambre civile, aprĂšs une discussion contradictoire, lâa rejetĂ©, et nous sommes trĂšs-convaincu que sa dĂ©cision et celle de la Cour dâAix sont tout Ă fait dans les vrais principes de la matiĂšre. 41° Ainsi donc, si un particulier, aprĂšs avoir succombĂ© dans une instance possessoire Ă lui intentĂ©e, et lors de laquelle il aurait prĂ©tendu ĂȘtre en possession dâun droit de passage sur le fonds dâautrui, ou dâun droit dây faire passer les eaux quâil destinait Ă lâexploitation de ses hĂ©ritages ou mĂȘme aux besoins de sa maison, aux besoins des hommes et des animaux, ou dâappuyer un barrage de prise dâeau, sur la rive opposĂ©e Ă son hĂ©ritage, voulait plus tard demander le passage en cas dâenclave, le droit dâaqueduc ou dâappui de barrage de prise dâeau, il serait dans lâindispensable nĂ©cessitĂ© dâexĂ©cuter au prĂ©alable et de la maniĂšre la plus complĂšte toutes les condamnations prononcĂ©es par le jugement possessoire, et cela lors mĂȘme quâil ne demanderait pas Ă exercer ces divers droits de servitude sur le mĂȘme emplacement que celui dont il sâest agi dans lâinstance possessoire ; car dĂšs que ce serait le mĂȘme fonds, la loi serait Ă©videmment applicable ; autrement il suffirait pour â 607 â en Ă©luder lâapplication de changer un peu lâemplacement de la servitude, mĂȘme en le rappelant prĂšs de lâancien. Enoncer un pareil rĂ©sultat, câest rĂ©futer suffisamment le systĂšme qui le produit et en dĂ©montrer toute lâinjustice. 42° Dans les numĂ©ros qui prĂ©cĂšdent, nous avons raisonnĂ© en gĂ©nĂ©ral dans lâhypothĂšse oĂč il y aurait eu jugement de maintenue ou de rĂ©intĂ©grande en faveur du demandeur ; mais il se peut aussi, et mĂȘme il arrivera frĂ©quemment que lâaction pĂ©titoire nâait pas Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e dâune action possessoire, ou quâelle ait Ă©tĂ© repoussĂ©e. 43° Dans tous les cas, câest au demandeur au pĂ©titoire Ă dĂ©montrer, Ă prouver sa propriĂ©tĂ© dâune maniĂšre claire, Ă©vidente, soit par des titres, soit par la loi, soit par la prescription. Il ne lui suffirait pas de contester les droits du dĂ©fendeur, dâĂ©tablir mĂȘme quâil nâen a aucun; car prouver que le dĂ©fendeur nâest pas propriĂ©taire, ce nâest pas prouver que le demandeur lâest lui-mĂȘme, et le dĂ©fendeur ne doit ĂȘtre Ă©vincĂ© que par le vrai propriĂ©taire qui seul a le droit de lâattaquer ; il lui suffit de dire possideo quia possideo; en lâassignant au pĂ©titoire, on a reconnu sa possession au moins actuelle. Or, melior est causa possidentis. On est toujours, dit lâart. 2230, censĂ© possĂ©der pour soi et Ă titre de propriĂ©taire, sâil nâest prouvĂ© quâon a possĂ©dĂ© pour un autre; le demandeur doit donc prouver que son adversaire nâa pas possĂ©dĂ© pour lui et Ă titre de propriĂ©taire, en dĂ©montrant que la propriĂ©tĂ© lui appartient. Câest au surplus ce que disent lâart. 1315, qui impose la preuve Ă tout demandeur, et lâart. 1352, portant que la prĂ©somption lĂ©gale dispense de toute preuve, celui au profit duquel elle existe. Or, nous avons vu que la pos- â 608 â session Ă©tablit prĂ©cisĂ©ment une prĂ©somption lĂ©gale de propriĂ©tĂ© en faveur du dĂ©fendeur. 44° Il y a donc deux raisons dĂ©cisives de cette solution ; dâabord en lâassignant au pĂ©titoire, on avoue en gĂ©nĂ©ral sa possession, sauf le cas, fort rare dâailleurs, oĂč le demandeur au pĂ©titoire aura prĂ©alablement obtenu un jugement possessoire, et, comme nous lâavons dit, il y a prĂ©somption que celui qui possĂšde a la propriĂ©tĂ©. Ensuite, câest que tout demandeur est tenu dâĂ©tablir sa demande, ses droits particuliers, sans pouvoir, nous le rĂ©pĂ©tons, se borner Ă allĂ©guer, Ă prouver mĂȘme que son adversaire nâen a aucuns. Câest ce que nous allons dĂ©montrer Ă lâaide de textes du droit romain ou de lâopinion des commentateurs. 45° lies aliĂ©nas possidens, licet justam tenendi causant nullatn habeat, non nisi snarn intentionem implenti restituera cogitur. L. 28, Code de rei vindicat. Melior est causapossidentis.L. 126. ff. deregulisjuris. Jn pari causa posscssor potior haberi debet L. 128 ibid. qui accusare volunt, probationes habere debent cum neque juris, neque ĂŠquitatis ratio permittat, ut alienorum ins- trumentorum inspiciendorum polestas fiei'i debeat. Adore enim non probante, qui convenitur etsi niliil ipse prĂŠstat, obtinebit. L. h, C. de Edendo. Et incumbit probatio, ei qui dicit, non ei qui negat. L. 2, ff. de prob. et prĆsomp. Quant adores habentur. L. 125, ff. de R. fur. Favorabiliores rei potius semper nĂ©cessitas probandi incumbit illi qui agit L. 21 eodem. 46â Bourjon, t. II, p. 515, sâexprime ainsi Quant aux actes qui doivent fonder cette poursuite, les titres de propriĂ©tĂ© forment sa base; câest la propriĂ©tĂ© quâon y revendique; il faut donc la justifier par des titres qui â 609 â prouvent quâelle rĂ©side dans la personne de celui qui lâexerce et celui qui lâa intentĂ©e, câest-Ă -dire le demandeur au pĂ©titoire, doit le premier justifier de ses titres ; câest Ă quoi tout demandeur est assujetti; en effet, sans une telle justification, la demande tomberait dâelle-mĂȘme comme nâayant aucun appui; câest droit commun; câest le fondement de cette action, sans lequel elle croulerait dâelle-mĂȘme. En effet, le dĂ©fendeur ayant pour lui la prĂ©somption qui rĂ©sulte de sa possession, encore quâelle nâeĂ»t pas subsistĂ© pendant tout le temps requis pour acquĂ©rir prescription, nâest obligĂ© de justifier des siens que pour se dĂ©fendre et pour balancer ceux quâon lui oppose ; ce nâest donc quâen second quâil doit justifier de ses titres; par consĂ©quent, si le demandeur au pĂ©titoire ne justifie pas de titres suffisants, il doit ĂȘtre dĂ©boutĂ© de sa demande, encore que le dĂ©fendeur nâen fasse apparoir aucun ; de lĂ il rĂ©sulte que celui qui nâa aucun titre ne peut former cette action ni poursuivre un possesseur pour justifier de son titre, parce que cette action nâest pas une action publique, et que celui qui nâa pas de titre, ne peut fouiller dans ceux dâun autre ni les critiquer, ce qui le rend Ă cet Ă©gard, sans action ; lâĂ©quitĂ© comme le maintien de lâordre public ont conduit lĂ . Il y a grande diffĂ©rence entre les actions pĂ©titoire et possessoire. Lâaction pĂ©titoire nâa pour objet que la propriĂ©tĂ©, au lieu que la complainte nâa pour objet que la possession, ce qui diffĂ©rencie beaucoup lâune de lâautre; de lĂ il suit que lâaction pĂ©titoire nâapporte aucun trouble dans la possession, puisquâelle ne tend quâĂ faire juger dans la personne de qui la propriĂ©tĂ© de la chose rĂ©side ; ce que lâon a dĂ©jĂ observĂ©, et quâil est bon de 39 â 610 â reprendre ici pour les consĂ©quences. En effet, on ne considĂšre pas dans cette action, la possession de lâhĂ©ritage dont la propriĂ©tĂ© est contestĂ©e ; le juge ne fonde sa dĂ©cision que sur les titres de propriĂ©tĂ© ; ce sont les titres seuls qui peuvent dĂ©terminer dans la personne de qui rĂ©side la propriĂ©tĂ©, au lieu que dans la complainte on ne considĂšre que la possession Ă laquelle cet examen ne donne aucune atteinte; câest de la propriĂ©tĂ© dont il sâagit; ce sont les titres de propriĂ©tĂ© qui dĂ©cident. » Pigeau, ProcĂ©dure du ChĂątelet, t. I er , p. 110 et 117, sâexprime ainsi Chacun ayant intĂ©rĂȘt de jouir de ce qui lui appartient, on doit prĂ©sumer, jusquâĂ la preuve contraire, quâil nâabandonne guĂšre son bien, et que, par consĂ©quent, tout possesseur est propriĂ©taire. Câest sur cette prĂ©somption quâest fondĂ©e la maxime Possession vaut titre, jusquâĂ la preuve du contraire. » La prĂ©somption Ă©tant plus pour le dĂ©tenteur que pour celui qui rĂ©clame, et la prĂ©somption devant seule guider, tant que lâon nâa pas encore de preuve, on doit laisser la possession de la chose plutĂŽt au premier quâau second, jusquâĂ ce que les juges en ordonnent autrement. a De ces deux maximes que possession vaut titre, jusquâĂ la preuve du contraire, et quâil nâest pas permis de se faire justice Ă soi-mĂȘme, sâest formĂ©e une troisiĂšme que nous dĂ©velopperons ici, qui est, que les parties doivent rester avec les mĂȘmes avantages quâavant le procĂšs, jusquâĂ ce que la justice en ait autrement disposĂ©. » Le mĂȘme auteur, page 42, dit encore Tout demandeur doit prouver sa prĂ©tention, actori incumbit onus probandi, sinon sa demande est rejetĂ©e, suivant cet â 611 â axiome vulgaire Actore non probante, reus absolvitur. » Lâauteur reproduit la mĂȘme doctrine dans son Cours de procĂ©dure civile. On peut ajouter, aux autoritĂ©s qui prĂ©cĂšdent, quelques-unes de celles par nous citĂ©es dans le chapitre prĂ©cĂ©dent. Aux n° 320 et 321, de la Revendication, Pothier dit encore AprĂšs que le dĂ©fendeur, qui par lâexploit de demande est reconnu possĂ©der lâhĂ©ritage pour lequel il est assignĂ©, a dĂ©fendu Ă la demande, le procĂšs sâinstruit et se dĂ©cide par lâexamen des titres respectifs des parties. Lorsque ceux produits par le demandeur ne sont pas suffisants pour justifier le domaine de propriĂ©tĂ© quâil prĂ©tend avoir de lâhĂ©ritage revendiquĂ©, le dĂ©fendeur nâa besoin dâen produire aucuns. Le dĂ©fendeur ne doit pas ĂȘtre dĂ©possĂ©dĂ© pendant le procĂšs; il doit continuer de jouir librement de lâhĂ©ritage revendiquĂ©, jusquâĂ ce quâil intervienne une sentence dĂ©finitive dont il nây ait pas d'appel qui juge que lâhĂ©ritage appartient au demandeur et qui condamne le dĂ©fendeur Ă le lui dĂ©laisser. Si le possesseur Ă©tait appelant de cette sentence, il continuerait de jouir librement de lâhĂ©ritage jusquâĂ lâarrĂȘt dĂ©finitif. » 47° Nous arrivons plus spĂ©cialement au mode de preuve de la propriĂ©tĂ© ou du droit foncier objet du litige. Voyons sur cela les dispositions du Code NapolĂ©on. Art. 1315. Celui qui rĂ©clame lâexĂ©cution d'une obligation doit la prouver. RĂ©ciproquement, celui qui se prĂ©tend libĂ©rĂ© doit justifier le payement ou le fait qui a produit lâextinction de son obligation. â 612 â Art. 1316. Les rĂšgles qui concernent la preuve littĂ©rale, la preuve testimoniale, les prĂ©somptions, lâaveu de la partie et le serment, sont expliquĂ©es dans les sections suivantes Art. 1317. Lâacte authentique est celui qui a Ă©tĂ© reçu par officiers publics, ayant le droit dâinstrumenter dans le lieu oĂč lâacte a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© et avec les solennitĂ©s requises. Art. 1318. Lâacte qui nâest point authentique par lâincompĂ©tence ou lâincapacitĂ© de lâofficier ou par un dĂ©faut de forme, vaut, comme Ă©criture privĂ©e, sâil a Ă©tĂ© signĂ© des parties. Art. 1319. Lâacte authentique fait pleine foi de la convention quâil renferme entre les parties contractantes et leurs hĂ©ritiers ou ayant-cause. NĂ©anmoins, en cas de plainte en faux principal, lâexĂ©cution de lâacte arguĂ© de faux sera suspendue par la mise en accusation; et en cas d'inscription de faux, faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement lâexĂ©cution de lâacte. Art. 1320. Lâacte, soit authentique, soit sous-seing privĂ©, fait foi entre les parties, mĂȘme de ce qui nây est exprimĂ© quâen termes Ă©nonciatifs, pourvu que lâĂ©nonciation ait un rapport direct Ă la disposition. Les Ă©nonciations Ă©trangĂšres Ă la disposition ne peuvent servir que dâun commencement de preuve. Art. 1321. Les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet quâentre les parties contractantes elles nâont point dâeffet contre les tiers. Art. 1322. Lâacte sous-seing privĂ©, reconnu par celui auquel on lâoppose, ou lĂ©galement tenu pour reconnu, a, â 613 â entre ceux qui lâont souscrit, et entre leurs hĂ©ritiers et avant-cause, la mĂȘme foi que lâacte authentique. Art. 1323. Celui auquel on oppose un acte sous-seing privĂ© est obligĂ© dâavouer ou de dĂ©savouer formellement son Ă©criture ou sa signature. Ses hĂ©ritiers ou ayant-cause peuvent se contenter de dĂ©clarer quâils ne connaissent point lâĂ©criture ou la signature de leur auteur. Art. 132/j. Dans le cas oĂč la partie dĂ©savoue son Ă©criture ou sa signature, et dans le cas oĂč ses hĂ©ritiers ou ayant-cause dĂ©clarent ne les point connaĂźtre, la vĂ©rification en est ordonnĂ©e en justice. Art. 1325. Les actes sous-seing privĂ© qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables quâautant quâils ont Ă©tĂ© faits en autant dâoriginaux quâil y a de parties ayant un intĂ©rĂȘt distinct. Il suffit dâun original pour toutes les personnes ayant le mĂȘme intĂ©rĂȘt. Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont Ă©tĂ© faits. NĂ©anmoins, le dĂ©faut de mention que les originaux ont Ă©tĂ© faits doubles, triples, etc., ne peut ĂȘtre opposĂ© par celui qui a exĂ©cutĂ© de sa part la convention portĂ©e dans lâacte. Art. 1326. Le billet ou la promesse sous-seing privĂ©, par lequel une seule partie sâengage envers lâautre Ă lui payer une somme dâargent ou une chose apprĂ©ciable, doit ĂȘtre Ă©crit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins il faut quâoutre sa signature il ait Ă©crit de sa main un bon ou un approuvĂ©, portant en toutes lettres la somme ou la quantitĂ© de la chose ; ExceptĂ© dans le cas oĂč lâacte Ă©mane de marchands, eu â artisans, laboureurs, vignerons, gens de journĂ©e et de service. Art. 1328. Les actes sous-seing privĂ© nâont de date contre les tiers que du jour oĂč ils ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s, du jour de la mort de celui ou de lâun de ceux qui les ont souscrits, ou du jour oĂč leur substance est constatĂ©e dans des actes dressĂ©s par des officiers publics, tels que procĂšs-verbaux de scellĂ© ou dâinventaire. Art. 1330. Les livres des marchands font preuve contre eux ; mais celui qui en veut tirer avantage ne peut les diviser en ce quâils contiennent de contraire Ă sa prĂ©tention. Art. 1334. Les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la reprĂ©sentation peut toujours ĂȘtre exigĂ©e. Voyez aussi les art. 1335 et 1336 sur la force des copies, quand le titre original nâexiste plus, et sur celle des transcriptions dâactes dans un registre public. Voyez, en outre, les art. 1337 et 1338 sur les actes de confirmation ou ratification. Art. 1339. Le donateur ne peut rĂ©parer par aucun acte confirmatif les vices dâune donation entre vifs; nulle en la forme, il faut quâelle soit refaite en la forme lĂ©gale. Art. 1340. La confirmation, ou ratification, ou exĂ©cution volontaire dâune donation par les hĂ©ritiers ou ayant- cause du donateur aprĂšs son dĂ©cĂšs emporte leur renonciation Ă opposer, soit les vices de forme, soit toute autre exception. Art. 1341. Il doit ĂȘtre passĂ© acte devant notaires ou sous signature privĂ©e, de toutes choses excĂ©dant la somme ou valeur de cent cinquante francs, mĂȘme pour â 615 â dĂ©pĂŽts volontaires; et il nâest reçu aucune preuve par tĂ©moins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allĂ©guĂ© avoir Ă©tĂ© dit avant, lors ou depuis les actes, encore quâil sâagisse dâune somme ou valeur moindre de cent cinquante francs; Le tout sans prĂ©judice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. Art. 1348. Elles reçoivent encore exception toutes les fois quâil nâa pas Ă©tĂ© possible au crĂ©ancier de se procurer une preuve littĂ©rale de lâobligation qui a Ă©tĂ© contractĂ©e envers lui. Cette seconde exception sâapplique 1° Aux obligations qui naissent des quasi-contrats et des dĂ©lits ou quasi-dĂ©lits; 2â Aux dĂ©pĂŽts nĂ©cessaires faits en cas dâincendie, ruine, tumulte ou naufrage, et Ă ceux faits par les voyageurs en logeant dans une hĂŽtellerie, le tout suivant la qualitĂ© des personnes et les circonstances du fait ; 3° Aux obligations contractĂ©es en cas dâaccidents imprĂ©vus oĂč lâon ne pourrait pas avoir fait des actes par Ă©crit ; 4° Au cas oĂč le crĂ©ancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littĂ©rale, par suite dâun cas fortuit, imprĂ©vu et rĂ©sultant dâune force majeure. Art. 1349. Les prĂ©somptions sont des consĂ©quences que la loi ou le magistrat tire dâun fait connu Ă un fait inconnu. Art. 1350. La prĂ©somption lĂ©gale est celle qui est attachĂ©e par une loi spĂ©ciale Ă certains actes ou Ă certains faits. Tels sont 1° Les actes que la loi dĂ©clare nuis, comme prĂ©sumĂ©s faits en fraude de ses dispositions, dâaprĂšs leur seule qualitĂ©; 1 â 616 â 2° Les cas dans lesquels la loi dĂ©clare la propriĂ©tĂ© ou la libĂ©ration rĂ©sulter de certaines circonstances dĂ©terminĂ©es; 3° LâautoritĂ© que la loi attribue Ă la chose jugĂ©e ; h° La force que la loi attache Ă lâaveu de la partie ou Ă son serment. Art. 1351. LâautoritĂ© de la chose jugĂ©e nâa lieu quâĂ lâĂ©gard de ce qui a fait lâobjet du jugement. 11 faut que la chose demandĂ©e soit la mĂȘme ; que la demande soit fondĂ©e sur la mĂȘme cause ; que la demande soit entre les mĂȘmes parlies, et formĂ©e par elles et contre elles en la mĂȘme qualitĂ©. Art. 1352. La prĂ©somption lĂ©gale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe. Nulle preuve nâest admise contre la prĂ©somption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette prĂ©somption, elle annulle certains actes ou dĂ©nie lâaction en justice, Ă moins quâelle nâait rĂ©servĂ© la preuve contraire, et sauf ce qui sera dit sur le serment et lâaveu judiciaires. Art. 1353. Les prĂ©somptions qui ne sont point Ă©tablies par la loi, sont abandonnĂ©es aux lumiĂšres et Ă la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des prĂ©somptions graves, prĂ©cises et concordantes, et dans les cas seulement oĂč la loi admet les preuves testimoniales, Ă moins que lâacte ne soit attaquĂ© pour cause de fraude ou de dol. 48° Les textes de loi ainsi reproduits, voyons lâapplication dont ils sont suscepiibles. Le demandeur au pĂ©ti- toire peut ĂȘtre propriĂ©taire Ă titre hĂ©rĂ©ditaire, ou en vertu dâune donation entre vifs ou testamentaire, dâune vente, dâun Ă©change, d'une sociĂ©tĂ©, de lâaccession, de lâincorporation, de la seule force de la loi ou de la prĂšs- â 617 â cription. Celui qui demande la propriĂ©tĂ© ou la copropriĂ©tĂ© dâun immeuble ou un droit dâusufruit, dâusage, dâhabitation, de servitude sur un immeuble doit donc produire, soit les actes de lâEtat civil et autres actes qui Ă©tablissent sa gĂ©nĂ©alogie et son degrĂ© de parentĂ© avec celui de la succession duquel il sâagit, soit lâacte de donation, de testament, de vente, dâĂ©change, de sociĂ©tĂ©, de transaction ou invoquer la prescription, lâaccession, les articles de loi sur lesquels il se fonde et prouver les faits qui, Ă dĂ©faut de titres, appuient et justifient ses droits. Remarquons en passant que deux arrĂȘts de la Cour de cassation, des 5 avril 1837 et 1 er dĂ©cembre 1840 Devil. et Carr., 1S37-1-434, 1847-1-200, ont dĂ©cidĂ© de la maniĂšre la plus formelle que la prescription ne court pas contre celui qui possĂšde et qui peut toujours, quel que âąf soit le laps de temps Ă©coulĂ©, opposer la nullitĂ© dâun acte en vertu de la maxime quĆ sunt temporalia ad agendum, sunt perpĂ©tua ad excipiendum. 49° La preuve que lâon a toujours considĂ©rĂ© comme la principale et qui est la plus ordinaire, est celle par titres, autrement dite preuve littĂ©rale. Le dĂ©fendeur contre lequel des titres sont invoquĂ©s, peut opposer quâils sont nuis, soit pour vice de forme comme sâil sâagit dâune donation entre vifs faite par acte sous-seing privĂ©, soit pour incapacitĂ© de la personne qui les a souscrits comme sâils lâont Ă©tĂ© par une femme mariĂ©e non autorisĂ©e, par un mineur, par un interdit, soit enfin quâils Ă©manent Ă non domino. 11 serait par trop facile en effet au premier aventurier venu de dĂ©pouiller un possesseur ou dĂ©tenteur, dâĂ©chapper Ă lâobligation imposĂ©e Ă tout demandeur de justifier sa prĂ©tention, et de se faire dĂ©clarer propriĂ©taire par la â 618 â justice en se faisant souscrire de pareils actes quâon obtiendrait facilement de la faiblesse ou de la collusion des personnes que nous avons dĂ©signĂ©es. Nous croyons mĂȘme, relativement Ă lâacte souscrit Ă non domino , que si cet acte ne faisait aucune mention des titres de propriĂ©tĂ© dans la personne du demandeur au pĂ©titoire, et si celui-ci ne justifiait pas de lâexistence du droit de propriĂ©tĂ© en la personne de son auteur, il devrait ĂȘtre dĂ©boutĂ© de sa demande, puisque lâaliĂ©nation de la chose dâautrui est nulle ; que câest Ă lui de faire toutes les justifications nĂ©cessaires; que le dĂ©fendeur ne doit pas ĂȘtre tenu de prouver un fait nĂ©gatif, non pas parce quâil serait impossible de prouver un fait de cette nature *, mais parce quâil est plus facile de prouver une affirmation, et quâil est plus naturel et plus juste que celui qui fait lâaffirmation comme base de son droit soit tenu de la justifier. Ces principes seraient applicables lors mĂȘme que lâauteur serait une commune, un dĂ©partement ou lâEtat ; il nây aurait dâexception, quant Ă lâEtat, que sâil sâagissait de biens nationaux dont, comme on sait, la vente est valable lors mĂȘme quâelle comprend le bien dâautrui. Ainsi donc le demandeur est obligĂ© de justifier de son droit de propriĂ©tĂ© non-seulement dans sa personne, mais encore dans celle de son auteur ou mĂȘme des prĂ©dĂ©cesseurs de celui-ci, tant que la prescription de dix ou vingt ans, avec bonne foi, Ă©tablie par les art. 2200, 2265 et 2267 du Code civil, nâest point accomplie ; autrement il suffirait de sâentendre avec un tiers complaisant qui * M. le professeur Bonnier, dans son remarquable ouvrage sur la nature des preuves judiciaires, dĂ©montre en effet quâune preuve nĂ©gative nâest pas impossible. â 619 â nâaurait aucun titre pour se faire crĂ©er par lui des droits quâil nâavait pas lui-mĂȘme. Nous nâadmettons pas les dispositions de la loi romaine la loi publicienne, qui accordait lâaction en revendication Ă celui qui, Ă un titre nul ou Ă©manĂ© du non-propriĂ©taire, joignait une possession de lâobjet litigieux antĂ©rieure Ă la possession actuelle dâun tiers, et quoi quâil nâeĂ»t point encore acquis la prescription ou lâusucapion. Cette loi lui donnait la prĂ©fĂ©rence sur le possesseur actuel, parce que sâil nâavait pas acquis ou prescrit, il Ă©tait en voie, en chemin dâacquĂ©rir. Mais la loi française a voulu Ă©tablir une rĂšgle absolue, et la gĂ©nĂ©ralitĂ© de ses expressions dans les articles par nous citĂ©s, dĂ©montre de la maniĂšre la plus pĂ©remptoire, quâelle repousse lâexception tirĂ©e de la loi publicienne. 50â IndĂ©pendamment de la contestation que le dĂ©fendeur peut Ă©lever sur la validitĂ© et la force des titres produits par le demandeur, contestation que celui-ci peut Ă©galement Ă©lever sur ceux qui seraient invoquĂ©s par le dĂ©fendeur, un dĂ©bat sĂ©rieux peut naĂźtre entre les parties sur lâinterprĂ©tation et lâapplication de leurs titres respectifs. Un dĂ©bat de cette nature est entiĂšrement abandonnĂ© aux lumiĂšres et Ă la consciencieuse apprĂ©ciation des magistrats qui, dans leur dĂ©cision Ă cet Ă©gard, se conformeront aux rĂšgles dâinterprĂ©tation tracĂ©es par notre Code civil. On conçoit que lâextrĂȘme diversitĂ© des espĂšces, la variĂ©tĂ© infinie des stipulations, des expressions techniques ou de localitĂ© et des usages des diffĂ©rents pays oĂč les conventions ont pu ĂȘtre passĂ©es, nous dispensent et nous empĂȘchent dâentrer sur ce point dans des dĂ©veloppements ou mĂȘme dans la citation de quelques exemples qui seraient dâailleurs san6 utilitĂ©. â 6-20 â 51° Lorsque le demandeur invoque un titre dâacquisition Ă©manĂ© de la personne contre laquelle son action pĂ©- titoire est dirigĂ©e, ou de celui quelle reprĂ©sente, le procĂšs est ordinairement facile Ă juger. I,c demandeur ne peut eu effet avoir de titre plus pĂ©remptoire, et il ne peut plus guĂšre y avoir de dĂ©bat que sur le sens ou lâinterprĂ©tation des conventions des parties, Ă moins que lâacte ne soit attaquĂ© incidemment par le dĂ©fendeur pour une des causes dĂ©terminĂ©es par la loi. 52° Mais il est rare que la situation soit aussi simple, aussi nette que dans lâhypothĂšse que nous venons de prĂ©senter. Le plus ordinairement, les actes produits Ă©maneront de tiers dont le dĂ©fendeur ne sera pas le reprĂ©sentant, et alors la difficultĂ© sera plus grande pour que la justice puisse en admettre lâefficacitĂ© contre le dĂ©fendeur, puisque, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, avec lâart. 1165, les conventions nâont dâeffet quâentre les parties contractantes. 53° La premiĂšre hypothĂšse Ă prĂ©voir est celle-ci il se pourra que le demandeur et le dĂ©fendeur aient acquis le mĂȘme immeuble, le mĂȘme droit foncier, de la mĂȘme personne. Dans ce cas les lois romaines, sans sâattacher Ă la date des actes, accordaient la prĂ©fĂ©rence Ă celui qui avait Ă©tĂ© mis en possession, parce que ces lois ne reconnaissaient la transmission de la propriĂ©tĂ© que du jour de la tradition ; mais chez nous la vente Ă©tant parfaite du jour du contrat, quoiquâil nây ait eu encore ni tradition, ni payement du prix art. 1583, lâacquĂ©reur, le premier en date, serait prĂ©fĂ©rĂ©, quoique le second acquĂ©reur eĂ»t Ă©tĂ© mis en possession ; cette dĂ©cision sâentend toutefois sauf les cas de fraude qui font toujours exception. â 651 â 54° 11 y aurait exception dans le cas oĂč le premier acte serait sous-seing privĂ© et nâaurait pas acquis date certaine, de Tune des maniĂšres spĂ©cifiĂ©es dans lâart. 1328 du Code civil, avant le second. Si celui-ci Ă©tait authentique ou si Ă©tant sous-seing privĂ© il avait acquis date certaine avant le premier, il serait prĂ©fĂ©rĂ© et la partie qui voudrait invoquer ce premier acte ne serait pas fondĂ©e, pour le faire valoir, Ă opposer que le second acquĂ©reur en avait connaissance, mĂȘme quâil avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© en partie ; car un acte sous-seing privĂ© ne peut avoir de date certaine, dâexistence Ă lâĂ©gard des tiers que par lâun des modes Ă©noncĂ©s dans lâarticle prĂ©citĂ©, dont les dispositions sont limitatives *. 55° La plupart des actions pĂ©titoires portent sur des objets accessoires Ă des immeubles et dâune importance plus ou moins mĂ©diocre, comme une avenue, un terrain vague, un sentier dâexploitation, des fossĂ©s ou aqueducs, des caves, de petits bĂątiments. Nous en voyons des exemples dans les espĂšces de divers arrĂȘts de la Cour de cassation. Ainsi par arrĂȘt du 18 avril 1831, HĂ©mas contre Patu- rel, il y a eu rejet du pourvoi ; les tribunaux avaient adjugĂ© Ă Paturel la propriĂ©tĂ© dâun petit terrain existant entre les hĂ©ritages respectifs, en se fondant notamment sur des circonstances de localitĂ© qui Ă©tablissaient que ce terrain Ă©tait une dĂ©pendance de son fonds. DĂ©cision semblable dans lâespĂšce dâun arrĂȘt du 31 juillet 1832, commune de Pressigny contre le sieur Perrot, C ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 27 mai 1823. Voyez aussi la nouvelle collection dâarrĂȘts do MM. de Villeneuve et Carette, et les dictionnaires de MM. Dalloz aĂźnĂ© et Armand Dalloz, V° Actes sous-seing privĂ© , oĂč ils citent de nombreux arrĂȘts de Cours dâappel conformes. â 622 â auquel un petit terrain vague, appelĂ© Butte du chĂąteau, avait Ă©tĂ© adjugĂ© comme dĂ©pendance de ce chĂąteau. TroisiĂšme dĂ©cision semblable dans lâespĂšce dâun arrĂȘt du 20 novembre 183Ăą, entre les sieurs Michaud et Laroche. Les tribunaux ont adjugĂ© au sieur Michaud la propriĂ©tĂ© dâun petit terrain, comme dĂ©pendance des fonds de celui-ci, auxquels il Ă©tait contigu, tandis quâil Ă©tait sĂ©parĂ© par une riviĂšre des hĂ©ritages du sieur Laroche. Nous concevons que dans ces cas, quoique les contrats ne sâexpliquent pas positivement sur ces objets, et que mĂȘme la possession propre Ă faire acquĂ©rir la prescription ne puisse pas ĂȘtre constatĂ©e dâune maniĂšre certaine, les tribunaux en adjugent la propriĂ©tĂ© Ă lâune ou lâautre des parties mĂȘme au demandeur dĂ©jĂ reconnue propriĂ©taire de la chose principale, en interprĂ©tant les titres, les circonstances de localitĂ© auxquelles le lĂ©gislateur a attachĂ© une certaine importance, puisquâil a, par le Code de procĂ©dure, consacrĂ©, comme moyens dâinstruction et de preuve, les visites de lieux par la justice et les expertises; nous comprenons aussi quâils se dĂ©terminent par la rĂšgle de lâaccession, par celle des accessoires ou dĂ©pendances de la chose principale, pourvu toutefois quâon ne fasse usage de tous ces moyens de dĂ©cision quâavec rĂ©serve, et sans jamais en abuser. 11 arrive mĂȘme assez communĂ©ment que les contrats, aprĂšs avoir dĂ©signĂ© la chose principale qui en fait lâobjet, ajoutent la clause gĂ©nĂ©rale des circonstances et dĂ©pendances. Les juges doivent ĂȘtre autorisĂ©s Ă rechercher en quoi elles consistent. On ne peut pas dire en ce cas quâils ont transgressĂ© le principe qui impose au demandeur la nĂ©cessitĂ© de la preuve de sa propriĂ©tĂ©, par titre, par la loi, par la prescription, et qui rĂ©putĂ© le dĂ©fendeur pro- â 623 â priĂ©taire tant que son adversaire nâa point prouvĂ© sa propriĂ©tĂ© dâune maniĂšre lĂ©gale. 56° Mais la solution ne doit-elle pas ĂȘtre diffĂ©rente lorsque le dĂ©bat roule sur des immeubles importants et isolĂ©s, et lorsquâil est reconnu que le demandeur nâa pas de titres, ou, ce qui revient au mĂȘme, quâils sont insignifiants ou nuis, quâil ne peut invoquer ni la rĂšgle des accessoires, des circonstances et dĂ©pendances, ni des dispositions lĂ©gales comme celles relatives Ă lâusufruit des pĂšre et mĂšre sur les biens de leurs enfants mineurs, aux servitudes sur les fonds voisins, lorsque le dĂ©bat sâĂ©lĂšve Ă lâoccasion dâun domaine, dâun bois, dâune maison dâune certaine importance et entiĂšrement sĂ©parĂ©s des autres propriĂ©tĂ©s des parties, et quâenfin, la seule ressource qui puisse lui rester est dâinvoquer la prescription de trente ans sans titre ou de dix et vingt ans, avec titre et bonne foi? Dans ce cas, les juges peuvent-ils, en se fondant sur ce quâaucune des parties nâa de titres, comme cela est dĂ©jĂ arrivĂ© et comme nous en verrons des exemples dans lâespĂšce des arrĂȘts que nous citerons tout Ă lâheure, sur ce que le demandeur a une possession plus ancienne que le dĂ©fendeur, accueillir lâaction pĂ©titoire sans dĂ©clarer formellement quâil a une possession constitutive de la prescription ? Nous ne le pensons pas et nous ne pouvons donner notre assentiment aux arrĂȘts qui renferment de semblables dĂ©cisions. Nous lâavons dĂ©jĂ dit, les auciens principes, les articles 1315 et 1341 du Code civil, imposent au demandeur le fardeau de la preuve, veulent quâil soit passĂ© acte de toutes choses ou valeurs excĂ©dant cent cinquante francs, â au â dĂ©fendent dans ce cas la preuve par tĂ©moins ou par prĂ©somptions, et interdisent pour toute valeur la preuve contre et outre le contenu aux actes ; ce nâest donc pas seulement, par la raison quâune action pĂ©titoire est un aveu de la possession de celui quâon attaque, que le demandeur est tenu de prouver par titre sa propriĂ©tĂ© ; câest aussi et principalement parce que câest lĂ un principe gĂ©nĂ©ral, une obligation imposĂ©e Ă tout demandeur, dans tous les procĂšs de quelque nature quâils soient. Sans doute, il y a une exception pour les faits dont on nâa pu se procurer la preuve, ou qui nâont pu ĂȘtre constatĂ©s par Ă©crit. Il est mĂȘme assez gĂ©nĂ©ralement reconnu que l'art. 13/jl ne sâapplique quâaux choses qui font ordinairement la matiĂšre des conventions, ou Ă ceux qui y ont Ă©tĂ© parties, mais non aux faits. Une possession de trente, de dix ou vingt ans, une construction, une plantation, sont dans ce cas ; mais si alors la loi admet la preuve testimoniale et les prĂ©somptions simples, toujours est-il indispensable que la preuve soit faite. Il faut en effet distinguer entre le mode de preuve et la chose Ă prouver. La dispense, lâexception ne porte que sur le mode, mais non sur la preuve en elle-mĂȘme. La loi ayant consacrĂ© formellement les diverses maniĂšres dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ©, et lâĂ©nonciation quelle en fait Ă©tant nĂ©cessairement limitative, les tribunaux ne pourraient sâen Ă©carter pas plus pour y ajouter que pour en retrancher. Voyez Boiceau, Danty, Argon, Pothier, Toul- lier, Merlin, Damante et Bonnier, sur les cas oĂč la preuve testimoniale et les prĂ©somptions sont admises. On ne pourrait admettre en effet que les tribunaux eussent la facultĂ© de dĂ©clarer propriĂ©taire le demandeur parce quâil aurait une possession sans titre antĂ©rieure Ă â 625 â celle du dĂ©fendeur, ou mĂȘme une semblable possession avec titre Ă©manĂ© Ă non domino, mais qui nâaurait pas durĂ© pendant le temps voulu pour constituer la prescription. Nous avons dĂ©jĂ dit que la possession, pour constituer un droit, devait non-seulement ĂȘtre antique, mais avoir les caractĂšres lĂ©gaux, sans quoi elle ne constituait quâune usurpation ; que la loi publicienne nâĂ©tait pas admise parmi nous ; que les articles du Code sur les divers modes dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ©, et spĂ©cialement ceux relatifs Ă lâacquisition par le moyen de la prescription proscrivaient positivement la dĂ©cision de la loi publicienne. Nous savons bien que Pothier, du Domaine de propriĂ©tĂ©, et tout rĂ©cemment Molitor, qui ont suivi les interprĂštes du droit romain, veulent nous ramener Ă lâapplication de la publicienne; que Pothier, aprĂšs avoir dit que le dĂ©fendeur Ă la revendication Ă©tait par la demande mĂȘme reconnu possesseur, nâavait rien Ă prouver et nâavait aucun titre Ă produire lorsque le demandeur nâen produisait pas dâefficaces, va jusquâĂ prĂ©tendre que le demandeur qui a une possession antĂ©rieure Ă celle du dĂ©fendeur, doit rĂ©ussir dans sa prĂ©tention ; mais on se convaincra aisĂ©ment dâune part quâil rĂšgne dans lâouvrage de Pothier sur la revendication une certaine confusion et des contradictions plus ou moins graves, inconvĂ©nients dans lesquels Molitor nous paraĂźt ĂȘtre tombĂ© Ă son tour, et dâun autre cĂŽtĂ© que notre Code qui a voulu les Ă©viter, en Ă©tablissant des rĂšgles simples, gĂ©nĂ©rales, uniformes, a entendu proscrire sans retour lâapplication de la loi publicienne. . 57° Je nâignore pas que, dans certaines circonstances, lâapplication de la rĂšgle gĂ©nĂ©rale tracĂ©e par le Code pourra sembler rigoureuse ; que, par exemple, il pourra 10 â 626 â arriver quâil ne manquera au demandeur que peu de temps pour accomplir la prescription de trente annĂ©es ou celle de dix ou vingt ans, et que le dĂ©fendeur nâaura Ă invoquer que lâaveu tacite de sa possession rĂ©sultant de lâaction dirigĂ©e contre lui; mais je rĂ©ponds que sâil Ă©tait permis de sâĂ©carter de la loi, Ă cause du faible espace de temps qui manquerait au demandeur, il nây aurait plus de rĂšgle, plus de limite, quâon pourrait sâen Ă©carter Ă peu prĂšs constamment et pour tout le temps exigĂ©, et se contenter dâune possession de quelques semaines antĂ©rieure Ă la demande ; que le demandeur ne peut imputer quâĂ lui-mĂȘme la position fausse et dĂ©savantageuse oĂč il se trouve et oĂč il sâest mis eu ne prenant pas dâabord la voie possessoire quâil est si important de ne pas nĂ©gliger ; quâil nâa Ă sâen prendre quâĂ lui, sâil sâest mis dans lâimpossibilitĂ© dâintenter cette action prĂ©alable, en laissant son adversaire jouir de la chose pendant une annĂ©e, par une possession paisible, publique, non Ă©quivoque et Ă titre de propriĂ©taire; que toute la faveur doit ĂȘtre pour celui-ci, car il nâest pas prĂ©sumable que son adversaire lâeĂ»t laissĂ© jouir de la chose en maĂźtre, sâil nâeĂ»t Ă©tĂ© convaincu de son droit, chacun ayant lâĆil fort ouvert sur ses intĂ©rĂȘts et nâĂ©tant pas disposĂ© Ă abandonner Ă autrui les avantages que sa propre chose peut produire. 58° Ainsi, aprĂšs avoir bien balancĂ© les avantages et les inconvĂ©nients des deux systĂšmes que nous discutons, nous devons reconnaĂźtre que la loi a eu de trĂšs-bons, de trĂšs-sages motifs pour se prononcer comme elle lâa fait, et nous rĂ©pĂ©terons, en terminant, une raison qui dispense de toutes les autres; câest que ainsi lâa voulu le lĂ©gislateur, auquel on peut appliquer ce qui a Ă©tĂ© dit pour une autre circonstance Sic volo, sic jubeo, sic pro ratione voluntas. 59° Nous trouvons mĂȘme dans la jurisprudence de la Cour de cassation, et parmi des dĂ©cisions qui nous paraissent contradictoires, un arrĂȘt de la chambre civile, du 22 novembre 1847, rendu sur le pourvoi du sieur Renault contre la commune de Velizy, qui, en cassant un arrĂȘt de la Cour de Paris, confirmatif dâun jugement du tribunal de Versailles, a consacrĂ© les vrais principes, et nous semble avoir fait cesser les incertitudes et les variations de la jurisprudence. Nous croyons quâon aurait tort dâopposer Ă cette dĂ©cision un arrĂȘt des requĂȘtes postĂ©rieur * comme Ă©tant venu jeter de nouveaux nuages sur une doctrine dont nous croyons pourtant quâil importe de proclamer la justice et dâassurer le maintien, dans lâintĂ©rĂȘt si grave et si sacrĂ© de la propriĂ©tĂ©. 60° Ce dernier arrĂȘt, dont les motifs ne nous semblent pas Ă lâabri de la critique sur tous les points, nâest cependant pas opposĂ© Ă nos principes sur la nĂ©cessitĂ© de la constatation de la possession et de la dĂ©claration formelle de la prescription. A la vĂ©ritĂ©, lâarrĂȘt de la Cour dâappel, dont les motifs paraissent incomplĂštement rapportĂ©s dans les recueils de jurisprudence, semble sâĂȘtre bornĂ© Ă constater lâexistence de la possession en faveur de la commune de Fos, depuis 1762 jusquâen 1813, câest-Ă -dire pendant plus de trente ans, sans ajouter quelle avait acquis la propriĂ©tĂ© des pĂąturages litigieux par la prescription ; mais lâarrĂȘt de rejet des requĂȘtes se fonde sur ce que la Cour dâappel ,' 9 juin 1832. SĂ©guin contre commune de Fos. â 628 â avait constatĂ© une possession ayant durĂ© de 1762 Ă 1813 et constitutive de la prescription. Cet arrĂȘt conteste le principe que lâaction pĂ©titoire emporte reconnaissance de la possession actuelle du dĂ©fendeur; mais, dâune part, câest lĂ une erreur attestĂ©e par les lois romaines, par les nombreux auteurs que nous avons citĂ©s dans le premier chapitre et dans celui-ci, et par M. Pardessus, des Servitudes, t. II, p. 226, qui proclament unanimement le principe mĂ©connu par lâarrĂȘt; dâautre part, lâexamen et la dĂ©cision de la chambre des requĂȘtes sur ce point Ă©taient complĂštement inutiles dans lâespĂšce, puisquâelle reconnaissait lâexistence de la prescription acquise avant lâaction, en faveur de la commune deFos; que lâobjet litigieux nâĂ©tait pas compris dans le contrat dâacquisition de ses adversaires, et quâenfin on pouvait mĂȘme soutenir que ceux-ci Ă©taient rĂ©ellement les demandeurs originaires, puisquâils avaient fait dresser un procĂšs-verbal par leur garde contre un habitant de la commune, pour avoir coupĂ© du bois sur lâimmeuble litigieux que ce procĂšs-verbal disait leur appartenir, et quâils avaient traduit cet habitant devant le Tribunal de police correctionnelle, qui avait renvoyĂ© les parties Ă fins civiles pour faire statuer sur la question prĂ©judicielle de propriĂ©tĂ© rĂ©sultant des dĂ©bats respectifs. Cet arrĂȘt nâest donc pas contraire Ă nos principes, et nous pourrions en invoquer dâautres antĂ©rieurs Ă celui Renault contre commune de Velizv qui y est conforme. Nous nous bornerons Ă en citer un du 8 fĂ©vrier I8/3, rendu dans lâespĂšce suivante La commune de Revonnas a formĂ© coutre le sieur Duport de Rivoire une demande en revendication dâun terrain vain et vague; elle a articulĂ© possession im- â 6-29 â mĂ©moriale constitutive de prescription en sa faveur. EnquĂȘte sur la possession et jugement qui accueille la demande de la commune. Mais sur lâappel, la Cour de Lyon infirme et maintient le sieur Duport de Rivoire dans la propriĂ©tĂ© de lâobjet litigieux, par le motif que celui-ci Ă©tait au moment de lâaction intentĂ©e par la commune en possession exclusive, depuis ving-huit ans, de cet objet, et que lâenquĂȘte nâa nullement prouvĂ© la possession trentenaire antĂ©rieure Ă celle du sieur de Rivoire, que la commune Ă©tait tenue de prouver dâaprĂšs sa propre demande. La Cour de cassation a rejetĂ© et dĂ» rejeter ce pourvoi *, puisque la commune demanderesse au pĂ©titoire nâavait pas prouvĂ© lâacquisition de la propriĂ©tĂ© par la prescription au moyen dâune possession trentenaire ; elle eĂ»t dĂ» juger ainsi lors mĂȘme que le sieur Duport de Ri- voire nâaurait pas eu une possession de vingt-huit annĂ©es antĂ©rieurement Ă lâaction. 61° Mais il y a notamment deux arrĂȘts, des 18 juin 1838 et 26 aoĂ»t 1839, qui nous paraissent sâĂȘtre Ă©cartĂ©s des bonnes doctrines. Dans lâespĂšce du premier, en lâabsence de tous titres en faveur des parties, dâaucune possession de la part du demandeur, les tribunaux ont adjugĂ© la propriĂ©tĂ© Ă celui-ci, en se fondant sur ce que depuis un grand nombre dâannĂ©es le terrain Ă©tait inscrit sous son nom, au rĂŽle du cadastre, Ă celui de la contribution fonciĂšre, et quâil en avait payĂ© les impĂŽts. Si les tribunaux eussent constatĂ© que ces faits avaient durĂ© trente ans avant lâinstance et y eussent puisĂ© la P ArrĂȘt du 8 fĂ©vrier 1843. â 630 â preuve dâune possession acquisitive de prescription, nous nâaurions rien Ă dire, puisque des prĂ©somptions peuvent, dâaprĂšs les art. 1351, 1358, remplacer la preuve testimoniale, et que la loi nâa pu dĂ©terminer les faits constitutifs de la possession et de la prescription, dont par consĂ©quent lâapprĂ©ciation appartient aux tribunaux; mais Ă©noncer que les faits existent depuis un grand nombre dâannĂ©es, câest Ă©videmment ne rien dire, et ce vague serait un moyen facile dâĂ©luder la loi. Les faits existaient- ils depuis trente ans ou seulement depuis vingt-huit ans, quinze ans, neuf ans? Câest ce que nous ignorons. Dans lâespĂšce du deuxiĂšme arrĂȘt, commune de Serres contre Lafont, lâerreur nous paraĂźt avoir Ă©tĂ© plus grave encore puisque la propriĂ©tĂ© a Ă©tĂ© adjugĂ©e au demandeur, en se fondant uniquement sur une ancienne possession. Les prĂ©somptions ne sont pas un mode dâacquisition de la propriĂ©tĂ©, mais un mode de preuve de cette acquisition. 11 faut donc constater formellement la condition dont les prĂ©somptions doivent prouver lâexistence. 62° Quelques personnes ont essayĂ© dâexpliquer la divergence que lâon regrette de rencontrer dans la jurisprudence de la Cour de cassation, par la considĂ©ration que cette Cour ne connaĂźt pas des faits ; que lâapprĂ©ciation quâen ont faite les Cours dâappel Ă©chappe Ă sa censure; quâen trouvant dans les dĂ©cisions de ces Cours la reconnaissance ou dĂ©claration formelle de la propriĂ©tĂ© en faveur du demandeur, elle a pu penser que le vĆu du lĂ©gislateur Ă©tait satisfait. Quant Ă nous, nous ne pouvons admettre ces raisons qui nous paraissent plus spĂ©cieuses que solides, et nous pensons que les dĂ©cisions judiciaires doivent exprimer avec soin et prĂ©cision la rĂ©union de ces deux conditions, 631 â la dĂ©claration de la propriĂ©tĂ© et la cause dâoĂč elle dĂ©coule. La Cour rĂ©gulatrice a la mission de ramener les tribunaux Ă lâexacte et uniforme application de la loi. Or, la loi, loin de laisser le jugement de la propriĂ©tĂ© au pouvoir discrĂ©tionnaire des juges, ayant dĂ©terminĂ© avec prĂ©cision les divers modes dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© et de prouver quâelle a Ă©tĂ© en effet acquise, une dĂ©cision nâest lĂ©gale et Ă lâabri de la censure de la Cour rĂ©gulatrice, quâautant que les juges qui lâont rendue ont constatĂ© lâexistence de ces conditions et quâils en ont fait dĂ©couler, comme consĂ©quence, la preuve de la propriĂ©tĂ© en faveur du demandeur. Ainsi, lorsque la prescription de trente, de dix ou vingt ans a Ă©tĂ© invoquĂ©e, ils doivent dĂ©clarer lâexistence de la possession pendant le temps voulu par la loi, et par suite lâacquisition de la propriĂ©tĂ© par la prescription. La dĂ©claration de la possession, mĂȘme pendant le temps lĂ©gal, ne suffirait pas sâil nâĂ©tait en mĂȘme temps constatĂ© par la reconnaissance de la prescription, quâelle a les caractĂšres exigĂ©s; la possession peut en effet exister sans ĂȘtre publique, paisible, non Ă©quivoque et Ă titre de propriĂ©tĂ©. La Cour rĂ©gulatrice devrait annuler un arrĂȘt qui ne serait pas motivĂ© ou appuyĂ© sur une base lĂ©gale. Câest au surplus ce quâelle a fait par lâarrĂȘt dĂ©jĂ citĂ©, rendu entre Renault et la commune de Yelizy. 63° Du reste, les tribunaux pouvant se dĂ©terminer, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, par des prĂ©somptions simples, dans tous les cas oĂč la preuve testimoniale est autorisĂ©e, et par consĂ©quent lorsque la possession et la prescription sont invoquĂ©es, auront par cela mĂȘme une grande latitude qui attĂ©nuera aisĂ©mentceque la rĂšgle par nous posĂ©e pourrait parfois prĂ©senter dâun peu rigoureux. â 632 â 64° Les mĂȘmes principes et la mĂȘme solution sâappliqueraient au dĂ©fendeur qui, pour repousser des titres, invoquerait soit des titres contraires, soit une possession constitutive de prescription, ce qui aurait lieu lorsquâil aurait besoin de ces moyens et notamment dans le cas oĂč il rĂ©clamerait une servitude. De dĂ©fendeur, il deviendrait demandeur, reus in excipiendo fit actor; et il serait tenu dâĂ©tablir sa propriĂ©tĂ© de la mĂȘme maniĂšre que sâil avait Ă©tĂ© demandeur originaire. 65° Il arrive quelquefois que sur les articulations respectives de possession et de prescription, ou sur les enquĂȘtes et contre-enquĂȘtes, le juge est laissĂ© dans le doute sur la possession, ou mis Ă mĂȘme de reconnaĂźtre que les deux parties ont une propriĂ©tĂ© Ă©gale, une possession commune ou promiscue ; dans le premier cas, il doit repousser la demande purement et simplement, puisquâelle nâest pas suffisamment justifiĂ©e et que la provision est due au dĂ©fendeur qui possĂšde ; dans le second cas, il doit dĂ©clarer que lâobjet litigieux est une propriĂ©tĂ© commune et indivise entre les parties, et les maintenir en possession dans ces termes jusquâĂ ce quâelles jugent Ă propos ou lâune dâelles de procĂ©der Ă un partage. La rĂšgle tantum prĆscriptum quantum possessum ne laisse aucun doute sur ce point. Evidemment un particulier peut acquĂ©rir par la prescription un simple droit de communautĂ© ou dâindivision dans un immeuble. 56° Pour les haies, les fossĂ©s, les murs, les constructions et plantations, le canal artificiel conduisant les eaux Ă un moulin, Ă une usine, la loi Ă©tablit en principe gĂ©nĂ©ral une prĂ©somption de propriĂ©tĂ© commune ou mitoyenne, quant aux trois premiers objets, ou une propriĂ©tĂ© entiĂšre et exclusive relativement aux autres, sauf â 633 â les exceptions rĂ©sultant de certains faits, des titres et de la prescription. La sentence de maintenue en possession exclusive des haies, fossĂ©s, murs, nâa dâautre effet que dâen assurer la possession provisoire Ă celui qui lâa obtenue, et qui peut en avoir acquis la pleine propriĂ©tĂ© par titre ou par prescription ; mais de mĂȘme que le demandeur au pĂ©titoire peut invoquer un titre Ă©crit ou la prescription, de mĂȘme aussi il peut invoquer la prĂ©somption de la loi qui forme un vĂ©ritable titre; et son adversaire peut Ă son tour combattre cette prĂ©somption, soit par titre, soit par prescription, soit mĂȘme par des prĂ©somptious contraires. La Cour de cassation lâa ainsi jugĂ© pour la baie, par arrĂȘts des 13 dĂ©cembre 1836 et 17 janvier 1838, et la solution quâelle a donnĂ©e par ces arrĂȘts, sâappliquerait Ă©galement aux fossĂ©s et aux murs. 67" Nous en dirons autant relativement aux servitudes, Ă celles qui ne peuvent sâacquĂ©rir que par titres, comme Ă celles qui peuvent sâacquĂ©rir eu outre par la possession. Le propriĂ©taire du fonds que lâon prĂ©tend asservi, et qui a succombĂ© au possessoire, ayant un titre de propriĂ©tĂ© qui rĂ©clame toujours en sa faveur, devra rĂ©ussir dans son action pĂ©titoire, si son adversaire ne prouve pas son droit de servitude par titre ou par prescription ; celui-ci aura toujours eu lâavantage de jouir de la servitude jusquâĂ la dĂ©cision au pĂ©titoire. Il en serait de mĂȘme, et par la mĂȘme raison, dans le cas oĂč le juge de paix aurait constatĂ© une possession immĂ©moriale, ainsi que nous lâavons dĂ©jĂ dit, en nous Ă©tayant dâun arrĂȘt de la Cour de cassation, du 31 juillet 1831. Il est Ă©vident que lorsque le demandeur au pĂ©titoire a prouvĂ© quâil est propriĂ©taire du fonds, câest Ă son adversaire Ă . Ă©tablir â 634 â quâil a un droit de servitude, dâusufruit ou dâusage sur ce mĂȘme fonds; car la franchise des hĂ©ritages est toujours prĂ©sumĂ©e comme Ă©tant de droit commun, et câest Ă celui qui invoque une exception et qui devient demandeur Ă en prouver lâexistence. Les mĂȘmes principes sâappliqueraient aux divers cas oĂč les lois dĂ©clarent la propriĂ©tĂ© rĂ©sulter des rĂšgles sur lâaccession ; que lâon eĂ»t succombĂ© ou rĂ©ussi sur lâaction relative Ă la possession des choses qui en sont lâobjet, la question de propriĂ©tĂ© resterait entiĂšre et devrait se rĂ©soudre dâaprĂšs ces rĂšgles, sauf la preuve contraire rĂ©sultant de titres, de prĂ©somptions ou de prescription. 68° Nous ne terminerons pas ce chapitre sans faire une observation relative aux choses appartenant au domaine public et consacrĂ©es Ă un service public. Nous avons dĂ©jĂ dit dans nos TraitĂ©s des eaux, des chemins, des actions possessoires et dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, que ces choses sont hors du commerce, Ă quels signes ou caractĂšres on pouvait les reconnaĂźtre, comment elles pouvaient rentrer dans le commerce, devenir aliĂ©nables et prescriptibles comme tous les domaines de lâEtat. Art. 2227, Code civil. Nous avons ajoutĂ© que câĂ©tait au pouvoir administratif Ă reconnaĂźtre et dĂ©clarer lâĂ©tendue du domaine public, et que si les actes de ce pouvoir laissaient intacte en principe la question de propriĂ©tĂ©, cependant en fait ils la tranchaient presque toujours, de telle sorte que lâappel Ă la juridiction ordinaire devenait trĂšs-souvent illusoire. Nous ne pouvons que confirmer ce que nous avons dit Ă cet Ă©gard, en renvoyant aux ouvrages citĂ©s, afin dâĂ©viter dâinutiles rĂ©pĂ©titions. 69 Nous terminerons ce chapitre, en rapportant tex- â 035 â tuellement quatre arrĂȘts de la Cour de cassation, que nous avons citĂ©s et qui nous semblent fortifier et confirmer les principes sur la nĂ©cessitĂ© de la preuve de propriĂ©tĂ© Ă faire par celui qui intente lâaction pĂ©litoire. Nous ferons prĂ©cĂ©der chacun de ces arrĂȘts dâune analyse des faits et de la discussion. PREMIER ARRĂT. Commune de Revonnas, contre Ăźle Rivoire. En 1834, la commune de Revonnas a formĂ©, contre le sieur Duport de Rivoire, une demande en revendication dâun terrain vain et vague, dont le dĂ©fendeur avait la possession, au moins Ă partir de 1806. A lâappui de sa demande, la commune de Revonnas articulait que de temps immĂ©morial, et jusquâen 1807, elle avait eu la possession paisible, publique, non Ă©quivoque et Ă titre de propriĂ©taire du terrain litigieux. Une enquĂȘte eut lieu sur ce point, en suite de laquelle il intervint, le 12 janvier 1836, un jugement du Tribunal de Bourg, qui accueillit la demande de la commune. Appel par le sieur Duport de Rivoire ; et le 19 mai 1841, arrĂȘt de la Cour royale de Lyon, qui infirme et maintient lâappelant dans la propriĂ©tĂ© du terrain contestĂ© attendu quâil est Ă©tabli au procĂšs quâen 1806, le sieur de Rivoire, dont les auteurs et lui sâĂ©taient toujours considĂ©rĂ©s comme propriĂ©taires dâune portion dâun terrain inculte appelĂ© le Burlatet, lâa fait dĂ©fricher, y a plantĂ© un bois et en a joui paisiblement, jusquâau mois de mai 1834, Ă©poque oĂč la commune de Revonnas lâa revendiquĂ©; que pour justifier sa demande en revendication, la commune de Revonnas a Ă©tĂ© admise, par un â 636 jugement du 30 juin 183/i, Ă prouver divers faits Ă©tablissant quâelle a joui comme propriĂ©taire du terrain contestĂ©, pendant trente ans, antĂ©rieurement Ă 1806; â attendu quâaux termes de lâart. 2229, Code civil, pour quâune jouissance constitue un droit Ă la propriĂ©tĂ©, il faut quâelle ait Ă©tĂ© paisible, publique, continue et non Ă©quivoque; quâil ne rĂ©sulte pas des enquĂȘte et contre- enquĂȘte auxquelles il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ©, que la possession de la commune de llevonnas ait eu ce caractĂšre, et quâelle ait durĂ© pendant le temps nĂ©cessaire pour Ă©tablir son droit de propriĂ©tĂ© sur le terrain litigieux. » Pourvoi en cassation, par la commune de llevonnas, pour fausse application de lâart. 2262, Code civil, et excĂšs de pouvoir, en ce que la Cour royale a attribuĂ© la propriĂ©tĂ© du terrain en litige au sieur de Rivoire, bien quâil ne produisĂźt aucun titre, et quâil nâeĂ»t pas en sa faveur une possession trentenaire. ArrĂȘt. â La Cour, attendu quâil rĂ©sulte de lâarrĂȘt attaquĂ© quâau moment oĂč la demande en revendication a Ă©tĂ© formĂ©e par le maire de la commune de llevonnas, de Rivoire Ă©tait au moins depuis vingt-huit ans en possession de lâobjet revendiquĂ©; â attendu que celui-ci devait en ĂȘtre prĂ©sumĂ© propriĂ©taire tant que la commune nâaurait point justifiĂ©, ainsi quâelle avait Ă©tĂ© admise Ă le faire, quâelle avait joui du terrain contestĂ© Ă titre de propriĂ©taire, pendant plus de trente ans avant 1806; que lâarrĂȘt constate encore que cette preuve nâa point Ă©tĂ© faite par la commune; quâen cet Ă©tat, la Cour royale, en dĂ©clarant mal fondĂ©e lâaction dirigĂ©e contre de Rivoire, sâest conformĂ©e Ă la loi ; â rejette, etc. » Du 8 fĂ©vrier 1843.âCh. req. â 637 70° DEUXIEME ARRĂT. LâĂlat contre Cognez et consorts. Lâadministration des ponts et chaussĂ©es ayant fait abattre et vendre des arbres plantĂ©s sur la route royale de ChĂąlons Ă Metz, les sieurs Cognez et consorts, qui se prĂ©tendaient propriĂ©taires de ces arbres, ont formĂ© une demande en restitution du prix. Ils soutenaient que ces arbres avaient Ă©tĂ© plantĂ©s par leurs auteurs, et Ă©taient lors de la confection de la route en dehors et Ă deux mĂštres des fossĂ©s de cette route, quâon avait depuis Ă©largie aux dĂ©pens des propriĂ©tĂ©s riveraines; enfin, que chaque riverain avait exclusivement, publiquement et sans aucune opposition recueilli les fruits et profitĂ© de lâĂ©branchage des arbres. Lâadministration des domaines rĂ©pondit que ces arbies Ă©tant plantĂ©s sur le sol mĂȘme de la route, Ă©taient, aux termes de la loi du 12 mai 1825, rĂ©putĂ©s la propriĂ©tĂ© de lâĂtat, et que la revendication nâen pourrait ĂȘtre admise quâautant que les riverains prouveraient, soit quâils les avaient acquis Ă titre onĂ©reux, soit quâils les ont plantĂ©s Ă leurs frais, preuve qui ne rĂ©sultait pas de leurs allĂ©gations. Du 2 h aoĂ»t 1843. Jugement du tribunal de ChĂąlons- sur-Marne, qui accueille la demande des sieurs Cognez et consorts â Attendu, porte ce jugement, que les talus, fossĂ©s et accotements de la route en sont les accessoires, et appartiennent, comme la route elle-mĂȘme, Ă lâEtat, pourquoi on doit supposer que le terrain sur lequel ils reposent a Ă©tĂ© acquis au mĂȘme titre que le sol de viabilitĂ©; â quâil peut seulement y avoir lieu, dans â 638 certains cas donnĂ©s, Ă faire rĂ©gler par lâautoritĂ© compĂ©tente, la largeur et lâĂ©tendue de ces talus, fossĂ©s et accotements; â attendu que, dans lâespĂšce, il est reconnu que plusieurs des arbres vendus Ă©taient plantĂ©s sur des talus et dĂ©pendances du chemin public, et que la propriĂ©tĂ© nâen peut ĂȘtre attribuĂ©e aux propriĂ©taires riverains, conformĂ©ment Ă la loi du 12 mai 1825, que lorsquâils justifient les avoir plantĂ©s; â attendu quâil rĂ©sulte de lâaspect des lieux et des profils qui les reprĂ©sentent, que les arbres vendus par lâEtat, comme lui appartenant, sur la route de lâEpine, Ă©taient plantĂ©s rĂ©guliĂšrement en ligne droite ; que la plupart Ă©taient en essence de noyer, quâon nây comptait que 2 ormes, essence de bois dur, et 37 frĂȘnes;âque lâEtat ne contestant pas aux riverains la propriĂ©tĂ© dâun grand nombre de ces arbres alignĂ©s, reconnaĂźt ainsi quâil nâa pas de moyen de justifier quâil a plantĂ© les autres; â quâon doit conclure que les riverains qui ont plantĂ© sur leurs terrains ont continuĂ© leurs plantations sur les talus pour prolonger lâalignement des arbres sans interruption ; â que la nature des arbres dĂ©montre encore quâils ont Ă©tĂ© plantĂ©s par les riverains, lâEtat nâĂ©tant pas dans lâhabitude de planter le long des routes des arbres fruitiers ou de bois tendre ; quâenfin le sol de la route ayant Ă©tĂ© successivement rehaussĂ©, et, par suite, les talus et accotements sâĂ©tant Ă©tendus de mĂȘme, un certain nombre dâarbres vendus par lâEtat comme Ă©tant sur ces talus, devaient se trouver, avant cet Ă©tat de choses, en dehors de ces talus, et sur le sol des riverains ; que ces prĂ©somptions sont de nature Ă Ă©tablir le droit de propriĂ©tĂ© des riverains sur tous les arbres qui longeaient cette partie de la route de lâEpine. » â 639 â Pourvoi en cassation par le prĂ©fet de la Marne au nom de lâadministration des domaines, pour violation des art. 558, 1302, 1353 du Code civil, et 1 er de la loi du 12 mars 1825, en ce que le jugement attaquĂ© pour dĂ©cider que les arbres nâĂ©taient pas la propriĂ©tĂ© de lâEtat, qui en Ă©tait prĂ©sumĂ© propriĂ©taire, aux termes de la loi du 1 er mai 1825, sâĂ©tait fondĂ© non sur un acte Ă©crit, qui seul pouvait ĂȘtre admis pour combattre et contredire les droits de lâEtat, mais sur de simples prĂ©somptions dĂ©pourvues de tout caractĂšre lĂ©gal. ArrĂȘt. â La Cour, attendu que tout en Ă©tablissant une prĂ©somption de propriĂ©tĂ© en faveur de celui sur le terrain duquel des constructions ou plantations ont Ă©tĂ© faites, lâart. 553 du Code civil rĂ©serve la preuve contraire; attendu que la mĂȘme disposition se trouve dans lâart. 1 er de la loi du 12 mai 1825, relativement aux arbres plantĂ©s sur et le long des grandes routes, puisquâil autorise les riverains Ă en rĂ©clamer la propriĂ©tĂ©, sâils Ă©tablissent ou quâils les ont acquis Ă titre onĂ©reux, ou quâils les ont plantĂ©s Ă leurs frais ; attendu que la preuve autorisĂ©e par ces articles ne doit pas, sauf le cas dâacquisition, Ă titre onĂ©reux, rĂ©sulter nĂ©cessairement dâun acte Ă©crit, et que cette preuve peut ĂȘtre faite par tous les moyens que la loi autorise; que lorsquâil est question dâĂ©tablir un fait, la preuve testimoniale est admissible; quâainsi, aux termes de lâart. 1353, on peut admettre des prĂ©somptions, pourvu quâelles soient graves, prĂ©cises et concordantes; attendu que les tribunaux ont le droit dâapprĂ©cier souverainement les faits et de statuer sur la gravitĂ©, la prĂ©cision et la concordance des prĂ©somptions ; attendu que le jugement attaquĂ© a jugĂ© en fait, et en sâappuyant sur diverses prĂ©somptions dĂ©- â 640 â veloppĂ©es dans ses motifs, que les dĂ©fendeurs ont prouvĂ© que les arbres, dont le prix a Ă©tĂ© revendiquĂ©, ont Ă©tĂ© plantĂ©s Ă leurs frais; attendu, dĂšs lors, quâen leur attribuant le prix des arbres vendus par lâadministration, ce jugement sâest conformĂ© Ă lâart. 1 er de la loi du 12 mai 1825, et nâa violĂ© ni lâart. 553 du Code civil, ni aucunes autres dispositions du Code relatives aux prĂ©somptions lĂ©gales; rejette, etc. » Du 24 fĂ©vrier 1845, Chambre civile. 71 " TROISIĂME ARRĂT *. Renault contre la commune de Velizy. Un sieur Renault Ă©tait propriĂ©taire de la ferme de VĂ©lizy, dâorigine nationale, sise commune de ce nom, arrondissement de Versailles, quâil avait acquise de Mâ' Guillaume, qui elle-mĂȘme la tenait de celui qui en Ă©tait devenu adjudicataire. Un terrain traversant une des dĂ©pendances de la ferme avait Ă©tĂ© possĂ©dĂ© par le sieur Renault et ses prĂ©dĂ©cesseurs, lorsquâen 1834 la commune lâinscrivit sur le tableau de ses chemins vicinaux, en reconnaissant toutefois expressĂ©ment la possession du sieur Renault, et en lui rĂ©servant la question de propriĂ©tĂ©, et peu de temps aprĂšs assigna ce particulier devant le Tribunal de Versailles pour se faire dĂ©clarer propriĂ©taire de ce terrain, faire condamner le sieur Renault Ă lui en restituer la possession et Ă lui payer des dommages-intĂ©rĂȘts Ă raison de la jouissance que lui et ses auteurs en avaient eue. Elle prĂ©tendait que ce terrain avait toujours eu le carac- ' ArrĂȘt trĂšs-important, trĂšs-remarquable. â 641 â tĂšre de chemin public, invoquait le classement et la vente nationale qui suivant elle excluait ce terrain litigieux de la vente. Le sieur Renault repoussa cette prĂ©tention, soutenant que, bien avant lâadjudication nationale, ce terrain avait Ă©tĂ© incorporĂ© Ă la ferme, et Ă©tait considĂ©rĂ© comme en faisant partie intĂ©grante ; quâil Ă©tait compris dans lâadjudication nationale ; que ses vendeurs et lui en avaient eu constamment la possession, lui en avaient transmis la propriĂ©tĂ©, et que le classement nâavait pu lâen priver. Un premier jugement renvoie les parties devant lâadministration pour lâinterprĂ©tation de la vente. 11 est dĂ©clarĂ© que ses termes sont insuffisants pour juger la question qui ne peut ĂȘtre dĂ©cidĂ©e que par les anciens titres et autres moyens du droit commun. Les parties en revinrent au Tribunal de Versailles qui adjugea la propriĂ©tĂ© Ă la commune, tout en reconnaissant la possession de M. Renault, et refusa dâallouer une indemnitĂ© pour les fruits, attendu que ce dernier avait possĂ©dĂ©, de bonne foi. La Cour dâappel de Paris confirma en adoptant les motifs des premiers juges. Le sieur Renault sâĂ©tant pourvu en cassation, en se fondant sur ce quâĂ©tant en possession de lâobjet litigieux et dĂ©fendeur, la commune ne pouvait obtenir gain de cause quâen prouvant sa propriĂ©tĂ© ; quâil ne suffisait pas de dire quâil nâavait pas prouvĂ© sa propriĂ©tĂ©, et dâinvoquer le classement ou la vente nationale, dĂ©clarĂ©e insuffisante, il intervint le 22 novembre 1847 Deville- neuve et Carette, 1848-1 -24, arrĂȘt de cassation dans lequel on lit les motifs suivants Vu lâart. 1315 du Code civil ; attendu que pour Ă©carter le bĂ©nĂ©fice de la possession et de la bonne foi de Re- 41 042 â nault, quant Ă la propriĂ©tĂ© du terrain litigieux, lâarrĂȘt attaquĂ© sâest fondĂ© uniquement sur les plans, enquĂȘtes et actes administratifs qui ont dĂ©terminĂ© le classement du terrain comme chemin vicinal, lesquels nâont pu avoir pour objet que la destination donnĂ©e par lâautoritĂ© audit terrain, sans rien prĂ©juger sur la question du procĂšs, rĂ©servĂ©e par lâarrĂȘtĂ© mĂȘme de classement, Ă savoir la propriĂ©tĂ© antĂ©rieure de ce terrain et les indemnitĂ©s qui pouvaient en ĂȘtre la consĂ©quence ; attendu, sur cette question du procĂšs, que ledit arrĂȘt sâest bornĂ© Ă dĂ©clarer que Renault ne justifiait pas de sa propriĂ©tĂ© antĂ©rieure, sans Ă©tablir que cette propriĂ©tĂ© antĂ©rieure appartint Ă la commune de VĂ©lizv, autrement quâen se rĂ©fĂ©rant aux actes de vente nationale mentionnĂ©s ci-dessus, dĂ©clarĂ©s insuffisants sur ce point par lâautoritĂ© qui Ă©tait compĂ©tente pour les interprĂ©ter ; attendu en droit quâaux termes de lâart, prĂ©citĂ© du Code civil, ce nâĂ©tait pas Ă Renault qui Ă©tait dĂ©fendeur, et avait la possession, quâincombait lâobligation de prouver le droit de propriĂ©tĂ©, mais bien Ă la commune qui le revendiquait, par lâaction quelle avait intentĂ©e contre lui ; dâoĂč il suit quâen dĂ©cidant comme il lâa fait, ledit arrĂȘt a formellement mĂ©connu le principe Ă©crit dans lâarticle 1315 du Code civil, qui impose Ă tout demandeur lâobligation de justifier de son droit, et quâen consĂ©quence, il a expressĂ©ment violĂ© ledit article ; casse. » 72° QUATRIĂME ARRĂT. SĂ©guin contre commune de Fos. Le 9 octobre 1839, les sieurs SĂ©guin frĂšres se rendirent adjudicataires des marais Paludset JoncquiĂšres, si- â 643 â tuĂ©s au terroir de la commune de Fos, de la contenance de l,93Zi hectares environ, appartenant, est-il dans lâacte, pour moitiĂ© aux hoirs de feu Charles-Michel-Anne dâAr- cussia, et pour lâautre moitiĂ© Ă la dame de Renaud dâAllen, tous reprĂ©sentant le sieur de Porcellet, leur ancĂȘtre. Le 25 juin 1848, le garde particulier des sieurs SĂ©guin dressa procĂšs-verbal, constatant quâil avait trouvĂ© le sieur Joseph Aymard, propriĂ©taire, coupant du bois sur le coussou, au pĂąturage dit de Guignonnet, appartenant aux sieurs SĂ©guin. Le sieur Aymard ayant Ă©tĂ© citĂ© en police correctionnelle, la commune de Fos intervint pour prendre son fait et cause, et demanda Ă ĂȘtre renvoyĂ©e Ă fins civiles, afin dâĂ©tablir ses droits Ă la propriĂ©tĂ© du coussou du Guignonnet. Ce renvoi ayant Ă©tĂ© prononcĂ©, la question de propriĂ©tĂ© fut portĂ©e devant le Tribunal civil dâAix, et la commune, agissant comme demanderesse, conclut Ă ĂȘtre dĂ©clarĂ©e seule et lĂ©gitime propriĂ©taire des terrains communaux dont il sâagit, et dĂ©nommĂ©s du Grand-PĂątis et de Guignonnet, et Ă ce que, en consĂ©quence, dĂ©fense fĂ»t faite aux sieurs SĂ©guin de la troubler Ă lâavenir dans la propriĂ©tĂ© et jouissance entiĂšre desdits coussous, etc. â La commune reconnaissait quâelle nâavait pas de titres Ă lâappui de sa demande, mais elle prĂ©tendait quâelle avait acquis la chose revendiquĂ©e par une possession trentenaire Ă titre de propriĂ©taire. 17 aoĂ»t 1849, jugement qui dĂ©clare la commune mal fondĂ©e dans sa demande, attendu que cette commune Ă©tant usagĂšre des biens revendiquĂ©s, nâa pu en prescrire la propriĂ©tĂ©, et quâelle nâa ni titre ni possession. Appel par la commune, qui a soutenu quâelle avait â GU â possĂ©dĂ© Ă titre de propriĂ©taire, et que les objets litigieux nâavaient pas Ă©tĂ© compris dans lâadjudication du 9 octobre 1839, au profit des sieurs SĂ©guin. 12 juin 1850, arrĂȘt de la Cour dâAix, qui ordonne lâapplication sur les lieux des titres des sieurs SĂ©guin, et aprĂšs cette application faite, 1 er aoĂ»t 1851, arrĂȘt dĂ©finitif qui dĂ©cide dâabord que les pĂąturages litigieux nâont pas Ă©tĂ© compris dans lâadjudication consentie aux sieurs SĂ©guin en 1839, et qui ensuite sâexprime en ces termes â Attendu, quant Ă la possession annale, que les intimĂ©s nâen ont pas la saisine, nâont rien fait pour lâobtenir, et nâallĂšguent aucun fait Ă lâappui dâune telle prĂ©tention, et quâil suit de lĂ que les intimĂ©s sont non recevables Ă contester Ă la commune la possession, si elle en fournit la preuve contre eux ; â attendu, quant Ă cette preuve de possession de la commune, quâil lui a Ă©tĂ© certainement facultatif de prendre fait et cause de lâun de ses communistes, poursuivi correctionnellement pour avoir coupĂ© du bois dans une propriĂ©tĂ© possĂ©dĂ©e par elle, Ă lâexclusion des intimĂ©s, et de renoncer ainsi Ă lâaction possessoire qui aurait pu lui compĂ©ter ; â attendu quâil est de doctrine et de rĂšgle de droit que, sans une juste cause, la dĂ©tention nâest quâune usurpation câest ce quâenseigne Domat, et avec la loi romaine, il enseigne aussi que câest encore en vue de la possession, si elle a commencĂ© par un mauvais titre comme dans lâespĂšce, que, si la question de possession se trouvait douteuse, ne paraissant pas assez de fondement pour maintenir lâun des possesseurs, le possessoire serait jugĂ© en faveur de celui qui aurait le titre le plus apparent, ou lâon ordonnerait que la chose litigieuse serait mise en sĂ©questre jusquâĂ ce que la question de propriĂ©tĂ©, ou â 645 celle de la possession, aurait Ă©tĂ© jugĂ©e; il enseigne encore que la troisiĂšme cause de la dĂ©tention est lâusurpation par voie illicite, et cette maniĂšre de dĂ©tention ne mĂ©rite pas le nom de possession. Ainsi, ajoute-t-il, câest par la cause de la dĂ©tention quâil faut juger si une dĂ©tention est une possession ou seulement une usurpation ; il enseigne encore que la vraie possession est celle du maĂźtre Proprietas apossessione separari non potest, etc., ff. de acq. vel. amitt; toutes maximes qui repoussent les exceptions et la possession des intimĂ©s ; â et quant Ă la possession de la commune ; â attendu quâil rĂ©sulte dâactes nombreux, authentiques et non contestĂ©s, quant Ă leur contenu, que, Ă partir de 1762 jusquâen 1813, la commune de Fos a pris et continuĂ© la possession des deux coussous litigieux, et cela sans opposition dont il apparaisse ; â attendu en dernier lieu, quâil rĂ©sulte des laits de la cause que la commune a interverti son titre dâusage par la contradiction formelle et constante quâelle a opposĂ©e au droit de propriĂ©taire... â Par ces motifs, dĂ©clare que la commune de Fos est seule et lĂ©gitime propriĂ©taire des terrains situĂ©s dans ladite commune, et dĂ©signĂ©s sous les noms de du Grand-PĂątis et de coussou du Guignonnet, » Pourvoi en cassation par les sieurs SĂ©guin, pour violation de lâart. 26 du Gode de procĂ©dure, et des principes consacrĂ©s par les art. 1315, 1352 et 2230 du Code NapolĂ©on, et pour fausse application des art. 2228, 2238 et 2262 du mĂȘme Code, en ce que lâarrĂȘt attaquĂ© a attribuĂ© la propriĂ©tĂ© des objets litigieux Ă la commune de Fos, bien quelle nâeĂ»t aucun titre, et quâen agissant par voie dâaction pĂŽtitoire, elle eĂ»t reconnu quâelle nâavait pas la possession. â 646 â ArrĂȘt. â La cour, attendu que si, aux termes de lâart. 26 du Code de procĂ©dure, lâintroduction dâune instance au pĂ©titoire a pour consĂ©quence dâempĂȘcher celui qui lâa engagĂ©e de recourir ultĂ©rieurement Ă lâaction pos- sessoire, et sâil se trouve ainsi privĂ© de lâavantage quâil aurait eu Ă se dĂ©fendre du trouble apportĂ© Ă sa poursuite par la seule force de la possession annale, et sans avoir besoin dâĂ©tablir son droit de propriĂ©tĂ© par titre ou par prescription, il ne rĂ©sulte nĂ©anmoins, ni du texte dudit art. 26, ni de lâensemble des dispositions de la loi sur cette matiĂšre, que lâart. 26 puisse ĂȘtre entendu en ce sens, que la demande au pĂ©titoire implique nĂ©cessairement de la part du demandeur, soit un aveu tacite que la possession appartient Ă son adversaire, soit une renonciation Ă se prĂ©valoir lui-mĂȘme de cette possession comme servant de base Ă la prescription ; â attendu, dĂšs lors, que la Cour dâappel dâAix, ayant constatĂ© en fait que la possession des immeubles litigieux appartenait, au moment oĂč la demande a Ă©tĂ© formĂ©e, non Ă SĂ©guin frĂšres et consorts, mais Ă la commune de Fos, a pu sans violer lâart. 26 du Code de procĂ©dure, ni aucune des dispositions du Code NapolĂ©on sur la prescription et la possession, et quoique la commune figurĂąt au procĂšs comme demanderesse au pĂ©titoire, ordonner dâabord par son arrĂȘt du 12 juin 1850, lâapplication aux lieux contentieux des titres produits au procĂšs, et notamment du procĂšs-verbal dâadjudication en vertu duquel lesdits SĂ©guin frĂšres et consorts se prĂ©tendaient propriĂ©taires, et dĂ©cider ensuite dans son arrĂȘt dĂ©finitif du 1 er aoĂ»t 1851, et par une apprĂ©ciation souveraine des faits et actes de la cause, dâune part, que la commune de Fos justifiait, Ă lâĂ©gard des immeubles litigieux, dâune possession Ă titre 647 â de propriĂ©taire, non interrompue depuis 1762 jusquâĂ lâorigine du procĂšs, et capable de fonder la prescription ; et, dâautre part, que les titres produits par les frĂšres SĂ©guin et consorts Ă©taient insuffisants, non-seulement pour contrebalancer la possession de la commune, mais encore pour donner aux frĂšres SĂ©guin et consorts le droit de contester lâexistence et le caractĂšre de cette possession ; rejette, etc. » Du 9 juin 1852. â Ch. req. â 648 â CHAPITRE TROISIĂME. DES INSTANCES SUR LES ACTIONS TĂTITOIKES. â DES JUGEMENTS ET DES VOIES DE RECOURS DONT ILS PEUVENT ĂTRE LâOBJET. SOMMAIRE 73° En gĂ©nĂ©ral, il doit y avoir essai de conciliation avant lâaction pĂ©titoire. â Juge de paix compĂ©tent. 74° Dans les actions contre lâĂtat, les dĂ©partements, les communes, il y a lieu au dĂ©pĂŽt prĂ©alable dâun mĂ©moire Ă la prĂ©fecture. â Jurisprudence de la Cour de cassation sur lâexĂ©cution de cette formalitĂ©. 75" Mais cette formalitĂ© est inapplicable au cas oĂč lâĂtat, les dĂ©partements, les communes sont demandeurs contre des par- liculiers. â Secus Ă l'Ă©gard des procĂšs de lâĂtat, des dĂ©partements, des communes entre eux. 76° AprĂšs lâessai infructueux de conciliation, ou lâobservation des formalitĂ©s et lâexpiration des dĂ©lais prescrits par les lois de 90, 1837 et 1838, le demandeur doit rechercher quel est le Tribunal compĂ©tent. 77° Les juges de paix ne connaissent jamais des actions pĂ©titoires. 78° Les tribunaux civils dâarrondissement connaissent seuls de ces actions en premiĂšre instance. â Lorsque lâaction est purement rĂ©elle, le Tribunal de la situation de lâobjet litigieux est seul compĂ©tent. â En cas d'action mixte, le demandeur a le choix entre le Tribunal de la situation et celui du domicile du dĂ©fendeur. â En quels cas les actions sont rĂ©elles ou mixtes. â Dissentiment avec Pothier, RodiĂšre, Chauveau, sur quelques points. Quid des actions pour servitudes naturelles ou lĂ©gales? 79° Immeubles par destination considĂ©rĂ©s en eux-mĂ©mes ne peuvent donner lieu Ă lâaction pĂ©titoire; secus avec lâobjet principal. â Actions en payement de champart, complanl, dâun cens, d'une rente fonciĂšre en argent, en dĂ©claration dâhypothĂšque, en dĂ©laissement ne sont pas pĂ©titoires. â 649 80° Exceptions Ă la compĂ©tence du Tribunal de la situation ou du domicile du dĂ©fendeur, en matiĂšre de sociĂ©tĂ©, de faillite, de partage de succession ou en cas dâĂ©lection de domicile. 81° De ceux qui ont capacitĂ© pour intenter les actions pĂštitoircs ou pour y dĂ©fendre, et de ceux qui sont reprĂ©sentĂ©s par des tiers mineurs, interdits, Ă©mancipĂ©s, femmes mariĂ©es, Ătat, dĂ©partements, communes, liste civile, Ă©trangers, crĂ©anciers, etc., etc. 82° Comment lâobjet litigieux doit ĂȘtre dĂ©signĂ© dans lâexploit dâajournement. 83° Action doit ĂȘtre dirigĂ©e contre le possesseur ou dĂ©tenteur en cas de dĂ©possession ou de trouble dans la possession ou la propriĂ©tĂ©. â DiffĂ©rence entre lâun et lâautre. â ConsĂ©quences. â Opinion de Joccotton. 84° Action en cas de propriĂ©tĂ© commune et de possession promis- cue. â DĂ©possession. â Partage. 83» Cas de dĂ©nĂ©gation de possession ou de trouble par le dĂ©fendeur, ou de dĂ©fense Ă lâaction comme sâil Ă©tait possesseur quoique ne lâĂ©tant pas. 86° Cas de perte de la possession par le dĂ©fendeur, avant le jugement. 87" Cas oĂč lâaction pĂ©titoire peut ĂȘtre intentĂ©e contre les hĂ©ritiers, pour le fonds et les fruits. 88" Vente et mise en possession simulĂ©es nâempĂȘchent pas lâaction contre le vrai propriĂ©taire et possesseur et contre le complice de la simulation. 89" Le demandeur doit ĂȘtre propriĂ©taire au moment de lâaction et du jugement; quid, sâil ne lâĂ©tait devenu que depuis lâaction? 90° Justification Ă faire par le demandeur. 91° Marche Ă suivre par le dĂ©fendeur et ses obligations ; ses droits jusquâĂ la dĂ©cision. â SĂ©questre par exception. 92° Immeuble ayant pĂ©ri avant ou pendant la litiscontestalion. 93° Voies de recours contre le jugement, de deux sortes ordinaires, extraordinaires. 94° Appel; dans quels cas. PremiĂšre condition que le jugement soit en premier ressort. 93° Cas oĂč le jugement est en premier ressort; cas oĂč il est en dernier ressort. â Fin de non recevoir, tirĂ©e du dernier ressort, est dâordre public et peut ĂȘtre suppléée dâoffice par les juges. â 630 â 96° Tout ce qui est dit dans le prĂ©sent chapitre sâapplique Ă la pĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ©. â Ch. Dumoulin. â Explications. 97â Renvoi au Code de procĂ©dure pour la requĂȘte civile, la tierce opposition, la prise Ă partie. â DĂ©finition de la compĂ©tence et des attributions de la Cour de cassation. 73° La premiĂšre chose Ă faire relativement Ă lâinstance sur lâaction pĂ©titoire, câest de la faire prĂ©cĂ©der du prĂ©liminaire de conciliation art. 48 du Code de procĂ©dure civile, Ă moins que lâaffaire ne se trouve dans lâun des cas dâexception Ă©noncĂ©s en lâart. 49 du mĂȘme Code. Le juge de paix, compĂ©tent sur ce prĂ©liminaire, est toujours celui du domicile du dĂ©fendeur, bien que lâaction soit nĂ©cessairement rĂ©elle et quelquefois mixte. 74° Mais il est des cas oĂč, malgrĂ© la dispense de lâessai de conciliation, le demandeur au pĂ©titoire est soumis Ă une formalitĂ© prĂ©alable. Ainsi en matiĂšre domaniale, celui qui veut attaquer lâEtat doit, aux termes de lâart. 15 du titre 3, de la loi du 28 octobre â 5 novembre 1790, adresser prĂ©alablement au prĂ©fet du dĂ©partement, un mĂ©moire expositif de la demande, Ă peine de nullitĂ©. DâaprĂšs lâart. 37 de la loi du 10 mai 1838, aucune action ne peut ĂȘtre intentĂ©e contre un dĂ©partement Ă peine de nullitĂ©, avant le dĂ©pĂŽt Ă la prĂ©fecture dâun semblable mĂ©moire. MalgrĂ© la peine de nullitĂ© prononcĂ©e par la premiĂšre de ces lois, la Cour de cassation, Chambre des requĂȘtes, a dĂ©cidĂ©, les 20 aoĂ»t 1833 et 20 janvier 1845, que lâassignation pouvait ĂȘtre donnĂ©e avant dĂ©pĂŽt du mĂ©moire, pourvu que ce dĂ©pĂŽt eĂ»t lieu avant toute procĂ©dure de la part du demandeur et de la part de lâEtat. On jugerait â 651 probablement de mĂȘme pour les affaires dĂ©partementales, puisque la loi de 1838 est conçue dans des termes identiques Ă ceux de la loi de 90. Toutefois, en prĂ©sence des dispositions trĂšs-formelles de ces deux lois, nous croyons que la jurisprudence pourrait changer et quâil est plus sĂ»r de dĂ©poser le mĂ©moire, dâattendre la rĂ©ponse du prĂ©fet ou lâexpiration des dĂ©lais fixĂ©s par les lois prĂ©citĂ©es, avant dâintenter lâaction. Deux autres arrĂȘts de la mĂȘme Cour, des 26 dĂ©cembre 1836 et 31 mai 1837, ont dĂ©cidĂ© que la loi de 1790 ne sâapplique pas aux demandes formĂ©es en exĂ©cution de lâart. 58 du Code forestier, par des concessionnaires dâaffectations dans les bois de lâEtat qui veulent faire reconnaĂźtre, par les tribunaux, la rĂ©gularitĂ© de leurs titres. Enfin lâart. 51 de la loi du 18 juillet 1837 exige aussi le dĂ©pĂŽt prĂ©alable dâun mĂ©moire adressĂ© au prĂ©fet, avant dâintenter un procĂšs Ă une commune ou section de commune, et quoique cette loi ne prononce pas la peine de nullitĂ© en cas dâinfraction, que consĂ©quemment la jurisprudence de la Cour de cassation soit ici Ă©galement applicable, nous croyons, dâaprĂšs les termes impĂ©ratifs de la loi du 18 juillet, que nos observations sur cette jurisprudence doivent aussi sâappliquer aux procĂšs contre les communĂ©s. 75° Mais le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire et les autres formalitĂ©s ou dĂ©lais prescrits par les lois prĂ©citĂ©es, ne sont pas applicables Ă lâEtat, aux dĂ©partements et communes qui intentent des actions contre des particuliers, câest-Ă -dire qui seraient demandeurs. ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 6 janvier 1852. Cependant lâEtat, le dĂ©partement, la commune, qui intenteraient lâun contre lâautre une action â 652 â pĂ©titoire, seraient tenus Ă lâobservation de ces formalitĂ©s. 76° AprĂšs lâessai infructueux de conciliation , lorsque lâaffaire nâen est pas dispensĂ©e, ou lâobservation des formalitĂ©s et dĂ©lais prescrits par les lois de 90,1837,1838, le demandeur doit rechercher avec soin quel est le Tribunal compĂ©tent, pour connaĂźtre de son action au fond. 77° Les juges de paix ne peuvent jamais connaĂźtre, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit n° 18, des actions pĂ©titoires. Quelque minime que soit la valeur de lâimmeuble ou du droit immobilier qui fait lâobjet du litige, le Tribunal civil de lâarrondissement est seul compĂ©tent. Cette solution sâappliquerait Ă un terrain de quelques pieds vain et vague, ne rapportant rien et dâun usage nul ou bien affermĂ© un franc par an. En effet, la loi du 2/i avril 1790, celles des 11 avril et 25 mai 1838, ne dĂ©fĂšrent aux juges Ăźle paix que les actions personnelles mobiliĂšres, jusquâĂ une somme modique, et quant aux actions immobiliĂšres, que celles relatives Ă la possession, Ă des indemnitĂ©s et dommages-intĂ©rĂȘts,Ă des opĂ©rations purement matĂ©rielles. 78° DâaprĂšs lâart. 59 du Code de procĂ©dure, titre des ajournements, en matiĂšre rĂ©elle, le dĂ©fendeur doit ĂȘtre assignĂ© devant le Tribunal de la situation de lâobjet litigieux, et en matiĂšre mixte devant le juge de la situation de lâobjet litigieux ou devant le juge du domicile du dĂ©tendeur ; ainsi en matiĂšre mixte, le demandeur a le choix entre deux tribunaux. Or, lâaction pĂ©titoire tendant Ă obtenir la propriĂ©tĂ© dâun immeuble ou dâun droit foncier sur un immeuble est toujours rĂ©elle ; quelquefois elle est rĂ©elle et personnelle, câest-Ă -dire mixte. Sâil nây a pas obligation personnelle du dĂ©fendeur, elle devra ĂȘtre portĂ©e devant le juge de la situation. Mais parfois, une obligation per- sonnelle se joindra Ă la possession de lâimmeuble, soit quâil ait Ă©tĂ© vendu, Ă©changĂ©, donnĂ© par le dĂ©fendeur qui en aura indĂ»ment conservĂ© la possession et perçu les fruits, soit que ces faits remontent Ă son auteur dont il serait hĂ©ritier Ă titre universel car lâobligation personnelle de lâauteur passe Ă ses hĂ©ritiers Ă titre universel, Pothier, RodiĂšre. Et alors le demandeur, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, pourra assigner Ă son choix ou devant le juge de la situation, ou devant celui du domicile du dĂ©fendeur. Nous pensons quâĂ moins de raisons particuliĂšres, il devra opter pour le premier ; le procĂšs sera ainsi moins coĂ»teux, plus facile et plus prompt Ă juger dans les cas dâenquĂȘte, de visite de lieux, dâexpertise, et les magistrats devront mieux connaĂźtre la cause. Mais si lâaction pĂ©dtoire Ă©tait dirigĂ©e contre un tiers qui nâaurait pas contractĂ© dâobligation personnelle, relativement Ă lâimmeuble revendiquĂ©, et qui ne serait pas hĂ©ritier de celui qui lâaurait donnĂ©, vendu ou Ă©changĂ©, alors cette action ne serait pas mixte, lors mĂȘme quâelle conclurait Ă des comptes et restitutions de fruits, Ă des indemnitĂ©s de dĂ©gradations, car ces rĂ©clamations accessoires ne pourraient changer la nature de lâaction principale ; au contraire, elles doivent en suivre la nature, dâaprĂšs la maxime accessorium sequitur vicem rei princi- palis; le demandeur nâaurait donc pas le choix entre le Tribunal de la situation de lâimmeuble et celui du domicile du dĂ©fendeur ; il serait obligĂ© desâ adresser au premier. Lorsquâil sâagit de faire exĂ©cuter par le donateur, le vendeur ou lâĂ©changiste, lâacte dâaliĂ©nation quâil a souscrit en faveur du demandeur au pĂ©titoire, ou de la part des premiers de faire annuler ou rĂ©soudre ces actes, de faire rĂ©duire les donations comme excĂ©dant la portion 654 â disponible, et de se faire remettre en possession des immeubles, lâobligation personnelle est pour ainsi dire lâobjet principal du dĂ©bat. On veut la faire juger et apprĂ©cier pour parvenir Ă avoir la possession de lâimmeuble, comme consĂ©quence de la dĂ©cision sur cette obligation personnelle. La dĂ©livrance de lâimmeuble nâest que secondaire, les fruits et indemnitĂ©s de dĂ©gradations ne sont Ă leur tour quâun accessoire de la dĂ©livrance de lâimmeuble. Lâaction est personnelle dans son point de dĂ©part, dans son principe, et dirigĂ©e contre la chose, dans son but ou sa fin ; elle est personnelle et contre la chose, perĂżonalis in rem scripta ; elle est donc mixte et le demandeur peut choisir entre le Tribunal de la situation et celui du domicile du dĂ©fendeur. Quand, au contraire, le possesseur de l'immeuble nâest pas personnellement obligĂ©, lâaction est dirigĂ©e principalement contre la chose. Si le demandeur ne peut se la faire dĂ©livrer quâen prouvant quâil en est propriĂ©taire, ce nâest pas toutefois dans une obligation souscrite par le dĂ©fendeur quâil puise cette preuve; par consĂ©quent alors, la chose est lâobjet principal de la demande, et nous pensons contrairement Ă lâopinion de Pothier, de la Revendication, que les fruits, les dommages-intĂ©rĂȘts nâen Ă©tant que les accessoires, ne peuvent ĂȘtre pris en considĂ©ration pour le rĂšglement de la compĂ©tence qui appartient exclusivement au Tribunal de la situation ; câest aussi lâopinion de M. RodiĂšre, professeur de procĂ©dure Ă Toulouse, t. I, p. lie, et câest dans ce sens que la Cour de cassation sâest prononcĂ©e *. Lâaction par laquelle le vendeur dâun immeuble de- 0 ArrĂȘt du 3 aoĂ»t 1847; Devil. et Car. 1847-1-802. â 655 â manderait que lâacheteur fĂ»t tenu de rĂ©aliser le contrat de vente, de payer le prix, avec offre de dĂ©livrer la chose, ne pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e, ni comme une action pĂ©ti- toire, ni mĂȘme comme une action rĂ©elle. Le demandeur en effet ne rĂ©clame pas la propriĂ©tĂ© ; au contraire il reconnaĂźt quâelle appartient Ă son adversaire et son action nâa dâautre but que de lui faire obtenir le prix consistant en numĂ©raire, en vertu de lâobligation personnelle con- contractĂ©e par lâacquĂ©reur *. Mais il en serait diffĂ©remment dans les cas oĂč il sâagirait de lâexĂ©cution dâun acte dâĂ©change dâimmeubles, puisque lâaction tendrait Ă se faire reconnaĂźtre propriĂ©taire dâun immeuble et Ă sâen faire mettre en possession. M. llodiĂšre, professeur Ă Toulouse, t. I, p. 115, tout en disant que rien nâest plus difficile Ă dĂ©terminer que la nature et les conditions des actions mixtes, tend Ă les multiplier singuliĂšrement contre lâopinion de son collĂšgue M. Chauveau, professeur de la mĂȘme facultĂ©. En effet, tandis que celui-ci va mĂȘmejusquâĂ nier lâexistence des actions mixtes, le premier reconnaĂźt le caractĂšre et donne le nom de ces actions aux demandes en nullitĂ©, rĂ©vocation ou rĂ©duction des divers actes dâaliĂ©nation dont nous avons parlĂ©, intentĂ©es contre les tiers acquĂ©reurs, tout comme si elles lâĂ©taient contre les acquĂ©reurs primitifs, ne mettant ainsi aucune diffĂ©rence entre les unes et les autres. Nous ne saurions admettre une semblable opinion. Nous ne pouvons voir dans lâacquisition des tiers cette obligation personnelle tacite quây trouve M. RodiĂšre, obligation qui nâexiste pas et qui dâailleurs ne saurait * 5 mars 1850, mĂȘme Cour, mĂȘme recueil 1830-1â160. â 636 â suffire pour dĂ©roger Ă la simple rĂ©alitĂ©, qui oblige Ă saisir le Tribunal de la situation exclusivement. Nous considĂ©rons avec M. RodiĂšre, comme purement rĂ©elles, les demandes qui nâont trait quâĂ des servitudes dĂ©rivant de la situation des lieux ou de lâautoritĂ© de la loi, parce que les parties ne peuvent ĂȘtre Ă cet Ă©gard respectivement obligĂ©es, quâĂ raison des immeubles quâelles dĂ©tiennent, ce qui exclut toute idĂ©e de lien personnel. On peut voir aussi le trĂšs-bon TraitĂ© des actions civiles de M. Joccotton. 79° Les objets mobiliers que la loi dĂ©clare immeubles par destination, ne nous paraissent pas pouvoir donner lieu Ă une action pĂ©titoire, lorsquâils sont seuls lâobjet dâune demande de la part de celui qui nâĂ©lĂšverait aucune prĂ©tention Ă lâobjet principal. La demande ne pourrait ĂȘtre immobiliĂšre et pĂ©titoire que lorsquâelle comprendrait la chose principale, et les objets mobiliers accessoires comme consĂ©quence de la propriĂ©tĂ©. Les actions en payement dâun champart, dâun com- plant, dâun cens, dâune rente fonciĂšre en argent, en dĂ©claration dâhypothĂšque, quoique pouvant ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme rĂ©elles et assujetties aux formalitĂ©s prescrites par lâarticle 64 du Code de procĂ©dure *, ne sont pas des actions pĂ©titoires, et nous nâavons pas Ă nous en occuper. Nous en dirons autant de lâaction en dĂ©laissement intentĂ©e contre un tiers dĂ©tenteur. Code civil, 2166 Ă 2179. 80° Ru reste, il y a exception Ă la rĂšgle que nous avons posĂ©e sur la compĂ©tence du Tribunal de la situation de lâimmeuble ou du domicile du dĂ©fendeur, en matiĂšre de âą 6 juin 1848, mCmcs Cour et recueil 1848-1-496. â G57 â sociĂ©tĂ©, tant quâelle existe, en matiĂšre de faillite, de par- tagede succession, en cas dâĂ©lection de domicile. Ces exceptions sont Ă©noncĂ©es en lâart. 59 du Code de procĂ©dure auquel nous renvoyons. On trouvera en outre dans les diffĂ©rents commentateurs du Code de procĂ©dure, que nous avons dĂ©jĂ eu occasion de citer, et dans le traitĂ© assez rĂ©cent de M. Joccotton sur les actions civiles, tous les dĂ©veloppements propres Ă bien faire saisir le sens et la portĂ©e des exceptions que nous venons de signaler. 81° Dans bien des cas, les actions pĂ©titoires sont intentĂ©es non par les propriĂ©taires personnellement, mais par des reprĂ©sentants lĂ©gaux, des administrateurs, des crĂ©anciers exerçant les droits de leurs dĂ©biteurs pour parvenir Ă la conservation des droits ou au payement de leurs crĂ©ances. Cela nâest point contraire au principe posĂ© n" 31, que la premiĂšre condition, pour intenter lâaction pĂ©titoire, est dâĂŽtre propriĂ©taire de la chose rĂ©clamĂ©e, puisque ces diverses personnes sont des mandataires ou reprĂ©sentants, et que le propriĂ©taire agit par leur entremise. Les actions pĂ©titoires qui intĂ©ressent des mineurs ou des interdits, ne peuvent ĂȘtre intentĂ©es que par leurs tuteurs ou contre eux, et si le tuteur est demandeur, il doit ĂȘtre prĂ©alablement autorisĂ© par le conseil de famille. Il peut dĂ©fendre sans autorisation, mais non acquiescer Ă la demande. Art. 464, 465, 509 du Code civil. Quant aux actions pĂ©titoires qui intĂ©ressent un mineur Ă©mancipĂ©, elles peuvent ĂȘtre intentĂ©es par lui et contre lui, mais avec lâassistance de son curateur. Lâautorisation du conseil de famille ne serait nĂ©cessaire que pour y acquiescer ; car la loi dĂ©fend au mineur Ă©mancipĂ© de transiger, dâaliĂ©ner ses immeubles et de faire aucun -t-2 autre que ceux de pure administration, sans observer les formes prescrites au mineur non Ă©mancipĂ©. Art. 481, 482, 483, 484 du Code civil. Or, acquiescer Ă une demande pĂ©titoire, ce serait au moins transiger et quelquefois aliĂ©ner en totalitĂ©. Nous appliquerions ces principes mĂȘme au mineur Ă©mancipĂ© qui ferait le commerce, avec lâautorisation de ses pĂšre ou mĂšre ou du conseil de famille art. 2, 3, 6 du Code de commerce, et lors mĂȘme quâil sâagirait dâune manufacture, dâune usine oĂč le mineur exercerait son industrie et quâil pourrait avoir achetĂ©e. Quant Ă ceux qui sont pourvus dâun conseil judiciaire, ils peuvent plaider, soit en demandant, soit en dĂ©fendant, mĂȘme acquiescer Ă une demande pĂ©titoire, sans autorisation du conseil de famille, mais avec lâassistance de leur conseil. Art. 513. Les actions pĂ©titoires qui intĂ©ressent les femmes mariĂ©es doivent ĂȘtre intentĂ©es par elles ou contre elles, soit quâelles soient mariĂ©es sous le rĂ©gime de la communautĂ©, de la dotalitĂ© ou de la paraphernalitĂ©. Art. 1428, 1549, 1576. Mais le mari doit Ă©galement figurer dans la procĂ©dure, ne fĂ»t-ce que pour autoriser sa femme ; la femme mĂȘme marchande publique, non commune ou sĂ©parĂ©e de biens, ne peut ester en jugement sans lâautorisation de son mari ou de la justice. Art. 215, 217 du Code civil; 4, 5 ,7 du Code de commerce. Mais si un immeuble de la femme avait Ă©tĂ© ameubli et quâil fĂ»t lâobjet de lâaction, quoiquâil fĂ»t toujours immeuble en rĂ©alitĂ©, cependant il ferait partie de la communautĂ© et le mari pourrait seul intenter lâaction ou y dĂ©fendre comme Ă lâĂ©gard de tous les immeubles de la communautĂ©. Art. 1421 et 1507 du Code civil. â 659 â Les actions qui concernent les communes ou sections, doivent ĂȘtre intentĂ©es par ou contre les maires ; ceux-ci doivent ĂȘtre autorisĂ©s par les conseils de prĂ©fecture, soit Ă intenter lâaction, soit Ă y dĂ©fendre. A Paris, les actions qui intĂ©ressent la ville sont dirigĂ©es par ou contre le prĂ©fet de la Seine. Lâautorisation du conseil de prĂ©fecture est Ă©galement nĂ©cessaire. Quelquefois un contribuable peut intenter lâaction Ă ses frais et risques, avec autorisation du conseil de prĂ©fecture ; mais le jugement doit ĂȘtre rendu au profit de la commune, et lâhabitant ne pourrait changer les termes de lâassignation, pour se faire dĂ©clarer personnellement propriĂ©taire ; il devrait intenter une nouvelle action. ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 28 juillet 1851. Du reste, pour les actions auxquelles les communes, les sections de communes sont intĂ©ressĂ©es, soit quâelles aient lieu entre elles, soit quâelles soient dirigĂ©es par des particuliers ou contre eux, il faut se reporter au titre 5 de la loi du 18 juillet 1837, et aux art. 69, 70 du Code de procĂ©dure. Les actions relatives aux hospices et autres Ă©tablissements publics dĂ©pendant des communes, seraient soumises aux mĂȘmes conditions et formalitĂ©s. Les actions relatives au dĂ©partement sont intentĂ©es par ou contre les prĂ©fets, avec les autorisations et les formalitĂ©s prescrites par les art. 36 et 37 de la loi du 30 juin 1838. Le prĂ©fet peut dĂ©fendre, en vertu dâune simple dĂ©libĂ©ration du conseil gĂ©nĂ©ral. En cas dâurgence il peut mĂȘme agir en demandant et en dĂ©fendant, sans dĂ©libĂ©ration du conseil gĂ©nĂ©ral ni autorisation. MĂȘmes articles. Les actions qui intĂ©ressent le domaine de lâEtat sont â C 60 â intentĂ©es par ou contre le prĂ©fet, qui nâa besoin dâaucune autorisation pour plaider, en demandant et en dĂ©fendant. Cour de cassation, 9 avril 1834. En cas de litige entre lâEtat et un dĂ©partement, lâaction est intentĂ©e ou soutenue pour le dĂ©partement par le membre du conseil de prĂ©fecture le plus ancien en fonctions. Article 59, n° 1 du Code de procĂ©dure, art. 36 de la loi du 30 juin 1838. Lâaction et la procĂ©dure seraient nulles, si lâEtat nâavait pas Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© par le prĂ©fet et le dĂ©partement, par le plus ancien conseiller de prĂ©fecture, ou en cas dâempĂȘchement par celui qui vient aprĂšs dans lâordre des nominations. Cour de cassation, ch. civ., 20 juillet 1842. Les actions concernant la dotation de la couronne et le domaine privĂ©, sont dirigĂ©es par ou contre lâadministrateur de cette dotation et de ce domaine. Cet administrateur nâa besoin dâaucune autorisation pour agir en demandant ou en dĂ©fendant. Voyez le sĂ©natus-consulte du 12 dĂ©cembre 1852, art. 22. Mais les biens de la dotation Ă©tant domaniaux, ceux qui ont des actions pĂ©titoires Ă intenter contre lâadministrateur de ces biens, sont tenus de remplir les formalitĂ©s prescrites par la loi du 5 novembre 1790, et que nous avons indiquĂ©es n° 74, p. 650. Quant aux actions qui intĂ©ressent des Ă©trangers, des hĂ©ritiers qui nâont pas encore pris qualitĂ© et qui sont dans les dĂ©lais pour faire inventaire et dĂ©libĂ©rer, des hĂ©ritiers apparents, des successeurs irrĂ©guliers et lĂ©gataires, des hĂ©ritiers bĂ©nĂ©ficiaires, des successions vacantes, des absents, des faillis, des crĂ©anciers ayant intĂ©rĂȘt Ă exercer les droits de leur dĂ©biteur, des sociĂ©tĂ©s civiles ou commerciales, des individus condamnĂ©s Ă des peines Sr. â 661 â afllictives ou infamantes, ou qui sont lâobjet de poursuites criminelles ou qui sont frappĂ©s de mort civile, on peut voir ce que nous disons premiĂšre partie, p. /23 et suiv., relativement Ă lâaction possessoire. Les principes que nous y avons posĂ©s, les solutions que nous y avons donnĂ©es, sâappliquent Ă©galement au pĂ©titoire. Lorsque des immeubles sont saisis, les tiers qui sâen prĂ©tendent propriĂ©taires forment ordinairement ce que l'on appelle une demande incidente en distraction, qui, aux termes de lâart. 725 du Code de procĂ©dure, doit ĂȘtre dirigĂ©e contre le saisi, le saisissant et le crĂ©ancier premier inscrit ; mais ils pourraient aussi former une action principale contre le saisi seul. Celui-ci pourrait dĂ©fendre et mĂȘme intenter une action pĂ©titoire relativement aux immeubles saisis, sauf la facultĂ© quâaurait le saisissant et le crĂ©ancier premier inscrit, dâintervenir et sauf aussi le droit de tierce opposition en faveur des tiers intĂ©ressĂ©s. 82° IndĂ©pendamment des formalitĂ©s communes Ă tous les exploits, les assignations au pĂ©titoire doivent contenir copie de lâacte de non-conciliation ou de non-comparution, Ă©noncer la nature de lâhĂ©ritage revendiquĂ©, la commune et autant quâil est possible la partie de la commune oĂč il est situĂ© et deux au moins des tenants et aboutissants; sâil sâagit dâun domaine, corps de ferme ou mĂ©tairie, ilsufiil dâen dĂ©signer le nom et la situation, le tout Ă peine de nullitĂ©. La copie des titres est prescrite, mais non sous la mĂȘme peine. Art. 6/i, 05, Code de procĂ©d. 83° Lâaction pĂ©titoire doit ĂȘtre dirigĂ©e contre celui qui possĂšde ou dĂ©tient la chose dont on se prĂ©tend propriĂ©taire, ou qui a seulement troublĂ©, contestĂ© la possession ou la propriĂ©tĂ©. V. Joccotton, Actions civiles, cassation 3 octobre 1810, et ci-dessus, n° 10. â 662 Nous disons qui possĂšde ou dĂ©tient, car il arrive assez communĂ©ment que nous possĂ©dons par des tiers, fermief, locataire, sĂ©questre et ceux-ci nâont que la simple dĂ©tention. Ils ne possĂšdent pas; ceux dont ils tiennent la location ou le sĂ©questre sont les vĂ©ritables possesseurs. Sans doute, lorsque ceux pour lesquels ils possĂšdent sont connus du demandeur au pĂ©titoire, il fera bien de diriger son action contre eux, et de comprendre les dĂ©tenteurs dans son assignation pour faire prononcer sur la propriĂ©tĂ©, sur les rĂ©siliations de contrats de bail ou de sĂ©questre, les dĂ©guerpissements et se faire adjuger les loyers et fermages qui pourraient ĂȘtre dus, ou les fruits perçus ; mais il peut arriver aussi que ceux pour lesquels la dĂ©tention a lieu ne soient pas connus. Dans tous les cas, le demandeur peut sâadresser au seul dĂ©tenteur ; et celui-ci doit dĂ©signer celui pour lequel il possĂšde, justifier des conventions faites entre eux si elles ont Ă©tĂ© constatĂ©es par Ă©crit. Lorsque le vĂ©ritable possesseur intervient, prend le fait et cause du dĂ©tenteur, ou que du moins il est reconnu que celui-ci nâest que son ayant-cause, il doit ĂȘtre mis hors dâinstance, sâil le requiert avant le premier jugement. Toutefois, ce dĂ©tenteur peut avoir intĂ©rĂȘt Ă ĂȘtre prĂ©sent; il a donc toujours la facultĂ© dâassister au procĂšs pour la conservation de ses droits, et le demandeur originaire exiger quâil y reste pour la conservation des siens et pour obtenir contre lui, suivant les circonstances, des condamnations rĂ©sultant de ses engagements ou de ses faits personnels. Câest lĂ une saine application de la loi 9 ff. de Rei vind., et des art. 1727 du Code civil, 182, 183 du Code de procĂ©dure, combinĂ©s. 84° Celui qui Ă©tant propriĂ©taire en commun avec un â 663 â autre, et par moitiĂ©, vient Ă perdre la possession parle fait dâun tiers qui se substitue ainsi Ă sa possession pro- miscue, ne peut intenter dâaction quâĂ ce tiers; il ne doit point attaquer celui qui possĂ©dant avec lui trĂšs- lĂ©gitimement a continuĂ© de possĂ©der avec lâusurpateur. Mais sâil y avait eu fraude ou collusion de la part du copossesseur pour exclure le communiste lĂ©gitime, celui-ci pourrait Ă©videmment comprendre aussi le premier dans son assignation et faire prononcer contre tous deux les rĂ©parations qui lui seraient dues. La solution serait la mĂȘme si le copossesseur avait fait avec lâusurpateur un partage de lâimmeuble qui aurait attribuĂ© Ă chacun d'eux des parts distinctes, ce partage Ă©tant res inter alios acta qui ne peut avoir aucun effet Ă lâĂ©gard du communiste dĂ©pouillĂ© art. 1165, Code civil, celui-ci serait fondĂ© Ă revendiquer sa propriĂ©tĂ© indivise contre les deux auteurs de ce partage illĂ©gal, qui nâa pu lui faire perdre la part qui lui appartient dans tout lâhĂ©ritage et dans les diffĂ©rentes parties dont il se compose est tolum in toto et in qualibet parte. L. 8 ff. de Rei vind. 85° Si celui contre lequel lâaction pĂ©titoire est dirigĂ©e nie la possession ou le trouble articulĂ©s par le demandeur, et que la preuve nâen rĂ©sulte pas des documents existants au procĂšs, la justice doit ordonner les justifications nĂ©cessaires par enquĂȘte, visite de lieux, expertise. Si le demandeur ne prouve pas les faits par lui articulĂ©s, le dĂ©fendeur est renvoyĂ© de la demande, non pas Ă la vĂ©ritĂ© parce que le premier nâest point propriĂ©taire, mais parce quâil ne prouve pas que celui quâil a attaquĂ© ait portĂ© atteinte Ă sa possession ou Ă sa propriĂ©tĂ©. Lorsque le dĂ©fendeur, quoique ne possĂ©dant pas lâhĂ©ritage, est assignĂ©, conteste et soutient le procĂšs comme sâil le possĂ©dait rĂ©ellement, il faut distinguer ou il est de bonne foi, et alors il ne doit ĂȘtre condamnĂ© quâaux dĂ©pens ; mais sâil est de mauvaise foi, sâil nâv a pas erreur de sa part, sâil nâa gardĂ© le silence que pour empĂȘcher le demandeur de connaĂźtre le vĂ©ritable possesseur et de poursuivre celui-ci en temps opportun, afin que par ce moyen il pĂ»t acquĂ©rir la prescription, le dĂ©fendeur doit ĂȘtre en ce cas condamnĂ© aux dommages-intĂ©rĂȘts du demandeur auquel par cette fraude il aurait fait perdre sa propriĂ©tĂ©. Si le dĂ©fendeur, qui possĂ©dait ou dĂ©tenait au moment de lâaction, venait Ă perdre la dĂ©tention ou la possession, quâil y eĂ»t ou non faute de sa part, il y aurait lieu dâappeler en cause le nouveau possesseur. Lâancien devrait y rester Ă cause des frais et dĂ©pens, des restitutions de fruits et des indemnitĂ©s dont il pourrait ĂȘtre passible. Lâaction pĂ©titoire Ă©tant une action rĂ©elle ne peut ĂȘtre intentĂ©e aux hĂ©ritiers du possesseur quâautant que ces hĂ©ritiers sont eux-mĂȘmes possesseurs de la chose qui en fait lâobjet. Ils sont Ă lâabri de toute action, si un tiers non hĂ©ritier sâen est emparĂ© ou lâa acquise. Par consĂ©quent, chaque hĂ©ritier nâest tenu de lâaction que pour la part quâil possĂšde dans lâimmeuble, et non pour celle quâil amende dans la succession ; de maniĂšre que si par le partage, fait entre les hĂ©ritiers, la chose litigieuse Ă©tait Ă©chue pour le total Ă lâun dâeux, lâaction devrait ĂȘtre intentĂ©e contre celui-ci seulement Ă lâexclusion des autres. Mais il en serait diffĂ©remment pour la restitution des fruits perçus; il y aurait une obligation personnelle. Dans ce cas lâaction, quant aux fruits, procĂ©derait bien contre tous les hĂ©ritiers sans distinction. 665 â Une vente simulĂ©e, une mise en possession qui en serait la consĂ©quence et aurait le mĂȘme caractĂšre ne nous paraĂźtraient pas devoir empĂȘcher lâaction contre lâauteur de ces actes qui, en les faisant, avait probablement pour but dâinduire son adversaire en erreur et de se soustraire Ă ses poursuites ; il y a ici dol, et câest le cas dâappliquer ces principes qui dolo desiit possidere pro possidente damnatur ; quia dolus pro possessione est. Semper qui dolo fecit quominus habei'et pro eo habendus est ac si haberet. Lois 131 et 157, ff. de Reg. juris. Mais celui-ci pourrait avoir intĂ©rĂȘt Ă mettre simultanĂ©ment en cause les deux individus qui auraient colludĂ©, et nous ne voyons pas de motifs pour que les tribunaux infirmassent une semblable procĂ©dure. Argument de la loi 27, § 3, de Rei vind. des lois 131 et 150, ff. de Regulis juris. 80° Le demandeur au pĂ©titoire doit ĂȘtre propriĂ©taire de la chose qui fait lâobjet de sa demande, non-seulement au moment oĂč elle est intentĂ©e, mais encore Ă la date du jugement. Il est Ă©vident que si sa propriĂ©tĂ© avait cessĂ© depuis lâaction, par vente, donation, Ă©change, ou de toute autre maniĂšre, lâinstance devrait ĂȘtre reprise et continuĂ©e avec son successeur; mais ce serait au dĂ©fendeur Ă prouver que le demandeur a cessĂ© dâĂȘtre propriĂ©taire. Que si nâĂ©tant pas propriĂ©taire au moment de lâaction, il lâĂ©tait devenu pendant lâinstance et lâĂ©tait lors du jugement, nous croyons que la justice devrait lui adjuger la propriĂ©tĂ© sans lâassujettir Ă intenter une nouvelle action, Ă recommencer toute la procĂ©dure, parce quâil faut toujours autant que possible abrĂ©ger, Ă©viter les procĂšs. Câest la dĂ©cision du droit canon que nous prĂ©fĂ©rons Ă celle des lois 23 ff. de Judic. 7, § 7, ff. ad exhibendum. â 666 â expliquĂ©es par M. Pellat, TraitĂ© de la propriĂ©tĂ©, p. 226 Ă 231. La raison sur laquelle se fonde le savant professeur, avec M. de Savigny, que si lâon ne recommençait pas lâaction et la procĂ©dure, la dĂ©fense pourrait ĂȘtre Ă©tranglĂ©e, ne nous touche point; car les tribunaux laisseront certainement au dĂ©fendeur la mĂȘme latitude pour discuter les nouveaux titres que sâils avaient Ă©tĂ© produits et signifiĂ©s avec la demande originaire. Que si ces titres ne sont pas valables, ou sâils ne sont pas concluants, le dĂ©fendeur sâestimera fort heureux dâĂȘtre sur-le-champ tirĂ© dâaffaire au lieu dâĂȘtre soumis Ă un nouveau procĂšs, et quâenfin les juges pourront tout concilier, sâils adjugent la propriĂ©tĂ© au demandeur, en mettant Ă sa charge tous les dĂ©pens faits jusquâau moment de la production des nouveaux titres de propriĂ©tĂ©. Nous nous croyons dâautant plus fondĂ© Ă Ă©mettre cette opinion que les lois 18, § 1, ff. de lier. pet. , 27, § 1 er , ff. de Rei vind. 7, § /i, ad exhibend. et les auteurs que nous venons de citer dĂ©cident sans hĂ©siter, et avec raison, que le dĂ©fendeur qui ne possĂ©dait pas lors de lâintroduction de lâinstance, mais qui viendrait Ă possĂ©der la chose litigieuse pendant son cours et au moment du jugement ne pourrait repousser la demande et exiger quâil en fĂ»t intentĂ© une nouvelle; que le juge devrait le condamner Ă la rendre au propriĂ©taire. Telle paraĂźt ĂȘtre aussi la dĂ©cision de VoĂ«t, ad pandectas de Rei vind. 90° Nous avons dĂ©jĂ dit, n° Zi3 et suiv., que le demandeur Ă©tait tenu de justifier sa demande par des titres, par la loi, par le moyen de lâaccession ou incorporation, par la prescription ; nous ne reviendrons pas sur ce sujet. Les dĂ©veloppements dans lesquels nous sommes entrĂ©, nous dispensent de toute nouvelle explication Ă cet Ă©gard. â 667 â Nous ajouterons seulement quâil est obligĂ© de prouver la propriĂ©tĂ© totale, et que la preuve ou lâaveu de son adversaire quâil en a la moitiĂ© 11 e le dispenserait pas de prouver quâil est propriĂ©taire du surplus. 91° Le dĂ©fendeur peut se contenter de contester les titres ou les faits invoquĂ©s, et cette dĂ©fense peut lui suffire ; il est mĂȘme possible quâil nâen ait pas dâautre. Mais il peut avoir des faits ou des titres contraires Ă opposer Ă son adversaire, et si celui-ci a dans ceux quâil invoque des moyens suffisants pour faire accueillir son action pĂ©- titoire dans le cas oĂč ils ne seraient pas dĂ©truits par les faits et les titres que possĂšde le dĂ©fendeur, celui-ci a un intĂ©rĂȘt Ă©vident Ă sâen servir et ne doit pas nĂ©gliger cette ressource. Dâun autre cĂŽtĂ©, les tribunaux ne doivent pas perdre de vue que ce nâest que subsidiairement, et dans le seul but de combattre les titres ou les faits invoquĂ©s par le demandeur, que le dĂ©fendeur produit les siens ; de sorte que si ni les uns ni les autres ne prouvaient la propriĂ©tĂ©, le dĂ©fendeur devrait triompher et lâaction du demandeur devrait ĂȘtre repoussĂ©e. Nous nâentrerons pas ici dans les dĂ©tails, dans tous les incidents que la marche dâune procĂ©dure longue et compliquĂ©e peut entraĂźner. Nous nâavons pas pour but de faire un traitĂ© de procĂ©dure. Nous devons nous borner aux rĂšgles spĂ©ciales, aux actions pĂ©titoires, en renvoyant aux traitĂ©s gĂ©nĂ©raux, aux commentaires sur la procĂ©dure applicable Ă toutes les actions. DâaprĂšs les principes que nous avons rappelĂ©s, le dĂ©fendeur doit rester jusquâau jugement dĂ©finitif dans la position oĂč il se trouvait lors de lâintroduction de lâinstance ; il doit conserver la possession pleine et entiĂšre de â 008 â la chose en litige et continuer Ă en percevoir tous les fruits, sans quâon puisse mĂȘme lâobliger Ă donner caution. Si cependant il abusait de la chose, sâil y commettait des dĂ©gradations, dĂ©molissait des bĂątiments, faisait des extractions de pierres des carriĂšres, des coupes de bois, dâune maniĂšre inusitĂ©e, et quâil y eĂ»t lieu de craindre quâil ne pĂ»t indemniser le demandeur qui serait plus tard reconnu propriĂ©taire ; alors le demandeur pourrait solliciter, et la justice ordonner la mesure du sĂ©questre autorisĂ©e par les art. 1955, 1901, 62 et 63 du Code civil. Nous ne saurions trop insister sur ce point que les tribunaux devront en gĂ©nĂ©ral sâabstenir de prescrire une pareille mesure Ă laquelle il nây a lieu de recourir que par exception, et dans des circonstances particuliĂšres, comme celles que nous venons dâĂ©noncer. 92° Lorsque la chose a pĂ©ri en totalitĂ© ou en partie, sans la faute et le dol du possesseur, par un cas fortuit ou de force majeure, lâaction pĂ©titoire ne peut pas ĂȘtre intentĂ©e sâil nâen reste rien, ou ne peut avoir lieu que pour ce qui en reste, et ce possesseur ne peut ĂȘtre condamnĂ© Ă en payer la valeur totale ou partielle, sans distinguer sâil possĂ©dait de bonne ou de mauvaise foi. Cette solution sâappliquerait par exemple aux cas de guerre, dâincendie, dâinondation, de feu du ciel; car, en fait, le dĂ©fendeur nâest pour rien dans lâĂ©vĂ©nement, ce nâest pas lui qui a causĂ© le prĂ©judice qui serait Ă©galement arrivĂ© lors mĂȘme que la chose eĂ»t Ă©tĂ© en la possession du propriĂ©taire. Art. 1302 du Code NapolĂ©on. Iâellat, p. 175. Nous appliquerions les mĂȘmes principes au cas oĂč la chose aurait pĂ©ri pendant le litige sur lâaction pĂ©titoire. f â 669 â Le dĂ©fendeur, dans les hypothĂšses que nous venons de prĂ©senter, nâencourrait aucune responsabilitĂ©. 93° Lorsquâil est intervenu jugement sur lâaction pĂ©- titoire, il peut y avoir lieu Ă faire rĂ©former ce jugement, soit par les juges mĂȘmes qui lâont rendu, soit par des juges supĂ©rieurs, câest-Ă -dire par les Cours impĂ©riales et par la Cour de cassation. Quelques-unes des voies dâattaque ou de rĂ©formation des jugements sont appelĂ©es ordinaires, les autres sont appelĂ©es extraordinaires. La premiĂšre catĂ©gorie des voies de recours se compose de lâopposition et de lâappel ; la seconde, de la tierce opposition, de la requĂȘte civile, de la prise Ă partie et du pourvoi en cassation. Lâopposition a lieu lorsque le jugement a Ă©tĂ© rendu par dĂ©faut soit contre le dĂ©fendeur, soit contre le demandeur lui-mĂȘme. Nous renvoyons au titre du Code de procĂ©dure sur les jugements par dĂ©faut et oppositions, ceux qui voudront savoir dans quels cas un jugement est par dĂ©faut, et quels sont les dĂ©lais, les formes et les conditions des oppositions. 9/i° Pour user de la voie de lâappel contre le jugement contradictoire ou par dĂ©faut, mais non susceptible dâopposition, la premiĂšre condition est quâil soit en premier ressort, et ensuite quâon nây ait pas acquiescĂ©, quâon nâait pas laissĂ© expirer les dĂ©lais. Nous ne nous occuperons ici que de la premiĂšre condition. 95° La loi sur lâorganisation judiciaire, du 2A aoĂ»t 1790, titre /t, art. 5, portait que les juges de district tribunaux de premiĂšre instance dâarrondissement connaĂźtraient en premier et dernier ressort de toutes les â 670 â affaires personnelles et mobiliĂšres jusquâĂ la valeur de 1,000 livres de principal, et des affaires rĂ©elles *, dont lâobjet principal Ă©tait de 50 livres de revenu dĂ©terminĂ©, soit en rente, soit par prix de bail. La loi du 11 avril 1838 a changĂ© ces dispositions au fond, et cette rĂ©daction quâelle a amĂ©liorĂ©e; elle porte art. 1" que les tribunaux civils de premiĂšre instance connaĂźtront, en dernier ressort, des actions personnelles et mobiliĂšres jusquâĂ la valeur de 1,500 francs de principal, et des actions immobiliĂšres jusquâĂ 60 francs de revenu dĂ©terminĂ© soit en rente, soit par prix de bail; que ces actions seront instruites et jugĂ©es comme matiĂšres sommaires. Lâarticle 2 ajoute que lorsquâil sera formĂ© une demande reconventionnelle ou en compensation, si elle est dans les limites du dernier ressort, il sera statuĂ© sur le tout en dernier ressort; mais que si lâune des demandes est de premier ressort» toutes seront sujettes Ă lâappel; que nĂ©anmoins il sera statuĂ© en dernier ressort sur les demandes en dommages-intĂ©rĂȘts, lorsquâelles seront fondĂ©es exclusivement sur la demande principale. Ainsi, pour les actions pĂ©titoires, la loi sâattache uniquement au revenu, abstraction faite de la valeur de la chose, pour dĂ©cider si le jugement est eu premier ou en dernier ressort. Lors mĂȘme quâil sâagirait de la demande en dĂ©livrance dâune partie de la chose vendue pour une somme bien moindre de 1,500 francs de prix total, le jugement nâen serait pas moins en dernier ressort sâil nâapparaissait dâun bail ou dâun arrentement fixant le revenu Ă 60 francs ou au-dessous. La Cour de cassa- * La loi a voulu dire immobiliĂšres. â 671 â tion lâa ainsi plusieurs fois jugĂ©, etnotamment le 17 janvier 1848, dans une affaire oĂč une piĂšce de terre avait Ă©tĂ© vendue 300 francs, et dont lâacquĂ©reur rĂ©clamait huit ares comme complĂ©ment des vingt-quatre qui faisaient lâobjet de la vente *. La loi veut que le revenu soit dĂ©terminĂ© par rente ou prix de bail, sans exiger un Ă©crit. Il y a une foule de locations, soit de terres, soit de maisons, surtout celles de peu dâimportance et dâune courte durĂ©e, qui sont faites verbalement ; elles nâen sont pas moins valables. LâĂ©criture nâest pas de lâessence de ces conventions; elle est seulement exigĂ©e pour la preuve ; mais lorsque les conventions sont avouĂ©es, constantes entre les parties, elles doivent ĂȘtre prises par la justice pour base du premier ou du dernier ressort. Nous pouvons nous autoriser des dispositions de la loi du 25 mai 1838, qui pour fixer la compĂ©tence du juge de paix, se fondent sur des locations verbales ou par Ă©crit. M. RodiĂšre, tome I er , p. 179, exclut le bail et le contrat de rente passĂ©s avec les tiers, et nâadmet que ceux communs aux deux parties litigantes. Nous pensons que cette distinction, contraire Ă la gĂ©nĂ©ralitĂ© de la loi, ne saurait ĂȘtre accueillie, et que le contrat passĂ© avant le procĂšs entre le dĂ©fendeur et un tiers, fermier ou censitaire doit valablement servir Ă dĂ©terminer la vĂ©ritable valeur du litige contre le demandeur et le dĂ©fendeur. La fraude seule ferait exception. La loi du 11 avril J 838 ayant retranchĂ© les mots objet principal, quâon lisait dans celle de 90, il en rĂ©sulte que les redevances accessoires devraient ĂȘtre prises en con- * Dalloz 184H-1-180 et autres arrĂȘts citĂ©s. C72 â sidĂ©ration, et que si Ă la rente ou au prix de bail de 60 francs par an en argent, les conventions ajoutaient des redevances en grains, fourrages, beurre, volaille, lâaction pĂ©titoire ne pourrait plus ĂȘtre jugĂ©e quâen premier ressort. Quand la loi parle dâun revenu de 60 francs, il est Ă©vident que câest par annĂ©e. Le revenu qui serait de 120 fr., payable tous les deux ans ou de 60 francs par trimestre, rendrait le jugement en dernier ressort dans le premier cas, et susceptible dâappel dans le second. Que dĂ©cider dans le cas oĂč la rente, le prix du bail sont en fruits ou denrĂ©es soit dâune quantitĂ© dĂ©terminĂ©e, soit d'une quotitĂ©? Pourra-t-on prendre les mercuriales pour base dâestimation au moment du jugement, et dĂ©cider dâaprĂšs cela si le jugement est en premier ou dernier ressort? La valeur des fruits et des denrĂ©es varie frĂ©quemment; il en est de mĂȘme du produit de la terre. Quelque peu considĂ©rable que soit la quantitĂ© ou la quotitĂ© stipulĂ©e, il y aura des moments dâabondance, de disette, de vilitĂ© ou dâĂ©lĂ©vation excessive des prix; comment alors prendre pour base de la valeur de lâimmeuble litigieux, le revenu, les mercuriales au moment du jugement, lorsque quinze jours aprĂšs, il y aura peut-ĂȘtre une grande diffĂ©rence? La loi a rejetĂ© une base aussi variable, aussi peu Ă©quitable, et sâest uniquement arrĂȘtĂ©e Ă la base en numĂ©raire. Sâil y avait alternative dâun prix ou dâune quantitĂ© ou quotitĂ© de denrĂ©es au choix du bailleur ou du preneur, nous pensons que le chiffre pĂ©cuniaire servirait seul Ă dĂ©terminer le premier ou le dernier ressort. La base de lâimpĂŽt, le prix stipulĂ© dans des contrats â 673 â de vente, les conclusions mĂȘmes des parties qui fixeraient le principal au-dessus ou au-dessous de 1,500 fr., le revenu au-dessus ou au-dessous de 60 francs, ne seraient pas des rĂšgles de dĂ©cision. La loi nâa admis quâune base unique et exclusive, le revenu fixĂ© ou dĂ©terminĂ© comme nous lâavons vu. Les juges devraient ou admettre lâappel, ou le dĂ©clarer non recevable, mĂȘme dâoffice, dâaprĂšs les rĂšgles que nous avons tracĂ©es, et lors mĂȘme que la partie intĂ©ressĂ©e ne ferait pas valoir lâexception du dernier ressort, exception qui est dâordre public *. Lorsque le terrain nâest pas affermĂ© ou arrentĂ©, que le propriĂ©taire en jouit lui-mĂȘme ou en laisse jouir gratuitement des tiers, la valeur de lâobjet litigieux est indĂ©terminĂ©e, et quelque minime quelle soit, encore mĂȘme quâil semble Ă©vident quâelle nâest pas Ă beaucoup prĂšs dâun capital de 1,500 francs, ou dâun revenu de 60 francs, la dĂ©cision qui intervient est en premier ressort. Nous ne saurions trop insister sur ce point que la loi sâattache uniquement au revenu, en rente, ou par prix de bail, et ne se prĂ©occupe pas du capital lors mĂȘme quâil serait Ă©noncĂ© dans des actes authentiques dâaliĂ©nation. Le jugement rendu sur une action pĂ©titoire qui aurait Ă©tĂ© intentĂ©e contre plusieurs copropriĂ©taires ou cohĂ©ritiers, possesseurs par indivis dâun immeuble dont le revenu excĂ©derait 60 fr., serait en premier ressort Ă lâĂ©gard de toutes les parties, bien quâon pĂ»t dire que la division du revenu entre tous les dĂ©fendeurs ne prĂ©senterait pour chacun dâeux quâun chiffre infĂ©rieur Ă 60 fr. ; Ă plus forte raison en serait-il de mĂȘme dans le cas oĂč le revenu ne serait pas fixĂ© comme le veut la loi. ' ArrĂȘt de cassation, 20 mai 1850; Dalloz 1850. 43 Il faudrait en dire autant du cas oĂč lâaction pĂ©titoire serait intentĂ©e dans des circonstances semblables par plusieurs personnes se prĂ©tendant propriĂ©taires en commun contre un seul dĂ©tenteur ou possesseur. La jurisprudence a Ă©tabli en principe que lorsque incidemment Ă une action pĂ©titoire, il sâĂ©lĂšve une question sur la qualitĂ© des parties, sur leur Ă©tat, sur le point de savoir si elles sont hĂ©ritiĂšres, enfants lĂ©gitimes, si un mariage est valable, cette question prĂ©judicielle Ă la solution de laquelle peut ĂȘtre subordonnĂ©e la dĂ©cision de la cause, quoique Ă©tant par elle-mĂȘme dâune valeur indĂ©terminĂ©e, est cependant dĂ©cidĂ©e en premier ou en dernier ressort, suivant la valeur de lâobjet matĂ©riel rĂ©clamĂ©, parce que alors son importance et son effet ne sâĂ©tendent pas au delĂ de cette derniĂšre valeur. Cour de cassation, 18 nivĂŽse an xii, 2 h mars 1812, 9 mars 182A. Quant Ă nous, nous admettons cette solution, mĂȘme sans distinguer si la question dâĂtat est incidente ou principale; une pareille distinction nous paraĂźt plus subtile que solide. Dans tous les cas, lâimportance de la question dâĂtat est relative et limitĂ©e Ă lâobjet immobilier qui est revendiquĂ©, et nâa dâautre valeur que celle de cet objet mĂȘme. A lâĂ©gard des demandes en revendication dâusufruit, dâusage, dâhabitation, qui sont indĂ©terminĂ©es par elles- mĂȘmes, nous pensons que si la chose sur laquelle portent ces droits est louĂ©e, affermĂ©e ou donnĂ©e Ă rente, moyennant 10 francs, le jugement sera en dernier ressort; mais quâil sera en premier ressort, si lâimmeuble est louĂ© ou arrentĂ© plus de 60 francs, ou si son revenu nâest pas dĂ©terminĂ© comme lâa dit la loi. Les demandes en reconnaissance de franchise des 675 â fonds ou nĂ©gatoires de servitudes, celles dites confes- soires, qui sont Ă©galement indĂ©terminĂ©es, nous paraĂźtraient devoir ĂȘtre dĂ©cidĂ©es en dernier ressort, si le fonds dominant et le fonds servant nâĂ©taient affermĂ©s ou ar- rentĂ©s que 60 francs chacun; mais si lâun des deux dĂ©passait en revenu 60 francs, la dĂ©cision serait en premier ressort Ă lâĂ©gard des deux parties; nous nâadmettons donc pas absolument lâopinion de M. RodiĂšre. Si la concession de la servitude, de lâusage, de lâusufruit avait eu lieu, moyennant une rente annuelle, ce serait le chiffre de cette rente qui servirait Ă dĂ©cider la question du premier ou dernier ressort. Supposons que le demandeur au pĂ©titoire dâune chose louĂ©e moins de 60 francs y ajoute une demande infĂ©rieure Ă 1,500 francs pour restitution de fruits, indemnitĂ©s de dĂ©gradations, la dĂ©cision sera-t-elle en dernier ressort? Nous le croyons, parce que les juges manqueront dâĂ©lĂ©ments lĂ©gaux pour fixer la valeur du litige, et que lâun et lâautre chefs pris isolĂ©ment doivent recevoir dĂ©cision de dernier ressort. Nous croyons pouvoir argumenter, par analogie, des dispositions des lois de compĂ©tence des 11 avril et 25 mai 1838, relatives aux demandes reconventionnelles ou en compensation. Mais si la demande en restitution de fruits ou en indemnitĂ©s de dĂ©gradations est indĂ©terminĂ©e et Ă donner par Ă©tat ou est supĂ©rieure Ă 1,500 francs, alors tous les chefs sont indistinctement susceptibles dâappel. La demande seule des fruits et indemnitĂ©s, dans lâhypothĂšse prĂ©sentĂ©e la propriĂ©tĂ© de lâimmeuble nâĂ©tant pas contestĂ©e, serait dĂ©cidĂ©e seulement en premier ressort; Ă plus forte raison doit-il en ĂȘtre ainsi lorsquâelle est jointe Ă un chef relatif Ă la propriĂ©tĂ©. â 676 â Remarquons, du reste, que ce nâest pas dâaprĂšs la chose adjugĂ©e, mais dâaprĂšs celle demandĂ©e, que le premier ou le dernier ressort doit ĂȘtre fixĂ©, et que câest le dernier Ă©tat de la contestation qui la dĂ©termine; si donc il y a quelque chef ajoutĂ© par le demandeur dans le cours de lâinstance, on doit le prendre en considĂ©ration * ; sâil y a un chef abandonnĂ© par le demandeur, le litige se trouve restreint Ă ce qui est demandĂ© et contestĂ©, sans sâoccuper des termes de lâassignation ou de conclusions antĂ©rieures. Mais lâabandon qui nâaurait lieu que sur lâappel ne pourrait autoriser le demandeur originaire Ă prĂ©tendre que cet appel est non-recevable **. Lâappel est Ă©videmment recevable, tant de la part du demandeur que de la part du dĂ©fendeur, quoique le dĂ©fendeur ait fait des offres qui rĂ©duisent le surplus de la demande au taux du dernier ressort, si ces offres nâont pas Ă©tĂ© acceptĂ©es ***. Lorsque le dĂ©fendeur forme une demande reconventionnelle ou en compensation Ă raison, par exemple, des impenses, augmentations, de deux choses lâune ou la demande principale doit ĂȘtre jugĂ©e en premier ressort seulement, et alors, quelque minime que soit celle reconventionnelle ou en compensation, elle nâest Ă©galement dĂ©cidĂ©e quâen premier ressort ; ou elle est susceptible du dernier ressort, et alors il faut distinguer ou la demande reconventionnelle est aussi dâune valeur de dernier ressort, et alors les deux demandes sont jugĂ©es sans appel, * ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 11 avril 1S31 et autres; Dalloz 31-1-110. ** ArrĂȘt de la mĂȘme Cour, 20 mars 1H13 ; Devilleneuve et Carette 1813-1-161. ** ArrĂȘts de la mĂȘme Cour, 26 fĂ©vrier 1838, 30 juiD, 20 juillet 1841, 27 juin 1842; mĂȘme recueil 1842-1-760. â 677 â ou bien elle est de premier ressort, et alors les deux demandes sont susceptibles dâappel. Mais lorsque la demande reconventionnelle ou en compensation prend sa source dans la demande principale elle-mĂȘme, elle suit le sort de cette demande principale Ă quelque chiffre que sâĂ©lĂšve celle incidente. Ainsi quâun dĂ©fendeur attaquĂ© en nullitĂ© dâune vente, dâune concession de servitude, dâun revenu de 60 francs, pour cause de dol ou de violence demande 20,000 de dommages- intĂ©rĂȘts, tant pour la diffamation que parce que lâaction principale lâaura empĂȘchĂ© de disposer avantageusement de sa propriĂ©tĂ©, ce jugement sera en dernier ressort sur tous les chefs. Ce rĂ©sultat, qui paraĂźt bien rigoureux, pourra ĂȘtre Ă©vitĂ© si le dĂ©fendeur forme une demande principale au lieu dâune demande incidente. Gela a Ă©tĂ© reconnu dans la discussion delĂ loi. Nous pensons que des parties pourraient consentir valablement Ă ĂȘtre jugĂ©es en dernier ressort dans une contestation qui serait susceptible par son importance dâĂȘtre portĂ©e en appel; mais quâelles ne pourraient convenir dâuser de la voie dâappel dans une matiĂšre qui doit ĂȘtre dĂ©cidĂ©e en dernier ressort, puisque la fin de non-recevoir comme nous lâavons vu, est dâordre public et doit ĂȘtre suppléée dâoffice par les juges. 96° Tout ce que nous avons dit, dans le prĂ©sent chapitre, sâapplique Ă lâaction que les lois romaines et les anciens auteurs connaissaient sous le nom de pĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ© ; Dumoulin sur le titre de la Coutume de Paris, relatif Ă la complainte, assimile aussi la pĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ© Ă lâaction pĂ©titoire *. * Dumoulin, loco citato , met encore les actions confcssoircs et nĂ©gatoires, relatives aux servitudes, dans la classe des actions pĂ©titoires. â 678 â Toutefois quelques explications sont ici nĂ©cessaires. La pĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ©, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, page 553, est lâaction qui a pour but de se faire reconnaĂźtre hĂ©ritier, et de se faire en consĂ©quence remettre les biens de la succession ; nous la considĂ©rons comme pĂ©titoire, Ă moins quâil ne soit Ă©tabli que la succession est purement mobiliĂšre, et que par suite la demande ne porte que sur des objets mobiliers. La succession ne doit- elle pas ĂȘtre prĂ©sumĂ©e de droit, comprendre aussi des immeubles ou des droits immobiliers? Du reste, il arrivera trĂšs-rarement que la demande agitĂ©e entre les divers prĂ©tendants Ă la succession se bornera Ă la rĂ©clamation du titre dâhĂ©ritier. Ce sera la cause ou le motif de la demande ; mais on y joindra toujours des conclusions Ă fin de compte et partage des meubles et des immeubles, ou de vente par licitation de ces derniers biens. TrĂšs-souvent mĂȘme le titre dâhĂ©ritier sera lâobjet non dâune demande directe et principale, mais dâune contestation incidente, Ă©levĂ©e Ă lâoccasion dâune action en revendication dâun ou plusieurs immeubles possĂ©dĂ©s, soit par un tiers qui nâaura aucune prĂ©tention Ă la succession, soit par un cohĂ©ritier qui disputera au demandeur la qualitĂ© dans laquelle il agit. 97° Nous avons dit, n° 309, p. 93, que les voies extraordinaires de recours contre les jugements rendus au pĂ©titoire Ă©taient la requĂȘte civile, la tierce opposition, la prise Ă partie, le pourvoi en cassation. Nous ne nous occuperons pas des trois premiĂšres qui sont expliquĂ©es au Code de procĂ©dure. Quant Ă la derniĂšre, nous nous bornerons Ă dire que la Cour de cassation ne connaĂźt pas du fond des affaires, et nâa point Ă rĂ©viser les dĂ©clarations de faits, les apprĂ©ciations â 679 de ces faits et des actes Ă©manĂ©s des tribunaux de premiĂšre instance et des Cours dâappel ; que les jugements en dernier ressort et les arrĂȘts dĂ©finitifs ne peuvent ĂȘtre attaquĂ©s que pour excĂšs de pouvoir, incompĂ©tence ou violation dâun texte de loi. Ceux qui voudront avoir des notions plus Ă©tendues sur le pourvoi en cassation, ses dĂ©lais, ses formes et ses effets pourront recourir aux ouvrages spĂ©ciaux de MM. TarbĂ© et Godard de Saponay, et aux articles Cassation et Cour de cassation des ouvrages de MM. Dalloz et Devilleneuve. â 680 â CHAPITRE QUATRIĂME. DE LâEXĂCUTION DU JUGEMENT QUI ACCUEILLE LâACTION PĂTITOIRE. â DES RESTITUTIONS DE FRUITS, INDEMNITĂS DE PERTES OU DĂGRADATIONS. â DU REMROURSEMENT DES IMPENSES OU AMĂLIORATIONS. â DES INTĂRĂTS. SOMMAIUE 08° ExĂ©cution du jugement qui accueille lâaction pĂ©litoirc. â Divers modes dâexĂ©cution volontaire ou forcĂ©e.âDĂ©lais que les juges peuvent accorder. â Contrainte par corps. 99° Le propriĂ©taire rentrant dans la possession du fonds nâest point obligĂ© de rembourser le prix dâacquisition Ă son adversaire ni de lui payer des dommages-intĂ©rĂȘts. 100° La bonne foi ne fait pas Ă elle seule acquĂ©rir la propriĂ©tĂ©; elle est un des moyens dây arriver; elle fait acquĂ©rir les fruits perçus, et sert Ă obtenir un remboursement plus favorable des impenses. â Ces principes applicables Ă lâhĂ©ritier apparent. â Actes quâil peut faire valablement. 101° Le possesseur Ă©vincĂ© ne peut retenir la possession de lâimmeuble jusquâĂ payement des impenses. â Exceptions. 102° La propriĂ©tĂ© nâa d?prix que par la possession, par la perception des fruits; le dĂ©fendeur doit donc en gĂ©nĂ©ral ĂȘtre condamnĂ© Ă les restituer avec le fonds qui les a produits. 103" Suite.; La restitution des fruits est une consĂ©quence de la propriĂ©tĂ©. Ce ne peut ĂȘtre que par exception que la restitution des fruits nâa pas lieu. 103° Exception en faveur du possesseur de bonne foi. â Quand y a-t-il bonne foi? 106° Suite. Bonne foi existe quand le possesseur ignore les vices de son titre ; que le mot titre ne suppose pas nĂ©cessairement un acte Ă©crit, ou contrat, une piĂšce matĂ©rielle; quâil comprend aussi les dispositions lĂ©gales. â 81 107° Bonne foi toujours prĂ©sumĂ©e; celui qui allĂšgue la mauvaise foi doit la prouver. Les tribunaux doivent en gĂ©nĂ©ral dĂ©clarer dâune maniĂšre expresse lâexistence de la mauvaise foi pour justifier la restitution des fruits; mais vice toujours rĂ©putĂ© connu, quand il rĂ©sulte du titre mĂȘme ou de la loi. 108° Suite. Jurisprudence. â ArrĂȘts de plusieurs Cours dâappel et de la Cour de cassation. 109° Exception spĂ©ciale prononcĂ©e dans certains cas en faveur des communes, par la loi du 9 ventĂŽse an xn, Ă la rĂšgle qui assujettit le possesseur de mauvaise foi Ă la restitution des fruits. â Mais point dâexception en faveur du possesseur maintenu sur action possessoire. 1 10" Le Code NapolĂ©on ne distingue pas entre les fruits consommĂ©s et ceux extants ou existants encore lors de lâaction pĂ©litoire ; ils appartiennent tous au possesseur de bonne foi dĂšs quâils sont recueillis. â Quand les fruits sont-ils recueillis ou perçus? BornĂąt, Bourjon.âLois romaines. â Quid, de ceux cueillis avant la maturitĂ©, ou des loyers et fermages? 111â Les fruits perçus par un possesseur de mauvaise foi doivent ĂȘtre restituĂ©s par son hĂ©ritier quoique celui-ci soit de bonne foi, parce quâil est successeur in universum jus et causam defuncti. 1L2° Mais, dans notre droit actuel, les fruits perçus personnellement par cet hĂ©ritier de bonne foi lui appartiennent et ne doivent pas ĂȘtre restituĂ©s. â Auteurs qui se sont expliquĂ©s sur la question dans l'ancien droit. â Auteurs modernes et arrĂȘt de la Cour de cassation. H3° Cas de cessation de bonne foi, et de cessation de mauvaise foi. 114° La mauvaise foi peut donc exister et ĂȘtre prouvĂ©e avant toute action. 115° La recherche et la constatation de la bonne ou de la mauvaise foi ne sont nĂ©cessaires que pour le rĂšglement des fruits perçus avant lâaction pĂ©litoire. âMotifs de cette solution. 116° Lâaction pĂ©litoire comprend de plein droit demande des fruits Ă Ă©choir, mais non de ceux antĂ©rieurs. âUne demande expresse et spĂ©ciale est nĂ©cessaire, relativement Ă ceux-ci; elle peut ĂȘtre formĂ©e dans le cours de lâinstance, mĂŽme aprĂšs jugement ordonnant la remise de lâimmeuble, et. malgrĂ© le dĂ©faut de rĂ©serves. â 682 â 117° L'action pĂ©titoire serait plus rĂ©guliĂšre avec la copie des titres qui la justifient; mais Ă©tant valable sans la copie de ces titres et pouvant dâailleurs ĂȘtre intentĂ©e sans quâil en existe, cette action donne toujours ouverture Ă la restitution des fruits. 118° Mais si le demandeur laissait pĂ©rimer lâinstance ainsi introduite, lâaction serait considĂ©rĂ©e comme non avenue et sans effet, soit quant Ă lâobjet principal, soit relativement aux fruits ; cependant, si elle contenait copie des titres, elle vaudrait comme sommation et constituerait le possesseur en mauvaise foi. 119° La citation en conciliation donne droit Ă la restitution des fruits, pourvu quâelle soit suivie de la demande dans le mois de la non-conciliation ou de la non-comparution. 120â Mais le mĂ©moire prĂ©sentĂ© au prĂ©fet en matiĂšre domaniale, et dans les procĂšs contre les dĂ©partements et les communes, ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă une citation en conciliation, Ă une demande judiciaire, ni avoir pour effet dâouvrir le droit Ă la restitution des fruits. 121â Restitution due par le possesseur Ă©vincĂ©, des sommes quâil a reçues. â Droit de critiquer les traitĂ©s et dâen faire prononcer la nullitĂ©, dâobtenir des dommages-intĂ©rĂȘts contre les tiers. â Maintien des baux. â Dans quels cas. â ConsĂ©quences. 122° Les principes dĂ©veloppĂ©s dans les numĂ©ros prĂ©cĂ©dents, applicables dans notre droit actuel, diffĂšrent en cela du droit ancien au possesseur de bonne foi ou de mauvaise foi, Ă titre hĂ©rĂ©ditaire, comme au possesseur Ă tout autre titre. 123° La restitution des fruits doit comprendre les fruits civils comme les fruits naturels, ceux qui ont Ă©tĂ© perçus comme ceux qui auraient pu lâĂȘtre, mais qui ne lâont pas Ă©tĂ© par la faute ou la nĂ©gligence du possesseur, par suite de la prescription quâil a laissĂ© accomplir, ou une indemnitĂ© pour les choses dâagrĂ©ment qui ne sont pas susceptibles de fruits proprement dits, et dont le possesseur a joui par lui-mĂȘme. â Quid lorsque la nue-propriĂ©tĂ© est seule revendiquĂ©e? 12-4° La prescription de cinq ans, fixĂ©e par lâart. 2277, Code civil, est inapplicable aux restitutions de fruits Ă faire par le possesseur de mauvaise foi au vrai propriĂ©taire. â C83 â 125° Cas oĂč le vĂ©ritable propriĂ©taire de lâimmeuble n'a pas dâaction contre le possesseur, acquĂ©reur de bonne foi, soit pour le fonds, soit pour les fruits; mais a action contre le vendeur. â Nature et consĂ©quences de celte action. â Bourjon, arrĂȘt de la Cour de cassation. 126° LĂ©gataire dâun usufruit dĂ©clarĂ© dĂ©chu en vertu dâune clause du testament, tenu Ă la restitution des fruits et des intĂ©rĂȘts. 127» En cas de rescision pour cause de lĂ©sion, lâacquĂ©reurpeutĂȘtre considĂ©rĂ© comme Ă©tant de bonne foi, et nâĂȘtre condamnĂ© Ă payer les fruits et les intĂ©rĂȘts quâĂ partir de la demande. 128° Le possesseur de bonne foi ne doit lâintĂ©rĂȘt des fruits que pour ceux postĂ©rieurs Ă lâaction pĂ©titoire. â Le possesseur de mauvaise foi les doit pour les fruits antĂ©rieurs, mĂȘme avant liquidation, et en gĂ©nĂ©ral Ă partir de la demande de ces fruits. â Cas auxquels il les devrait Ă partir d'une Ă©poque antĂ©rieure.â Fruits et intĂ©rĂȘts dus par un cohĂ©ritier qui rapporte, ou en cas de rĂ©duction pour excĂšs sur la portion disponible, ou en cas de legs. â IntĂ©rĂȘts du supplĂ©ment de prix en cas de rescision pour cause de lĂ©sion. 129° Pas dâintĂ©rĂȘts des intĂ©rĂȘts de fruits. 130° Liquidation des fruits. â Mode de procĂ©der et compĂ©tence des tribunaux qui doivent opĂ©rer la liquidation. 131° Transition. â Impenses, augmentations, amĂ©liorations, dĂ©gradations. â DĂ©finition. â Lois romaines relatives aux impenses. â Code NapolĂ©on sur le mĂȘme sujet; tous les travaux, censĂ©s faits par le propriĂ©taire; les ouvrages lui appartiennent de plein droit Ă moins de preuve contraire. â Quand et comment les impenses et travaux doivent ĂȘtre remboursĂ©s. â Le Code ne distingue pas entre les diverses dĂ©penses nĂ©cessaires, utiles, voluptuaires. â Dispositions du Code sur le remboursement des impenses, dĂ©gradations, dans les divers cas de bonne ou de mauvaise foi du possesseur. 132» Suite. DĂ©veloppements. 133° Suite. Nouveaux dĂ©veloppements. â Avant le Code civil, on admettait la compensation des fruits avec la valeur des amĂ©liorations et intĂ©rĂȘts de ces amĂ©liorations. Domat, Bourjon, Pothier, Loyseau, Deni/.art, Merlin. â MĂȘme dĂ©cision sous le Code. 134â Suite. Jurisprudence sur ce point. 135» Conclusion. 136° Ătat dans lequel doit ĂȘtre remis au vrai propriĂ©taire lâimmeuble objet du jugement au pĂ©titoire ; il doit ĂȘtre rendu dans lâĂ©tat oĂč il Ă©tait lorsque le propriĂ©taire en a Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ©. 137° La prescription de cinq ans, rĂ©glĂ©e par lâart. 2277 du Code civil, inapplicable aux fruits perçus par le possesseur de bonne foi, ainsi quâaux amĂ©liorations, dĂ©gradations et aux intĂ©rĂȘts des unes et des autres. 98* Lorsquâil est intervenu jugement qui a condamnĂ© le dĂ©fendeur Ă dĂ©laisser un fonds de terre, une maison, Ă souffrir lâexercice dâune servitude, et que ce jugement est devenu dĂ©finitif par acquiescement, expiration des dĂ©lais dâappel ou confirmation ou quâun arrĂȘt a infirmĂ© un jugement qui avait repoussĂ© lâaction pĂ©titoire, la partie ainsi condamnĂ©e satisfait Ă la dĂ©cision en laissant le fonds vacant, en livrant les clefs des bĂątiments Ă son adversaire, en laissant celui-ci faire les travaux nĂ©cessaires Ă lâusage de la servitude, en payant les fruits ou leur valeur sâil est condamnĂ© Ă les rendre, les dommages-intĂ©rĂȘts et dĂ©pens ; et lorsque le dĂ©fendeur est condamnĂ© Ă cesser lâexercice dâune servitude, il exĂ©cute la dĂ©cision en sâabstenant dâen user et en dĂ©truisant les ouvrages quâil avait fait faire pour en jouir *. Si le dĂ©fendeur nâexĂ©cute pas volontairement le jugement ou lâarrĂȘt, il peut y ĂȘtre contraint par la force, câest-Ă -dire que les portes peuvent ĂȘtre ouvertes, que le Un arrĂȘt de la Cour de cassation, du 10 janvier 1812, a dĂ©cidĂ© que lorsquâil rĂ©sulte des faits, des circonstances de localitĂ©s que deux propriĂ©taires jouissent en commun, depuis trente ans, dâun terrain nĂ©cessaire Ă lâexploitation de leurs fonds, la justice a pu considĂ©rer cet Ă©tat de choses comme constituant une servitude rĂ©ciproque quâaucun des communistes ne peut faire cesser par une demande en partage, et dont ils doivent continuer de jouir en commun. â 685 â dĂ©tenteur peut ĂȘtre expulsĂ© des lieux par un officier de justice, de police, assistĂ© de la force armĂ©e. Lâart. 2061 du Code civil autorise dans ce cas lâemploi de la contrainte par corps, qui est prononcĂ©e par un deuxiĂšme jugement et exĂ©cutĂ©e aprĂšs les dĂ©lais fixĂ©s par cet article. Il existait dans lâordonnance de 1667, titre 27 de l'exĂ©cution des jugements, des dispositions analogues et mĂȘme plus sĂ©vĂšres, puisque, indĂ©pendamment de la contrainte par corps, cette ordonnance prononçait une amende de 200 francs pour inexĂ©cution des condamnations dans la quinzaine de la signification du jugement. Quoique lâart. 2061 semble sâappliquer plus spĂ©cialement aux fonds de terre, cependant il comprend aussi les maisons. Nous pensons que la disposition de cet article ne sâoppose pas Ă ce que les juges accordent au dĂ©fendeur condamnĂ© Ă dĂ©guerpir un dĂ©lai quelconque pour quitter les lieux, retirer les meubles qui peuvent sây trouver. Le dĂ©lai fixĂ© par lâarticle prĂ©citĂ© ne doit donc ĂȘtre observĂ© que dans le cas oĂč les juges nâen ont pas accordĂ© un autre. 99° Le demandeur rentrant dans la possession du fonds, qui est sa propriĂ©tĂ©, nâest point obligĂ© de tenir compte Ă son adversaire acquĂ©reur a non domino, quâil soit de bonne ou de mauvaise foi, du prix de son acquisition, ni de lui payer des indemnitĂ©s ou dommages-intĂ©rĂȘts. Cet acquĂ©reur nâa de recours que contre son vendeur. Le vĂ©ritable propriĂ©taire ne peut souffrir dâun fait qui lui est Ă©tranger sâil Ă©tait obligĂ© de tenir compte du prix dâachat ou de donner un dĂ©dommagement quelconque, son action pĂ©titoire pourrait devenir inutile et sa propriĂ©tĂ© purement nominale et nulle. La bonne foi seule â 686 â nâest pas rangĂ©e au nombre des moyens lĂ©gaux dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© des immeubles. 100° Le titre avec bonne foi ne suffit donc pas, comme nous lâavons dĂ©jĂ vu, pour rendre Ă lâinstant mĂȘme lâacquĂ©reur propriĂ©taire; son effet est de donner un moyen dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© en y ajoutant une possession prolongĂ©e pendant dix ou vingt ans art. 2265 Ă 2469. La bonne foi sert Ă lâacquisition des fruits produits par lâimmeuble et au remboursement plus favorable, plus Ă©tendu de certaines impenses ou amĂ©liorations; mĂȘme en matiĂšre de succession, lâhĂ©ritier apparent et de bonne foi ne peut faire valablement que les actes dâadministration, de lâadministration la plus Ă©tendue si lâon veut. LâaliĂ©nation quâil aurait faite des biens de la succession, des immeubles qui sây trouveraient, pourrait ĂȘtre annulĂ©e sur la demande du vĂ©ritable hĂ©ritier qui se prĂ©senterait plus tard, et lâacquĂ©reur de bonne foi nâaurait de recours que contre son vendeur. Un arrĂȘt de cassation, du 26 aoĂ»t 1833, rendu sur notre plaidoirie, lâa ainsi dĂ©cidĂ© pour la vente de lâhĂ©rĂ©ditĂ©, des droits successifs. Nous pensons quâil en serait de mĂȘme de la vente particuliĂšre dâun immeuble de la succession. 101° Iu reste le dĂ©fendeur ne pourrait refuser dâabandonner lâimmeuble avant que le demandeur ne lui eĂ»t payĂ© les dĂ©penses, frais ou impenses quâil y aurait faites. Les juges ne pourraient lâautoriser Ă en conserver la possession jusquâĂ ce quâil fĂčtremboursĂ©de ceux mĂȘme quâils auraient liquidĂ©s. Le Code de procĂ©dure nâa pas reproduit la disposition de lâart. 9, titre 27 de lâordonnance de 1667 sur lâexĂ©cution des jugements; les art. 867,1673 du Code civil sont les seules dispositions de notre droit actuel qui admettent une semblable mesure, qui se conçoit, puis- quâil sâagit, dans ces articles, dâun immeuble rachetĂ© par \ le vendeur Ă rĂ©mĂ©rĂ© ou rapportĂ© par un cohĂ©ritier, auquel il avait Ă©tĂ© valablement donnĂ© et qui a au moins un droit , indivis dans cet immeuble et dans les fruits quâil peut produire ; encore le lĂ©gislateur a-t-il senti la nĂ©cessitĂ© de dispositions expresses et spĂ©ciales. ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 12 mai 1840, Dalloz, 1840-1-225. 102° La propriĂ©tĂ©, dont nous avons expliquĂ©, p. 580 et suivantes, les conditions, la nature et les effets, et que ; Ballanche trouve dâune importance et dâune moralitĂ© ; telles, quâil va mĂȘme jusquâĂ la considĂ©rer comme lâuni- que fondement de la sociĂ©tĂ© actuelle, la propriĂ©tĂ©, disons-nous, nâa cependant de prix que par la possession, par la jouissance, par les fruits quâelle produit. 1 Si le possesseur illĂ©gitime gardait les fruits, par lui 1 perçus avant lâaction pĂ©titoire, la propriĂ©tĂ© aurait Ă©tĂ© I stĂ©rile pour le vĂ©ritable propriĂ©taire, pendant tout le r temps de la possession de son adversaire ; lâavantage h nâen existerait pour lui que dans lâavenir, et seulement Ă partir de la demande mĂȘme. Le dĂ©fendeur doit donc ĂȘtre condamnĂ© Ă rendre, non i seulement le fonds, mais encore les fruits de ce fonds, i 103° En effet, la propriĂ©tĂ© est le droit de disposer des choses de la maniĂšre la plus absolue. Art 544, Code civil. La propriĂ©tĂ© dâune chose, soit mobiliĂšre, soit immobiliĂšre donne droit sur tout ce quâelle produit et ! sur ce qui sây unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. Art. 540. Les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croĂźt des animaux, appartiennent au propriĂ©taire par droit dâaccession. Art. 547. Ainsi, rĂšgle gĂ©nĂ©rale, tous lesfruits naturels et indus- â 688 â triels ou civils appartiennent de plein droit au propriĂ©taire de la chose ou de lâobjet qui les produit ; câest une consĂ©quence, un des Ă©lĂ©ments du droit de propriĂ©tĂ©. 10/i° Ce ne peut donc ĂȘtre que par exception que les fruits peuvent quelquefois cesser de lui appartenir, et ĂȘtre attribuĂ©s Ă un tiers; et, en effet, nous allons voir quâil en est ainsi. Mais cette dĂ©rogation au principe gĂ©nĂ©ral, comme toutes les exceptions, doit ĂȘtre renfermĂ©e dans dâĂ©troites limites. Il faut donc bien se pĂ©nĂ©trer de lâesprit de la loi et bien peser ses termes pour nâen pas sortir. 105° Lâordonnance de 1539, art. 9/j, portait que, en toutes matiĂšres rĂ©elles, pĂ©titoires et personnnelles, intentĂ©es pour hĂ©ritages et choses immeubles, sâil y avait restitution de fruits, ils seraient adjugĂ©s, non-seulement depuis la contestation en cause, mais aussi depuis le temps que le condamnĂ© avait Ă©tĂ© en demeure et mauvaise foi auparavant ladite contestation. DâaprĂšs les art. 5/i9 et 550, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas oĂč il possĂšde de bonne foi ; dans le cas contraire, il est tenu de rendre les fruits avec la chose au propriĂ©taire qui la revendique. Le possesseur est de bonne foi quand il possĂšde comme propriĂ©taire, en vertu d'un titre translatif de âąpropriĂ©tĂ©, dont il ignore les vices. Il cesse dâĂȘtre de bonne foi du moment oĂč ces vices lui sont connus. 100" Ainsi le lĂ©gislateur distingue entre le possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi ; il autorise le premier seul Ă conserver les fruits. Remarquons bien que quand la loi parle dâun titre translatif, elle entend, non-seulement un contrat, un acte dâaliĂ©nation, comme une vente ou donation, un tes- â 689 â tament, un Ă©change, mais aussi une transmission hĂ©rĂ©ditaire, un droit fondĂ© sur une disposition lĂ©gale; en un mot le moyen dâacquĂ©rir. Art. 711. Lâexpression titre est gĂ©nĂ©rale; ainsi un hĂ©ritier qui trouverait dans la succession un immeuble nâappartenant pas rĂ©ellement Ă son auteur pourrait invoquer les art. 549, 550. Du reste, il faut bien faire attention au texte du Code, plus clair, plus explicite que lâordonnance del539. Il ne se borne pas Ă dire dâune maniĂšre vague ou gĂ©nĂ©rale que le possesseur est de bonne foi quand il possĂšde en vertu dâun titre translatif de propriĂ©tĂ© quelconque. La loi est plus prĂ©cise et plus exigeante, elle veut que si le titre est vicieux, le possesseur en ignore les vices, quâil puisse le croire valable et penser quâil acquiĂšre lĂ©gitimement du vĂ©ritable propriĂ©taire. Bona fides, dit Pothier, Pandectes, t. 11, p. 149, n° 77, nihil aliud est quamjusta opinio quĂŠsiti dominii. Bona fides, dit VoĂ«t, ad Pandect. de Usucap. , n° 6, est illĆsa conscientia putantis rem suam esse. Qui a quolibet Ă©mit, porte la loi 27, ff. de Contr, empt., rem quam putat ipsius esse, bona fide Ă©mit. 107° Sans doute la mauvaise foi ne se prĂ©sume pas, et la preuve qui en doit ĂȘtre faite par celui qui lâallĂšgue article 2268, Code civil ne donnera lieu en gĂ©nĂ©ral quâĂ une discussion et Ă un jugement de fait. Mais lorsque lâacte translatif de propriĂ©tĂ© est entachĂ© du vice ou matĂ©riel ou lĂ©gal qui rend ce titre nul, le possesseur ne peut prĂ©tendre quâil lâignorait, et la preuve quâil en avait connaissance rĂ©sulte de lâacte lui-mĂȘme ; cette solution sâapplique surtout au cas oĂč lâacte est nul pour vice de forme ou pour toute autre contravention Ă une disposition lĂ©gale ; car personne ne peut trouver une excuse et la source dâun droit, dans son ignorance de la loi. -u 690 â Aussi, une foule d'arrĂȘts ont-ils dĂ©cidĂ© quâil suffisait pour que le possesseur ait Ă©tĂ© valablement condamnĂ© Ă la restitution des fruits, que les tribunaux eussent constatĂ© que le contrat auquel lâacquĂ©reur avait concouru renfermait le vice qui le rendait nul, ou que ce vice fĂ»t fondĂ© sur une disposition de la loi. Nous nâadmettons pas lâinterprĂ©tation donnĂ©e au § G de la loi 25 de IJered. pet., loi toute spĂ©ciale. Nous invoquons au contraire le principe gĂ©nĂ©ral juris crvor nulliprodest du § 15,1. 2 ,ff. prĂŽ-emptore, et celui tout Ă fait identique mmquam errdr juris possessori prodest, Ă©crit dans la loi 31 ,ff. de Usucap. Autrement, il faudrait rayer lâart. 550 du Code civil; il ne produirait presque jamais dâeffet, et les tribunaux pourraient le laisser de cĂŽtĂ© Ă lâaide dâune dĂ©claration vague de bonne foi ou dâignorance des vices de la part du possesseur. La loi ayant dĂ©fini la bonne foi, a par lĂ mĂȘme limitĂ© le pouvoir du juge du fait qui est tenu de se renfermer dans cette limite, dans cette dĂ©finition. 108° Nous avons parlĂ© de la jurisprudence, nous allons lâexposer. Nous mentionnerons dâabord un arrĂȘt de la Cour de cassation, du 28 fĂ©vrier 1825 Sirey 1825-1-426 portant, rejet dâun pourvoi formĂ© contre un airĂȘt de la Cour de Toulouse, qui adjugeait les fruits Ă une femme mtt*- riĂ©e sous le rĂ©gime dotal, pour ses biens aliĂ©nĂ©s par son mari, du jour du dĂ©cĂšs de ce dernier et non du jour de la demande. Cependant l'arrĂȘt nâavait pas constatĂ© par une dĂ©claration formelle que lâacquĂ©reur fĂ»t de mauvaise foi ; mais il Ă©tait Ă©vident quâil connaissait le vice de son acquisition; il ne pouvait ignorer la loi qui dĂ©clare les immeubles dotaux inaliĂ©nables. Voici une espĂšce remarquable dans laquelle le mĂȘme â G91 â principe a Ă©tĂ© consacrĂ©. Le 22 octobre 1803, acte authentique passĂ© devant notaire, par lequel Jean Paris et Anne Chalopin sa femme, se font mutuellement don de lâusufruit de tous les biens dont ils se trouveront saisis Ă leur dĂ©cĂšs pour le survivant en jouir pendant sa vie. Cette donation Ă©tait nulle aux termes de lâart. 1097 du Code civil, qui interdit toute donation mutuelle entre Ă©poux par un seul et mĂŽme acte. En 1806, dĂ©cĂšs dâAnne Chalopin, sans enfants; son mari signifie aussitĂŽt aux hĂ©ritiers collatĂ©raux de la dĂ©funte, copie de lâacte du 22 octobre 1803, en lui donnant la date du 22 octobre 1802, conformĂ©ment Ă lâexpĂ©dition qui lui en avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e par le notaire. Or, au 22 octobre 1802, le Code civil nâexistait pas encore, et la lĂ©gislation antĂ©rieure permettait les donations mutuelles par un seul et mĂŽme acte. Jean Paris se mit en possession des biens de sa femme, et en jouit sans trouble jusquâen 1830, câest-Ă -dire pendant vingt-quatre ans. Mais Ă cette Ă©poque les hĂ©ritiers de sa femme, ayant dĂ©couvert lâerreur de date de lâexpĂ©dition, intentĂšrent contre le mari une demande en nullitĂ© de lâacte, en revendication des biens dâAnne Chalopin, et en restitution des fruits depuis le dĂ©cĂšs de celle-ci. Le. mari reconnut la nullitĂ© fondĂ©e sur lâart. 1097 du Code civil. Mais il refusa de restituer les fruits, prĂ©tendant quâil avait possĂ©dĂ© de bonne foi, quâil ignorait le vice de lâacte de donation, puisque lâexpĂ©dition lui donnait une date antĂ©rieure au Code civil; les hĂ©ritiers de sa femme rĂ©pondirent que Jean Paris Ă©tant partie dans lâacte en connaissait la date vĂ©ritable, et que la nullitĂ© Ă©tant fondĂ©e sur la loi que personne nâest censĂ© ignorer excluait pĂ©remptoirement lâexception de bonne foi. â 692 â Cependant, en premiĂšre instance, cette exception de bonne foi fut admise par le Tribunal de ChĂąteauroux; mais en appel, elle fut Ă©cartĂ©e par la Cour de Bourges en ces termes ConsidĂ©rant que nul nâest censĂ© ignorer la loi ; que dĂšs lors Paris est censĂ© avoir connu lâart. 1097, Code civil, qui interdit aux Ă©poux de se faire aucune donation par un seul et mĂŽme acte ; quâayant figurĂ© dans lâacte du 22 octobre 1803, il ne pouvait pas ignorer la date de cette donation ; quâainsi il Ă©tait aux termes de droit Ă©vident pour lui que le titre, en vertu duquel il prenait possession des biens de son Ă©pouse, Ă©tait nul, et ne pouvait produire aucun effet ; quâil ne peut dĂšs lors invoquer sa bonne foi, et doit restituer toutes les jouissances par lui indĂ»ment perçues. » Sirey-Devilleneuve, annĂ©e 183Ă», partie 2 e , p. 38. Un autre arrĂȘt de la mĂȘme Cour, en date du 11 mars 1837, a dĂ©cidĂ© que celui qui achĂšte sciemment un inj- meuble appartenant Ă un mineur sans lâaccomplissement des formalitĂ©s prescrites par les lois ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme possesseur de bonne foi, et ĂŒ ce titre faire les fruits siens La Cour, considĂ©rant quâil rĂ©sulte en fait des Ă©nonciations et des prĂ©visions de lâacte de vente que lâacquĂ©reur connaissait lâĂ©tat de minoritĂ© de Jacquette Briteau; quâen droit, il ne pouvait ignorer que la vente des biens des mineurs nâĂ©tait valable quâaprĂšs des prĂ©liminaires indispensables et avec des formes spĂ©ciales; considĂ©rant que la promesse dâune ratification faite audit acte par la mineure Ă©tait, Ă dĂ©faut de capacitĂ©, aussi nulle que la vente elle-mĂȘme; quâainsi lâacquĂ©reur, prĂ©venu quâil courait la chance dâĂȘtre Ă©vincĂ©, et lâĂ©viction Ă©tant pour â 693 lui sans cesse imminente, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme possesseur de bonne foi; dit mal jugĂ© au chef qui borne la restitution des jouissances Ă celles Ă©chues depuis la demande; Ă©mendant et faisant ce que les premiers juges auraient dĂ» faire, ordonne quâelle comprendra toutes celles Ă©chues depuis lâacte de vente, du 14 dĂ©cembre 1820, sous la distraction comme pour celles allouĂ©es par les premiers juges, des contributions et rĂ©parations proportionnelles, etc. Devilleneuve et Carette 1838, 2' partie, p. 75. » Un arrĂȘt de la chambre des requĂȘtes, du 25 mars 1840 Devilleneuve et Carette 1840-1-456 consacre le mĂȘme principe dans lâespĂšce suivante La dame de Boisroger-Dumuy, Ă©migrĂ©e,est dĂ©cĂ©dĂ©e Ă Paris, le 29 messidor an xm. Ses hĂ©ritiers renoncĂšrent alors Ă sa succession ; mais lorsque intervint la loi du 27 avril 1825, relative Ă lâindemnitĂ© des Ă©migrĂ©s, ils profitĂšrent du bĂ©nĂ©fice de cette loi, et acceptĂšrent sous bĂ©nĂ©fice dâinventaire la succession Ă laquelle ils avaient prĂ©cĂ©demment renoncĂ©. Ces hĂ©ritiers Ă©taient alors reprĂ©sentĂ©s par les hĂ©ritiers deForbin La Barben dâune part, et dâautre part par les hĂ©ritiers lloziĂšres de Joran. Peu aprĂšs, et par acte du 9 juin 1826, les hĂ©ritiers r»oziĂšres de Joran, revenant sur leur acceptation sous bĂ©nĂ©fice dâinventaire, dĂ©clarĂšrent renoncer de nouveau Ă la succession de la dame de Boisroger. La liquidation de lâindemnitĂ© fut en cet Ă©tat poursuivie par les hĂ©ritiers de Forbin, qui traitĂšrent ensuite avec les crĂ©anciers de la succession. Les traitĂ©s ayant Ă©tĂ© favorables, et un supplĂ©ment dâindemnitĂ©, obtenu par les hĂ©ritiers de Forbin, les ayant mis Ă mĂȘme de rĂ©aliser des â GDI â bĂ©nĂ©fices sur la liquidation de la succession de Roisro- ger, les hĂ©ritiers de UoziĂšres de Joran ont alors formĂ© contre eux une demande Ă fin de compte de lâindemnitĂ© quâils avaient touchĂ©e, et en partage de ce qui restait, toutes dettes payĂ©es, avec restitution des intĂ©rĂȘts perçus. Les hĂ©ritiers de Forbin ont opposĂ© aux demandeurs leur renonciation du 9 juin 1826. A quoi les hĂ©ritiers de RoziĂšres ont rĂ©pondu que ayant acceptĂ©, sous bĂ©nĂ©fice dâinventaire, ils nâavaient pu valablement renoncer, dâaprĂšs la maxime semel hccres, sim per hĆres, et que personne n'Ă©tant censĂ© ignorer la loi, les hĂ©ritiers de Forbin sachant dĂšs lors que leurs adversaires avaient des droits Ă©gaux aux leurs, nâavaient pu gagner les fruits et Ă©taient tenus de les restituer. Jugement de premiĂšre instance, et arrĂȘt de la Cour dâappel de Paris, qui accueillent la demande. Quant Ă la restitution des fruits, la Cour dâappel considĂšre que la renonciation Ă©tait nulle par lâacceptation antĂ©rieure, laquelle avait Ă©tĂ© connue de tous les hĂ©ritiers ; que dĂšs lors les appelants hĂ©ritiers Forbin ne pouvaient prĂ©tendre avoir possĂ©dĂ© de bonne foi. Le pourvoi en cassation contre cette dĂ©cision a Ă©tĂ© rejetĂ© par lâarrĂȘt prĂ©citĂ©. Voici une espĂšce dans laquelle la Cour rĂ©gulatrice a posĂ© les principes dâune maniĂšre bien plus positive encore, puisquâelle a cassĂ© un arrĂȘt qui avait admis la bonne foi, malgrĂ© la nullitĂ© dâune vente prononcĂ©e par la loi. Un maire sâĂ©tait rendu adjudicataire de biens nppar tenant Ă sa commune, et avait joui pendant plusieurs annĂ©es de ces biens. La commune demanda la nullitĂ© de la vente, en se fondant sur lâart. 1596 du Code civil, et la restitution des â 695 â fruits Ă partir de lâentrĂ©e en possession. Jugement de premiĂšre instance qui accueille complĂštement les con- clu ions de la commune, mais sur lâappel, arrĂȘt de la Cour de Pau qui, tout en maintenant la nullitĂ© de la vente, nâordonne la restitution des fruits quâĂ partir de, lâassignation en justice. Attendu que le maire paraĂźt avoir agi de bonne foi en acquĂ©rant les biens communaux; quâil Ă©tait dâautant plus excusable de nâavoir pas supposĂ© lors de la vente quâil fĂ»t incapable dâacquĂ©rir, dâaprĂšs les dispositions de lâart. 1596 du Code civil, quâil avait Ă©tĂ© en quelque sorte encouragĂ© par lâadministration elle-mĂȘme Ă concourir Ă cette acquisition aux enchĂšres, et que cette mĂȘme adjudication lui fut donnĂ©e par le notaire, sur la rĂ©quisition de lâadjoint, assistĂ© du sous-prĂ©fet de lâarrondissement; quâainsi il est juste de dĂ©clarer que le maire ne sera tenu de la restitution des fruits que du jour de la demande. » Certes, lâarrĂȘt rĂ©unit bien des considĂ©rations favorables et dâune trĂšs-grande force; mais la loi est encore plus forte cl bien supĂ©rieure Ă ces considĂ©rations. Le maire ne pouvait valablement allĂ©guer avoir ignorĂ© le vice de son acquisition, puisquâil rĂ©sultait de la disposition gĂ©nĂ©rale et absolue de la loi; aussi sur le pourvoi en cassation cet arrĂȘt fut-il annulĂ© en ces termes Vu les art. 5/i9 et 550 ; considĂ©rant que le possesseur nâest rĂ©putĂ© de bonne foi quâautant quâil possĂšde, comme propriĂ©taire, en vertu dâun titre de propriĂ©tĂ©, dont il ignore les vices, et quâen aucun cas lâignorance des vices du titre ne peut ĂȘtre allĂ©guĂ©e par celui qui achĂšte contre la prohibition formelle de la loi; attendu que tel a Ă©tĂ© le cas de Poymiro qui, maire de la commune, dont les immeubles Ă©taient en vente, sâen est rendu adjudicataire, â 696 â malgrĂ© la disposition prohibitive de lâart. 1596 du Code civil ; qu'il a donc connu les vices de son titre Ă son origine mĂȘme; quâil devait dĂšs lors ĂȘtre tenu de la restitution des fruits Ă compter du jour de son adjudication, et que par consĂ©quent lâarrĂȘt attaquĂ© en ne le condamnant Ă cette restitution quâĂ compter du jour de la demande a ouvertement violĂ© ledit art. 550, Code civil 11 janvier 18/13; Dalloz 1843, l r " partie, p. 1/19. » Dans une autre affaire, Audicq contre la commune de Brain, la Cour de Rennes avait dispensĂ© cette commune dâune restitution de fruits attendu que les divers Ă©lĂ©ments de la cause se rĂ©unissaient pour Ă©tablir que la commune qui avait depuis des siĂšcles la possession fondĂ©e sur plusieurs anciens titres avait continuĂ© Ă possĂ©der de bonne foi les biens vendus Ă Damour par acte Ă©manĂ© de lâautoritĂ© administrative, le 27 fĂ©vrier 1812, depuis le 22 thermidor an iv, jusquâĂ lâĂ©poque de cette vente. » Mais, sur le pourvoi, arrĂȘt de cassation, du Ă fĂ©vrier 1845, attendu entre autres motifs Que la commune de Brain ne pouvait pas invoquer sa bonne foi pour prĂ©tendre quâelle avait le droit de sâapproprier les fruits, puisque indĂ©pendamment de ce que nul nâest admis Ă prĂ©texter son ignorance de la loi, la dĂ©possession lĂ©gale de la commune remontait au jour du versement fait par le sieur Damour des trois quarts de son prix dâacquisition, et quâĂ dater de ce jour les fruits Ă©taient acquis au soumissionnaire; dâoĂč il suit que la Cour royale de Rennes, qui sâest fondĂ©e sur cette exception de bonne foi, pour dispenser la commune de rapporter ces fruits, a violĂ© les lois sus Ă©noncĂ©es, et fait une fausse application des art. 549 et 550 du Code civil. De- villeneuve et Carette 1845, l rc partie, p. 220. » â 697 â Un autre arrĂȘt de la mĂȘme Cour, du 3 avril 1845 mĂȘme recueil 1845-1-423, rejette le pourvoi dâun acquĂ©reur de bien dotal, condamnĂ© Ă la restitution des fruits du jour de son entrĂ©e en possession, en se fondant sur ce quâil rĂ©sultait, tant de lâacte de vente que des faits de la cause que lâacquĂ©reur savait quâil achetait un immeuble dotal, ce qui lâavait constituĂ© en Ă©tat de mauvaise foi. Un autre arrĂȘt, du 20 janvier 1835 Dalloz 1835-1- 49, a dĂ©cidĂ© que pour ordonner la restitution des fruits, il nâĂ©tait pas nĂ©cessaire de dĂ©clarer, en propres termes, lâexistence de la mauvaise foi ; que la dĂ©claration que câĂ©tait par abus sans droit ni qualitĂ© qu'une partie sâĂ©tait emparĂ©e dâune propriĂ©tĂ©, Ă©quivalait Ă celle de mauvaise foi. Enfin, un arrĂȘt, du 25 avril 1842 Devilleneuve 1842- 1-542 a rejetĂ© le pourvoi contre un arrĂȘt de la Cour de Rouen, qui, en dĂ©clarant nulle la vente dâun bien dotal, avait ordonnĂ© la restitution des fruits Ă la femme, non pas seulement du jour de la demande, mais bien du jour du dĂ©cĂšs du mari ; aucun motif, tirĂ© de la mauvaise foi de lâacquĂ©reur, nâĂ©tait donnĂ© Ă lâappui de cette restitution. Le silence de lâarrĂȘt est remarquable. Le pourvoi contre cet arrĂȘt a Ă©tĂ© rejetĂ© par le motif suivant attendu que lâarrĂȘt attaquĂ© ayant dĂ©clarĂ© que l'acquĂ©reur avait connu le vice de la vente, a pu ordonner quâil serait tenu de restituer Ă la femme les fruits de lâimmeuble litigieux, depuis lâĂ©poque oĂč elle aurait dĂ» en jouir, si lâimmeuble nâavait pas Ă©tĂ© aliĂ©nĂ©, et quâen jugeant ainsi lâarrĂȘt attaquĂ© nâa violĂ© aucune loi. » 109° Il y a une exception Ă la rĂšgle que le possesseur de mauvaise foi doit la restitution des fruits par lui perçus. Les communes dĂ©possĂ©dĂ©es de biens quâelles dĂ©- tenaient mal Ă propos Ă titre de communaux, ou les particuliers qui sont Ă leur lieu et place Ă titre de partage, de vente, dâĂ©change, ne peuvent ĂȘtre condamnĂ©s Ă la restitution des fruits en faveur des tiers rĂ©intĂ©grĂ©s quâĂ compter du jour delademandern justice, quoique la possession soit rĂ©putĂ©e de mauvaise foi. effet, lâart. 9 * de la loi du 9 ventĂŽse an XII est trĂšs-formel ; il dĂ©roge au droit commun, ainsi que cela rĂ©sulte du langage do lâorateur du gouvernement, qui a prĂ©sentĂ© le projet de loi Ă la sanction du Corps lĂ©gislatif. Voyez aussi Merlin, Questions de droit, V" Fruits, § 5, n° 1 et 2, et deux arrĂȘts de la Cour de cassation, des 19 mars 1810 et 13 fĂ©vrier 1820. Mais nous ne croyons pas quâune exception semblable puisse exister en faveur du possesseur maintenu par jugement rendu au possessoire. Nous croyons quâil pourrait ĂȘtre condamnĂ© mĂȘme Ă la restitution des fruits perçus pendant lâannĂ©e qui aurait prĂ©cĂ©dĂ© le trouble et jusquâĂ lâaction petiloire; mais une dĂ©claration trĂšs expresse de mauvaise foi serait alors nĂ©cessaire; Ă plus forte raison une pareille dĂ©claration pour les annĂ©es antĂ©rieures entraĂźnerait la restitution. 110 3 Notre Code ne distingue pas comme le faisait le droit romain , les fruits consommĂ©s, de ceux extans ou encore existants lors de lâaction. Il suffit quâils aient Ă©tĂ© perçus, cueillis ou recueillis pour quâils soient acquis au possesseur de bonne foi, qui nâest tenu de restituer que ' Cet article 9 est ainsi conçu Il ne sera prononcĂ© do restitution de fruits ou jouissance, ni par les tribunaux, en faveur des tiers, dans le cas des rĂ©pĂ©titions prĂ©vues par lâarticle prĂ©cĂ©dent, ni par les conseils de prĂ©fecture on faveur des commune- 1 , dans celui mentionnĂ© en lâart. 5. quâĂ compter du jour de la demande pour les particuliers, Ă compter du 1 er vendĂ©miaire au xiu, pour les communes. â 699 â ceux non perçus lors de lâaction et ceux Ă Ă©choir fructus pendentes pars furnli videntur. L. kk, ff. de IĂźei vind.. Nous considĂ©rons comme perçus tous les fruits qui sont dĂ©tachĂ©s du sol ou des arbres qui les produisent, quoiquâils soient restĂ©s dĂ©posĂ©s sur le champ et non encore transportĂ©s dans les granges ou dans les greniers ; mais non ceux qui sont encore adhĂ©rents au sol ou sur les arbres, quoiquâils soient parvenus Ă leur maturitĂ©. Câest aussi lâopinion de Bourjon, t. II, p. 518, 519, n M 3 et 5, de Dornat, p. 239, n° 7 ; voyez encore L. 13, ff. Quibus modis nsusfructus vcl usus amilt. L. ĂčS. ff. de Ăcq. rer. dom. et la loi 78, in fine. ff. de Itei vind. Dornat, Ă lâendroit citĂ©, sâexprime dans les termes suivants Si un possesseur de bonne foi est assignĂ© Ă la veille de la rĂ©colte par le maĂźtre du fonds, pour sâen dĂ©sister et rendre les fruits, et que par lâĂ©vĂ©nement il soit condamnĂ©, il sera tenu de rendre les fruits de cette rĂ©colte ; car nâĂ©tant pas encore cueillis lors de la demande, ils faisaient partie du fonds et la demande avait fait cesser le droit que ce possesseur avait de jouir. Mais si les fruits Ă©taient cueillis avant la demande, quoiquâils nâeussent pas Ă©tĂ© emportĂ©s encore et quâils fussent restĂ©s dans le champ, ils appartiendront Ă ce possesseur. Car les ayant cueillis et sĂ©parĂ©s du fonds, ils ont Ă©tĂ© Ă lui ; et on ne peut plus lui en ĂŽter la propriĂ©tĂ©, ni lâempĂȘcher dâemporter ce qui lui est acquis. » Voici lâopinion de Bourjon, t. II, p. 518, 519, n°* 3 ct5. 3. Tous les fruits cueillis avant la demande appartiennent au possesseur de bonne foi, encore quâils fussent sur le champ, lorsque la demande au pĂ©tiloire a Ă©tĂ© formĂ©e; la sĂ©paration du fonds, jointe Ă la bonne foi, les a faits â 700 siens; en effet, par cette sĂ©paration, ils ne font plus partie du fonds ; ils lui appartiennent donc ; câest un pur mobilier non sujet Ă suite que la loi et la bonne foi ont rendu sien ; mais ceux qui tiennent encore au fonds en font partie. 5. Voyons les fruits que lâaction contre un tel possesseur embrasse nonobstant la bonne foi. Tous les fruits qui se trouvent pendants par les racines au jour de la demande contre lui formĂ©e au pĂ©titoire, ne lui appartiennent pas; ils appartiennent au vrai maĂźtre ; ils font partie du fonds qui ne lui appartient pas; la demande a fait cesser sa bonne foi ; ces fruits appartiennent donc au propriĂ©taire, et ce, indĂ©pendamment de la durĂ©e de lâinstance. Il y a plus cela aurait lieu, encore que la demande eĂ»t Ă©tĂ© formĂ©e la veille de la rĂ©colte ; cette proximitĂ© nâaffaiblit en rien le fait constant que les fruits Ă©tant encore pendants par les racines, font partie du fonds qui ne lui appartient pas. » Lâannotateur ajoute les observations suivantes Ce qui est conforme Ă nos usages ainsi quâĂ lâĂ©quitĂ©. Je lâai entendu ainsi juger au ChĂątelet, et câest le droit commun. » Ces dĂ©cisions nous paraissent dâautant plus justes et dâautant plus applicables aujourdâhui, que les art. 5Ăą8, 5/i9 et 550, pour dĂ©cider que les fruits appartiennent au possesseur de bonne foi, ne sâattachent quâau fait matĂ©riel, de la perception, sans tenir aucun compte de leur consommation ou de leur existence, ni de leur matinitĂ© plus ou moins avancĂ©e, et que, comme il sâagit dâune exception au droit de propriĂ©tĂ© , il est indispensable, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, de la renfermer dans les termes prĂ©cis de la loi. Cependant si un possesseur sâĂ©tait hĂątĂ© de recueillir les fruits avant leur maturitĂ©, et cela dâune maniĂšre af- â 701 â fectĂ©e et inusitĂ©e, avec lâintention trĂšs-prĂ©sumable de se soustraire Ă la restitution, et parce quâil aurait pu avoir connaissance du projet, des intentions du demandeur de lâattaquer ; si lâaction pĂ©titoire, dâaprĂšs lâĂ©poque oĂč elle a Ă©tĂ© formĂ©e, les eĂ»t conservĂ©s au demandeur dans le cas oĂč ils nâeussent Ă©tĂ© recueillis quâĂ leur maturitĂ©, nous pensons quâalors il y aurait fraude, peut- ĂȘtre mĂȘme mauvaise foi; que les juges devraient condamner le possesseur Ă les restituer avec dâautant plus de raison que nous avons de la peine Ă donner le titre de fruits Ă des produits non encore parvenus Ă leur maturitĂ©. Les loyers ou fermages dont le payement aurait Ă©tĂ© ajournĂ© Ă une Ă©poque postĂ©rieure Ă la demande appartiendraient au demandeur, quoiquâils reprĂ©sentassent une jouissance antĂ©rieure Cour de cassation , 30 juin I8Z1O; Dalloz, 18Z0-1 -261 car ils nâappartiennent au possesseur que par le double fait de lâĂ©cbĂ©ance et de la perception ; Ă plus forte raison en serait-il de mĂȘme des loyers ou fermages payĂ©s dâavance, comme Ă Paris les 0 mois des marchands. Lâart. 586 est inapplicable ici. 111° Les fruits perçus par un possesseur de mauvaise foi doivent ĂȘtre restituĂ©s par son hĂ©ritier, quoique celui- ci soit de bonne foi, parce quâils Ă©taient dus personnellement par son auteur, et quâil succĂšde Ă ses obligations comme Ă ses droits. Il est successor in uniuersnm jus et causant defuncli. 112° Mais nous pensons que lâhĂ©ritier dans ce cas fait siens les fruits quâil a perçus, puisque lâacquisition des fruits est attachĂ©e au fait de la perception de bonne foi. Que la perception est toute personnelle, se compose de faits isolĂ©s et ne peut ĂȘtre rĂ©gie par les principes relatifs Ă la prescription du fonds mĂȘme. Domat, Bourjon, Po- â 702 â thier, se fondant sur le droit romain et sur des raisons qui nous semblent plus subtiles que solides, ne tenaient aucun compte de la bonne foi personnelle de lâhĂ©ritier, lui infligeaient la peine de la restitution des fruits, non- seulement pour ceux perçus par son auteur, mais encore pour ceux quâil avait perçus lui-mĂȘme de bonne foi; mais nous nâadmettons pas cette solution , et lâon peut voir dâ.ailleurs, Ă lâappui de notre sentiment, Duranton, ZachariĂŠ, Ilennequin, MarcadĂ©, Uliavot, Pellat, Molitor et Demante Cours de droit civil, et un arrĂȘt de la Cour de cassation, 24 mai 1848. 113° Celui qui aurait commencĂ© Ă possĂ©der de bonne foi et qui viendrait Ă avoir connnaissance des vices de son titre, cesserait du jour oĂč cette connaissance lui serait venue de profiter des fruits; celui qui, ayant commencĂ© Ă possĂ©der de mauvaise foi, aurait plus tard un juste motif de se considĂ©rer comme propriĂ©taire, par exemple sâil se croyait seul hĂ©ritier, s'il y avait un testament quâil pouvait croire valable, ferait les fruits siens depuis le commencement de sa bonne foi et pour tout le temps de sa durĂ©e. Les mĂȘmes solutions sâappliqueraient aux diverses alternatives de bonne ou de mauvaise foi dans lesquelles un possesseur pourrait successivement se trouver. 114° Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde, que la mauvaise foi peut exister et ĂȘtre prouvĂ©e avant toute action pĂ©titoire, avant toute contestation en cause. Un possesseur peut dĂ©couvrir les vices de son titre, lâexistence et la validitĂ© des titres dâautrui. De quelque maniĂšre que cela arrive, le possesseur est constituĂ© en mauvaise foi, et, par consĂ©quent, en demeure de restituer les fruits. Lâordonnance de 1539 le dĂ©cidait ainsi trĂšs-positive- 703 â ment, et les art. 5/i9, 550 ne sont pas moins formels puisquâils imposentla restitution dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale du jour oĂč les vices du contrat sont connus. 115° Du reste, la recherche et la constatation de la bonne foi ne sont nĂ©cessaires que pour le rĂšglement des fruits antĂ©rieurs Ă lâaction pĂ©titoire, car ceux re^ cueillis depuis doivent ĂȘtre restituĂ©s en vertu du principe qui fait courir les fruits, les intĂ©rĂȘts des immeubles, des choses mobiliĂšres, des capitaux, du jour mĂȘme de la demande faite en justice, de ces diverses choses. 116° La demande pĂ©titoire ne comprend pas de plein droit celle en restitution des fruits Ă©chus antĂ©rieurement. Une demande expresse est Ăč cet Ă©gard nĂ©cessaire ; si elle nâa pas Ă©tĂ© comprise dans lâaction pĂ©titoire, elle peut ĂȘtre ajoutĂ©e par des conclusions incidentes; mais il serait plus rĂ©gulier dâen faire lâobjet dâune demande nouvelle et principale. Nous pensons que cette demande des fruits peut avoir lieu, mĂȘme aprĂšs jugement dĂ©finitif sur le fonds ; et quoiquâil nâv ait eu aucune rĂ©serve sur ce point, ni dans les conclusions, ni dans le jugement, aucune fin de non recevoir ne pourrait rĂ©sulter de ce silence. La renonciation Ă un droit ne se prĂ©sume pas et doit ĂȘtre exprimĂ©e en termes formels. ArrĂȘt de la Cour de Cassation, du 13 dĂ©cembre 1830. Dalloz, 1831. Mais la demande en dĂ©livrance de lâimmeuble entraĂźne et comprend, par voie de consĂ©quence, celle en restitution des jouissances postĂ©rieures. 117° Nous pensons quâune demande, dans laquelle le demandeur aurait omis de copier ses litres ne donnerait pas moins droit, en sa faveur, Ă la restitution des fruits Ă©chus depuis. Vainement dirait-on que faute de connaĂźtre les titres â 704 â du demandeur, le possesseur continue dâĂȘtre de bonne foi ; nous ne pouvons admettre cette consĂ©quence, avec laquelle on irait jusquâĂ prĂ©tendre que le dĂ©fendeur ne doit les fruits que du jour oĂč il est certain des droits de son adversaire, et que cela rĂ©sulte seulement de la dĂ©cision dĂ©finitive des tribunaux sur le fond du litige. Dâailleurs, nous lâavons dĂ©jĂ dit, lâassignation a un effet particulier, un effet de mise en demeure et dâavertissement indĂ©pendant de son influence sur la bonne ou la mauvaise foi, et les art. 61, 64, 65 du Code de procĂ©dure nâexigent pas, Ă peine de nullitĂ© de lâaction, la signification des titres. Sans doute il est plus rĂ©gulier dâen donner copie dans lâajournement mĂȘme, et nous conseillons de ne pas omettre cette formalitĂ© ; mais la seule peine attachĂ©e par la loi Ă son inobservation , Ă©tant le refus dâallouer en taxe les frais des copies de titres signifiĂ©s dans le cours du procĂšs, il en rĂ©sulte que lâaction donnĂ©e sans ces copies, saisit valablement le Tribunal, interrompt la prescription, et lâon ne verrait pas pourquoi lâacte par lequel le Tribunal est lĂ©gitimement mis Ă mĂȘme de juger le principal nâaurait pas la mĂȘme vertu pour les consĂ©quences, pour les accessoires. TrĂšs-souvent le demandeur invoquera la prescription, des faits de construction, de plantation, prĂ©tendra que la rĂ©serve hĂ©rĂ©ditaire a Ă©tĂ© entamĂ©e, mĂ©connaĂźtra, ou dira quâil ne connaĂźt pas la signature apposĂ©e par son auteur ou par lâauteur de son adversaire, Ă un acte sous seing- privĂ©, sâinscrira en faux contre un acte authentique supposĂ© passĂ© au nom des auteurs respectifs des parties, ce quâil offrira de prouver, par expertises, par enquĂȘtes. PrĂ©tendra-t-on que les fruits ne devront ĂȘtre restituĂ©s que du jour oĂč les tribunaux auront dĂ©clarĂ© quâil rĂ©- - 703 â suite des expertises, des enquĂȘtes, que les actes sont faux, que le demandeur est propriĂ©taire, parce que câest seulement de ce jour que le dĂ©fendeur a Ă©tĂ© certain quâil nâavait pas de droit sur l'immeuble, et quâil a commencĂ© Ă ĂȘtre de mauvaise foi ? cela ne nous paraĂźtrait pas soutenable. Voyez dâailleurs arrĂȘt de la Cour de cassation, du 8 mars 1852. 118° Mais si le demandeur laissait pĂ©rimer lâinstance, lâaction devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme nulle et sans effet. Cependant, si avec son assignation, il avait signifiĂ© copie de ses titres, elle vaudrait comme sommation, comme constituant le possesseur en mauvaise foi. Une simple signification de titres, mĂȘme sans sommation de dĂ©guerpir, doit avoir cet effet, et, Ă plus forte raison, lorsquâil y a une semblable sommation. 119â La citation en conciliation qui, en gĂ©nĂ©ral, doit prĂ©cĂ©der lâaction pĂ©titoire, donne, comme lâaction elle- mĂȘme, droit aux fruits, pourvu quâelle soit suivie de cette action dans le dĂ©lai dâun mois de la non-conciliation ou de la non-comparution, car aux termes des articles 2245 du Code civil et 57 du Code de procĂ©dure, la citation, dans ce cas, interrompt la prescription et fait courir les intĂ©rĂȘts. Or, les fruits sont pour les immeubles ce que sont les intĂ©rĂȘts pour les capitaux pĂ©cuniaires. Si un particulier Ă©tait dĂ©positaire ou se croyait propriĂ©taire dâune somme dâargent, la citation ferait courir les intĂ©rĂȘts de cette somme. Pourquoi nâen serait-il pas de mĂȘme relativement aux fruits des immeubles? 120° Du reste, nous pensons et la Cour de cassation a dĂ©cidĂ©, par arrĂȘt du 23 dĂ©cembre 1840, que le mĂ©moire prĂ©sentĂ© au prĂ©fet en matiĂšre domaniale, aux termes de la loi du 5 novembre 1790, ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă une 43 â 706 â demande; que sâil a pour effet dâinterrompre la prescription il ne peut, comme la demande, faire courir le droit Ă la restitution des fruits. Il faudrait en dire autant dans les affaires de communes et de dĂ©partements. 121â Le dĂ©fendeur serait tenu de restituer les sommes quâil aurait reçues pour service ou rachat de rentes, remboursement de capitaux, libĂ©ration de servitudes Ă©tablies en faveur de lâimmeuble, et le demandeur aurait droit de critiquer ces opĂ©rations, dâen faire, en certains cas, prononcer la nullitĂ©, mĂȘme contre les tiers, si la prescription nâĂ©tait pas acquise, ou de rĂ©clamer toutes indemnitĂ©s et tous intĂ©rĂȘts convenables du dĂ©fendeur, si les traitĂ©s Ă©taient onĂ©reux ou prĂ©judiciables surtout dans le cas oĂč celui-ci serait possesseur de mauvaise foi. Les baux que le possesseur de bonne ou de mauvaise foi aurait fait de lâimmeuble revendiquĂ© Ă un locataire ou fermier de bonne foi, devraient ĂȘtre maintenus et sâexĂ©cuter, soit pour neuf annĂ©es Ă partir de lâaction, sâils avaient Ă©tĂ© faits pour un plus long temps, soit pour la pĂ©riode de neuf ans qui resterait encore Ă courir Ă partir de cette action. Le vĂ©ritable propriĂ©taire aurait seulement droit aux loyers et fermages; mais si le locataire ou fermier Ă©tait de mauvaise foi, si le prix et les conditions Ă©taient Ă©videmment dĂ©savantageux, le vrai propriĂ©taire pourrait faire annuler des actes qui auraient la fraude pour base. 122° Les principes ci-dessus dĂ©veloppĂ©s sâappliquent au possesseur de bonne foi ou de mauvaise foi, Ă titre hĂ©rĂ©ditaire, comme Ă celui qui possĂšde Ă tout autre titre. Le droit romain L. 40, § 1, ff. de Hered petit., par application de la rĂšgle fruclus augent hereditatem , voulait que le possesseur de bonne foi dâune hĂ©rĂ©ditĂ© fĂ»t tenu â 707 â de compter Ă celui qui la revendiquait et qui triomphait dans son action, des fruits perçus avant la litiscontesta- tion, mais seulement jusquâĂ concurrence de ce quâil sâĂ©tait trouvĂ© en profiter et en ĂȘtre plus riche au moment de lâaction. Pothier avait Ă©mis, non sans hĂ©sitation, et comme tempĂ©rament dâĂ©quitĂ©, lâopinion quâon devait le dispenser de la restitution ; mais il ajoutait que dans notre pratique française, on exigeait de celui qui sâĂ©tait mis en possession dâune succession, quâil comptĂąt des fruits Ă lâhĂ©ritier qui lâavait Ă©vincĂ©, ce que confirmaient Bourjon, t. II, p. 518, 519 et son annotateur, et Domat, p. 233, n° 9. Mais aujourdâhui aucune distinction nâest plus possible entre le possesseur de bonne foi dâun immeuble Ă titre d'hĂ©ritier et le possesseur Ă tout autre titre. Notre lĂ©gislation actuelle les assimile complĂštement. Les art. 549 et 550 sont conçus dans une gĂ©nĂ©ralitĂ© dâexpressions qui exclut toute diffĂ©rence. Les motifs sont les mĂȘmes dans les deux cas. Lâart. 138 nous en fournit un exemple ; il porte que tant que celui qui nâĂ©tait pas prĂ©sent Ă lâouverture dâune succession ne se reprĂ©sente pas ou que lâaction en pĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ© ou en revendication nâest pas exercĂ©e de son chef, ceux qui auront recueilli la succession gagneront les fruits par eux perçus de bonne foi. Câest aussi lâopinion de M. le professeur Bugnet dans ses notes sur le passage prĂ©citĂ© de Pothier et la dĂ©cision dâun arrĂȘt de la Cour de Cassation, du 21 janvier 1852. 123â La restitution comprend tous les fruits, les fruits civils, comme ceux qui sont naturels ; et si le possesseur a joui par lui- mĂȘme au lieu dâaffermer, de louer, sâil sâagit dâun immeuble de simple agrĂ©ment, dâune chose qui â 708 â nâest pas susceptible de produire des fruits, les juges apprĂ©cieront la valeur de ces avantages et condamneront le possesseur Ă payer une indemnitĂ© ; car tout fait qui cause un dommage oblige son auteur Ă une rĂ©paration. L. 64, ff. de Rei vind. et art. 1382 du Code civil. Les bois de haute futaie ne sont considĂ©rĂ©s comme fruits quâautant quâils sont mis en coupes rĂ©glĂ©es, autrement les arbres sont un accessoire, une partie du fonds lui-mĂȘme. L. 7, § 12, ff. de Soluto matrim. Domat, Proudhon de 1,'Usufruit, art. 591, 592, du Code civil, et arrĂȘt, de la Cour de cassation, du 8 dĂ©cembre 1836. Si câĂ©tait la nue propriĂ©tĂ© qui fit lâobjet de lâaction pĂ©- titoire, le dĂ©fendeur ne pourrait ĂȘtre condamnĂ© Ă la restitution des fruits que du jour oĂč lâusufruit aurait cessĂ© ; mais il pourrait ĂȘtre condamnĂ© Ă des dommages-intĂ©rĂȘts pour le prĂ©judice quâil aurait pu causer en empĂȘchant le demandeur de vendre cette nue propriĂ©tĂ©, par la contestation quâil aurait Ă©levĂ©e sur les droits de ce dernier. Le possesseur de mauvaise foi, celui qui est traduit en justice sont tenus de restituer, non-seulement les fruits perçus, mais mĂȘme ceux quâils nâont pas perçus par leur faute, leur nĂ©gligence ou en laissant pĂ©rir la chose, et que le demandeur administrant en bon pĂšre de famille eĂ»t perçus. L. 33, 62, § 1, ff. de Rei vind. L. 50, g 1, ff. /7ered-peh' serait de mĂȘme des fermages et loyers quâils auraient laissĂ© prescrire, ils ne devraient pas moins en tenir compte au propriĂ©taire. 124° Il est Ă©vident que le possesseur de mauvaise foi ne pourrait opposer au demandeur la prescription de cinq ans, rĂ©glĂ©e par lâart. 2277 du Code civil, car cet article suppose lâexistence dâune convention, dâun bail ; il parle dâune dette payable par annĂ©e ou Ă des termes â 709 â pĂ©riodiques plus courts. Sa disposition ne peut donc sâappliquer Ă une restitution de fruits qui demeure sous lâempire des principes gĂ©nĂ©raux et se prescrit seulement par trente ans, ou dix ou vingt ans avec la chose principale, aux termes des art. 2262,2265 et 2266 du Code civ. Cour de cass. 13 dĂ©cembre 1830, Dalloz, 1831-1-8. 125° Il arrive quelquefois que le vĂ©ritable propriĂ©taire nâa pas dâaction contre le possesseur actuel de son immeuble, et quâil lui en reste une contre celui qui lâa aliĂ©nĂ©. Supposons en effet quâun particulier ait vendu, donnĂ©, Ă©changĂ© une maison et que lâacquĂ©reur lâait possĂ©dĂ©e pendant dix ans entre prĂ©sents, vingt ans entre absents, avec bonne foi, son acquisition sera devenue irrĂ©vocable ; mais le vendeur de la chose dâautrui, fĂ»t-il de bonne foi, mais sans titre ou avec un titre putatif, ce qui dans notre opinion revient au mĂȘme, sera au moins tenu, pendant trente ans, de la restitution du prix quâil a tirĂ© de lâaliĂ©nation et des fruits ou de la valeur et des produits de lâimmeuble, si la disposition a eu lieu Ă titre gratuit. Câest aussi le sentiment de Bourjon qui sâexprime ainsi, t. II, p. 517 N° 10. Approfondissons lâeffet de la prescription. Lâeffet de la possession relativement au dĂ©fendeur au pĂ©- titoire va encore plus loin ; sâil a pour lui la bonne foi, et quâil ait acquis, par un titre de celui quâil croyait propriĂ©taire de lâhĂ©ritage, et quâil ait avec ce titre et la bonne foi, possĂ©dĂ© pendant dix ans entre prĂ©sents et vingt ans entre absents, les uns et les autres ĂągĂ©s et non privilĂ©giĂ©s, telle possession le met Ă couvert de lâeffet de lâaction pĂ©titoire, parce quâil a acquis prescription contre tout propriĂ©taire par ce seul intervalle de temps, lorsquâil y a titre appa- â 710 â rent et bonne foi, rĂ©unis Ă une telle possession; il faut tout ce concours; sans lui, il nây aurait pas de prescription acquise par ce laps de temps, il en faudrait trente. N° 11. Mais en ce cas dâune prescription de dix ou vingt ans, le vrai propriĂ©taire a action pour rĂ©pĂ©ter le prix de son hĂ©ritage contre celui qui lâa indĂ»ment vendu, et qui nâa pu, par son fait, sâapproprier le prix dâun bien qui ne lui appartenait pas; câest la seule action qui lui reste, et il nâen a pas contre lâacquĂ©reur qui a joui dans les circonstances et pendant le temps marquĂ© ci-dessus ; du moins, elle est. rejetĂ©e. Câest salutaire disposition qui mĂ©nage tout juste intĂ©rĂȘt. » Lâannotateur de Bourjon ajoute Ă ce texte les observations suivantes On le juge ainsi au ChĂątelet, par rapport Ă un tel vendeur, sur le fondement que la durĂ©e dâune telle action est de trente ans, et que la rĂ©duction de dix et de vingt ans nâest quâen faveur de celui qui a titre et bonne foi; ce quâon ne peut appliquer Ă celui qui vend frauduleusement le bien dâautrui et qui par lĂ fait naĂźtre une action directe et personnelle contre lui ; action qui a cette durĂ©e. » Cette doctrine a Ă©tĂ© consacrĂ©e par un arrĂȘt de la Cour de cassation, du 2 h mai 1848. Ajoutons que si le vendeur Ă©tait de mauvaise foi, il serait obligĂ© de tenir compte au vrai propriĂ©taire, non- seulement de la valeur de l'immeuble au moment de la vente, mais encore de la diffĂ©rence avec celle au moment de lâaction si elle Ă©tait supĂ©rieure Ă la premiĂšre, plus des fruits sur cette double base. ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 20 juillet 1852. Un acquĂ©reur de mauvaise foi dâun bien dotal, con- â 711 damnĂ© Ă rendre lâimmeuble et les fruits, adroit aux intĂ©rĂȘts du prix que cet immeuble lui a coĂ»tĂ©. ArrĂȘt de la Gourde cassation, du 10 juillet 1849. 126° Il est Ă©vident que le lĂ©gataire dâun usufruit qui, aprĂšs avoir recueilli ce legs, en est dĂ©clarĂ© dĂ©chu, par application dâune clause ou condition du testament mĂȘme et est dĂšs lors tenu de restituer la chose lĂ©guĂ©e, doit ĂȘtre condamnĂ© Ă restituer les fruits par lui perçus, mĂȘme quand il a possĂ©dĂ© de bonnefoi, puisque ces fruits constituent prĂ©cisĂ©ment la chose lĂ©guĂ©e; mais quâil ne peut ĂȘtre tenu des intĂ©rĂȘts de ces fruits quâĂ partir de la demande en justice et non Ă compter de chaque perception. ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 10 juillet 1849. 127° Un acquĂ©reur Ă trop bas prix et attaquĂ© en rescision, pour cause de lĂ©sion, peut cependant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme possesseur de bonne foi, et nâĂȘtre tenu au payement de la valeur des fruits ou des intĂ©rĂȘts quâĂ compter de la demande. Cour de cassation, du 15 dĂ©cembre 1830 ; Dalloz, 31-1-24. Dans les demandes en rescision, pour cause de lĂ©sion, lâacheteur a le choix, ou dâabandonner lâimmeuble, ou de le retenir en complĂ©tant le juste prix. Sâil prĂ©fĂšre le garder, il doit lâintĂ©rĂȘt du supplĂ©ment, du jour de la demande en rescision. Sâil prĂ©fĂšre le rendre et recevoir le remboursement de son prix, il rend les fruits, du jour de la demande ; lâintĂ©rĂȘt du prix quâil a payĂ© lui est aussi comptĂ© du jour de la mĂȘme demande ou du jour du payement, sâil nâa touchĂ© aucuns fruits. Art. 1081 et 1682 du Code civil. En cas de vente Ă rĂ©mĂ©rĂ©, lâacquĂ©reur sur qui le rachat est exercĂ©, nâest tenu de restituer les fruits de lâimmeuble quâĂ compter du jour oĂč le rachat est consommĂ© â 712 â par le remboursement ou la consignation du prix de la vente. Les fruits se compensent avec les intĂ©rĂȘts du prix dont le vendeur a eu la jouissance. Merlin , Favard , V° FacultĂ© de rachat ; Duvergier, de la Vente, t. II, n°â 29 et 59. Cour de cassation, 14 mai 1807. 128° Le possesseur de bonne foi ne doit jamais dâintĂ©rĂȘts pour les fruits antĂ©rieurs Ă la demande, puisquâil ne doit pas les fruits eux-mĂȘmes; il nâen doit que pour les fruits Ă©chus depuis lâaction. MalgrĂ© la mauvaise foi du possesseur, celui-ci ne doit les intĂ©rĂȘts des fruits que du jour de la demande judiciaire Ă fin de restitution de ces fruits, soit que le demandeur ait conclu Ă ces intĂ©rĂȘts, soit quâil ait seulement demandĂ© la restitution des fruits. Cependant, la mauvaise foi peut ĂȘtre accompagnĂ©e de circonstances tellement graves, que nous nâhĂ©siterions pas alors Ă dĂ©cider que le possesseur doit un dĂ©dommagement si ce nâest sous le nom dâintĂ©rĂȘts, au moins comme partie intĂ©grante de la restitution des fruits. Les fruits peuvent ĂȘtre dâune telle importance que le possesseur aura non-seulement reçu, mais fait des Ă©conomies sur leur produit. Aux termesdes art. 1154,1155 du Code civil NapolĂ©on, les revenus, les fruits Ă©chus peuvent produire des intĂ©rĂȘts, soit par une convention, soit par une demande en justice. Lorsque le possesseur de mauvaise foi aura obtenu des intĂ©rĂȘts par convention ou par jugement, pourra-t-il les garder? nous ne le croyons pas, et nous pensons quâil doit ĂȘtre condamnĂ© Ă les restituer. Vainement objecterait-on quâil aurait pu les consommer en vivant trĂšs-largement, nous rĂ©pondrions dâabord quâalors il nâaurait pas touchĂ© dâintĂ©rĂȘts, et ensuite que, mĂȘme en ce cas, la justice pourrait, dans des fruits, prendre cette circonstance en con- â 713 â sidĂ©ration, pour en fixer la valeur Ă un chiffre plus Ă©levĂ©. Faisons observer quâaux termes de lâart. 856 du Code civil, les fruits et les intĂ©rĂȘts des choses sujettes Ă rapport sont dus Ă compter du jour de lâouverture de la succession, quâau cas de rĂ©duction de donation comme excĂ©dant la portion disponible, le donataire successible ou Ă©tranger doit la restitution des fruits de ce qui excĂšde cette portion, du jour du dĂ©cĂšs du donateur, si la demande en rĂ©duction a Ă©tĂ© faite dans lâannĂ©e, lors mĂȘme quâil serait de bonne foi, sinon du jour de la demande art. 928 ; que le lĂ©gataire dâun immeuble nâa droit aux fruits que du jour de la demande en dĂ©livrance ou du jour oĂč elle a Ă©tĂ© volontairement consentie, sauf les cas prĂ©vus par lâart. 1015. Bourjon, t. II, p. 514 et 520, paraĂźt penser, quoiquâil ne le dise que par forme de simple Ă©nonciation, que les intĂ©rĂȘts des fruits ne sont dĂ»s quâĂ partir de leur apprĂ©ciation et liquidation, et seulement du jour de la demande en payement du montant de cette liquidation. Nous croyons que Bourjon est ici dans lâerreur; que la demande originaire en revendication de lâimmeuble, en restitution et payement des fruits Ă liquider, Ă donner par Ă©tat, fait courir sur-le-champ les intĂ©rĂȘts de la somme qui sera ultĂ©rieurement fixĂ©e. Autrement le dĂ©fendeur profiterait dâune rĂ©sistance injuste, multiplierait les incidents pour retarder la liquidation, qui arrive toujours Ă la fin et comme le dernier acte du procĂšs. Nos lois actuelles art. 1154,1155 du Code civil et le Code de procĂ©dure, font courir les intĂ©rĂȘts des fruits du jour oĂč ils sont demandĂ©s, sans distinction du cas oĂč ils sont liquidĂ©s et de celui oĂč ils ne le sont pas ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus. â 714 â Le Camus dâHoulouve, dans son TraitĂ© des intĂ©rĂȘts, page 196, dit, Ă la vĂ©ritĂ©, que le ChĂątelet de Paris avait pour jurisprudence, toutes les fois quâil sâagissait de choses apprĂ©ciables restitution de fruits par un possesseur Ă©vincĂ©, dommages-intĂ©rĂȘts pour prĂ©judice causĂ©, fournitures de denrĂ©es et marchandises, travaux d'entrepreneurs, de nâen adjuger les intĂ©rĂȘts demandĂ©s quâĂ compter du jour de la rĂ©itĂ©ration de cette demande par la requĂȘte en entĂ©rinement du procĂšs-verbal dâestimation et liquidation dressĂ© par les experts. Mais, ajoute notre auteur, la jurisprudence du Parlement de Paris est diffĂ©rente de celle du ChĂątelet. Cette Cour juge que, quoique des fruits, dont la restitution est ordonnĂ©e, ne soient pas liquidĂ©s, celui contre lequel cette restitution a Ă©tĂ© demandĂ©e avec intĂ©rĂȘts avant leur liquidation, ayant Ă©tĂ© mis en retard de les restituer au jour de cette demande, il en doit les intĂ©rĂȘts Ă compter du mĂȘme jour, parce que ces intĂ©rĂȘts sont la juste indemnitĂ© du retard quâil a fait Ă©prouver Ă son crĂ©ancier. On suppose quâĂ ce mĂȘme jour il ne lui a pas Ă©tĂ© impossible de se libĂ©rer envers son crĂ©ancier, puisquâil pouvait lui faire des offres rĂ©elles Ă©quipollentes Ă la valeur des fruits quâil devait connaĂźtre pour les avoir perçus *, et sauf Ă ajouter en cas dâinsuffisance, ou Ă diminuer en cas dâexcĂ©dant, et sur le refus de son crĂ©ancier, consigner. Câest ce qui a Ă©tĂ© jugĂ© par un arrĂȘt rendu en la grandâchambre sur les conclusions de M. Seguier, avocat gĂ©nĂ©ral, le 28 juin 1760. Cette Cour, en confirmant une sentence du ChĂątelet de Paris, qui nâavait condamnĂ© la fabrique de la ' Ces raisons sâappliquent Ă©videmment Ă toutes les demandes en payement pour objets ou causes dont le chiffre nâest pas fixĂ©. â 713 â Madeleine en la CitĂ©, aux intĂ©rĂȘts de choses sujettes Ă apprĂ©ciation que du jour de la demande en entĂ©rinement du procĂšs-verbal dâestimation, a adjugĂ© ces intĂ©rĂȘts Ă compter du jour de la demande originaire. Denizart, RĂ©pertoire , au mot IntĂ©rĂȘts, et dans son livre des Actes de notoriĂ©tĂ© du ChĂątelet, sur lâacte du 28 avril 1677, rappelle aussi la jurisprudence et lâarrĂȘt du Parlement de Paris, prĂ©citĂ©. Il cite en outre un arrĂȘt du grand Conseil, du 23 septembre 1758, qui avait dĂ©jĂ jugĂ© en matiĂšre dâestimation de travaux faits par un entrepreneur de maçonnerie pour une communautĂ© religieuse , que les intĂ©rĂȘts du montant de son mĂ©moire couraient non pas seulement du jour de la demande en homologation du procĂšs-verbal dâestimation , mais bien du jour de la demande primitive ou originaire en payement de ces mĂȘmes travaux. Vainement opposerait-on que la compensation ne doit sâopĂ©rer quâentre deux dettes Ă©galement liquides et exigibles, et quâau moment oĂč les fruits et les impenses ou amĂ©liorations ont existĂ© simultanĂ©ment et constituĂ© des dettes et des crĂ©ances respectives, elles nâĂ©taient liquides ni lâune ni lâautre; car, dâune part, lĂ oĂč les positions sont Ă©gales, les exceptions Ă©tablies en faveur des parties se neutralisent ; d'un autre cĂŽtĂ©, en matiĂšre de fruits surtout, il y a souvent une base assurĂ©e de liquidation dans le cours des denrĂ©es, dans les mercuriales des marchĂ©s; la liquidation est mĂȘme facile Ă dĂ©faut de mercuriales; et suivant le PrĂ©sident Favre, dans son Code, titre de CompensĂątionibus def. 7 et 26, ce qui est facile Ă liquider doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme lâĂ©tant dĂ©jĂ . Ce magistrat met sur la mĂȘme ligne fructus liquidi vel brevi liqui- dandi; au titre de Actionibus empti et vendili, def. 6, n° 7, â 716 â in allegat, il assure que les fruits quoique non liquidĂ©s sâimputent sur le principal, fructus enim pignoris, cer- tum est impulari in sortem ; or, puisque cette imputation se fait de plein droit et par le ministĂšre de la loi, il faut que les fruits qui sont dus Ă©teignent la dette active de celui qui les doit ; cette extinction se fait par un payement rĂ©el, puisque le crĂ©ancier a reçu ce qui lui Ă©tait dĂ» en tout ou en partie par la perception des fruits quâil nâavait pas le droit de sâapproprier; enfin, nous en avons un exemple dans la loi 5, § 21, ff. Ut in pos- sessionetn legatorum vel ideicommissorum servandorum causa esse liceat. 129° Iu reste, il importe de remarquer que le propriĂ©taire qui obtient une restitution de fruits et qui a droit dâobtenir aussi les intĂ©rĂȘts du montant de ces fruits Ă liquider ultĂ©rieurement, Ă partir de la demande en restitution, ne peut valablement prĂ©tendre aux intĂ©rĂȘts des intĂ©rĂȘts de ces fruits. Une telle prĂ©tention pourrait avoir les consĂ©quences les plus graves, les plus onĂ©reuses pour le dĂ©fendeur, surtout dans une affaire de cette nature, dont la dĂ©cision peut nâintervenir quâaprĂšs de longs dĂ©lais, Ă raison des discussions difficiles et compliquĂ©es quâelle entraĂźne, des enquĂȘtes et des expertises auxquelles elle peut donner lieu. Les fruits sont eux-mĂȘmes des intĂ©rĂȘts. Souvent ils consistent en loyers ou fermages pĂ©cuniaires. Presque toujours, dâailleurs la restitution se fait en argent; avec le systĂšme que nous combattons, le demandeur au pĂ©titoire percevrait donc dans des proportions diffĂ©rentes, il est vrai, de triples intĂ©rĂȘts produits par le mĂȘme capital. La cour de Cassation a eu Ă sâexpliquer sur ce point dans une affaire oĂč le demandeur au pĂ©titoire avait conclu Ă la remise dâun immeuble, Ă la resti- â 717 tution des fruits, aux intĂ©rĂȘts de leur valeur et aux intĂ©rĂȘts de ces intĂ©rĂȘts. La Cour de Riom avait repoussĂ© cette derniĂšre prĂ©tention, et la Cour rĂ©gulatrice a, par arrĂȘt du 15 janvier 1839, rejetĂ© le pourvoi dont il a Ă©tĂ© lâobjet par le motif que lâart 1154 du Code civil, relatif aux intĂ©rĂȘts susceptibles de produire des intĂ©rĂȘts dans le cas quâil dĂ©termine, ne sâapplique quâaux intĂ©rĂȘts des intĂ©rĂȘts Ă©chus des capitaux; que lâart. 1155 relatif, entre autres choses, aux restitutions de fruits ne dit pas que les intĂ©rĂȘts Ă©chus de ces restitutions de fruits puissent eux-mĂȘmes produire des intĂ©rĂȘts; quâainsi en refusant de condamner les hĂ©ritiers du possesseur aux intĂ©rĂȘts des intĂ©rĂȘts des jouissances, lâarrĂȘt attaquĂ© nâavait violĂ© ni lâart. 1154, ni aucune autre loi. Journal du palais, 1839-1-169. Cette dĂ©cision est conforme h lâopinion de Le Camus dâHoulouve, TraitĂ© des intĂ©rĂȘts; aux pages 185 et 186, il dit quâon peut demander des intĂ©rĂȘts, des dommages- intĂ©rĂȘts adjugĂ©s par la justice ou convenus par une transaction ; que ce nâest pas exiger des intĂ©rĂȘts dâintĂ©rĂȘts, mais de simples intĂ©rĂȘts du dĂ©dommagement adjugĂ© ou convenu ; que des dommages et intĂ©rĂȘts, quand ils sont liquidĂ©s, forment un capital qui tient lieu dâun bien rĂ©el Ă celui Ă qui ils sont dus ; que les fruits, dont la restitution est due ou a Ă©tĂ© ordonnĂ©e, doivent ĂȘtre rangĂ©s dans la classe des intĂ©rĂȘts lĂ©gaux; et lâauteur, aux pages204 et 205, section intitulĂ©e Des intĂ©rĂȘts dâintĂ©rĂȘts qui ne peuvent ĂȘtre adjugĂ©s, sâexprime dans les termes suivants On a vu, dans la prĂ©cĂ©dente section, quâ il est de principe que des intĂ©rĂȘts lĂ©gaux ou de droit peuvent produire dâautres intĂ©rĂȘts sur une demande judiciaire suivie de â 718 â 'm condamnation, ou peuvent ĂȘtre convertis en principal, et devenir le prix dâune constitution de rente produisant des arrĂ©rages qui Ă©quipollent Ă des intĂ©rĂȘts dâintĂ©rĂȘts. Un principe contraire, aussi constant, câest que des intĂ©rĂȘts judiciaires ne peuvent jamais produire dâautres intĂ©rĂȘts, quand mĂȘme on en aurait formĂ© la demande en justice sur une mise en retard du dĂ©biteur de les payer. Nullo modo, usurĆ usurarum a debitore exiganhir. L. 18. Cod. de usur, et par la mĂȘme raison pareils intĂ©rĂȘts ne peuvent ĂȘtre convertis en principal et devenir le prix dâune constitution de rente. Cette diffĂ©rence entre des intĂ©rĂȘts lĂ©gaux et des intĂ©rĂȘts judiciaires, provient de ce que les premiers forment toujours un principal pour le crĂ©ancier auquel ils sont dus, et un principal indĂ©pendant de celui qui les a produits, au lieu que les derniers ne sont jamais quâun accessoire du principal dont ils sont provenus; et quâen pareil cas, des intĂ©rĂȘts des intĂ©rĂȘts seraient ce quâon appelle en droit accessio accessionis, additamentum addi- tamenli, seu usitra usurĆ ; ce qui est expressĂ©ment prohibĂ© par les lois canoniques et civiles. » 130 3 DâaprĂšs lâart. 129 du Code de procĂ©dure civile, les jugements qui condamnent Ă une restitution de fruits doivent ordonner quâelle sera faite en nature pour la derniĂšre annĂ©e, et suivant les mercuriales pour les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes ou Ă dire dâexperts Ă dĂ©faut de mercuriales ; que si la restitution en nature est impossible pour la derniĂšre annĂ©e, elle se fera comme pour les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes; l'art. 526 ajoute que celui qui sera condamnĂ© Ă restituer des fruits en rendra compte dans la forme fixĂ©e par les articles suivants, et quâil sera procĂ©dĂ© comme sur les autres comptes rendus en justice. Nous nâentre- â 719 â rons pas ici dans les dĂ©tails de ce compte; nous renvoyons, Ă cet Ă©gard, au Code de procĂ©dure civile. Ainsi les juges ne peuvent fixer arbitrairement le montant des fruits, ni sans quâil y ait eu prĂ©alablement un compte dans les formes prescrites par le Code ; ils ne peuvent non plu3 renvoyer purement et simplement devant experts. ArrĂȘts de la Cour de cassation, du 25 juin 1832 , 26 fĂ©vrier 1838 ; Dalloz, 32 - 1 - 246 - 38 - 1 - 125 , Journal du palais, 38 - 1 - 272 . Mais les parties ou lâune dâelles peuvent renoncer au mode lĂ©gal qui nâest pas dâordre public, mais simplement dâintĂ©rĂȘt privĂ©, et si les juges ont fixĂ© eux-mĂȘmes la valeur des fruits, dâaprĂšs une dĂ©claration de la partie contre laquelle la restitution est prononcĂ©e, cette partie nâest pas recevable Ă se plaindre de ce que lâĂ©valuation nâa pas Ă©tĂ© faite dans la forme lĂ©gale. ArrĂȘt de la Cour de cassation, du 30 mars 1831 ; Dalloz, 1831 - 1 - 112 . Les juges peuvent donc aussi, aprĂšs compte rendu, en fixer la valeur dâaprĂšs les documents respectivement fournis par les parties, sâils leur paraissent suffisants, sans ĂȘtre obligĂ©s de sâassujettir aux mercuriales des marchĂ©s ni dâordonner une expertise. Cour de cassation, du 18 avril 1832 ; Dalloz, 1832 - 1 - 245 . Ainsi, encore la partie qui devant la Cour dâappel, au lieu de conclure Ă lâapplication des mercuriales, a demandĂ© aux juges une Ă©valuation dont elle a elle-mĂȘme indiquĂ© le chiffre ou dont elle a demandĂ© que la Cour fixĂąt le montant, n'est pas recevable Ă se faire un moyen de cassation de ce quâil a Ă©tĂ© procĂ©dĂ© suivant ce mode dâĂ©valuation. Cour de cassation, 15 janvier 1839 ; Journal du palais, 1839 - 1 - 169 . La Cour dâappel qui, en infirmant le jugement, or- â 720 â donne une restitution de fruits, doit renvoyer devant le Tribunal de premiĂšre instance, le compte Ă faire pour arriver Ă en fixer le montant. Ce compte constitue une instance nouvelle que la Cour ne peut retenir sans violer les rĂšgles des deux degrĂ©s de juridiction, et les principes particuliers aux redditions de compte. Cour de cassation, 26 fĂ©vrier 1838, Journal du palais , 1838-1-272. Mais les juges dâappel qui, aprĂšs avoir rĂ©tractĂ© sur requĂȘte civile, un prĂ©cĂ©dent arrĂȘt, ordonnent la restitution des fruits perçus en consĂ©quence de cet arrĂȘt, peuvent retenir la connaissance de ce compte. Cour de cassation, 5 juin 1839, Journal du palais, 1839-2-264. 131° Nous passons aux indemnitĂ©s pour impenses, amĂ©liorations, augmentations, et Ă celles dues pour raison de dĂ©gradations ou destructions. Et dâabord, quoique nous paraissions distinguer, entre les divers travaux, entre les diverses causes de dĂ©penses et dâindemnitĂ©s, nous comprenons, sous le nom gĂ©nĂ©rique d'impenses, toutes les dĂ©penses faites par le possesseur sur ou pour la chose dont il est plus tard Ă©vincĂ© par le lĂ©gitime propriĂ©taire. DâaprĂšs le droit romain, et dans la rigueur des principes, celui qui bĂątissait ou exĂ©cutait des travaux sur le fonds dâautrui Ă©tait censĂ© donner au propriĂ©taire les dĂ©penses quâil y faisait, et nâavait, par consĂ©quent, ni le droit de rĂ©pĂ©ter ces dĂ©penses ni celui dâenlever les matĂ©riaux. L. 7, § 12, ff. de Acq. rer dom. Cependant, comme personne ne doit sâenrichir aux dĂ©pens dâautrui, on adopta des dĂ©cisions plus conformes Ă la justice et Ă lâĂ©quitĂ©. On accorda le droit dâopposer lâexception doli, et par suite, celui de rĂ©pĂ©tition jusquâĂ concurrence de la plus value apportĂ©e au fonds par les travaux ; celui de rĂ©tention de la chose jusquâĂ payement des impenses. Lorsque le propriĂ©taire offrait de payer les matĂ©riaux, le possesseur devait les lui laisser pour le prix de lâestimation ; et lorsque le propriĂ©taire nâavait pas le moyen de payer la plus-value ou le prix des matĂ©riaux, le possesseur pouvait les enlever, Ă la charge de rĂ©tablir lâimmeuble dans son Ă©tat primitif ; que si les matĂ©riaux dĂ©placĂ©s, ou les travaux voluptuaires dĂ©truits comme les peintures, incrustations, sculptures, ne devaient ĂȘtre quâune cause de dĂ©prĂ©ciation pour lâimmeuble, sans aucun avantage pour lui, il lui Ă©tait dĂ©fendu de les enlever ou dĂ©truire, et il devait laisser les choses en lâĂ©tat oĂč elles se trouvaient lors de la revendication, sans pouvoir rĂ©clamer aucun dĂ©dommagement. Il nâest pas sans intĂ©rĂȘt de reproduire le texte des diverses lois romaines qui consacraient ces principes. L. 13, ff. de Rei vind. Non solum autern rem restitui, verĂčm et si deterior res sit facta, rationem judex habere debebit. Non-seulement le juge doit ordonner la restitution, mais il doit encore, si la chose est dĂ©tĂ©riorĂ©e, en tenir compte. » L. 23, § 7, ff. eod. Titul. u Item, si quis ex alienis cĂŠmentis in solo suo Ćdificave- rit, domum quidem vindicare poterit; cĂŠmenta autem re- soluta prior dominas vindicabit, eliamsi post tempus usu- capionis dissolutum sit Ćdificium, postquam a bonĂŠ fidei emptore possessum sit; nec enim singula cĂŠmenta usuca- piuntur, si domus per tempoiâis spatium nostra fiat. De mĂȘme, si quelquâun bĂątit avec les matĂ©riauxdâau- iO â 722 â trui sur son propre sol, il pourra revendiquer lâĂ©difice; mais quant aux matĂ©riaux dĂ©tachĂ©s, câest lâancien maĂźtre qui les revendiquera, quand mĂŽme lâĂ©difice, possĂ©dĂ© par un acheteur de bonne foi, auraitĂ©tĂ© dĂ©truit aprĂšs le temps de lâusucapion ; car chacun des matĂ©riaux en particulier nâest point usucapĂ©, bien que la maison nous soit acquise par un certain laps de temps. » L. 27, § 5, ff. de eod. TU. In rem petitam si possessor antĂš litem contestatam sumptus fecit, per doit mali exceptionem ratio eorum ha- beri debet, si persevcret actorpetere rem suarn, non reddilis sumptibus. Idem est etiam si . in area quĂŠ fuit petiloris, pererrorem insulam Ćdificavit, nisi tamen para- tus sit petitor pati tollere eum Ćdificium. Si le possesseur a fait sur la chose revendiquĂ©e des dĂ©penses avant la litiscontestation, il sâen fera tenir compte au moyen de lâexception de dol, si le demandeur persiste Ă revendiquer sa chose, sans rembourser ces dĂ©penses. Il en est encore de mĂȘme, si le possesseur a bĂąti par erreur une maison sur un terrain qui Ă©tait au demandeur, Ă moins toutefois que celui-ci ne soit disposĂ© Ă souffrir que son adversaire enlĂšve lâĂ©difice. » L. S7,ff. eod. TU. Julianus libro octavo Digestorum scribit Si in aliĂ©na area ĂŠdificassem, eu jus bonĆ fidei quidem emptor fui, ve- rum eo tempore ĂŠdificavi, quo jam sciebam alienam, vi- deamus an nihil mihi eaxeptio prosit; nisi forte quis dicat prodesse de damno sollicilo. Puto autem huic exceptionem non prodesse; nec enim debuit jam alienam certus, ĂŠdifi- â 723 â cium ponere. Sed hoc ei concedendum esl, ut sine dispendio domini areĂŠ tollat ĂŠdifcium quod posm l. Julien, livre 8 de son Digeste, Ă©crit Si jâai bĂąti sur un terrain appartenant Ă autrui, dont jâĂ©tais acheteur de bonne foi, mais que jâaie bĂąti dans un temps oĂč je savais dĂ©jĂ quâil Ă©tait Ă autrui, voyons sâil nâest pas vrai que lâexception ne peut me servir, Ă moins quâon ne dise quâelle doit servir Ă celui qui cherche Ă Ă©viter une perte. Pour moi, je pense que lâexception ne profite pas Ă ce possesseur; car il nâa pas dĂ», sachant dĂ©jĂ que ce terrain nâĂ©tait pas Ă lui, y construire un Ă©difice ; mais il faut lui accorder la facultĂ© dâenlever sans nuire au propriĂ©taire du terrain, le bĂątiment quâil y a construit. » L. 38, ff. eod. Tit. In fundo alieno, quem imprudens emeras, Ćdificasti aut conseruisti; deinde evincitur bonus judex varie ex personis causisque constituet. Finge et dominum eadem facturum fuisse reddat impensam, ut fundum recipiat, usque eo duntaxat quo pretiosior fĆtus est, et si plus pre- tio fundi accessit, solum quod impensum est. Finge pau- perem, qui si reddere id cogatur, laribus, sepulcris avitis carendum habeat ; sufficit tibi permitti tollereexhis rebus, quĆ possis, dwn ita ne deterior sit fundus, quam si initio non foret Ćdificatum. Constituimus veto, ut si paratus est dominus tantum dare, quantum habiturus esl possessor, his rebus ablatis, fiat ei potestas. Neque malitiis indulgendum est, si tectorium, puta, quod induxeris, picturasque cor- radere velis, nihil laturus, nisi ut officias. Finge eam per- sonam esse domini, quĆ receptum fundum mox vinditura sit nisi reddit quantum prima parte reddi opportere dixi- mus, eo deducto, tu condemnandus es. â 724 â Vous avez bĂąti ou plantĂ© sur le fonds dâautrui que vous aviez achetĂ© par erreur; ensuite, vous en ĂȘtes Ă©vincĂ© un bon juge dĂ©cidera diversement suivant les personnes et les circonstances. Supposez que le maĂźtre eĂ»t fait les mĂȘmes constructions ou plantations il doit, pour recouvrer le fonds, rembourser la dĂ©pense jusquâĂ concurrence seulement de lâaugmentation de valeur qui en est rĂ©sultĂ©e ; et si la plus-value est supĂ©rieure Ă la somme dĂ©pensĂ©e, il remboursera seulement cette somme. Supposez maintenant que le propriĂ©taire est pauvre et que, sâil Ă©tait forcĂ© de rembourser la dĂ©pense, il faudrait quâil se privĂąt de ses lares et des sĂ©pulcres de ses ancĂȘtres il suffĂźt quâon vous permette dâenlever ce que vous pouvez, Ă la condition de ne pas mettre le fonds dans un Ă©tat pire que celui oĂč il se trouverait, si dans le principe on nây eĂ»t pas bĂąti. Nous dĂ©cidons, au reste, que si le* propriĂ©taire est prĂȘt Ă donner autant que le possesseur retirerait des constructions, en les emportant, il aura le pouvoir de le faire. Il ne faut pas se prĂȘter Ă la mĂ©chancetĂ© ; par exemple, si vous vouliez racler le stuc ou les peintures dont vous avez ornĂ© les murs, nâen devant retirer dâautre avantage que le plaisir de nuire. Supposez, enfin, que le propriĂ©taire est disposĂ© Ă vendre le fonds dĂšs quâil lâaura recouvrĂ©; alors, sâil ne rembourse pas ce que nous avons dit ci-dessus quâil devait rembourser, vous ne serez condamnĂ© que dĂ©duction faite de cette somme. » L. 39, ff. eod. TU. Redemptores qui suis cĆmentis Ćdificant, statim cĆ- menta faciunt eorum in quorum solo Ćdificant. Les entrepreneurs qui bĂątissent avec leurs matĂ©- riaux, en transportent aussitĂŽt la propriĂ©tĂ© Ă ceux sur le sol desquels ils construisent. » L. 48, ff. eod. Tit. Sumptus in prĆdium quod alienum esse apparuit, a bonĆ fidei possessore facti neque ab eo qui prĆdium dona- vit, neque a domino peti possunt; verum exceptione doli posita, per ofjicium judicis Ćquitatis ratione servantur, scilicet si fructuum ante litem conteslatam perceptorum summam excedant; etenim, admissa compensatione, super- fhium sumpium, meliore prĆdio facto, dominas restitucrc cogitur. » Les dĂ©penses faites par un possesseur de bonne foi sur un fonds qui a Ă©tĂ© reconnu appartenir Ă autrui, ne peuvent ĂȘtre demandĂ©es ni Ă celui qui a donnĂ© le fonds ni au propriĂ©taire; mais en opposant lâexception de dol, on les conserve, en vertu de lâoffice du juge, par une raison dâĂ©quitĂ©, en supposant que ces dĂ©penses excĂšdent la somme des fruits perçus avant la litiscontestation ; car, compensation faite, le maĂźtre est forcĂ© de restituer le surplus des dĂ©penses qui ont amĂ©liorĂ© le fonds. » L. 53, ff. eod. Tit. Si fundi possessor eum excoluisset sevisset ve, et pos- tea fundus evincatur, consita lollere nonpotest. Si le possesseur dâun fonds lâa cultivĂ© et plantĂ©, et quâensuite il en soit Ă©vincĂ©, il ne peut pas enlever ses plantations. » L. 65, ff. eod. Tit. u Emptor prĆdium quod a non domino Ă©mit, exceptione doli posita, non aliter restitucrc domino cogetur, quam si â 726 â pecuniam creditori ejus solutam, qui pignon datum prĆ- dium habuit, usurarumque medii temporis superfluum recuperaverit, scilicet si minus in fructibus ante litem per- ceptis fuit. Nam eos usuris novis duntaxat compensari, iumptuum in prĆdium factorum exemplo, Ćquum est. Celui qui a achetĂ© un fonds de quelquâun qui nâen est pas propriĂ©taire, devra, en opposant lâexception dĂ© dol, nâĂȘtre forcĂ© de le restituer au propriĂ©taire, quâaprĂšs avoir Ă©tĂ© remboursĂ© de la somme payĂ©e par lui au crĂ©ancier Ă qui cĂšlui-ci avait hypothĂ©quĂ© le fonds, avec le surplus des intĂ©rĂȘts du temps intermĂ©diaire, en supposant que le montant des fruits perçus avant le procĂšs soit moindre ; car il est Ă©quitable que ces fruits soient compensĂ©s avec les intĂ©rĂȘts nouveaux seulement, Ă lâexemple des dĂ©penses faites sur le fonds. » L. 38, ff. de Hered. petit. Plane in cĂŠteris necessariis et utilibus impensis passe skparari, ut bonĂŠ fidei quidem possessores has quoque imputent prĆdo autem de se queri debeat, qui sciens in rem alienam impendit. Sed benignius est in hujus quoque per- sona haberi rationem impensarum âą non enim dĂ©bet petitor ex aliĂ©na factura lucrum facere et idipsum officio judicis cĂ»ntinebitur nam nec exceptio doli mali desideratur. PlanĂ©, potest in eo diffrrentia esse, ut bonĂŠ fidei quidem possessor omni modo impensas dedmat, licet res non exstet in quam fecit; sicut tutor, vel curator consequunhir prĆdo autem non aliter, quam si res melior sit. A lâĂ©gard des autres dĂ©penses nĂ©cessaires et utiles, on peut faire une distinction, en sorte que le possesseur de bonne foi peut les porter en compte ; mais le possesseur de mauvaise foi doit sâimputer dâavoir fait de la â 727 â dĂ©pense pour une chose quâil savait ĂȘtre Ă un autre. Cependant, en sâattachant moins scrupuleusement Ă la rigueur du droit, on pourra dire quâon doit tenir compte mĂȘme au possesseur de mauvaise foi des dĂ©penses quâil aura faites; puisque enfin le demandeur ne doit pas sâenrichir aux dĂ©pens dâun autre. Le juge doit statuer aussi Ă cet Ă©gard, car le possesseur de mauvaise foi nâaura pas mĂȘme besoin de repousser le demandeur par lâexception doli mali. On pourra seulement admettre cette diffĂ©rence, que le possesseur de bonne foi dĂ©duira absolument ses dĂ©penses, quand mĂȘme la chose nâexisterait plus, Ă lâexemple des tuteurs et des curateurs; au lieu que le possesseur de mauvaise foi ne pourra les dĂ©duire quâautant que la chose en aura Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©e. » L. 7, § 12, ff. deAcq. rer. dom. Si quis in alieno solo sua materia Ćdificaverit, illius fit Ćdificium, cujus et solum est et si scit alienum solum esse, sua voluntate amisisse proprietatem materiĆ intelli- gitur; itaque neque diruto quidem Ćdificio vindicatio ejus materiĆ competit. CertĂš si dominas soli petat Ćdificium, nec solvat pretium materiĆ et mercedes fabrorum, poterit per exceptionem doli mali repelli utique si nescit, qui Ćdi- ficavit, alienum esse solum, et tanquam in suo bona fide Ćdifcavit; nam si scit, culpa ei objici potest, quod temerĂš Ćdificavit in eo solo quod intelligent alienum. § 13. Si alienam plantam in meo solo posuero, mea erit. Ex diverso, si meam plantam in alieno solo posuero, illius erit si modo utroque casu radices egerit ; antequam enim radices agent, illius permanet, cujus et fuit. His conveniens est, quod si vicini arborem ita terra presserim ut in meum fundum radices egerit, meam effici arborem. â 728 â Rationem enim non permittere, ut altenus arbor intelli- gatur, quant cujus fundo radices egisset. Et ideo propc confinium arbor posita, si etiam in vicinum fundurn radices egerit, commuais est. » § 12. Si quelquâun bĂątit avec ses matĂ©riaux sur le terrain dâautrui, lâĂ©difice appartiendra Ă celui Ă qui appartient le sol. Et si celui qui bĂątit ainsi a connaissance que le sol est Ă autrui, il est censĂ© consentir Ă perdre la propriĂ©tĂ© de ses matĂ©riaux en sorte quâil ne pourra pas les rĂ©clamer, mĂȘme aprĂšs la destruction de lâĂ©difice. Cependant, si le maĂźtre du sol, nâĂ©tant pas en possession de lâĂ©difice, intente une action pour lâavoir, sans offrir de payer les matĂ©riaux et les salaires des ouvriers, il sera dĂ©boutĂ© de sa demande, parce quâon lui opposera la fin de non-recevoir, tirĂ©e de sa mauvaise foi ; en supposant que celui qui a bĂąti ait ignorĂ© que le sol Ă©tait Ă autrui et ait cru de bonne foi bĂątir sur son terrain ; car sâil a eu connaissance que le terrain Ă©tait Ă autrui, il doit sâimputer dâavoir bĂąti sur un sol quâil savait ne lui pas appartenir. § 13. Si je plante dans mon terrain un arbrisseau appartenant Ă autrui, lâarbre est Ă moi, et, par la raison contraire, si je plante dans le terrain dâautrui un arbrisseau qui mâappartient, lâarbre sera Ă lui. On suppose dans les deux cas que lâarbre ait poussĂ© des racines; car, avant ce temps, il ne cesse pas dâappartenir Ă lâancien propriĂ©taire. Il sâensuit de lĂ que si lâarbre de mon voisin sâest tellement dĂ©jetĂ© sur mon terrain quâil y ait poussĂ© ses racines, cet arbre mâappartient; car la raison nous dicte quâun arbre ne peut pas appartenir Ă un autre quâĂ celui dans le terrain duquel il a pris racine. Par la mĂȘme raison, un arbre placĂ© sur le bord des deux terres, qui aura poussĂ© une partie de ses racines sur â 7-29 â chaque terre, devient commun entre les propriĂ©taires. » On peut voir encore le § 30, aux Inst, de rer. div., les lois 2, 5, au Code de Rei vind. DâaprĂšs lâart. 546 ,du Code civil, dont nous avons dĂ©jĂ rapportĂ© les termes, la propriĂ©tĂ© dâune chose donne droit Ă tout ce quâelle produit et Ă ce qui sây unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. La propriĂ©tĂ© du sol emporte la propriĂ©tĂ© du dessus et du dessous. 552. Toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans lâintĂ©rieur, sont prĂ©sumĂ©s faits par le propriĂ©taire, Ă ses frais, et lui appartenir, si le contraire nâest prouvĂ©. Art. 553. Cet art. 553, comme on le voit, est spĂ©cial aux constructions, plantations et ouvrages; mais cette derniĂšre expression est bien gĂ©nĂ©rale. Suivant la loi 5, Code, de Rei vind., le possesseur de mauvaise foi nâavait droit Ă aucune rĂ©pĂ©tition dâimpenses, autres que les nĂ©cessaires ; il pouvait seulement emporter les travaux utiles, sine lĂŠsione prioris status ; mais la loi 38 de Pet. her. et la loi 38 de Rei vind. que nous avons rapportĂ©es dĂ©cidaient benignius et Ćquitate que ce possesseur devait, comme celui qui Ă©tait de bonne foi, obtenir le remboursement de ses dĂ©penses. Dans notre droit français, le propriĂ©taire du fonds peut contraindre le possesseur de mauvaise foi Ă enlever, sans indemnitĂ©, les travaux, constructions et plantations quâil y a faites. Celui-ci peut mĂȘme ĂȘtre condamnĂ© en des dommages-intĂ©rĂȘts envers le propriĂ©taire ; mais lorsque le possesseur est de bonne foi, il ne peut ĂȘtre condamnĂ© Ă enlever ses plantations et constructions. Le propriĂ©taire est tenu de lui payer, Ă son choix au choix du â 730 â propriĂ©taire, ou le prix des matĂ©riaux et de la main- dâĆuvre , ou une somme Ă©gale Ă ce que les travaux ont apportĂ© dâaugmentation de valeur au fonds, soit que les travaux aient Ă©tĂ© faits par le possesseur avec ses matĂ©riaux ou ceux dâautrui, soit que ce soit un tiers non possesseur qui les ait faits avec ses propres matĂ©riaux. La loi ne distingue pas entre les dĂ©penses nĂ©cessaires , utiles et voluptuaires. Lâadjectif voluptuaires nâest mĂȘme employĂ© quâune seule fois dans tout le Code civil ; câest dans lâart. 1635, pour le cas de vente faite de mauvaise foi de la chose dâautrui. Alors toutes les dĂ©penses, mĂȘme voluptuaires, doivent ĂȘtre remboursĂ©es par le vendeur Ă lâacquĂ©reur Ă©vincĂ©, lors mĂȘme quâelles nâauraient procurĂ© au fonds aucun avantage. La gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes de lâart. 555 en rend donc les dispositions applicables Ă tous les ouvrages ; nous devons ajouter que dans le cas dâun possesseur de mauvaise foi, la loi accorde au propriĂ©taire le choix, ou dâobliger ce possesseur Ă les enlever, ou de les conserver ; mais Ă la charge de rembourser la valeur des matĂ©riaux et le prix de la main-dâĆuvre, sans Ă©gard Ă lâaugmentation de valeur. Il semble que le possesseur de mauvaise foi soit mieux traitĂ© que le possesseur de bonne foi, puisque ordinairement la valeur des matĂ©riaux et delĂ main-dâĆuvre excĂšde celle de lâamĂ©lioration ; câest en ce sens que lâon dit que trĂšs-souvent câest une folie de bĂątir. Cependant le possesseur qui voudra Ă©viter dâĂȘtre contraint Ă enlever ses matĂ©riaux et Ă des rĂ©parations avec dommages-intĂ©rĂȘts sera ordinairement dâune composition facile, qui placera le vrai propriĂ©taire dans une position au moins aussi avantageuse que sâil avait affaire Ă un possesseur de bonne foi. Il est des dĂ©penses auxquelles ne sâapplique pas lâar- â 731 â ticle 555 et qui doivent toujours ĂȘtre remboursĂ©es; ainsi on doit tenir compte, mĂȘme au possesseur de mauvaise foi, de toutes les dĂ©penses nĂ©cessaires ou utiles qui ont Ă©tĂ© faites pour la conservation de la chose. Art. 1381. Ainsi encore lâart. 548 oblige le propriĂ©taire auquel les fruits appartiennent Ă rembourser les frais des labours, travaux et semences. On peut y ajouter lâobligation de rembourser les impĂŽts, les frais dâassurance, les frais de transport de rĂ©coltes pour les vendre, les droits dâoctroi, les rĂ©parations, les crĂ©ances que le possesseur a pu acquitter et les intĂ©rĂȘts de ces crĂ©ances, en un mot toutes les charges, puisquâil ne profite pas des fruits. Un arrĂȘt de la Cour de cassation, du 15 janvier 1839 *, rendu sur notre plaidoirie, et qui a accueilli la doctrine que nous dĂ©veloppions, a dĂ©cidĂ© que lâart. 548 du Code civil avait eu plus particuliĂšrement en vue la restitution des fruits existant en nature ; quâil Ă©tait Ă©nonciatif et non limitatif; que lorsquâil sâagissait de la restitution, non des fruits eux-mĂȘmes, mais de leur valeur, on devait dĂ©duire non-seulement les frais des travaux, labours et semences , mais encore les frais de toute nature qui prĂ©cĂšdent la vente, et notamment les frais de transport et droits dâoctroi ; que lâarrĂȘt attaquĂ© nâavait violĂ© ni lâart. 129 du Code de procĂ©dure civile ni lâart. 548 du Code civil en homologuant le rapport des experts, qui avait Ă©tĂ© dâavis dâallouer ces dĂ©penses au possesseur Ă©vincĂ©. Cette dĂ©cision est conforme Ă lâopinion de Pothier, de la Revendication, et de Bourjon t. Il, p. 514, n 0 â 7 et 8. Quant au possesseur de bonne foi, il nâa pas droit au âą Journal du palais, 1839 - 1 - 169 . remboursement de ce qui est considĂ©rĂ© comme charges des fruits, puisquâil les conserve. Mais les capitaux hypothĂ©quĂ©s qui grĂšvent lâimmeuble ou la succession dont il dĂ©pend devraient lui ĂȘtre remboursĂ©s, avec les intĂ©rĂȘts, Ă partir du jour oĂč il les aurait acquittĂ©s. Nous croyons devoir reproduire les autres dispositions du Code sur les impenses et dĂ©gradations. Art. 861. Dans tous les cas, il doit ĂȘtre tenu compte au donataire des impenses qui ont amĂ©liorĂ© la chose, eu Ă©gard Ă ce dont la chose se trouve augmentĂ©e au temps du partage. Art. 862. Il doit ĂȘtre pareillement tenu compte au donataire des impenses nĂ©cessaires quâil a faites pour la conservation de sa valeur, encore quâelles nâaient point amĂ©liorĂ© le fonds. Art. 863. Le donataire, de son cĂŽtĂ©, doit tenir compte des dĂ©prĂ©ciations et dĂ©tĂ©riorations qui ont diminuĂ© la valeur de lâimmeuble, par son fait ou par sa faute, etc. Art. 864. Dans le cas oĂč lâimmeuble a Ă©tĂ© aliĂ©nĂ© par le donataire, les amĂ©liorations ou dĂ©gradations faites par lâacquĂ©reur doivent ĂȘtre imputĂ©es conformĂ©ment aux trois articles prĂ©cĂ©dents. Art. 1634. Le vendeur est tenu de rembourser ou de faire rembourser Ă lâacquĂ©reur, par celui qui lâĂ©vince, toutes les rĂ©parations et amĂ©liorations utiles quâil aura faites au fonds. Art. 1635. Si le vendeur avait vendu de mauvaise foi le fonds dâautrui, il sera obligĂ© de rembourser Ă lâacquĂ©reur toutes les dĂ©penses, mĂȘme voluptuaires ou dâagrĂ©ment, que celui-ci aura faites au fonds. Art. 1673. Le vendeur qui use du pacte de rachat, doit rembourser non-seulement le prix principal, mais â 733 â encore les frais et loyaux coĂ»ts de la vente, les rĂ©parations nĂ©cessaires et celles qui ont augmentĂ© la valeur du fonds, jusquâĂ concurrence de cette augmentation. Il ne peut entrer en possession quâaprĂšs avoir satisfait Ă toutes ces obligations. Art. 2175. Les dĂ©tĂ©riorations qui procĂšdent du fait ou de la nĂ©gligence du tiers dĂ©tenteur, au prĂ©judice des crĂ©anciers hypothĂ©caires ou privilĂ©giĂ©s, donnent lieu contre lui Ă une action en indemnitĂ© ; mais il ne peut rĂ©pĂ©ter ses impenses et amĂ©liorations que jusquâĂ concurrence de la plus-value rĂ©sultant de lâamĂ©lioration. Art. 2176. Les fruits de lâimmeuble hypothĂ©quĂ© ne sont dus par le tiers dĂ©tenteur quâĂ compter du jour de la sommation de payer ou de dĂ©laisser ; et si les poursuites commencĂ©es ont Ă©tĂ© abandonnĂ©es pendant trois ans Ă compter de la nouvelle sommation qui sera faite. » Ainsi, il est bien entendu que toutes les augmentations , rĂ©parations, plantations et tous les travaux faits sur un fonds ou dans lâintĂ©rieur appartiennent de plein droit au propriĂ©taire de ce fonds et sont mĂȘme censĂ©s exĂ©cutĂ©s Ă ses frais jusquâĂ ce que le contraire soit prouvĂ©. Ce nâest que par exception et lorsquâil est prouvĂ© que ces ouvrages ont Ă©tĂ© faits par un tiers et Ă ses frais, que celui-ci a le droit non de les enlever, mais de rĂ©clamer du propriĂ©taire qui veut ou est tenu de les garder, une indemnitĂ© dont nous avons indiquĂ© les bases. En principe gĂ©nĂ©ral, la chose doit ĂȘtre restituĂ©e au vrai propriĂ©taire dans lâĂ©tat oĂč elle Ă©tait lorsquâil a cessĂ© de la possĂ©der car câest Ă cette chose quâil a droit, et si le possesseur pouvait toujours la lui rendre, seulement dans lâĂ©tat oĂč elle se trouverait au moment de lâaction pĂ©titoire, le demandeur perdrait une partie de â 734 â son fonds, comme si le possesseur avait abattu des arbres de haute futaie, des bĂątiments, Ă©puisĂ© des mines ou carriĂšres, ou laissĂ© emporter une partie du fonds par une riviĂšre, faute dâen avoir garanti et dĂ©fendu les bords. Nous ne ferions pas de distinction entre le possesseur de bonne et de mauvaise foi. Quant aux intĂ©rĂȘts des sommes dĂ©boursĂ©es pour les impenses, labours, semences et autres frais, constructions, plantations, du jour oĂč elles ont Ă©tĂ© dĂ©pensĂ©es, nous convenons que câest une question qui nâest pas sans difficultĂ©. Nous croyons cependant quâen gĂ©nĂ©ral le possesseur quelconque a droit aux intĂ©rĂȘts par une Ă©quitable application des art. 1375 et 2001 du Code civil. Nous reviendrons bientĂŽt sur cette question, et nous donnerons Ă notre opinion des dĂ©veloppements qui en feront mieux saisir la portĂ©e et connaĂźtre le mode dâapplication. 132° Les lois romaines *, parun tempĂ©rament dâĂ©quitĂ© ' Voici le texte des lois romaines Dig. de Hereditalis petitione. L. 39, GaĂźus, lib. 6, ad Ediclum provinciale. Utiles autem, necessariĆque sunl , veluti qvĆ fiunt reficiendorum Ćdipciorum gratia, aut in novellata , aut cum servorum gratta litis ĂŠslimalio solvitar , cum id uUlius sit, quam ipsos dedi. Denique alias comptures ejusdemgencris esse impensas,manifeslum est. â § 1" Videa- mus tamen, ne et ad piclurarum quoque et marmorum, et cĆterarum voluptuariarum rerum impensas Ćque proficiat nobis doit exceptio, si modo bonĆ fidei possessores simus nam pr ce dont probe dicelur , non debuisse in alienam rem, supcrvacuas impensas facere ; ut tamen po- teslas ei peret tollendorum eorum, quĆ sine detrimento ipsius rei tolli possunl. » Dig. de Verborum signipcatione. L. 79, Paulus, lib. G, ad Dlautium. ItnpensĂŠ necessariĂŠ sont quĆ si factĆ non sint, res aut peritura, aut deterior futura sit. â § I" Utiles impensas esse Fulcinius ait, quĆ meliorem dolem faciant, {non deteriorem esse non sinant; ex quibus reditus mulieri adquiratur sicuti arbusti pastinationes ultra quam accordaient, comme on lâa vu, mĂȘme au possesseur de mauvaise foi, le remboursement de ses augmentations et amĂ©liorations, des dĂ©penses nĂ©cessaires et utiles. Dumoulin, sur la Coutume de Paris , Bourjon, t. II, n° 9, p. 514, Pothier, Merlin donnaient une dĂ©cision identique en droit français. FerriĂšre, Dictionnaire de droit et de pratique V° Impenses, prĂ©tendait, par une erreur Ă©vidente, que jamais aucun possesseur nâavait droit de rĂ©pĂ©ter les dĂ©penses voluptuaires ; que le possesseur de bonne foi avait seul droit de rĂ©pĂ©ter tant les nĂ©cessaires que les utiles, et que le possesseur de mauvaise foi nâavait droit quâaux premiĂšres, sauf Ă . enlever ce qui pouvait lâĂȘtre sans inconvĂ©nient. La question est aujourdâhui tranchĂ©e par lâarticle 555, sauf le mode de remboursement des travaux qui varie suivant la bonne ou mauvaise foi de celui qui les a exĂ©cutĂ©s. Ainsi le possesseur de mauvaise foi a, comme le possesseur de bonne foi, droit au remboursement des impenses nĂ©cessaires ou utiles. Nous pensons mĂȘme, comme necesse ueral. Hem doctrinam puerorum quorum nomine onerari mu- licrem ignoranlem vel invilam non oportet ne cogatur fundo, aut mancipiis carere. In his impensis et pislrinum et horreum insulce do- tali adjeclum, plerumque dicemus. â § II. VoluptuariĂŠ sunt quĆ spe- ciem duntaxat ornant, non eliam fructum auqcnl, ut sunt viridia et aquĆ salientes, incrustaliones, loricationes, picturĆ. » Nous ne rapportons rien ici du titre de Impensis in rem dotalem faclis, parce quâil serait difficile dâen prĂ©senter un extrait, et quâil faudrait le transcrire en entier, ce qui serait beaucoup trop long. Il faut observer, dit Rousseaud de la Combe, V Impenses, n 3, que les dĂ©penses ou impenses, autres que celles qui sont faites 4 cause des fruits, sont les nĂ©cessaires, sans lesquelles la chose ou le fonds aurait pĂ©ri ou se serait dĂ©tĂ©riorĂ©. Les utiles, qui augmentent le revenu et la valeur de la chose ou du fonds, mais sans lesquelles il nâaurait point pĂ©ri et ne se serait point dĂ©tĂ©riorĂ©, et les voluptueuses, qui embellissent la chose ou le fonds, mais qui nâen augmentent point Je revenu ou la valeur. » On trouve les mĂȘmes dĂ©veloppements dans le Dictionnaire de FerriĂšre, V" Impenses. â 736 nous lâavons dĂ©jĂ dit, p. 730, que la loi ne met aucune difi'Ă©rence entre les impenses et nâexclut pas celles vo- luptuaires ou dâagrĂ©ment qui peuvent aussi ĂȘtre plus ou moins avantageuses, mĂȘme parfois utiles. Lâart. 555 soumet tous les ouvrages Ă la mĂȘme rĂšgle, sans aucune distinction Ă raison de leurs diffĂ©rentes espĂšces. Cependant, les tribunaux devront ĂȘtre sĂ©vĂšres dans lâapprĂ©ciation de la valeur de ces derniĂšres dĂ©penses surtout Ă lâĂ©gard du possesseur de mauvaise foi. Pothier, de la Revendication, n° 352 et Bourjon, t. II, p. 515, n° 11, contestent au possesseur de mauvaise foi le droit au remboursement des dĂ©penses voluptuaires ; cependant ils lui accordent la facultĂ© dâenlever les ouvrages ou travaux, rĂ©sultat de ces dĂ©penses, sâil le peut faire avec quelque motif et sans dĂ©tĂ©rioration du fonds, en remettant les lieux dans lâĂ©tat oĂč ils Ă©taient lorsquâil est entrĂ© en possession. VoilĂ , ajoute Bourjon, tout son droit, autrement son fait aurait nui au lĂ©gitime propriĂ©taire qui, judicieusement, ne doit pas nĂ©anmoins profiter de telles dĂ©penses; câest dans lâĂ©quitĂ©, dit encore Bourjon, matiĂšre Ă composition. Pothier, loco citato, dĂ©cide, en se fondant sur la loi 38, ff. de Rei vind. , quâil ne doit pas lui ĂȘtre permis dâeffacer les peintures dont il a dĂ©corĂ© les appartements de la maison revendiquĂ©e, quoiquâil offre de remettre les choses dans lâancien Ă©tat. Quant Ă nous, nous serons encore un peu plus favorable au possesseur Ă©vincĂ©. Il suffirait que les tribunaux de premiĂšre instance et dâappel eussent donnĂ© Ă des impenses le nom d'amĂ©liorations pour quâ elles dussent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme utiles et pour que le demandeur au pĂ©titoire ne pĂ»t refuser dâen tenir compte au possesseur Ă©vincĂ©, soit en contestant leur utilitĂ©, soit en prĂ©tendant les faire ranger dans la catĂ©gorie des dĂ©penses voluptuaires ou dâagrĂ©ment. 11 nâest pas toujours facile de distinguer les diverses catĂ©gories d'impenses. LâapprĂ©ciation dĂ©pendra des circonstances, de lâimportance et de la nature de la propriĂ©tĂ© , de la position sociale ou de lâĂ©tat de fortune des parties. Telle impense pourra sembler aux uns et dans un cas particulier, utile, nĂ©cessaire mĂȘme, qui, pour dâautres et dans des circonstances diffĂ©rentes, ne sera que vo- luptuaire ou dâagrĂ©ment ; avec les progrĂšs du luxe, les dĂ©penses dâagrĂ©ment peuvent paraĂźtre utiles; que lâimmeuble soit un riche hĂŽtel ou une salle de concert, de danse, de spectacle, un cafĂ©, les peintures, dĂ©corations et ornements de luxe deviendront mĂȘme nĂ©cessaires. 11 rĂ©gnera toujours quelque arbitraire dans la dĂ©cision des tribunaux Ă cet Ă©gard ; la loi nâa pu ni voulu lâĂ©viter. Il ne lui Ă©tait pas possible de donner des dĂ©finitions, de faire des distinctions positives et invariables comme le faisait le droit romain, notamment la loi 39, ff. de Heredit. petitione, les diverses lois du titre de Impensis in res dotales factis, la loi 79, de Verbor. signifient. Le lĂ©gislateur français a dâautant mieux fait de sâen abstenir, quâen droit toute dĂ©finition est dangereuse ; omnis definitio in jure pericu- losa; quâen lisant les diffĂ©rentes lois que nous venons dâindiquer, on se convaincra aisĂ©ment quâelles nâont pas toute la prĂ©cision, toute la clartĂ© dĂ©sirable; quâelles sont loin de satisfaire la raison, notamment en ce qui concerne les dĂ©penses utiles et leur diffĂ©rence avec les voluptuaires. Aussi lâart. 555 ne se prĂ©occupe-t-il pas, comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, de la nature des ouvrages ; il applique 47 la mĂȘme rĂšgle Ă toutes les catĂ©gories. Le propriĂ©taire du fonds doit toujours les payer quand il en profite ; seulement, lorsque lâauteur des travaux est de mauvaise foi, le propriĂ©taire a le droit de le contraindre Ă les enlever. La loi sâen est donc, par la force des choses, rapportĂ©e Ă la conscience et aux lumiĂšres des magistrats qui ont la plus grande latitude pour faire leur apprĂ©ciation. Ce serait lĂ une dĂ©cision en fait, sur laquelle la Cour de cassation ne pourrait exercer son droit de rĂ©vision comme elle lâa dâailleurs reconnu par lâarrĂȘt du 15 janvier 1839 dĂ©jĂ citĂ©, en rejetant un pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de la Cour de Riom , qui avait condamnĂ© le propriĂ©taire Ă tenir compte, au possesseur Ă©vincĂ©, dâouvrages qualifiĂ©s dâamĂ©liorations ; la Cour de cassation a dit dans se9 motifs que le mot amĂ©liorations indiquait par lui-mĂȘme futilitĂ© des dĂ©penses quâelles avaient nĂ©cessitĂ©es. Lorsque le demandeur au pĂ©titoire a Ă©tabli sa propriĂ©tĂ© du sol, la preuve contraire, dont parle lâart. 553, pour les impenses, est Ă la charge du possesseur, demandeur en exception, et peut se faire comme nous lâavons dĂ©jĂ dit, n° 56, par titre, par tĂ©moins, expertise, visite de lieux et par de simples prĂ©somptions, quelque Ă©levĂ©e que soit la valeur des travaux. Nous en avons un exemple dans lâarrĂȘt de la Cour de cassation rapportĂ© nâ 70; le demandeur peut rĂ©pondre par les mĂȘmes moyens. Mais une fois cette preuve contraire faite, le dĂ©fendeur qui invoque sa bonne foi pour obtenir une dĂ©cision plus favorable sur ses impenses, nâa pa9 plus Ă prouver cette bonne foi dans ce cas que dans celui oĂč il prĂ©tend avoir fait siens les fruits de lâobjet litigieux ; la prĂ©somption de bonne foi est gĂ©nĂ©rale. Comme le disait M. Por- â 739 â talis sur le titre de la propriĂ©tĂ©, le possesseur est censĂ© ignorer les vices de son titre, tant quâon ne constate pas quâil les connaissait. Câest au demandeur a faire opĂ©rer cette constatation qui peut rĂ©sulter aussi du fait dâun tiers qui aurait fait connaĂźtre les titres du vrai propriĂ©taire, des enquĂȘtes et des prĂ©somptions, dâautant plus quâil sâagit d'une preuve de fraude et de dol; cette solution sâappliquerait encore au cas oĂč il sâagirait de prouver la cessation de bonne foi, et nous ajouterons, comme exception Ă la dispense en faveur du possesseur de lâobligation de prouver sa bonne foi, quâil serait pourtant soumis Ă cette obligation, dans le cas oĂč le demandeur au pĂ©titoire aurait prouvĂ© ou lâabsence totale ou la cessation de la bonne foi de la part de son adversaire ; alors celui-ci qui voudrait dĂ©truire ce fĂącheux prĂ©cĂ©dent, et qui articulerait la survenance de la bonne foi, serait tenu de fournir la preuve du fait quâil affirmerait. Du reste, lâhĂ©ritier qui serait personnellement de bonne foi, ne pourrait se soustraire aux consĂ©quences de la mauvaise foi de son auteur. Nous appliquons donc aux impenses les principes posĂ©s p. 701, quant Ă la restitution des fruits ; ils sont les mĂȘmes dans tous les cas. Tout ce que nous avons dit sur les vices du titre, sur le droit personnel de lâhĂ©ritier, doit ĂȘtre admis ici. LâhĂ©ritier qui aurait fait des amĂ©liorations, des impenses, pourrait donc invoquer sa bonne foi ; il suffirait mĂȘme pour cela quâelle eĂ»t existĂ© au moment des travaux, quoiquâelle eĂ»t cessĂ© depuis. Câest dâailleurs une rĂšgle gĂ©nĂ©rale. Mais un possesseur, serait-il de bonne foi et pourrait-il invoquer lâart. 555, sâil avait fait des constructions, plantations et ouvrages depuis un jugement ou arrĂȘt qui serait cassĂ© plus tard? Cette question devrait ĂȘtre encore rĂ©solue dâaprĂšs les principes sur la restitution des fruits. Or, plusieurs cas peuvent se prĂ©senter. Supposons que l'action pĂ©titoire ait Ă©tĂ© repoussĂ©e en premiĂšre instance et en appel, ou bien Ă lâune ou Ă lâautre de ces juridictions, mais que la dĂ©cision ait Ă©tĂ© cassĂ©e et que la Cour de renvoi ait donnĂ© gain de cause au demandeur ; le dĂ©fendeur sera-t-il rĂ©putĂ© de bonne foi jusquâĂ ce dernier arrĂȘt comme sâil nây avait pas eu dâinstance ou au moins jusquâĂ lâarrĂȘt de la Cour de cassation ? Lorsquâil sâagit dâune somme payĂ©e en vertu dâun arrĂȘt qui a Ă©tĂ© cassĂ© plus tard, le dernier Ă©tat de la jurisprudence fait courir les intĂ©rĂȘts du jour de la signification de lâarrĂȘt dâadmission du pourvoi, parce que cette signification contient assignation devant la chambre civile , en restitution des sommes touchĂ©es. ArrĂȘt cassation, 29 avril 1839, Journal du palais, 39-1-M2. Nous disons le dernier Ă©tat de la jurisprudence, parce que la cour de cassation avait dĂ©cidĂ© la question en sens opposĂ©s. Par un premier arrĂȘt du 15 janvier 1812, elle avait jugĂ© dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale et sans faire de distinction , que les intĂ©rĂȘts des sommes Ă restituer aprĂšs cassation ne sont pas dus Ă partir du jour du payement. Par un autre arrĂȘt du 11 novembre 1828, la Cour a jugĂ© au contraire et dâune maniĂšre non moins gĂ©nĂ©rale que la partie tenue Ă restitution, aprĂšs cassation, doit ĂȘtre condamnĂ©e aux intĂ©rĂȘts du jour du payement des sommes qui doivent ĂȘtre restituĂ©es. Le dernier arrĂȘt adopte donc un terme moyen. Mais cette dĂ©cision, toute spĂ©ciale au cas de perception dâune somme en vertu dâun arrĂȘt de condamnation, ne peut sâappliquer aux fruits Ă restituer. Lâaction origi- â 741 naire met le possesseur en demeure de restituer. De ce moment, il cesse donc de pouvoir les gagner, si la demande se trouve justifiĂ©e en dĂ©finitive; quâelle ne le soit quâaprĂšs des pĂ©ripĂ©ties ou des alternatives judiciaires diverses, plus ou moins multipliĂ©es, ce sont lĂ 'des incidents qui peuvent bien suspendre l'effet de lâaction originaire, mais non lâempĂȘcher. Les jugements et arrĂȘts contraires sont affectĂ©s dâune condition rĂ©solutoire qui, lorsquâelle sâaccomplit, remet les choses au mĂȘme Ă©tat quâauparavant et oblige celui qui a reçu Ă restitution. Art. 1183, Code civil. La dĂ©cision dĂ©finitive a un effet rĂ©troactif qui remonte au jour de lâaction ; câest comme si elle avait pu ĂȘtre rendue et exĂ©cutĂ©e le jour mĂȘme de cette action. Le dĂ©fendeur savait que le demandeur au pĂ©titoire avait son droit dâappel, de recours en cassation par suite duquel la dĂ©cision pouvait ĂȘtre rĂ©formĂ©e. Supposons au contraire que le demandeur ait obtenu gain de cause en premiĂšre instance, en appel; mais que le dĂ©fendeur ait fait casser et ait obtenu gain de cause en dĂ©finitive devant la cour de renvoi. Le demandeur qui aurait perçu les fruits en vertu de lâarrĂȘt cassĂ© et qui aurait touchĂ© la valeur de ceux antĂ©rieurs, ou qui aurait fait des impenses dans lâintervalle des deux arrĂȘts, devrait rendre les fruits et mĂȘme les intĂ©rĂȘts de ceux liquidĂ©s par lâarrĂȘt, et cela du jour de la signification de lâarrĂȘt dâadmission du pourvoi. Nous donnerions la mĂȘme solution dans le cas de rĂ©tractation de dĂ©cision, par suite de requĂȘte civile, ou de tierce opposition. Nous croyons que la mĂȘme doctrine serait applicable pour prĂ©ciser et dĂ©terminer les effets, les rĂ©sultats de ces dĂ©cisions. â 742 â Les amĂ©liorations et impenses faites sur un terrain ajoutĂ© par alluvion Ă la propriĂ©tĂ© principale, pendant lâinstance pĂ©titoire et mĂȘme antĂ©rieurement et depuis la dĂ©p^ossession du vĂ©ritable propriĂ©taire, devraient ĂȘtre aussi remboursĂ©es au possesseur de bonne ou de mauvaise foi. Le vrai propriĂ©taire ne pourrait se soustraire Ă cette obligation sous prĂ©texte que les travaux nâont pas Ă©tĂ© faits sur lâobjet principal et en abandonnant au possesseur, contre son grĂ©, le terrain dâalluvion et les constructions et plantations; indĂ©pendamment de ce que cet abandon nâest autorisĂ© par la loi dans aucun cas, lâallu- vion nâappartient pas plus au possesseur que la chose principale; lâune et lâautre sont la propriĂ©tĂ© de la mĂȘme personne, forment les parties dâun tout, ainsi que nous lâavons Ă©tabli dans notre RĂ©gime des eaux, n° 2A3, et dans notre opuscule rĂ©cent sur le dĂ©cret de dĂ©centralisation administrative en matiĂšre de cours dâeau. Cette alluvion, quoique formĂ©e pendant la dĂ©possession du propriĂ©taire, ne doit pas moins lui ĂȘtre dĂ©livrĂ©e sur son action pĂ©titoire avec la chose principale et mĂȘme, lorsque le possesseur est de mauvaise foi, la restitution des fruits Ă laquelle ce dernier est tenu doit comprendre ceux produits par lâalluvion comme tous les autres. L. 3A, ff. de Rei vind. Il y a une exception toute spĂ©ciale au droit du possesseur de rĂ©clamer une indemnitĂ© pour les impenses ; mais câest lorsquâil sâagit de simples amĂ©liorations; que ce possesseur est un usufruitier. Lâart. 599 du Code civil porte en effet que lâusufruitier ne peut, Ă la cessation de lâusufruit , rĂ©clamer aucune indemnitĂ© pour les amĂ©liorations quâil prĂ©tendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fĂ»t augmentĂ©e, que lui ou ses hĂ©ritiers â 743 â peuvent seulement enlever les glaces, tableaux et autres ornements quâil aurait fait placer ; mais Ă la charge de rĂ©tablir les lieux dans leur premier Ă©tat. Desgodets, Ldi-s des bĂątiments, page ÂŁ87, et son annotateur Goupy, ibid., posent la mĂȘme rĂšgle et disent que la douairiĂšre'ne peut rĂ©pĂ©ter contre les hĂ©ritiers de son mari, les amĂ©liĂŽ- riations, ajustements ou augmentations quelle aurait fait faire pendant sa jouissance. Goupy ajoute quâil en est de ces amĂ©liorations comme de celles quâun locataire ferait en une maison pour la rendre plus habitable et plus commode ; que le propriĂ©taire ne doit pas les rembourser Ă son locataire. Gette rĂšgle sâappliquerait, suivant nous, Ă des impenses de peu de valeur par exemple, Ă des embellissements , Ă des dĂ©corations, Ă un mode de culture, dâengrais, dâirrigation, de drainage, de dessĂšchement qui rendrait la terre meilleure, plus productive; mais non Ă des constructions, Ă des plantations dâune certaine valeur, par exemple Ă la construction dâune maison, dâune aile de bĂątiment, Ă la transformation dâun terrain aride en vignes ou en bois. Ge cas nous paraĂźtrait rĂ©gi par lâart. 555 du Gode. Le locataire ou tout autre dĂ©tenteur ou possesseur qui nâa pas droit Ă indemnitĂ© pour amĂ©liorations ne peut les altĂ©rer, ellacer, dĂ©truire, sans aucun profit pour lui ; Mali- tiis non est indulgendum. Un arrĂȘt du parlement de Paris, citĂ© par Lepage nouveau Desgodets, p. 2, ch. 3, art. 1 er , p. 188 et 189, a condamnĂ© avec raison Ă des dommages- intĂ©rĂȘts, un locataire qui pour se venger de ce quâun propriĂ©taire ne voulait pas lâindemniser, avait arrachĂ© ou sali les papiers, grattĂ© les peintures quâil avait fait Ă©tablir. Il importe que les tribunaux rĂ©priment sĂ©vĂšrement de pareils mĂ©faits assez frĂ©quents de la part de certains locataires, qui, pour se venger des propriĂ©taires qui nâont pas voulu cĂ©der Ă leurs exigences ou ont Ă©tĂ© obligĂ©s de les congĂ©dier, ne manquent pas de tout salir ou dĂ©grader dans les locaux quâils quittent, et lors mĂȘme que les frais ont Ă©tĂ© faits par les propriĂ©taires quâils forcent ainsi Ă des rĂ©parations coĂ»teuses pour remettre ces localitĂ©s en Ă©tat dâĂȘtre habitĂ©es par dâautres personnes. Voyez en outre Pothier, Troplong, Duvergier, du Louage et arrĂȘt de la Cour de cassation, du 15 janvier 1849, Devill. et Car. 1849-1-95 Cet arrĂȘt reconnaĂźt aussi un principe important en dĂ©cidant que le silence du propriĂ©taire qui a laissĂ© exĂ©cuter les travaux, nâĂ©tablit pas de fin de non-recevoir contre lui ; quâil nâest pas tenu de sâopposer Ă ces travaux pour conserver le droit consacrĂ© par lâart. 555 ; que tout ce qui rĂ©sulte de ce silence, câest que le propriĂ©taire a consenti Ă lâexĂ©cution, aux risques et pĂ©rils du possesseur ou dĂ©tenteur; et quoique cet arrĂȘt soit rendu dans un espĂšce ou il sâagissait de travaux faits par un fermier, il est Ă©vident que le principe posĂ© est commun Ă tous les possesseurs et dĂ©tenteurs. 133° La valeur des amĂ©liorations doit se compenser, en principal et intĂ©rĂȘts, avec les fruits perçus par le possesseur de bonne ou de mauvaise foi. Telle Ă©tait, comme nous allons le voir, la dĂ©cision des lois romaines, notamment de la loi 48, ff. de Rei vitid., que nous avons rapportĂ©e, p. 725, et des auteurs les plus accrĂ©ditĂ©s qui ont Ă©crit avant le Code civil. Merlin pense que la mĂȘme doctrine, les mĂȘmes solutions sont encore applicables aujourdâhui, puisquâil a Ă©crit sous lâempire du Code civil, et quâil les reproduit, sans dire ni donner Ă entendre que ce Code y ait dĂ©rogĂ©. â 745 â Câest aussi lâopinion de M. Troplong, des Priv. et hy., t. III, n° 839; M. Delvincourt, t. II, p. 3, etM. MarcadĂ©, dans son Commentaire, de l'art. 555, sont dâune opinion contraire; ils se fondent sur ce que les fruits appartiennent au possesseur de bonne foi, et que ce serait lâen priver que de le soumettre Ă la compensation de ces fruits avec les impenses. Encore le premier admet-il une exception et une composition pour le cas oĂč le propriĂ©taire nâayant pas le moyen dâacquitter les impenses, devrait vendre sa propriĂ©tĂ© pour se libĂ©rer; M. MarcadĂ© admet aussi une exception dans le cas oĂč il serait prouvĂ© que les fruits ont Ă©tĂ© employĂ©s aux amĂ©liorations ou impenses ; mais ces exceptions dĂ©truisent le principe par eux posĂ©; car si le possesseur est propriĂ©taire, comment peut-on le contraindre, dans ces derniers cas plus que dans le premier, Ă la compensation de deux choses qui lui appartiennent Ă©galement? dâun autre cĂŽtĂ©, câest bien toujours, au moins en partie, avec les fruits que le possesseur a fait les augmentations, au lieu de leur donner une autre destination ; enfin, comment constater dâune maniĂšre certaine que le vrai propriĂ©taire nâa pas moyen de payer sans vendre son immeuble? Ainsi, il nây a pas de milieu, il faut admettre ou rejeter la compensation sans distinction, sans exception. La rĂ©daction de lâart. 555 fortifie notre sentiment; nous y lisons une phrase incidente assez significative il y est question de tiers qui nâaurait pas Ă©tĂ© condamnĂ© Ă la restitution des fruits, attendu sa bonne foi. Pourquoi cette mention de non-restitution de fruits lorsquâil est question du rĂšglement des impenses? En mĂȘlant lâune Ă lâautre, le lĂ©gislateur a donc voulu que les deux objets eussent un rapport, une corrĂ©lation, une influence rĂ©ci- â 7-16 â proque; il a Ă©tĂ© dominĂ© par le principe des lois romaines Ă«t par la doctrine de Pothier qui prescrivaient la compensation ; lâon sait en effet, et les orateurs du gouvernement lâont dit dâune maniĂšre formelle, que dans toute la partie du Code relative Ă lâaccession, le lĂ©gislateur a voulu suivre ce principe et cette doctrine. Quâon pĂšse bien les termes du Code et lâon en sera de plus en plus convaincu. Sâil avait eu lâintention de repousser la compensation, ne lui aurait-il pas suffi de dire si les travaux ont Ă©tĂ© faits par un possesseur de bonne foi? pourquoi y ajouter la mention qui nâaurait pas Ă©tĂ© condamnĂ© Ă , la restitution des fruits? pourquoi mĂȘme parler au conditionnel nâaurait pas Ă©tĂ© condamnĂ©? au lieu de parler au prĂ©sent, qui est dispensĂ© de la restitution ou qui ne peut ĂȘtre condamnĂ©, etc. La rĂ©daction indique donc que ce possesseur nâaurait pas Ă©tĂ© soumis Ă la restitution sâil nây avait pas eu dâimpenses; mais que dĂšs quâil en existe, il y a lieu Ă un compte, Ă une compensation. Rappelons-nous que le possesseur en gĂ©nĂ©ral nâa pas droit aux fruits; quâils appartiennent au propriĂ©taire du fonds ; quâon ne les attribue au possesseur que par une exception toute particuliĂšre , comme une chose qui lui Ă©tait nĂ©cessaire, quâil a consommĂ©e parce quâil sâen croyait propriĂ©taire; quâil serait trop dur et quelquefois ruineux de lâobliger Ă les restituer; que plusieurs annĂ©es de fermages Ă©chues, mais encore dues parles locataires ou fermiers, lors de lâaction, appartiennent au vrai propriĂ©taire. Or, lorsque le possesseur a fait des augmentations, il est Ă©vident quâil les a payĂ©es avec des Ă©conomies faites sur les fruits, soit quâil nâait pas dâautre revenu, soit que les autres revenus lui aient suffi pour vivre; on peut dire, par une fiction aussi raisonnable que juste, quâil nâa pas perçu ces fruits, â 747 â puisquâils sont employĂ©s en travaux qui en ont pris la place et se sont identifiĂ©s avec le sol. Il y a substitution dâune chose Ă lâautre. Il ne peut avoir tout Ă la fois les fruits employĂ©s en impenses et ces impenses. La diffĂ©rence seule lui appartient. Du reste, les fruits dont la compensation doit avoir lieu avec les impenses, sont les fruits naturels et industriels de lâimmeuble, câest-Ă -dire ceux quâon obtient par le travail, par la culture, et les fruits civils, câest-Ă -dire les loyers et fermages; mais non les produits qui rĂ©sulteraient du talent, de lâintelligence, des soins et travaux commerciaux ou industriels du possesseur qui se seraient exercĂ© ou auraient eu lieu dans ou sur la chose revendiquĂ©e. Ainsi le commerçant, lâusinier, le fabricant ou manufacturier nâauraient pas Ă compter du produit de leur commerce ou de leur industrie, mĂȘme comme possesseurs de mauvaise foi. Au surplus, voici comment sâexprime Merlin, Rep., V° AmĂ©lioration, n° 2 Dans lâestimation des dĂ©penses faites par lâacquĂ©reur dâun hĂ©ritage pour lâamĂ©lioration, comme sâil y a plantĂ© un bois, une vigne, il faut dĂ©duire sur ces dĂ©penses les fruits provenus de lâamĂ©lioration, et qui auront augmentĂ© le revenu de lâhĂ©ritage; de sorte que si les jouissances des fruits acquittent le principal et les intĂ©rĂȘts des avances faites pour amĂ©liorer, il nâen sera point dĂ» de remboursement, parce quâil suffit que lâacquĂ©reur ne souffre aucune perte ; mais si les jouissances sont moindres, on doit lâindemniser du surplus de ses avances, tant en principal quâen intĂ©rĂȘts; si, au contraire, les jouissances excĂšdent ce que les amĂ©liorations ont pu coĂ»ter, le bĂ©nĂ©fice est pour lâacquĂ©reur, pourvu UH â nĂ©anmoins quâil les ait perçus de bonne foi, et avant quâon ait formĂ© contre lui aucune demande en justice. » Aux n° s 4 et 5, il se livre Ă une discussion Ă©tendue, et conclut en dĂ©cidant que le possesseur de mauvaise foi a droit comme le possesseur de bonne foi au remboursement des impenses nĂ©cessaires ou utiles et des intĂ©rĂȘts, et que la compensation sâen fait mĂȘme avec les fruits de la chose principale. Les lois 48 et 65, au Digeste de Rei vindicatione, sont positives sur ce point Pothier, TraitĂ© du domaine de propriĂ©tĂ©, n° 343, sâexprime ainsi Lorsque sur lâaction de revendication, le demandeur a justifiĂ© de son droit, le possesseur est condamnĂ© Ă lui dĂ©laisser la chose revendiquĂ©e; mais dans certains cas, lorsque le possesseur a dĂ©boursĂ© quelque somme pour la conservation ou lâamĂ©lioration de la chose, le possesseur nâest condamnĂ© Ă dĂ©laisser quâĂ la charge par le demandeur de lui rembourser ce quâil a dĂ©boursĂ© et de lâindemniser. » N° 344, il dit que le propriĂ©taire doit rembourser les impenses, Ă lâexception de celles de simple entretien, et les intĂ©rĂȘts, en ce quâils excĂ©deraient les fruits que le possesseur a perçus depuis ledit temps, avec lesquels la compensation doit sâen faire. M. Bugnet, professeur Ă la FacultĂ© de droit de Paris, dans ses notes sur Pothier, conteste les intĂ©rĂȘts. » En effet, il ne peut avoir les fruits provenant des amĂ©liorations et les intĂ©rĂȘts de la somme employĂ©e Ă ces amĂ©liorations. Les nâ 345, 46, 47, 48, sont le dĂ©veloppement et lâapplication des principes ci-dessus. Au n° 349, Pothier dit ; La troisiĂšme limitation, qui doit ĂȘtre apportĂ©e au principe qui oblige le propriĂ©taire Ă rembourser au possesseur de bonne foi les impenses â 7-19 â utiles quâil a faites pour la chose qui fait lâobjet de lâaction en revendication, est que le propriĂ©taire nâest tenu de rembourser, au possesseur de bonne foi, la somme qui lui est due que sous la dĂ©duction de ce que ce possesseur sâen trouve dĂ©jĂ remboursĂ© par les fruits quâil a perçus. » A lâappui de son opinion, Pothier, sous chaque numĂ©ro, cite les lois romaines. Il est moins favorable au possesseur de mauvaise foi. Les auteurs du Nouveau Denizart, V° AmĂ©liorations, admettent la mĂȘme doctrine, et ajoutent, n° 5 Enfin, on peut demander si le propriĂ©taire est tenu des intĂ©rĂȘts des sommes employĂ©es par le possesseur aux amĂ©liorations. On pense que les intĂ©rĂȘts sont dus au possesseur de bonne foi ; mais les intĂ©rĂȘts se trouvent ordinairement compensĂ©s avec les fruits. Quant au possesseur de mauvaise foi, il doit les perdre *. » Loyseau, du DĂ©guerpissement, n° 14, sâexprime ainsi On ne doute pas quâen point de droit, sur les amĂ©liorations que doit retirer le possesseur de bonne foi, on ne lui prĂ©compte et rabatte les fruits quâil a perçus de lâhĂ©ritage mĂȘme avant contestation, suivant la loi sump- tus et la loi emptor, Dig. de Rei vindicatione. » Mais ces deux lois parlent du simple possesseur de bonne foi, qui, nâĂ©tant pas seigneur de lâhĂ©ritage, gagne les fruits seulement par une considĂ©ration dâĂ©quitĂ© contre les rĂšgles de droit, et ne se peuvent adapter au vrai seigneur de lâhĂ©ritage qui gagne les fruits jure dominii. » Domat, Lois civiles, p. 239, n° h, dit que tous ceux qui jouissent * Nous avons dĂ©jĂ Ă©mis, p. 734, une opinion contraire, quant aux intĂ©rĂȘts. â 750 â de mauvaise foi sont tenus de restituer la valeur de toutes les jouissances, quoiquâils nâaient Ă©tĂ© troublĂ©s par aucune demande ; » et au n° 17 de la p. h 5, il dĂ©cide quâil faut compenser les fruits perçus par le possesseur de bonne foi avec le prix des amĂ©liorations quâil a faites, et de sorte que si ces fruits acquittent le principal et les intĂ©rĂȘts des amĂ©liorations, il nâen sera point dĂ» de remboursement, parce quâil suffit que le possesseur ne perde rien. » Ainsi, avant le Code civil, câĂ©tait un principe incontestable que les fruits perçus mĂȘme par le possesseur de bonne foi venaient en dĂ©duction de la valeur des amĂ©liorations et des intĂ©rĂȘts de ces amĂ©liorations; cela Ă©tait dâautant plus juste quâainsi que le dit Loyseau le vrai propriĂ©taire du fonds avait en principe seul droit aux fruits produits par la chose, comme Ă la chose mĂȘme ; et que ce nâĂ©tait que par un tempĂ©rament dâĂ©quitĂ©, par une dĂ©rogation aux principes que le possesseur de bonne foi gardait ces fruits; mais lorsquâil avait fait des amĂ©liorations, il ne pouvait retenir tout Ă la fois les fruits, le prix et les intĂ©rĂȘts des amĂ©liorations; câeĂ»t Ă©tĂ© ruiner le propriĂ©taire; et comme nous lâavons dit, p. 7&/i, 7Ă5, le Code civil, art. 5Ă 9, 550, 555, nous paraĂźt conçu dans le mĂȘme esprit. Lorsquâil attribue tous les fruits au possesseur de bonne foi, il suppose Ă©videmment une chose qui appartient entiĂšrement Ă celui qui la revendique, et que le possesseur lui remettra sans dĂ©duction de sa valeur, sans charge aucune ; mais du moment oĂč il y a des amĂ©liorations et augmentations, la compensation doit sâopĂ©rer entre les deux dettes, jusquâĂ due concurrence aux termes des art. 1189 et suiv. du Code civil, et les deux dettes sont alors Ă©teintes. La compensation doit â 751 â donc avoir lieu, et si les amĂ©liorations excĂšdent les fruits perçus, ou si les fruits perçus excĂšdent les amĂ©liorations, le possesseur de bonne foi profite de lâexcĂ©dant; câest aussi ce qui rĂ©sulte de la jurisprudence. 134° lin arrĂȘt de la Cour de cassation, du 6 novembre 1838 Sirey-Villeneuve 1839-1-202, a rejetĂ© le pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de la Cour dâappel de Rouen, qui avait dĂ©boutĂ© un possesseur maintenu sur action possessoire dâune demande en payement dâamĂ©liorations plantations, par le motif quâil avait perçu les fruits pendant vingt ans, quâon ne lâavait pas condamnĂ© 4 restituer ces fruits dans lesquels il trouvait lâindemnitĂ© de ses plantations. Câest lĂ , comme on voit, la compensation admise par les lois romaines et par les auteurs. Un autre arrĂȘt, de la mĂȘme Cour, du 9 dĂ©cembre 1839 *, renferme une dĂ©cision fondĂ©e sur les mĂȘmes principes, et justifiant notre opinion. Le sieur Leconte avait Ă©pousĂ© la demoiselle Jolienne. AprĂšs avoir fait prononcer, en lâan vi, l'interdiction de sa femme, puis le divorce en lâan vu, le sieur Leconte contracta un second mariage ; prĂ©alablement auquel il rĂ©gla avec sa premiĂšre femme, relevĂ©e de son interdiction et mariĂ©e au sieur Robert, la liquidation de la communautĂ© qui avait existĂ© entre eux. Il est Ă remarquer quâon omit de comprendre dans cette liquidation, une maison sise Ă Paris, rue du Rocher, et'qui faisait partie de la communautĂ©. Le 29 aoĂ»t 1810, le sieur Leconte vendit cette maison aux sieur et dame Dethan, moyennant 18,000 francs, et sans le concours de sa premiĂšre femme. En 1829, la dame Robert, ayant dĂ©couvert lâomission * Journal du palais , 1840-l-ttĂŻ. qui avait eu lieu Ă son prĂ©judice, lors de la liquidation de sa communautĂ© avec le sieur Leconte, forma, contre les Ă©poux Dethan, une demande en revendication de la moitiĂ© qui lui appartenait dans la maison par eux acquise en 1810, avec restitution .de la moitiĂ© des loyers que lâimmeuble avait produits pendant leur indue possession. Cette demande, sur laquelle les sieur et dame Dethan appelĂšrent en garantie la dame Courtin, hĂ©ritiĂšre du sieur Leconte alors dĂ©cĂ©dĂ©, donna lieu Ă une instance, en suite de laquelle intervint un arrĂȘt de la Cour royale de Paris, le 19 juin 1830, qui accueillit les demandes de la dame Robert, et qui, attendu que les Ă©poux Dethan Ă©taient jugĂ©s avoir possĂ©dĂ© de mauvaise foi, les condamna Ă restituer la moitiĂ© des loyers. De plus, comme les Ă©poux Dethan avaient fait des amĂ©liorations et constructions considĂ©rables pour la conservation desquelles optait la dame Robert, la Cour condamna celle-ci Ă leur tenir compte de la moitiĂ© de la plus-value rĂ©sultant de ces amĂ©liorations et constructions. Un jugement du Tribunal de la Seine rĂ©gla Ă 176,081 fr. 51 c., la dĂ©pense faite par les sieurs et dame Dethan, en constructions et amĂ©liorations, dont la dame Robert devait leur rembourser la moitiĂ©, et Ă 114,920 fr. 17 c. la recette des loyers, dont les Ă©poux Dethan devaient restituer la moitiĂ© Ă la dame Robert. Sur lâappel, les acquĂ©reurs demandĂšrent les intĂ©rĂȘts de la moitiĂ© de la valeur des constructions et amĂ©liorations, et soutinrent que ces intĂ©rĂȘts devaient entrer en compensation avec les fruits ou revenus produits par lâimmeuble; arrĂȘt de la Cour dâappel de Paris, du 7 janvier 1837, qui le dĂ©cide ainsi. â 753 â Mais, le 9 dĂ©cembre 1839, il intervint arrĂȘt qui cassa en se fondant sur ce que les fruits produits par lâimmeuble, dans son Ă©tat antĂ©rieur aux amĂ©liorations et constructions, comme cet immeuble lui-mĂȘme devaient rester intacts entre les mains de la dame Robert, sans aucune dĂ©duction du prix ou des intĂ©rĂȘts de ces amĂ©liorations et augmentations; que ces intĂ©rĂȘts ne pouvaient affecter que les fruits produits par les augmentations et amĂ©liorations, et venir en dĂ©duction de ces fruits. Quâainsi les intĂ©rĂȘts qui sont ceux de la somme dĂ©pensĂ©e pour les matĂ©riaux et la main-dâĆuvre ou de l'augmentation de valeur, suivant les cas, ne peuvent ĂȘtre pris que sur les revenus des augmentations et amĂ©liorations, et se trouveront rĂ©duits et diminuĂ©s si ces fruits ne peuvent y faire face en totalitĂ©. LâarrĂȘt dĂ©cide aussi que lâart. 2001 du Code civil Ă©tait inapplicable; que les juges ont pu allouer des intĂ©rĂȘts, mais limitĂ©s comme on lâa vu. Du reste, il a Ă©tĂ© reconnu que les fruits des amĂ©liorations et augmentations appartiennent, comme ceux de lâimmeuble dans son Ă©tat primitif, au propriĂ©taire de celui-ci, parce quâil est propriĂ©taire intĂ©gral. Enfin, nous avons vu, dâaprĂšs lâopinion de Loyseau, de Merlin, de Troplong, du Nouveau Denizart, et celle de Pothier, que mĂȘme le possesseur de bonne foi Ă©tait tenu de supporter la compensation, non-seulement des revenus des amĂ©liorations et augmentations, mais mĂȘme des revenus de lâimmeuble dans son Ă©tat antĂ©rieur avec le prix et les intĂ©rĂȘts de ces travaux. A plus forte raison, un possesseur de mauvaise foi y est-il tenu. Il y a mĂȘme entre lâun et lâautre cette diffĂ©rence que comme le possesseur de bonne foi fait les fruits siens, il aurait droit aux fruits qui pourraient excĂ©der la 48 â 7K4 â valeur des travaux en capital et intĂ©rĂȘts, tandis que lâautre serait tenu de restituer cet excĂ©dant, et ne pourrait dâailleurs prendre sur les fruits de lâimmeuble dans son Ă©tat primitif, ni les impenses, ni les intĂ©rĂȘts de ces impenses, qui, contestĂ©s par plusieurs auteurs, ne sont pas dus dâune maniĂšre absolue, et que les juges ont seulement la facultĂ© dâallouer par un tempĂ©rament dâĂ©quitĂ©, suivant les circonstances, et en faisant le compte des fruits, des amĂ©liorations. Sâils allouent au demandeur au pĂ©titoire les fruits provenant de ces amĂ©liorations, il paraĂźt fort juste dâaccorder au possesseur au moins lâintĂ©rĂȘt proportionnel et Ă©quivalent Ă ces fruits, des sommes quâil a dĂ©boursĂ©es. Ăvidemment le systĂšme qui tendrait Ă allouer au possesseur de bonne foi lâintĂ©gralitĂ© des fruits, des impenses et intĂ©rĂȘts serait souverainement injuste ; supposons, par exemple, un immeuble valant 50,000 fr., le possesseur y fait pour 50,000 fr. de travaux. AprĂšs vingt ans, le vĂ©ritable propriĂ©taire revendique sa chose ; si le possesseur a Ă©tĂ© de bonne foi, il aura tous les fruits, plus, pour les amĂ©liorations 50,000 fr., et vingt ans dâintĂ©rĂȘt, total 100,000 fr. Le vĂ©ritable propriĂ©taire devra donc vendre son immeuble pour se libĂ©rer, et si les circonstances sont dĂ©favorables, il nâen tirera peut-ĂȘtre que 75,000 fr., et alors, aprĂšs sâĂȘtre entiĂšrement dĂ©pouillĂ©, il redevra encore 25,000 fr. Si, au contraire, le possesseur est de mauvaise foi, il nâaura pas droit aux fruits qui peuvent, toutes dĂ©ductions faites, nâavoir Ă©tĂ© que de 3 p. 100, soit 60,000 fr., qui seront toujours insulĂŻisants pour en payer 100,000 ; et alors la valeur de lâimmeuble, dans son Ă©tat primitif, sera absorbĂ©e presque entiĂšrement. Non, ce nâest pas lĂ ce quâa voulu le lĂ©gislateur; lâattribution des loyers dâune maison, par exemple, toutes dĂ©ductions faites des charges, est une libĂ©ralitĂ© faite aux dĂ©pens du vĂ©ritable propriĂ©taire, la loi nâa pas voulu charger celui-ci dâune libĂ©ralitĂ© avant quâil ne fĂ»t libĂ©rĂ©; nemo liberalis nisi li- beratus. Lâart. 1375 du Code civil, qui est applicable ici, dit que le maĂźtre, dont lâaffaire a Ă©tĂ© bien gĂ©rĂ©e, doit rendre le neyotiorwn gestor indemne de ses engagements, de ses dĂ©penses; lâart. 549, qui nâest quâune exception au droit commun, doit donc sâinterprĂ©ter par lâart. 1375, comme on le faisait dâaprĂšs les lois romaines et lâancien droit. On objectera peut-ĂȘtre quâavec ces principes et cette solution, un possesseur de bonne foi ne sera pas mieux traitĂ© quâun possesseur de mauvaise foi; mais, dâune part, lâĂ©quitĂ© sâoppose Ă ce quâon sâenrichisse mĂȘme aux dĂ©pens dâun possesseur de mauvaise foi; dâautre part, lâobjection nâest pas complĂštement exacte, car dans lâestimation et lâallocation des impenses, les juges, apprĂ©ciant les intentions et le but de chacun dâeux, pourront ĂȘtre plus favorables au premier quâau dernier. On peut facilement supposer que celui-ci a voulu grever le vrai propriĂ©taire pour le mettre dans une position gĂȘnĂ©e, embarrassante, et peut-ĂȘtre le forcer Ă se dĂ©faire de sa propriĂ©tĂ©, et mĂȘme Ă la lui abandonner Ă un prix peu Ă©levĂ©. On ne peut pas faire une semblable supposition Ă lâĂ©gard du possesseur de bonne foi. Au surplus, en expliquant ici ce que nous avons dĂ©jĂ Ă©noncĂ©, n° 131, p. 734, le possesseur de bonne foi nous paraĂźt nâavoir pas droit aux intĂ©rĂȘts des sommes employĂ©es aux impenses, puisquâil conserve les fruits, non- seulement de lâimmeuble dans son Ă©tat primitif, mais encore des augmentations et amĂ©liorations ; que si, comme cela arrive assez souvent, lâaccroissement de revenu est infĂ©rieur Ă lâintĂ©rĂȘt du capital employĂ© Ă les payer, par exemple dâun produit de 3 p. 100, il ne pourra exiger un supplĂ©ment dâintĂ©rĂȘt de 2 p. 100, par argument tirĂ© des lois romaines et de lâart. 555 du Code civ., qui ne lui donnent droit quâĂ la plus-value; quâil aura droit aux intĂ©rĂȘts Ă partir de lâaction pĂ©titoire, parce que les fruits cessent alors de lui appartenir ; mais que le vrai propriĂ©taire aura le choix ou de lui payer lâintĂ©rĂȘt au taux lĂ©gal ou de le rĂ©duire Ă celui reprĂ©sentĂ© par lâaugmentation de produit des amĂ©liorations, et sans que le possesseur ait la rĂ©ciprocitĂ© de ce choix. Quant au possesseur de mauvaise foi, il a droit aux intĂ©rĂȘts de ses dĂ©penses puisquâil restitue les fruits; mais ces intĂ©rĂȘts ne peuvent jamais, suivant nous, excĂ©der la valeur des fruits quâelles produisent; le vrai propriĂ©taire aura le choix comme dans lâhypothĂšse prĂ©cĂ©dente entre le taux lĂ©gal, si le produit dĂ©passait ce taux, et ce produit lui-mĂȘme et sauf ce qui est dit p. 753, 75Zi. La mĂȘme observation sâappliquerait aux fruits perçus depuis lâaction. Dâailleurs, ni le possesseur de mauvaise foi, ni le possesseur de bonne foi nâauraient droit au remboursement des impenses dâaugmentations ou dâamĂ©liorations, constructions, plantations et ouvrages, si ces travaux avaient pĂ©ri avant lâaction pĂ©titoire ou avant la restitution. La perte de ces additions, lors mĂȘme que la chose principale subsisterait, retomberait sur eux. La dĂ©cision textuelle, comme l'esprit de nos lois françaises nâobligent le vĂ©ritable propriĂ©taire Ă tenir compte des impenses quâautant quâil en profite, et quâon lui livre la chose qui â 737 â est rĂ©sultĂ©e de ces impenses. La dĂ©cision de la loi 38, ff. de lier. p. ne serait donc pas admise parmi nous. 13/i o4l ' s La plus-value dont le propriĂ©taire est obligĂ© de tenir compte au possesseur quâil Ă©vince, se calcule sur la valeur des choses, non pas au moment oĂč les travaux ont eu lieu, non pas mĂȘme au moment oĂč lâaction pĂ©tiâ toire a Ă©tĂ© intentĂ©e, mais au jour oĂč le dĂ©laissement de lâimmeuble est rĂ©ellement opĂ©rĂ©; car il ne doit compte que de ce dont il profite. Il lui est seulement interdit de sâenrichir aux dĂ©pens dâautrui; or, lâimportance delĂ plus-value peut varier, et il est sensible que le propriĂ©taire nâest mis Ă mĂȘme dâen profiter que lorsquâil rentre en possession de son immeuble. CâĂ©tait le sentiment de Pothier, qui, dans son TraitĂ© de la Revendication, n° 346, enseignait que le possesseur ne devait ĂȘtre remboursĂ© de ses impenses que jusquâĂ concurrence de ce que la chose se trouvait en ĂȘtre augmentĂ©e de valeur au temps du dĂ©lai piil en devait faire; de l'Annotateur de Bourjon, t. II, p. ol/i, qui dit que ce remboursement nâest dĂ» au possesseur de mauvaise foi que suivant la valeur rĂ©elle des impenses lors de la rĂ©intĂ©grande, et conformĂ©ment Ă la disposition de droit, quatenus dominus factus est locupletior tempore recnperat-ionis suĆ, ce qui est, ajoute-t-il, conforme Ă lâusage, et au droit commun du royaume; » des auteurs du Nouveau Denizart, V° AmĂ©liorations, § 4, n° 3, suivant lesquels le propriĂ©taire, rentrant dans son hĂ©ritage, ne profite quâautant que sa chose se trouve ĂȘtre dâun revenu et dâun prix plus considĂ©rable par les dĂ©penses que le possesseur y a faites ; quâen consĂ©quence, il ne doit ĂȘtre obligĂ© au remboursement que jusquâĂ cette concurrence, quand mĂȘme le possesseur aurait dĂ©boursĂ© davantage. » â 758 â Câest aussi la dĂ©cision dâun arrĂȘt de cassation de la chambre civile, du 13 fĂ©vrier 1844, intervenu sur le pourvoi du sieur de Brivazac *, qui, bien que rendu sur une action en rescision dâune vente consentie pendant le cours du papier-monnaie, par application de la loi spĂ©ciale du 19 florĂ©al an vi, nâen est pas moins motivĂ© dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, et consacre un principe applicable Ă toutes les affaires analogues ; on y lit en effet que la plus-value ne peut Ă©videmment consister que dans lâaugmentation de valeur dont le vendeur profite, et doit consister dans cette augmentation; que peu importe au vendeur que le dĂ©tenteur de la propriĂ©tĂ© dans laquelle il est rĂ©intĂ©grĂ© ait, Ă une Ă©poque antĂ©rieure, confĂ©rĂ© une plus-value Ă cette propriĂ©tĂ©, si cette plus- value nâexiste plus, lors de la rentrĂ©e du vendeur en possession ; que lui imposer lâobligation de rembourser une plus-value, qui nâexiste plus, ce serait lui imposer une perte Ă laquelle aucune loi ne lâassujettit. » On lit encore dans cet arrĂȘt que le vendeur ne peut sâenrichir aux dĂ©pens dâautrui, et profiter au prĂ©judice de lâacquĂ©reĂŒr de la plus-value confĂ©rĂ©e par celui-ci Ă lâimmeuble, depuis la demande en rescision, jusquâau dĂ©laissement effectif ; que lâart. 6 de la loi du 19 florĂ©al an vi, consacre en faveur de lâacquĂ©reur un vĂ©ritable droit de rĂ©tention jusquâĂ ce quâil soit pleinement dĂ©sintĂ©ressĂ©. » Les dĂ©cisions contenues dans ces deux derniers motifs sont conformes aux principes par nous dĂ©veloppĂ©s, p. 686, 739. Le possesseur de mauvaise foi ayant droit comme celui qui est de bonne foi, au remboursement des * Devil. et Car. 1844-1-217. impenses, sauf le mode plus ou moins avantageux de dĂ©dommagement, lâindemnitĂ© doit comprendre Ă©videmment les impenses postĂ©rieures Ă lâaction. Le droit de rĂ©tention, consacrĂ© par lâordonnance de 1667, plus anciennement par lâart. 97 de lâordonnance de 1539, par lâart. 52 de lâordonnance de Moulins de 1566, et qui avait comme nous lâavons vu p. 721, son origine dans les lois romaines, nâa pas Ă©tĂ© reproduit par notre nouvelle lĂ©gislation. Les art. 549, 55A, 555 y sont plus contraires que favorables. Si la Cour de cassation, par son arrĂȘt prĂ©cité» en a reconnu lâexistence, câest dans une matiĂšre spĂ©ciale, et en vertu de la disposition exceptionnelle et expresse, contenue dans lâart. 6 de la loi du 19 florĂ©al an vi. Nous persistons donc Ă penser quâen rĂšgle gĂ©nĂ©rale le droit de rĂ©tention nâexiste plus dans notre lĂ©gislation, et ne peut avoir lieu que par exception, dans les seuls cas oĂč nos lois lâont expressĂ©ment accordĂ©. Un tel droit est incompatible avec celui de propriĂ©tĂ©, qui consiste Ă pouvoir jouir et disposer de la chose de la maniĂšre la plus absolue, Ă moins que des lois ou rĂšglements nây apportent quelque modification ; modification qui doit ĂȘtre expresse. Art. 5M, Code NapolĂ©on. Autrefois un pareil droit Ă©tait Ă©tabli en termes gĂ©nĂ©raux, et malgrĂ© cela Pothier, Loyseau avouaient quâil ne pouvait ĂȘtre admis en faveur de lâacquĂ©reur qui, aprĂšs avoir fait des amĂ©liorations, Ă©tait forcĂ© de dĂ©laisser lâimmeuble par suite de lâaction hypothĂ©caire. On est bien forcĂ© de reconnaĂźtre quâil en serait de mĂȘme aujourdâhui; V. Grenier, des HypothĂšques, t. II, n° 336; Dalloz, RĂ©pert. Y 0 HypothĂšque, chap. 2, sect. 6, art. 3, n° 2; Troplong, des HypothĂšques, t. III, n° 836. Le possesseur nâa quâun simple droit de crĂ©ance qui ne peut devenir privilĂ©giĂ©e que â 760 â dans le cas et avec les formalitĂ©s de lâart. 2103 du Code. On a encore reconnu, et la Cour de cassation a jugĂ©, le 12 mai 18/0, que lâacquĂ©reur dâun bien dotal ne pourrait pas non plus retenir cet immeuble ; il en faudrait dire autant pour des biens de mineurs, pour ceux appartenant Ă lâEtat, Ă des dĂ©partements et communes indĂ»ment possĂ©dĂ©s par des tiers qui y auraient fait des impenses. Ce sont lĂ les raisons qui ont empĂȘchĂ© nos lĂ©gislateurs modernes de reproduire les dispositions de lâancien droit. Nous ajouterons en terminant que les tribunaux nâont pas la facultĂ© discrĂ©tionnaire dâautoriser ou de refuser la rĂ©tention de lâimmeuble; quâils ne peuvent lâadmettre que dans les cas prĂ©vus par nos lois ; que la Cour de cassation, loin dâannuler les arrĂȘts qui refuseraient la rĂ©tention dans tous les autres cas, rejetterait les pourvois et casserait au contraire si la rĂ©tention avait Ă©tĂ© accordĂ©e. Maintenant, de quelle maniĂšre faut-il dĂ©terminer le chiffre de lâaugmentation, ou, comme dit lâart. 555, la somme Ă©gale Ă celle dont le fonds a augmentĂ© de valeur? apprĂ©ciera-t-on la valeur vĂ©nale pour le cas oĂč le propriĂ©taire voudrait vendre la chose, ou bien la valeur intrinsĂšque et utile ajoutĂ©e Ă la propriĂ©tĂ©? Il est des cas oĂč le propriĂ©taire ne veut pas vendre, oĂč la chose nâest pas susceptible dâĂȘtre vendue et ne produit pas de revenus. Les auteurs du Nouveau Denizart, loco cilato, disent que lâon nomme amĂ©liorations les dĂ©penses qui augmentent pour ainsi dire Ă perpĂ©tuitĂ© la valeur et le prix du fonds sur lequel elles sont faites; quâen gĂ©nĂ©ral lâestimation des amĂ©liorations est laissĂ©e Ă la prudence du juge qui doit la dĂ©terminer suivant les circonstances. â 761 BornĂąt, Bourjon, Pothier enseignent une doctrine Ă©quivalente; et la Cour de cassation a jugĂ©, le 2G juillet 1838, affaire Forbin Janson, dans laquelle il sâagissait de constructions faites au mont ValĂ©rien, maison religieuse destinĂ©e de tout temps Ă . un service public, et non susceptible dâĂȘtre mise dans le commerce, que la plus-value Ă rembourser au tiers de bonne foi qui avait fait ces constructions devait consister dans la valeur intrinsĂšque et utile, ajoutĂ©e Ă la propriĂ©tĂ©, et non pas seulement dans la valeur vĂ©nale. LâapprĂ©ciation de lâaugmentation de valeur dĂ©pend donc des circonstances et est abandonnĂ©e Ă la conscience des magistrats. Mais lorsque le vĂ©ritable propriĂ©taire opte pour le payement de la valeur des matĂ©riaux et du prix de la main-dâĆuvre, ou quâil est forcĂ© par la loi de payer cette valeur, doit-elle ĂȘtre calculĂ©e Ă lâĂ©poque du dĂ©laissement de lâimmeuble ou bien Ă celle des travaux? La question nâest pas sans importance, puisque cette valeur peut ĂȘtre fort diffĂ©rente Ă lâune ou Ă lâautre Ă©poque. Nous pensons que dâaprĂšs le principe, que nul ne doit sâenrichir aux dĂ©pens dâautrui, et que tout ce Ă quoi peut prĂ©tendre le possesseur, câest de ne pas perdre, on doit tenir compte Ă ce possesseur de ce quâil a rĂ©ellement dĂ©pensĂ©; rien dĂ©plus, rien de moins; que si cette solution peut prĂ©senter quelques inconvĂ©nients pour le vĂ©ritable propriĂ©taire, ces inconvĂ©nients se trouveront en grande partie attĂ©nuĂ©s par le droit accordĂ© Ă ce propriĂ©taire lorsque le possesseur est de bonne foi, dâopter entre la plus-value et le prix de la main-dâĆuvre et des matĂ©riaux, et la facultĂ© accordĂ©e lorsque le possesseur est de mauvaise foi, de contraindre celui-ci Ă enlever ses travaux, avec obligation de remettre les lieux dans leur â 7G2 â ancien Ă©tat, et mĂȘme de supporter des dommages-intĂ©rĂȘts. 13 h attr II est Ă©vident que les dispositions de lâart. 555 ne sont pas applicables aux cas oĂč les constructions, plantations, etc., ont eu lieu, soit par un mandataire, soit par un negotiorum gestor; dans lâun et lâautre cas, ils ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s pour le compte du vĂ©ritable propriĂ©taire ; on peut dire quâil est censĂ© les avoir faits lui-mĂȘme, ou du moins quâil les a fait faire; et il y a lieu alors dâappliquer les art. 1375 sur la gestion dâaffaires, les articles 1908, 1999, 2000, 2001 et 2002 sur le mandat. Nous pensons que lâart. 555, surtout en ce qui concerne le droit dâobliger le possesseur de mauvĂąUe foi Ă lâenlĂšvement des travaux, avec rĂ©tablissement des lieux dans leur ancien Ă©tat et dommages-intĂ©rĂȘts, est Ă©galement inapplicable, ou du moins nâest susceptible dâapplication quâavec de certaines modifications, lorsquâil sâagit de travaux ou plantations faits par un copropriĂ©taire par indivis, un communiste, un cohĂ©ritier, un tiers dĂ©tenteur, poursuivi en dĂ©laissement par des crĂ©anciers hypothĂ©caires, par un associĂ©. Il existe Ă lâĂ©gard de toutes ces personnes des rĂšgles spĂ©ciales Ă©tablies par nos lois, dont il serait trop long de reproduire ici les dispositions, et quâil faut combiner avec les principes posĂ©s par le lĂ©gislateur dans lâart. 555 , lequel a surtout en vue un tiers qui possĂšde et agit comme propriĂ©taire, sans avoir cependant aucun droit Ă lâimineuble, objet des impenses. Cour de cassation, 13 dĂ©cembre 1830, 14 janvier 1835, 17 juillet 1848, 29 mars et 14 avril 1852. Mais cet art. 555 serait applicable au fermier, au locataire, sauf ce que nous avons dit, p. 777, au sĂ©questre, Ă lâantichrĂ©siste, Ă lâemphytĂ©ote, Ă moins qu'il nâexistĂąt â 763 â des conventions particuliĂšres qui dĂ©rogeassent aux prescriptions lĂ©gales. Les stipulations feraient alors la loi des parties. Cour de cassation, 1 er juillet 1851. Il importe mĂŽme de remarquer que les dispositions de cet article supposent des travaux qui peuvent ĂȘtre enlevĂ©s, et que pour ceux qui ne pourraient pas lâĂȘtre, mais qui auraient apportĂ© Ă la chose une grande amĂ©lioration, les juges pourraient adoucir la rigueur du principe par un tempĂ©rament dâĂ©quitĂ©. NĂ©anmoins, le possesseur dâune succession, qui aurait fait des constructions et autres impenses sur un immeuble quâil aurait payĂ© avec des deniers de la succession, mais quâil aurait achetĂ© en son nom au lieu de dĂ©clarer que lâacquisition Ă©tait pour le compte de lâhĂ©rĂ©ditĂ©, ou quâil aurait acquis Ă©galement en son nom par Ă©change contre un immeuble de cette hĂ©rĂ©ditĂ©, ne pourrait se dĂ©sister de sa qualitĂ© de propriĂ©taire contre la volontĂ© des hĂ©ritiers et faire considĂ©rer lâimmeuble comme Ă©tant la propriĂ©tĂ© de ceux-ci, prĂ©tendre enfin Ă la rĂ©tention des fruits, au remboursement des impenses; dĂšs que le contrat serait passĂ© en son nom, lui seul serait bien rĂ©ellement propriĂ©taire de lâimmeuble qui en aurait Ă©tĂ© lâobjet ; les hĂ©ritiers pourraient seulement, comme nous lâavons dit, p. 58/i, pour un cas analogue, exiger le remboursement en capital et accessoires des sommes puisĂ©es dans la caisse hĂ©rĂ©ditaire, ou revendiquer lâimmeuble donnĂ© en contre-Ă©change; la loi 25, ff. de Her. pet., dĂ©cidait la question dans notre sens, pour le cas dâacquisition avec des deniers de la succession. Nous donnerions une solution identique, dans le cas oĂč lâacquĂ©reur serait non un simple possesseur partiel de lâhĂ©rĂ©ditĂ©, mais bien rĂ©ellement un cohĂ©ritier, un so- â T 267. â Actions civiles et correctionnelles auxquelles elles donnent lieu, 267, 268. â Distance Ă laquelle elles doivent ĂȘtre plantĂ©es du fonds voisin, 270 Ă 281. â Quand le fonds intermĂ©diaire est un chemin public, un ruisseau, un acqueduc, ibid. â Ou quâil y a prescription, ibid. et 633. â Voy. Chemins. halace. â Voy. Chemins. ET marchĂ©s. â Voy. Communes. hĂ©rĂ©ditĂ©. â PĂ©tition dâhĂ©rĂ©ditĂ©. âCe que câest, 541, 518, 553, 616, 617, 677, 678. hĂ©ritiers. â LĂ©gitime, bĂ©nĂ©ficiaire, apparent, peuvent intenter les actions pĂ©tiloires ou possessoires et y dĂ©fendre, 424, 425, 660, 664. â Voy. HĂ©rĂ©ditĂ©. hospices. â Actions pĂ©tiloires et possessoires qui les intĂ©ressent, 452, 659. â Voy. Communes. â 789 â I ILES. â Voy. Alluvion, Eaux. impenses. â Ce que câest, 720. â En droit romain. Le dĂ©fendeur Ă©vincĂ© pouvait retenir l'immeuble jusquâĂ remboursement des impenses; il en Ă©tait de mĂȘme en France sous lâordonnance de 1667, 686, 687, 721 ; â mais il en est autrement en gĂ©nĂ©ral aujourdâhui, ibid. et 759. â Exceptions, ibid. â Dispositions du droit romain sur les impenses, 721 Ă 729. â Distinction entre le possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi, et entre les impenses nĂ©cessaires utiles ou voluptuaires, 731, 755.â Dispositions du droit français sur les impenses, 729, 732. â Le Gode NapolĂ©on distingue aussi entre le possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi, 729. â Mais il ne distingue pas en gĂ©nĂ©ral entre les diverses impenses, nĂ©cessaires, utiles ou voluptuaires; celles-ci peuvent ĂȘtre utiles, 750, 755 Ă 738, 779. â Distingue entre les impenses qui sont charges des fruits et les autres, 750, 751. â Possesseur do bonne foi nâa pas droit aux premiĂšres, puisqu'il conserve les fruits, 731.â A droit au remboursement des capitaux par lui payĂ©s et. des intĂ©rĂȘts, ibid. â Tous travaux exĂ©cutĂ©s sur ou sous un fonds sont censĂ©s faits par le propriĂ©taire Ă ses frais, et lui appartenir jusquâĂ preuve contraire, 755, 769. â Les impenses se compensent avec les fruits acquis au possesseur de bonne foi, 758 Ă 741, 747 Ă 757. â Les bĂ©nĂ©fices obtenus par le talent et lâintelligence ne sont pas des fruits rapporta- bles et compensables, 740, 741. â Les tribunaux peuvent suivant les circonstances accorder dĂ©lai pour le payement des impenses, mais non les convertir en rente, 764. immeubles. â Ceux qui le sont par leur nature, leur destination et lâobjet auquel ils sâappliquent donnent lieu Ă lâaction possessoire, 227 et suiv., 258 et suiv. â 11 en est de mĂȘme de ceux qui ont Ă©tĂ© ameublis par stipulation, 248 et suiv. â Voy. Actions pĂ©liloires. imputation par ĂCHELETTE. â Voy. Fruits, Impenses, IntĂ©rĂȘts. inondation. â Voy. Possession. interdits inlerdicla. â Ce que câĂ©tait en droit romain, et leurs ditĂŻĂ©rentes espĂšces, 5 Ă 9. â Voy. Actions possessoires. interdits. â AssimilĂ©s aux mineurs, 425, 426. interruption. â Voy. Possession. INTERVENTION, 469, 470. interversion de titres. â Ce que câest, et dans quel cas a lieu, 153 Ă 141. intĂ©rĂȘts. â Ne sont dus par le possesseur de bonne foi que pour les fruits Ă©chus depuis lâaction, 712 â mais le possesseur de mauvaise foi en doit pour les fruits antĂ©rieurs en gĂ©nĂ©ral Ă compter de lâaction, et quelquefois Ă partir dâune Ă©poque plus ancienne, 712. â Des fruits, des choses sujettes Ă rapport ou excĂ©dant la portion â 790 â disponible 713. â IntĂ©rĂȘts courent avant la liquidation des fruits, 715 A 716. â Il nâest pas dĂ» d'intĂ©rĂȘts des intĂ©rĂȘts de fruits, 716 h 718. â IntĂ©rĂȘts dâun trĂ©sor. Voy. ce mol .â IntĂ©rĂȘts des impenses. Dans quels cas en est-il dĂ», 753 Ă 769. â Des dĂ©gradations ou destructions, 769 Ă 776. â Comment se calculent et se compensent avec les impenses ou les dĂ©gradations, 775 Ă 775. inviolabilitĂ© de la propriĂ©tĂ©.â Celte inviolabilitĂ© existe Ă lâĂ©gard de toutes les propriĂ©tĂ©s grandes ou petites, de toutes les personnes et de toutes les autoritĂ©s, 767, 768. â Paroles de NapolĂ©on, Bossuet, FĂ©nelon, 768, 769. â TraitĂ© de M. Troplong. J juge de paix. â Celui de la situation de lâobjet litigieux ou autre choisi par les parties, est seul compĂ©tent pour prononcer sur les actions possessoires, 419 Ă 423. â Ne connaĂźt jamais des actions pĂ©liloires quelque minime quâen soit la valeur, 632. jugement au possessoire, 471 A 474. â Quand est en dernier ressort, 475, 6 !2, Ă 654 â Quels sont ses effets, 483 Ă 495. â Doit ĂȘtre entiĂšrement exĂ©cutĂ© par le dĂ©fendeur qui a succombĂ© avant quâil se pourvoie au pĂ©titoire, 488, 489, 6U0 Ă 607. âAu pĂ©tiloire, 684.â Comment sâexĂ©cute, 684 A 687.â Ses effets, ibid. L labours. â Voy. Impenses. lĂ©gitimitĂ© Ătat de. â Ne donne lieu Ă lâaction possessoire, 408. liquidation de fruits, impenses, amĂ©liorations, dĂ©gradations.â Voyez ces mois. liste civile. â Voy. Commerce, Possession. M main-dâOeuvre. â Voy. Impenses, MatĂ©riaux. majorĂąt. â Voy. Commerce, Possession. marais. â DessĂšchement, 350 Ă 353, ibid. â RĂšgles de compĂ©tence. Cas dâaction possessoire, ibid. mari. â Fxerce les actions pĂ©titoires et possessoires des biens de la communautĂ© et de sa femme, 427, 428, 658. matĂ©riaux. â A quelle Ă©poque faut-il se reporter pour estimer la valeur des matĂ©riaux et de la main-dâĆuvre? 761.âEst-ce 5 lâĂ©poque delĂ confection des travaux ou Ă celle de lâaction pĂ©titoire? ibid .â Les matĂ©riaux employĂ©s par le propriĂ©taire de I immeuble et par un tiers, et incorporĂ©s rĂ©ellement Ă cet immeuble, ne peuvent ĂȘtre â 791 revendiquĂ©s par celui Ă qui ils appartenaient quel que soit le pro- 1 iiĂ©taire des matĂ©riaux ou du fonds, mĂȘme en cas de convention contraire ou de vente de bĂątiment pour ĂȘtre dĂ©moli, 765, 766.â Exception pour le cas de dĂ©molition volontaire ou accidentelle, 767. meubles. â Lâaction possessoire nâest pas admise pour meubles isolĂ©s ou universalitĂ© de meubles, 233 Ă 238, â ni pour les actions Ăźle la banque, des canaux, ou les renies sur lâĂtat immobilisĂ©es, 232,233. â lien est de mĂȘme relativement aux actions pĂ©ti- toires, 541, 550, 551, 565, 567, 585, 586, 656, â mĂȘme quant aux meubles devenus immeubles par destination, Ă moins qu'ils ne soient demandĂ©s avec lâimmeuble rĂ©el, 656 ; â mais il en serait dilĂŻĂ©remment pour les meubles devenus immeubles par incorporation, modification, ibid. â Les principes sur la possession et la bonne foi en matiĂšre de droit sur des meubles diffĂ©rent de ceux relatifs aux immeubles, 770 en note. >t eu us. â Actions possessoires qui les intĂ©ressent. Par qui soutenues en demandant et en dĂ©fendant, 425, 426, 427. mines. â Leur dĂ©finition, 353. â Droits et actions qui en rĂ©sultent, 353 Ă 356. â Action possessoire, 356, 764. moĂ»t civile. â Ceux qui en sont frappĂ©s ne peuvent intenter lâaction possessoire, 428. â Exception, ibid. â Mort civile ne commence que du jour de lâexĂ©cution de la condamnation, 428, 429. murs. â Quand mitoyens, 281, 282. â Quand il y a prescription contraire, 284, 285. â Aucune restriction pour lâĂ©lĂ©vation ni la distance, 282, 283. â Dans quels cas, il peut y avoir lieu Ă lâaction possessoire, 286, 287, 534.â Effets du jugement de maintenue en possession annale, 287, 633. N nĂšgres. â Voy. Esclaves. .nouvel OEUVRE. â Voy. DĂ©nonciation de nouvel Ćuvre. O offices. â Ne donnent plus lieu Ă lâaction possessoire, 407. ouvrages. â Voy. Impenses. P pacage. â Sa nature, ses diffĂ©rentes espĂšces. Actions auxquelles il donne lieu, 527, 528, 535. passage. â A titre de propriĂ©tĂ©, 684, en note. â Comme servitude. â Voy. Servitudes. patouillet. â Voy. Eaux. â 792 â pĂ©age. â Ne donne lieu Ă la complainte, 412. pĂȘche. â Le droit de pĂȘche ne peu! ĂȘtre acquis par prescription, ni donner lieu Ă la complainte, lors mĂȘme quâil est fondĂ© sur un titre, 414. 415. â Mai? le propriĂ©taire du fonds, troublĂ© par un fait de pĂȘche, peut lâintenter, ibid. pente des cours d'eau. â A qui elle appartient, 325, 326.â Voy. Eaux. pĂ©titoire. â Ne peut ĂȘtre cumulĂ© avec le possessoire, 575, 576. â Voy. Actions pĂ©tiloircs, Actions possessoires. plus-value. â En quoi elle consiste, et comment elle se calcule suivant les diverses espĂšces dâimmeubles, 757 Ă 761. â Doit ĂȘtre fixĂ©e dâaprĂšs la valeur Ă lâĂ©poque du dĂ©laissement, ibid. possession. â Ce que câest, 2. â DiffĂšre de la propriĂ©tĂ©, ibid .â Ne suffit pas au demandeur, au pĂ©titoire, Ă moins quâelle ne constitue prescription, 623 Ă 627. â Comment sâacquiert et se conserve, 144 Ă 147. â Nature et durĂ©e de celle requise pour la rĂ©in- tĂ©grande, 44 et suiv. â Pour les autres actions possessoires, 78 Ă 110.â PrĂ©caire, non prĂ©caire. Ce que câest, 113 Ă 126. â De bonne et mauvaise foi. Ce que câest, et quand la bonne foi est nĂ©cessaire, 126 Ă 14t. â Cas dans lesquels la bonne et mauvaise foi nuisent ou profitent aux successeurs, 133 Ă 141. â Continue, non interrompue, non suspendue, 141 Ă 157. â Comment on entend la possession annale de choses dont on nâuse que par intervalles. 146 Ă 156. â Paisible et non paisible ou troublĂ©e. â Ce que câest, 157 Ă 184. â Publique. Ce que câest, 184 Ă 191. â Doit ĂȘtre telle pendant lâannĂ©e antĂ©rieure au trouble, 189 Ă 191. â Non Ă©quivoque et Ă titre de propriĂ©taire, 191, 192, 193. â De tolĂ©rance et de simple facultĂ©. Ce que câest, 193 Ă 198. â Violente. Ce que câest, 198. â Quand la violence cesse, 198 Ă 208. â A qui nuit- elle, 205. possession de choses qui sont dans le commerce et prescriptibles, 208 et suiv., 576. possession nĂ©cessaire pour acquĂ©rir des droits sur les eaux, 309. â QualitĂ©s et conditions de la possession sont absolues et non relatives, 90, 206, 270. â Exception, 185, 207, 208. possession relative aux servitudes, 565, 566. possessoire. â Ne doit pas ĂȘtre cumulĂ© avec le pĂ©titoire, 450, 451, 452. â Voy. Cumul. prĂ©caire. â Voy. Possession. prescription. â Est un moyen dâacquĂ©rir la propriĂ©tĂ© des immeubles mĂȘme des souterrains et des superficies, 587, 589, 594, 595, 616, 617, 618, 666, 769. Il y en a de deux sortes lânne de dix ans entre prĂ©sents, vingt ans entre absents avec litre et bonne foi, 594, 595. â Lâautre de trente ans sans litre ni bonne foi, 594. â Quelquefois la premiĂšre est acquise et le vĂ©ritable propriĂ©taire est sans action conire le possesseur ; mais la derniĂšre ne lâest pas et il a action contre lâauteur de celui-ci, 709. â Effets de cette action, â 793 â 710.â Les choses du domaine de lâEtat sont imprescriptibles tant quâelles demeurent affectĂ©es au service public, 377, 593. â Mais elles peuvent devenir prescriptibles, 633. â Prescription de cinq ans, inapplicable Ă la restitution des fruits, 708, 709. â Au payement des indemnitĂ©s pour prĂ©judice causĂ© par les dĂ©gradations, 773. prĂ©somptions. â Voy. Preuve. preuve. â Le demandeur au pĂ©liloire ne peut rĂ©ussir quâen prouvant sa propriĂ©tĂ© Ă la chose ou au droit foncier immobilier qui fait lâobjet de son action, 383, 607 Ă fil 1. â Divers modes de preuve, et dispositions du Code civil Ă ce sujet, 611 Ă 617. â DĂ©veloppements, 616, 617. â Preuve littĂ©rale ou par titres est la principale, 616. â Comprend la preuve de la propriĂ©tĂ© non-seulement dans la personne du demandeur, mais mĂŽme dans celle de ses vendeurs, tant que la prescription nâest pas acquise, 618, 619. â En gĂ©nĂ©ral, la propriĂ©tĂ© doit ĂȘtre prouvĂ©e par litre, il lâexclusion de la preuve testimoniale et de celle par prĂ©somptions, 617 il 617. â Exceptions, admission de la preuve testimoniale et des prĂ©somptions, dans quels cas, ibid. â Ces divers modes de preuve admissibles pour Ă©tablir l'acquisition des souterrains et superficies, et par qui et aux frais do qui des travaux ont Ă©tĂ© faits, 769. procĂ©dure. â Sur les actions pĂ©litoires, 630. â PrĂ©liminaires de conciliation, juge de paix compĂ©tent, ibid. â DĂ©pĂŽt de mĂ©moire dans les affaires de lâEtal, des dĂ©partements, des communes, dans quels cas, 630 Ă 332 ; â FormalitĂ©s le l'ajournement, 661. â Tribunal devant lequel l'ajournement doit ĂȘtre donnĂ©, 632 Ă 637. â Par qui et contre qui les actions doivent-elles ĂȘtre dirigĂ©es, 637 il 661. â Moyens du dĂ©fendeur, aveu ou dĂ©nĂ©gation, cessation ou acquisition de possession, 663 Ă 663. â Sur les actions posses- soircs. â FormalitĂ©s antĂ©rieures Ă la comparution devant le juge de paix, 319 et suiv. â FormalitĂ©s dans le cours de lâinstance devant ce juge, 339 Ă 370. propriĂ©tĂ©. â En quoi diffĂšre de la possession, 2, 333, 380. â Son origine et son importance, 333, 380 Ă 583. Ses caractĂšres, ses avantages et ses effets, ibid et 687. â Nâa de valeur que par la possession et par les fruits quâelle produit, 687. â Dispositions du Code NapolĂ©on et du Code proc. sur les diffĂ©rents modes dâacquisition de la propriĂ©tĂ© et ses consĂ©quences, 587 Ă 593. â PropriĂ©tĂ© en AlgĂ©rie et dans les colonies, 593 Ă 598. â On nâest pas propriĂ©taire dâune chose, et lâon nâa pas droit de la revendiquer, par cela seul quâelle a Ă©tĂ© achetĂ©e de nos deniers, ou des deniers dâune succession par un mandataire, dĂ©positaire ou cohĂ©ritier, si lâacquisition nâest pas faite en notre nom ou au nom de la succession, 583, 583,762. â PropriĂ©tĂ© imparfaite, rĂ©soluble, temporaire, peut autoriser lâaction pĂ©liloire, 583. â Cette action peut avoir lieu pour la partie de la chose qui n'a pas pĂ©ri, ibid .âLa preuve de la propriĂ©tĂ© est Ă la charge du demandeur au pĂ©liloire, 607 a 611,618, 623, 668. â DiffĂ©rents modes de preuve de la propriĂ©tĂ©, 611.â Disposition du Code NapolĂ©on Ă ce sujet, 611 Ă 616. â PropriĂ©tĂ© doit exister non-seulement au moment de lâaction, mais encore au moment de la dĂ©cision, 665. â Si le demandeur, nâĂ©tant pas propriĂ©taire lors de lâaction, lâĂ©tait devenu lors
Beaucoup de femmes se demandent aprĂšs avoir donnĂ© naissance Ă un bĂ©bĂ© si câest possible de tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement, juste aprĂšs le retour des rĂšgles. Bien que plusieurs femmes craignent le fait de retomber enceinte rapidement suite Ă un accouchement et donner naissance Ă un deuxiĂšme enfant, on remarque que d'autres ont du mal Ă concevoir de nouveau malgrĂ© des essais rĂ©pĂ©titifs. Une grossesse peut-elle survenir directement aprĂšs un accouchement ? Quelles sont les consĂ©quences dâune telle grossesse sur la production du lait chez une femme allaitante ? Quels sont les risques dâune seconde grossesse qui survient juste aprĂšs lâaccouchement ? Quelles sont les mĂ©thodes possibles pour prĂ©venir une deuxiĂšme grossesse non planifiĂ©e ? Tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement les probabilitĂ©s chez la femme qui allaite Plusieurs femmes allaitantes refusent de prendre des contraceptifs car elles pensent que lâallaitement provoque Ă lui seul une baisse de fertilitĂ© et que ça sera presque impossible de tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement lorsquâon allaite. Cette idĂ©e nâest pas vraie Ă 100% parce que lâallaitement nâinhibe pas toujours lâovulation, donc câest tout Ă fait possible de concevoir de nouveau suite Ă un accouchement mĂȘme si on allaite au sein. En rĂ©alitĂ©, lâallaitement maternel peut prĂ©venir la survenue dâune grossesse indĂ©sirable seulement si certaines conditions sont respectĂ©es Ă savoir le bĂ©bĂ© est ĂągĂ© de moins de 6 mois, la femme allaite son bĂ©bĂ© jour et nuit, les rĂšgles sont encore absentes aprĂšs lâaccouchement. Selon les spĂ©cialistes de santĂ©, le nombre et la frĂ©quence des tĂ©tĂ©es favorisent ou empĂȘchent le retour du cycle chez la femme. Lâallaitement exclusif est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme un moyen de contraception car lâhormone de la lactation appelĂ©e prolactine, qui est secrĂ©tĂ©e par lâorganisme de la femme allaitante, empĂȘche la sĂ©crĂ©tion des hormones qui favorisent lâovulation. Selon les statistiques, 90% des femmes qui pratiquent lâallaitement exclusif ne tombent pas enceintes durant les 6 premiers mois qui suivent lâaccouchement Ă condition que les menstruations soient toujours absentes. Une femme qui allaite son nouveau-nĂ© jour et nuit Ă sa demande et entre 6 et 7 fois par jour, aura alors un minimum de chances de tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement. De toute façon, il est recommandĂ© de se fier Ă un moyen de contraception plus efficace que lâallaitement maternel pour empĂȘcher une grossesse si vous ne dĂ©sirez pas avoir le bonheur de tomber enceinte une seconde fois juste aprĂšs lâaccouchement. Tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement les probabilitĂ©s chez la femme qui nâallaite pas Une femme qui nâallaite pas au sein son petit aprĂšs quâelle ait accouchĂ© sĂ©crĂšte gĂ©nĂ©ralement des hormones qui favorisent lâovulation et le retour des rĂšgles. Par consĂ©quent, elle redevient fertile dans les 4 Ă 6 semaines aprĂšs lâaccouchement et sera capable de concevoir de nouveau. En outre, il faut signaler que les femmes ne se ressemblent pas. La fertilitĂ© peut alors ne pas revenir rapidement mĂȘme si la femme nâallaite pas au sein et le temps pour tomber enceinte de nouveau peut dans des cas trĂšs rares ĂȘtre plus long. Tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement quels sont les risques ? Si vous souhaitez faire une planification familiale et espacer les naissances, il est alors crucial de suivre certaines rĂšgles pour ne pas tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement. La reprise des contraceptifs est fortement recommandĂ©e que ce soit pour les femmes qui allaitent au sein ou qui utilisent les prĂ©parations infantiles pour nourrir leurs bĂ©bĂ©s. Il faut toutefois choisir une mĂ©thode de contraception qui sâadapte Ă la nouvelle situation, surtout lorsque vous allaitez au sein, pour bien vous protĂ©ger. Voici certains moyens contraceptifs disponibles les pilules contraceptives, les prĂ©servatifs, le stĂ©rilet, le diaphragme. Il est Ă signaler que la pose dâun stĂ©rilet se fait 4 semaines aprĂšs lâaccouchement par voie basse et 2 mois aprĂšs lâaccouchement par cĂ©sarienne. Durant la pĂ©riode qui suit lâaccouchement, il est conseillĂ© dâemployer une autre mĂ©thode contraceptive pour minimiser les risques. Lisez aussi Comment tomber enceinte dâune fille des astuces qui marchent Quand faut-il commencer Ă utiliser les contraceptifs pour ne pas tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement ? Bien que la prĂ©vision de la date de lâovulation reste une chose impossible, il sera mieux de commencer lâutilisation des contraceptifs dĂšs que possible. La fertilitĂ© de la femme qui nâallaite pas au sein peut revenir trĂšs tĂŽt aprĂšs lâaccouchement parce que lâovulation peut avoir lieu entre deux et trois semaines. Mais la prise des pilules contraceptives doit ĂȘtre reportĂ©e jusquâau retour des rĂšgles. Entre temps, il est recommandĂ© dâutiliser un autre moyen de contraception. Tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement y a-t-il des risques ? Durant la pĂ©riode de grossesse, lâorganisme subit Ă©normĂ©ment de changements et de modifications qui peuvent fatiguer la future maman. Plusieurs transformations physiques et physiologiques apparaissent pendant les mois de la grossesse comme la modification du volume utĂ©rin, lâaugmentation de la rĂ©sistance Ă lâinsuline, la dilatation des uretĂšres, lâaugmentation du volume sanguin, des modifications au niveau de lâappareil respiratoire, lâaugmentation du taux de triglycĂ©rides, etc. Ces changements ne sont pas permanents et tout revient dans lâordre aprĂšs lâaccouchement mais ça demande un peu de temps. Câest pour cette raison que les spĂ©cialistes recommandent dâattendre au moins 6 mois pour tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement. En ce qui concerne les femmes qui ont accouchĂ© par cĂ©sarienne, les experts conseillent dâattendre entre un an et un an et demi avant de tomber Ă nouveau enceintes parce que lâutĂ©rus doit se remettre avant la deuxiĂšme grossesse. Il faut aussi que la cicatrisation de lâutĂ©rus soit complĂšte avant de penser Ă concevoir. Pour les femmes allaitantes, il faut signaler que la production du lait chez la femme qui allaite peut baisser si elle tombe enceinte une deuxiĂšme fois aprĂšs un accouchement. Les hormones qui maintiennent la grossesse peuvent entrer en conflit avec la lactation et par la suite empĂȘcher la production du lait. Tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement comment le prĂ©venir naturellement ? Si pour une raison ou une autre, vous prĂ©fĂ©rez ne pas utiliser de moyens contraceptifs alors que vous ne dĂ©sirez pas tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement, vous devez alors prĂ©venir une Ă©ventuelle grossesse Ă lâaide de mĂ©thodes naturelles. Dans ce cas, Ă©vitez tout simplement les rapports sexuels pendant la pĂ©riode de fertilitĂ©. Vous pouvez la calculer en vous basant sur la durĂ©e de votre cycle menstruel. Sinon, demandez Ă votre conjoint dâĂ©jaculer Ă lâextĂ©rieur de votre vagin pour que son sperme nâentre pas en contact avec vos ovocytes. Tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement avec le miracle de la grossesse Vous essayez de tomber enceinte aprĂšs lâaccouchement mais quelque chose ne va pas ? Quâest-ce qui vous empĂȘche de retomber enceinte aprĂšs le retour du cycle normal ? Est-ce que les problĂšmes dâinfertilitĂ© peuvent apparaĂźtre aprĂšs lâaccouchement ? Vous voulez dĂ©couvrir les rĂ©ponses et parvenir Ă tomber enceinte une seconde fois aprĂšs lâaccouchement ? Consultez le fameux ouvrage de Lisa Olson Le Miracle De La Grossesse » pour vous renseigner sur les mĂ©thodes qui permettent dâavoir dâautres enfants directement aprĂšs lâaccouchement. Cliquez ici pour plus de dĂ©tails sur Le Miracle De La Grossesse !
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